TRAN Réunion de comité
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Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 14 novembre 2011
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Bienvenue à la 11e séance du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd'hui la stratégie nationale de transport en commun.
Nous accueillons aujourd'hui Florence Junca-Adenot, directrice, Forum URBA 2015, Université du Québec à Montréal.
Veuillez nous excuser de notre retard; c'est à cause des votes.
Je vais vous laisser présenter votre exposé et nous allons simplement surveiller l'heure pour savoir combien de temps nous avons pour poser nos questions. Allez-y.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée.
On m'a demandé de parler des enjeux entourant le transport collectif, du rôle du gouvernement du Canada et du financement, ce que je vais essayer de faire en 10 minutes.
À mon avis, le défi principal dans le domaine des transports est d'implanter dans les villes canadiennes ce qu'on appelle une mobilité urbaine durable, impliquant principalement les transports collectifs, pour créer les conditions qui permettront d'accroître la prospérité économique des villes et des provinces.
Pourquoi élargir l'enjeu jusqu'à la question du transport? C'est que cela implique de développer des milieux urbains et des modes de transport favorisant le déplacement efficace des personnes et des marchandises. Cela implique aussi de faire des choix efficaces en matière d'environnement, en matière de ressources non renouvelables, qui conduiront à une plus grande qualité de vie pour la population et à un meilleur environnement propice à attirer les entreprises et les investisseurs. Ce genre de débat n'a pas lieu seulement dans les villes canadiennes en ce moment, mais dans le monde entier. Il s'agit des conditions de réussite pour les villes au XXIe siècle.
Au coeur des enjeux urbains, il y a la question des transports collectifs. C'est une des grandes solutions aux cinq principaux défis urbains des prochaines années. Je vais citer l'exemple de la région de Montréal comme cas type, parce que c'est celui que je connais le mieux. Toutefois, on pourrait faire la même démonstration pour les autres villes canadiennes simplement en changeant les chiffres.
Le premier enjeu est d'ordre économique. Le développement économique passe par les métropoles, qui se font concurrence pour attirer des investissements et des investisseurs, se trouver des créneaux et survivre. Le coût actuel de la congestion urbaine est totalement affolant. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain établissait à 1,4 milliard de dollars par année les coûts relatifs à la perte d'heures de travail. Quant à elle, l'Association du camionnage du Québec évaluait à 30 p. 100 la baisse de l'efficacité du transport des marchandises dans la région de Montréal en septembre 2011.
À ces coûts de congestion s'ajoutent ceux du transport collectif, qui, de façon inverse, permet des économies pour les entreprises et les particuliers. La dépendance au pétrole, qui coûte cher, encourage le développement des transports collectifs. Au Québec, on dépense seulement 18 milliards de dollars pour le pétrole. Néanmoins, ce montant va augmenter avec la hausse du prix du pétrole, malgré tous les efforts qui pourraient être faits pour accroître l'efficacité énergétique. Ce sont toutes les provinces canadiennes, et pas seulement le Québec, qui doivent développer le créneau industriel des transports avancés, ce qui englobe les transports collectifs. C'est un secteur dans lequel on peut réussir et développer des axes industriels fort importants. Ainsi, sur le plan économique, tout milite en faveur du développement des transports collectifs.
Le deuxième enjeu est d'ordre environnemental. C'est une lapalissade que de dire que les gaz à effet de serre sont émis par le transport terrestre des personnes. Au Québec, c'est dans une proportion de 43 p. 100; dans les centres urbains, cela peut aller jusqu'à 50 p. 100 ou 60 p. 100. Ainsi, la lutte contre les changements climatiques et la prévention des problèmes de santé, des maladies et des accidents, ce n'est pas seulement un travail pour l'environnement. C'est aussi un travail pour la vie économique et pour la qualité de vie urbaine dont on a besoin pour attirer des gens et pour développer des villes en bonne santé.
