[Français]
Monsieur le président, comme co-président de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, je vais vous donner une vue d'ensemble de notre présentation.
M. Stanley Urman va vous donner la partie qui touche la réponse de la communauté internationale sur la réaction en ce qui a trait aux problèmes des réfugiés juifs dans les pays arabes. M. David Bensoussan va par la suite présenter une perspective historique et M. David Matas va présenter une perspective légale.
Je vous remercie de l'invitation.
Je vais commencer la présentation. Je suis Sylvain Abitbol. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui en ma qualité de co-président de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, ou Justice for Jews from Arab Countries — JJAC. C'est une coalition internationale de communautés et d'organisations juives représentant les intérêts des Juifs séfarades mizrahim qui ont été déplacés des pays arabes. Notre mandat est de veiller à ce que la justice pour les Juifs déplacés des pays arabes prenne sa place au sein de l'agenda international et que leurs droits soient garantis comme une question de droit et d'équité.
Je tiens à féliciter le gouvernement canadien pour son leadership, soit le Stephen Harper, le John Baird, et vous, monsieur le président, pour votre leadership dans l'organisation de ces audiences du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international en vue d'aborder une injustice qui a trop longtemps été ignorée par la communauté internationale.
Dans la quête de la paix au Moyen-Orient, il faut des gouvernements, comme celui du Canada, qui exercent un leadership et une recherche de solutions durables et qui ne sont pas silencieux par opportunisme politique, car le défi est clairement de taille. La tragédie du conflit du Moyen-Orient se reflète dans les centaines de milliers de victimes qui ont été arrachées à leurs foyers, qui ont perdu leurs moyens de subsistance et qui ont été privées de tous leurs biens.
C'est la politique de JJAC que l'appel légitime à garantir les droits et la réparation des Juifs déplacés des pays arabes ne soit pas destinée à contrer les droits et les revendications palestiniennes. C'est simplement la reconnaissance du fait qu'il y a deux populations de réfugiés au Moyen-Orient, alors que le monde ne se préoccupe uniquement que des réfugiés palestiniens. Il est aussi important de s'assurer que les droits de centaines de milliers de Juifs déplacés des pays arabes soient demain reconnus et traités. C'est le seul moyen d'assurer une solution durable et équilibrée pour tous les réfugiés du Moyen-Orient.
Quand JJAC a commencé ses travaux, il y a quelque 12 années, aucun gouvernement n'était intéressé à se pencher sur les droits des réfugiés des pays arabes. Seul JJAC a entrepris une série d'initiatives pour soulever sur la scène internationale la question des réfugiés juifs. J'ai comparu devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève et mes collègues ont témoigné devant le Parlement européen à Bruxelles. JJAC a fait partie des audiences gouvernementales officielles qui ont eu lieu au Congrès américain, à la Chambre des Lords à Londres et à la Chambre des députés à Rome.
Aujourd'hui, je me présente devant vous comme Canadien, fier que mon gouvernement ait planifié ces audiences et dans l'espoir que la reconnaissance des droits de tous les réfugiés du Moyen-Orient, y compris les réfugiés juifs des pays arabes, soit entérinée comme principe de la politique étrangère canadienne. Je comparais également devant vous comme un Juif d'un pays arabe.
Né au Maroc, j'ai été l'un des plus chanceux puisque je suis né dans un pays musulman relativement tolérant. Le Maroc est l'un des rares pays arabes où les Juifs vivent et ont vécu dans une paix relative grâce au leadership de plusieurs sultans qui se sont succédé et qui ont fait preuve de noblesse. Pourtant, même au Maroc, dans toute sa tolérance, il ne reste aujourd'hui que 3 000 Juifs sur une population d'environ 265 000 en 1948.
D'autres n'ont pas eu cette chance. Au cours du XXe siècle, de grandes populations juives ont été persécutées et, finalement, déplacées dans des pays comme l'Irak, le Yémen, le Liban, la Syrie, l'Égypte, la Tunisie, la Libye et l'Algérie. Vous entendrez plus tard des experts qui vous rendront compte des violations massives des droits de la personne à l'encontre des Juifs: persécutions, violence, arrestations et détentions arbitraires — j'ai moi-même été détenu arbitrairement —, expulsions, expropriations d'actifs communautaires et de biens personnels juifs. La liste des injustices est aussi longue que variée.
Ces mesures prises dans de nombreux pays arabes ne se sont pas produites spontanément ou dans le vide. Des documents ont été découverts par JJAC dans les archives du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Genève.
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Ils révèlent une collusion de la Ligue des États arabes à utiliser leurs citoyens juifs comme levier dans leur lutte contre l'État d'Israël.
Le 17 février 1948, le Comité politique de la Ligue arabe, qui comprend l'Égypte, l'Irak, le Liban, l'Arabie Saoudite, la Syrie, la Jordanie et le Yémen, a adopté un projet de loi en sept points sur le traitement des Juifs dans les pays arabes.
Le projet de loi comportait sept dispositions incluant ceci: pour le Juif, de s'inscrire comme membre de l'État de la minorité juive de la Palestine, c'est-à-dire que les Juifs deviennent des citoyens d'un pays ennemi, soit Israël; que les comptes bancaires juifs soient gelés; que l'utilisation de ces fonds gelés serve à financer la guerre des pays arabes contre Israël; que des Juifs soient mis en prison pour activités sionistes. Les Juifs devaient prouver que leurs activités étaient antisionistes et devaient déclarer leur volonté de rejoindre les armées arabes qui étaient en guerre contre Israël. C'était inhumain.
Ces mesures et d'autres ont rendu la vie des Juifs dans les pays arabes tout simplement intenable. Dans la plupart de ces pays arabes, les Juifs ont réalisé qu'ils n'y avait pas d'avenir à long terme pour eux, pour leurs enfants et pour leur famille dans leur pays d'origine. En cherchant à partir, beaucoup ont choisi de se réinstaller en Israël, tandis que d'autres sont allés vers des pays où ils pouvaient trouver refuge. Ce déplacement a eu lieu de 1948 à 1972 et plus de 856 000 Juifs ont quitté leur foyer qui se trouvait dans des pays arabes. Ils sont partis une main devant, une main derrière.
Toutefois, que les Juifs déplacés des pays arabes soient réinstallés en Israël ou ailleurs, ils étaient considérés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés comme réfugiés en vertu du droit international. À son crédit, le Canada a ouvert ses portes et a servi de refuge aux Juifs fuyant l'Égypte, la Syrie, la Libye, l'Irak ou ailleurs. C'est une noble histoire qui devrait être rappelée.
En terminant, je tiens à répondre à la question suivante: pourquoi maintenant? Pourquoi maintenant des réfugiés des pays arabes doivent-ils être inclus dans les négociations de paix au Moyen-Orient? La réponse est fondamentale. De nombreux détracteurs affirment qu'Israël est un État illégitime, que les Juifs sont des étrangers et qu'ils n'appartiennent pas à la région. C'est une déformation grossière et obscène de l'histoire.
Il faut souligner à chaque occasion que, durant plus de 2 500 ans, bien avant le christianisme et l'islam, les Juifs ont, en grand nombre, résidé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Nous, les Juifs séfarades mizrahim, sommes le peuple autochtone de la région. Nous sommes les indigènes de la région du Moyen-Orient et nous ne devons pas laisser le riche et vibrant patrimoine des Juifs de cette région être radié des livres d'histoire.
Sur la base de ces vérités, monsieur le président, je vous recommande respectueusement que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international prenne les actions suivantes.
Premièrement, que le comité publie une déclaration reconnaissant que deux populations de réfugiés ont été des victimes du conflit israélo-arabe et que les deux devraient être traitées de façon équitable dans tout processus de paix au Moyen-Orient. Deuxièmement, que le comité présente une résolution pour examen par la Chambre des communes consacrant le principe de droit bona fide de tous les réfugiés du Moyen-Orient et que dans tous les débats canadiens sur le Moyen-Orient, toute référence explicite à la résolution requise du problème des réfugiés palestiniens soit accompagnée d'une référence explicite aux droits des réfugiés juifs des pays arabes.
Pour que la paix au Moyen-Orient soit durable et pour longtemps, il faut s'assurer que les droits de tous les réfugiés, arabes et juifs, soient reconnus et garantis comme une question de droit et d'équité.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs les membres du comité.
J'aimerais vous remercier d'avoir organisé ces audiences sur la question des réfugiés juifs des pays arabes. J'aimerais également vous féliciter de rechercher ainsi la vérité et la justice, ce qui, dans les affaires du Moyen-Orient, est souvent une tâche titanesque. Cela s'applique particulièrement à la question des réfugiés.
Le conflit israélo-arabe domine les affaires du Moyen-Orient depuis plus de 65 ans. Les victimes de ces années d'affrontement sont inévitablement les habitants de la région, à savoir les Arabes, les Juifs, les chrétiens et d'autres groupes qui ont été déracinés de leur pays d'origine et qui ont été forcés à trouver refuge et à s'installer ailleurs.
Deux de ces groupes, les Arabes et les Juifs, ont été reconnus à titre de réfugiés légitimes par les agences onusiennes pertinentes. Pourtant, lorsqu'on aborde la question des réfugiés dans le contexte du Moyen-Orient, les gens pensent invariablement aux réfugiés palestiniens et quasiment jamais aux Juifs des pays arabes.