Le troisième enjeu est d'ordre démographique. On est dans une période de stabilité démographique et de vieillissement de la population que traversent plus ou moins toutes les métropoles canadiennes. Disons que c'est plutôt frappant dans la région de Montréal. Un tel contexte va faire surgir des besoins différents sur le plan du logement. On voudra des habitations plus petites, plus proches des services. On verra les besoins en transport collectif et en transport adapté augmenter de façon majeure. Il faudra voir à une reconstitution des villes pour que les services soient établis à proximité des gens, alors qu'il y aura moins de contribuables pour assurer le financement de ces services accrus. Il faut réfléchir à ce genre de phénomène et trouver les bonnes solutions. Les transports collectifs font partie de la solution. Je vais citer des chiffres qui font toujours un peu peur: dans cinq ans, au Québec et dans la région de Montréal, les personnes de plus de 50 ans seront plus nombreuses que les personnes de moins de 30 ans. Il faudrait envisager les conséquences à venir.
Le quatrième enjeu touche le transport, évidemment. Contrer la congestion, c'est accroître l'accessibilité au lieu d'emploi, d'études ou de services, et faciliter le transport des marchandises, c'est soutenir la vitalité économique. Qu'est-ce que cela signifie?
Cela implique de remettre en question la stratégie routière et autoroutière dans les milieux urbains, de faire baisser le nombre d'automobiles en ville et de développer les services de transport collectif. La région de Montréal s'est fixé comme cible très importante de faire augmenter de 40 p. 100 l'achalandage des services de transport collectif d'ici à 2020 et de faire augmenter de cinq points les parts modales. Il importe également de favoriser les transports actifs que sont la marche et le vélo, et d'encourager le covoiturage. Il faut aussi encourager l'utilisation d'énergie propre pour le transport collectif et individuel, notamment en procédant à l'électrification, et faire évoluer le transport des marchandises. On ne parle pas beaucoup du transport des marchandises, mais il a aussi cours en ville. Il faut prévoir plus de centres de transbordement, favoriser l'intermodalité, changer les camions pour des trains et pour des camions plus petits.
Le cinquième enjeu, le dernier mais non le moindre, qui met aussi le transport collectif au centre des stratégies, est celui de l'aménagement. On ne peut pas travailler sur le transport collectif si on ne travaille pas sur la stratégie de développement des villes. L'étalement urbain est le plus grand agent de gaspillage — je dis bien « gaspillage » — de fonds publics et de services municipaux. Il est le plus grand générateur de congestion urbaine. Il augmente et allonge les déplacements en auto. C'est sans fin, et ça annule les efforts faits par le transport collectif.
Il faut donc du transport collectif, mais aussi des aménagements différents. Il faut recréer des quartiers multifonctionnels à échelle humaine, selon les principes du TOD. Il faut offrir des milieux de vie de qualité pour garder les familles et les aînés en ville, pour retenir les immigrants et la population, pour attirer des investisseurs et des entreprises, pour préserver les espaces bleus, verts et agricoles dont on aura besoin dans les prochaines années.
Voilà donc cinq enjeux qui posent la nécessité de développer les transports collectifs.
J'en arrive maintenant au rôle du gouvernement du Canada. Il faut prendre des moyens d'action intégrés. Il faut travailler à la fois à la révision des règles d'aménagement du territoire selon les modèles du TOD, à l'accroissement de l'offre des services de transport collectif et actif écologique, à une utilisation différente de l'auto en limitant son utilisation dans les centres urbains, et au financement du transport collectif sur une base régionale qui puisse renforcer la solidarité et engager les trois paliers de gouvernement.
Pour la seule région de Montréal, 23 milliards de dollars seront nécessaires, au cours des prochaines années, pour atteindre cette augmentation de 40 p. 100 de l'achalandage des transports collectifs. La moitié de ce montant doit servir seulement au remplacement des infrastructures de transport collectif, comme les vieux métros, les vieux trains, les vieilles stations, les vieilles gares, etc., et, évidemment, à l'application de mesures d'efficacité.
Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a un rôle à jouer dans le transport terrestre des personnes. J'ai déterminé six composantes possibles de ce rôle.
Premièrement, le gouvernement doit se doter d'une politique nationale des transports collectifs, arrimée à une politique d'aménagement urbain contrôlé et à une politique routière urbaine favorisant l'accroissement des transports collectifs accessibles dans les villes.
Deuxièmement, le gouvernement doit accroître le financement servant à renouveler et à développer les infrastructures de transport collectif.
Il y a cinq ans, le gouvernement a pris une bonne décision en imposant une taxe d'accise fédérale sur l'essence de 10 ¢ le litre, dont la moitié est retournée aux provinces pour financer les infrastructures municipales — notamment leur rénovation — et les infrastructures de transport collectif. Pour le transport collectif, cet effort était extrêmement important, et il a donné de très bons résultats. Il faudrait peut-être distribuer, de la même façon, la deuxième moitié de cette taxe aux provinces pour les infrastructures municipales, tout en gardant les transports collectifs dans la mire.
Le gouvernement doit donc élaborer un programme pour les infrastructures. Les infrastructures lourdes que sont les métros et les trains, c'est ce qui remplace maintenant les autoroutes et les routes en milieu urbain. En ce sens, il doit travailler à créer un nouveau programme tripartite pour les infrastructures, qui remplacerait Chantiers Canada. En fait, toutes les villes canadiennes font face aux mêmes problèmes lorsqu'il est temps de régénérer leurs infrastructures.
Troisièmement, le gouvernement doit travailler sur un réseau interurbain rapide et sur les dessertes aéroportuaires.
Le quatrième élément d'intervention ou de politique dont pourrait se doter le gouvernement, c'est une stratégie cohérente pour le renouvellement et le financement des infrastructures fédérales de transport. Il y en a dans plusieurs villes canadiennes. Il y en a quand même quelques-unes dans la région de Montréal. Il n'y a pas juste le pont Champlain.
Quatrièmement, le gouvernement doit travailler sur le transport des marchandises en renouvelant les pratiques par des mécanismes incitatifs. Cela ne se fera pas tout seul.
Enfin, le gouvernement doit favoriser la recherche et l'acquisition de connaissances sur les technologies durables de transport collectif, leur industrialisation, les démarches stratégiques, et l'échange des données et des informations.
Voilà qui termine ma présentation. J'ai dépassé les 10 minutes. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
[Français]
Merci, monsieur le président. Je vous remercie d'avoir permis la poursuite de la séance ce soir.
Je remercie notre témoin, Mme Junca-Adenot.
J'ai eu la chance de participer à vos colloques pendant des années dans le cadre du Forum URBA 2015. À mon avis, ce forum permet de partager les meilleures pratiques qui existent à l'échelle mondiale.
Au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, nous nous posons des questions sur notre modèle de gouvernance. Nous voulons trouver des exemples de stratégies de transport en commun efficaces qui ont été mises en oeuvre ailleurs dans le monde. J'aimerais que vous nous fassiez profiter de votre expertise sur les systèmes de transport en commun dans les autres pays. J'aimerais que vous nous fassiez part de stratégies semblables mises au point ailleurs dans le monde.
Je vais vous donner des exemples. Vous avez constaté que j'intègre les questions de planification urbaine, de choix d'aménagement urbain, de transport routier et de transport collectif. Autrement, on se tire dans le pied si on ne considère qu'un aspect.
Je vais vous donner l'exemple de Portland, en Oregon, une des métropoles les plus extraordinaires où, il y a 25 ans, on a repensé tout le modèle de développement urbain et le modèle de développement de transport collectif à l'échelle de la région, après une chute en enfer. En effet, la ville n'était plus vivable, elle était en quasi-faillite. On a donc élaboré une stratégie intégrée. C'est actuellement une des villes les plus attirantes, les plus attrayantes, les plus vivantes et les plus économiquement prospères des États-Unis.