Le fait d'affirmer des droits et de demander des réparations pour les réfugiés juifs ne vise pas à contester toute revendication des réfugiés palestiniens. Ces revendications ont leur propre valeur. Il s'agit d'un appel légitime à reconnaître que les réfugiés juifs des pays arabes, comme principe de droit et d'équité, possèdent les mêmes droits que tout autre réfugié du Moyen-Orient.
David Bensoussan, mon collègue, vous fournira une perspective historique qui montre que le statut des Juifs dans la région remonte à loin. Les Juifs et les communautés juives existent au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la région du Golfe depuis de 2 500 ans, soit 1 000 ans avant l'arrivée de l'Islam.
Après la conquête de la région par les musulmans, sous la domination islamique, les juifs et les chrétiens étaient considérés comme des « dhimmi », à savoir une minorité privilégiée, mais néanmoins des citoyens de seconde classe. Les Juifs étaient, pendant une certaine période, autorisés à s'adonner à certaines activités limitées dans les domaines religieux, éducatif, professionnel et des affaires, mais cela a changé du tout au tout au XXe siècle, comme on l'a vu avec les persécutions répandues et les violations massives des droits de la personne des minorités juives dans les pays arabes.
La détérioration de leur situation a été précipitée par l'adoption de décrets officiels et de lois qui privaient les populations minoritaires de droits de la personne et de droits civils, qui les expropriaient et les renvoyaient de la fonction publique et d'autres formes d'emplois.
Ces décrets d'expulsion ont été adoptés en Algérie, en Égypte, en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen. Bien des régimes arabes se sont vus dépouillés de leur citoyenneté.
À titre d'exemple, en Irak, la loi numéro 1 de 1950, intitulée « Supplément au décret portant révocation de la nationalité iraquienne », a été invoquée afin de dépouiller les Juifs de leur nationalité irakienne.
En Égypte, le Code de la nationalité, adopté le 26 mai 1926, prévoit qu'une personne née en Égypte n'a droit à la nationalité égyptienne que si son père appartenait, par sa race, à la majorité de la population d'un pays dont la langue est l'arabe ou dont la religion est l'Islam. Cette disposition a, au milieu des années 1950, servi de prétexte officiel pour expulser bon nombre de Juifs d'Égypte.
En Libye, le Conseil des ministres, en 1962, a annoncé un décret royal prévoyant qu'un ressortissant libyen renonçait à sa nationalité s'il avait eu des contacts avec un sioniste, à savoir s'il avait agit « moralement ou matériellement en faveur des intérêts d'Israël ». Ce libellé a permis aux autorités de priver les Juifs du Liban de leur nationalité, selon leur bon vouloir.
L'exode massif de Juifs des pays arabes a été précipité par plusieurs facteurs, dont la montée du nationalisme arabe, l'établissement d'États islamiques arabes souverains et le conflit israélo-arabe. Les Juifs étaient souvent victimes de meurtres et d'arrestations arbitraires, mis en détention, torturés et exécutés. Le danger était bien connu.
Ici, nous voyons un article qui a été publié dans le New York Times, le 16 mai 1948, à peine deux jours après la création de l'État d'Israël.
La situation des Juifs a beaucoup empiré en 1948, dans la mesure où quasiment tous les pays arabes ont déclaré la guerre ou ont soutenu la guerre contre Israël. Les Juifs ont été déracinés de leur pays de résidence ou sont devenus des otages politiques du conflit israélo-arabe.
Dans quasiment tous les cas, alors que les Juifs étaient forcés de fuir, les biens individuels et collectifs ont été saisis ou confisqués, sans aucun dédommagement accordé par les gouvernements arabes impliqués.
Cela a entraîné le déplacement ou, pour utiliser le jargon d'aujourd'hui, le nettoyage ethnique des Juifs de quelque 10 pays arabes.
Quels sont les chiffres? En 1948, on comptait 856 000 résidants juifs dans quelque 10 pays arabes. Aujourd'hui, ils sont moins de 4 500.
Sur le tableau qui est affiché, vous remarquerez que chaque fois qu'un conflit israélo-arabe a éclaté, à savoir en 1947, en 1956, en 1967 et en 1976, chaque fois que le conflit israélo-arabe reprenait, le nombre de Juifs dans les pays arabes descendaient en flèche.
À titre de comparaison, le tableau suivant donne des estimations sur les réfugiés palestiniens. Ce document original a été découvert dans les archives du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, à Genève. Il présente les estimations du nombre de réfugiés palestiniens fournies par les Britanniques, les Américains, les Palestiniens, Israël et l'ONU. Ce que vous voyez ici est une version typographié du document original.