Il est plus facile de se comparer à des villes appartenant à notre culture qu'à celles d'Europe, du fait qu'on est plus proche. Je vais donc citer l'exemple du comté d'Arlington, en banlieue de Washington. Il y a 25 ou 30 ans, une série de banlieues limitrophes à Washington étaient en perdition. Les commerces et les entreprises fermaient, et les résidents partaient. Les gens de la région se sont donc réunis et ont décidé de convaincre le gouvernement américain et celui de l'État — ce n'est pas rien, considérant que c'est Washington — de construire une ligne de cinq stations de métro et de transformer tout ce secteur en quartiers multifonctionnels assez denses autour des stations de métro, selon le modèle TOD. Maintenant, tout le monde veut vivre à Arlington dans ces secteurs. Le taux d'utilisation des transports collectifs et actifs va jusqu'à 62 p. 100. Les gens sont heureux. C'est beau, c'est prospère, cela fonctionne bien.
En Europe, on a des cas bien connus de villes nordiques, comme Stockholm et Copenhague. La ville jumelle de Montréal, avec laquelle on échange beaucoup d'informations, c'est Lyon. La région de Lyon est remarquable pour ses choix de localisation des pôles industriels, pour ses dessertes par des modes lourds de transport collectif, pour ses installations de parcs et ses services à proximité. Cela fonctionne bien.
Je pourrais continuer, mais je vais laisser la chance à d'autres personnes de poser des questions.
Merci.
[Traduction]
Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
Trois minutes? D'accord.
[Français]
Vous avez proposé de redistribuer les 5 ¢ restants de la taxe d'accise. Je trouve très convenable cette idée. Le gouvernement fédéral redonne actuellement aux provinces 5 ¢ des 10 ¢ perçus, mais il serait bien de redistribuer les autres 5 ¢.
J'ai une question à propos des mécanismes de financement. Y a t-il d'autres endroits dans le monde où un palier de gouvernement, conjointement avec d'autres paliers, accorde le financement nécessaire à la promotion des systèmes de transport en commun?
Il y a beaucoup de modèles et de sources. Il faut donc tenir compte des structures politiques de chaque pays. Il faut faire attention aux comparaisons, car on ne trouve pas les mêmes structures organisationnelles partout. Le Canada est un cas particulier. Il faut vivre avec notre façon de faire.
Habituellement, les sources sont les taxes sur l'essence et l'immatriculation. Il y a aussi les taxes sur le réseau routier supérieur, c'est-à-dire le péage sur le réseau autoroutier supérieur. Il faut faire attention au péage urbain de cordon au coeur des villes, car ça ne s'applique pas partout. Chez les Chinois, on a des politiques. Je sais qu'une étude a été faite pour le gouvernement fédéral, plus précisément pour Transports Canada. Certains pays, comme la Chine, commencent à utiliser ce qu'on appelle la capture de la valeur foncière. Cela veut dire que l'on utilise la plus-value foncière des développements immobiliers autour des pôles de transport collectif pour financer des investissements en transport collectif. Une étude, qui a été faite par une personne de Victoria, a été rendue publique il y a deux ans. Elle est disponible sur le site Web de Transports Canada.
D'autres moyens sont possibles, mais ils ne relèvent pas vraiment de l'État central. Cela se situe plutôt à l'échelle locale. Dans certains endroits, par exemple dans la ville de Portland et en France, l'imposition d'une taxe sur les salaires a été autorisée pour financer toutes les infrastructures de transport collectif. Cela requiert une autorisation gouvernementale.
Il y a bien des modèles, il y en a toute une panoplie. Le marché du carbone, notamment, s'en vient, quelque part au cours des prochaines années. Cela devrait générer des ressources qui pourraient être réallouées pour financer directement, avec des fonds verts, les infrastructures de transport en commun en milieu urbain.
Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
En ce qui a trait à la stratégie nationale de transports, s'agit-il d'un problème de financement ou de culture? À titre de présidente de l'AMT, vous avez dû composer avec celui qui était maire de ma ville à l'époque, Yves Ryan. Vous savez donc qu'il y a des réalités liées à l'aménagement. Parfois, nous pouvons avoir l'impression que tout ce que nous avons à faire est d'imposer une taxe quelconque. Il ne s'agit pas d'une question intéressée, on s'entend, mais à titre de député fédéral, je me demande si le rôle du gouvernement canadien, dans le cadre de cette stratégie nationale, n'est pas de se concentrer davantage sur la recherche-développement ainsi que sur la facilitation du rapprochement plutôt que sur les opérations. En effet, les opérations, en ce qui a trait aux municipalités, relèvent des provinces. Par conséquent, il n'y aurait peut-être pas de crainte de double emploi.
De plus, nous ne pouvons plus maintenant dissocier la réalité des infrastructures actuelles des futures infrastructures, sans compter l'argent que nous devons investir dans les équipements en transport, etc. Dois-je comprendre de vos propos que nous devrions mettre sur pied un fonds dédié complémentaire où se retrouverait la question des infrastructures et celle des équipements, par exemple?
Vous pouvez commencer par répondre à ces questions. J'en aurai d'autres par la suite.
Tout d'abord, il y a une question de culture, de prise de conscience, de bonne compréhension de ce qui se passe dans les milieux urbains actuellement, pour les élus et les décideurs, à tous les niveaux. Il y a aussi une question de stratégie ou de tactique. On veut faire du développement économique, se développer, être concurrentiel et attirer des entreprises. Il importe de comprendre la dynamique. Je rattache à ça — et c'est bon pour toutes les métropoles canadiennes — un rôle beaucoup axé sur la diffusion d'information, sur la stimulation d'échanges de connaissances et de bonnes pratiques à travers tout le tissu des métropoles. Tout cela correspond au premier niveau.
Au deuxième niveau, ce ne serait pas fou d'avoir des politiques intégrées. À une certaine époque, il y avait le ministère des Affaires urbaines, auquel je participais, qui traitait des questions de transport. Il y avait là une source de politiques dont les gens s'inspiraient. C'était complémentaire, mais, en même temps, cela donnait des idées. Je ne dis pas qu'il faille créer un ministère de plus, au contraire, mais il peut y avoir des politiques présentant un certain nombre d'objectifs communs qui amènent les villes à réfléchir dans le même sens.
Cela prend, accroché à ça, du financement. Vous parlez de fonds dédiés. Je crois aux fonds dédiés. C'est beaucoup plus efficace. Je crois aux fonds dédiés avec des indicateurs de performance et des résultats à atteindre. Si on se trompe, on se réaligne. C'est peut-être ce qui est le plus efficace.
Vous avez parlé de démographie, tout à l'heure. On fait face à deux défis de taille. Le premier est que, d'ici à 2025, probablement 70 p. 100 ou 75 p. 100 de la population va vivre dans les villes.
Deuxièmement, je suis de ceux qui croient que l'avenir des pays va passer par les villes, c'est-à-dire qu'on ne s'identifiera plus à un pays ou à une région, mais à des métropoles, des technopoles ou des plateformes comme Londres, Montréal, Toronto, etc.
Par conséquent, une stratégie nationale ne devrait-elle pas inclure une réorientation, de façon à permettre cette relation avec les métropoles? Montréal, Vancouver et Toronto sont des villes d'intégration sur le plan de l'immigration, c'est clair. Vous connaissez la réalité du nombre. Vous avez parlé d'aménagement, mais ce n'est pas l'affaire du fédéral. À ce moment-là, ne devrait-on pas redéfinir l'avenir du pays par les villes, sans passer par la Constitution? On devrait redéfinir une nouvelle charte, a new deal, dans un contexte fédéral-provincial-territorial, avec les responsables des municipalités. De toute façon, cette stratégie nationale va devenir l'une des priorités pour l'avenir même de ce pays.
Dans le fond, votre changement de culture ne passerait-il pas par là, dès le début, en établissant cette stratégie?
... et de celles du Québec, il me semble que tout ce que vous venez de dire est exact. On remarque une certaine concurrence. Ce qui se dessine actuellement, ce sont des métropoles fortes, presque autonomes, qui vont jouer les grands jeux économiques et d'échanges.
Malheureusement, les régions et les campagnes se vident un peu. Et ce n'est pas seulement ici; c'est pareil partout.
Donc, il faudra aider cette nouvelle configuration à se développer. Cela suppose effectivement de prendre en considération probablement un jour, dans les discussions fédérales-provinciales, ce genre de développement face auquel on ne peut rien, car c'est ce qui est en train de se produire.
En 2025, 70 p. 100 ou 75 p. 100 des gens habiteront les villes. Je ne veux pas vous apeurer avec ça, mais en 2010, dans les milieux industriels, 81 p. 100 des gens vivaient dans des villes. Dans le monde entier, il est prévu que, d'ici cinq à dix ans, 60 p. 100 des gens vont vivre dans des villes, des métropoles, de gros milieux urbains.
Ce qui est intéressant avec vous, c'est que vous avez vécu sur le terrain. Vous avez subi le processus décisionnel. Vous avez vécu de façon très concrète ce qui touche tant la prévention que la planification en matière de transport.
En peu de mots, qu'est-ce qui explique que l'on soit quand même pris avec ce problème de congestion? Est-ce parce qu'il y a trop de ce que j'appelle des boss de bécosses, trop de roitelets? Y a-t-il une absence de volonté à travailler tous ensemble vers un même objectif?
Je ne veux pas vous mettre sous les projecteurs, mais le problème est-il politique ou structurel?
Je vais commencer par le plus facile.
Le problème est d'abord dans l'incapacité de contrôler l'étalement urbain. Entre 1996 et aujourd'hui, dans la région de Montréal, l'achalandage du transport collectif a augmenté d'environ 20 à 25 p. 100, selon les endroits. Or, l'augmentation du nombre d'automobiles est allée plus vite, d'où cette congestion. C'est sans parler des travaux routiers qu'il faut faire parce que les infrastructures sont vieillissantes, ce qui augmente la congestion pour les 10 à 15 prochaines années. Voilà la réponse la plus facile.
Voici ma deuxième réponse. En effet, il y a beaucoup de personnes dans un même territoire géographique, par exemple des maires et des députés, qui doivent prendre des décisions en même temps dans une même direction. Quand je suis entrée à l'AMT, en 1996, il y avait 105 maires et villes sur mon territoire. Quand on développe, il faut d'abord rallier le monde. Il faut embarquer tous ces gens dans le bateau pour partager un certain nombre de buts communs. Il faut leur faire prendre conscience que le transport collectif est une situation gagnant-gagnant, pour eux comme pour la société. Pour les amener à travailler ensemble dans le même bateau, à ramer ensemble, ça prend de l'énergie et du travail. En général, les gens sont intelligents, ils embarquent.
De 1982 à 1996, c'était la situation pour ce qui est du transport collectif. On a travaillé en ce sens, simplement en redéveloppant des services, en utilisant le gros bon sens. Au début, ça ne prenait pas de gros investissements: il s'agissait de stationnements incitatifs, de voies réservées et de la remise en place des trains de banlieue. Voilà donc le deuxième élément de la réponse.
Pour ce qui est de l'aspect structurel, il y a trop de sociétés ou d'organismes de transport. C'est vrai pour toutes les métropoles canadiennes. Il faudrait qu'il y en ait moins. Il n'y a pas juste des vertus à fusionner, il y a quelquefois beaucoup de défauts.
Il faut plutôt trouver le mode de gouvernance qui amène les gens à travailler ensemble autour d'objectifs communs, avec des résultats à atteindre et des indicateurs. Ça, c'est le bâton. La carotte, c'est de promettre de l'argent si ça fonctionne.
Prenons tout cela tel quel, et nous pourrons changer le cap en agissant sur les trois aspects du travail.
[Traduction]
Merci.
Je dois maintenant mettre fin à notre séance.
Merci beaucoup de votre présence et de votre patience.
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