La Commission de conciliation des Nations Unies, en septembre 1949, estimait qu'il y avait 726 000 réfugiés palestiniens déplacés à cause de la guerre d'indépendance d'Israël. Le chiffre le plus élevé provient des autorités américaines qui disent qu'il y avait 875 000 réfugiés palestiniens. Les Israéliens, bien entendu, sont ceux qui fournissent le chiffre le plus bas, à savoir 650 000 réfugiés palestiniens.
Le monde sait très bien ce qui est arrivé aux réfugiés palestiniens. Ce qu'on sait moins, c'est ce qui est arrivé aux réfugiés juifs.
La majorité des Juifs déplacés des pays arabes ont immigré vers Israël pour vivre le rêve sioniste qui consiste à retourner à l'ancienne patrie du peuple juif. Quelque deux tiers, soit près de 650 000 Juifs, ont immigré en Israël, alors qu'environ le tiers, soit plus de 200 000 Juifs, ont trouvé refuge dans des pays autres qu'Israël, y compris le Canada.
Monsieur le président, est-ce que les Juifs déplacés des pays arabes étaient vraiment des réfugiés?
Nous pouvons voir ici, à deux occasions, que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés s'est prononcé en disant que les Juifs qui fuyaient les pays arabes étaient bel et bien des réfugiés légitimes en vertu du droit international et étaient visés par la protection du Haut Commissariat pour les réfugiés. La première décision remonte à 1957 et concerne les Juifs qui fuyaient l'Égypte. La deuxième fois, c'était lors de la déclaration de 1972, et la décision portait sur les Juifs qui fuyaient les pays d'Afrique du Nord.
Plus tard, vous entendrez mon collègue David Matas vous indiquer comment, en vertu du droit international, les droits des réfugiés juifs des pays arabes sont impérieux et il vous expliquera comment leur reconnaissance se reflète dans de nombreuses déclarations juridiques et politiques: la résolution 242, la Conférence de Madrid, etc.
Deuxièmement, même si les Juifs qui ont fui les pays arabes étaient des réfugiés, ont-ils des droits aujourd'hui, plus d'un demi-siècle plus tard, alors qu'ils ne sont plus réfugiés? La réponse à cette question est également oui.
Il n'y a pas de délai de prescription en ce qui concerne les droits des réfugiés. Le fait que le temps passe ne prive pas les réfugiés de leur droit à demander réparation pour les violations massives des droits de la personne dont ils ont été victimes, ainsi que pour les pertes physiques et matérielles qu'ils ont subies. Si un réfugié laisse derrière lui des biens, y compris des comptes bancaires et des régimes de retraite, il ne perd pas ses droits sur ses biens, peu importe le nombre d'années qui se sont écoulées depuis.
En fait, il y avait deux populations de réfugiés, l'une arabe et l'autre juive, en nombre quasiment égaux et pendant la même période, et les deux ont été déclarées réfugiées en vertu du droit international. Il est important de noter comment la communauté internationale, par l'entremise des Nations Unies, a réagi à ces deux populations de réfugiés qui se sont formées au même moment.
Nos études ont révélé un traitement différentiel et disproportionné par les Nations Unies en faveur des réfugiés palestiniens, par rapport aux réfugiés juifs. Nous avons examiné trois facteurs: d'abord, les résolutions de l'ONU, ensuite, le nombre d'agences onusiennes qui ont traité de la question des réfugiés palestiniens ou juifs, et enfin, les ressources qui ont été fournies aux réfugiés palestiniens et juifs.
Pour ce qui est du premier facteur, en ce qui concerne les résolutions de l'ONU de 1949 à 2009, il y a eu un total de 1 088 résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale sur toutes les questions imaginables portant sur le Moyen-Orient. Cent soixante-douze résolutions ont porté précisément sur les réfugiés palestiniens.
Il n'y a jamais eu de résolution du Conseil de sécurité ni aucune résolution de l'Assemblée générale qui porte précisément sur la question des réfugiés juifs ni encore aucune résolution sur d'autres sujets qui mentionnent même la question des réfugiés juifs des pays arabes. Ce traitement différentiel de l'ONU et cette exclusivité accordée seulement aux réfugiés palestiniens se poursuit encore aujourd'hui.
En dépit du sort des réfugiés juifs, même si l'on n'en parle jamais, il existe une résolution cruciale de l'ONU sur le Moyen-Orient qu'il nous faut regarder de plus près: la résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Toujours considérée comme étant le vecteur principal pour résoudre le conflit israélo-arabe, la résolution 242 stipule qu'un accord de paix exhaustif devrait nécessairement inclure « un règlement juste du problème des réfugiés ».
On n'y fait aucune distinction entre les réfugiés arabes et les réfugiés juifs. Telle était l'intention des rédacteurs et des parrains de la résolution.
Même si c'est implicite, compte tenu des 172 résolutions qui portent précisément sur les réfugiés palestiniens, le libellé de la résolution 242 prévoit que l'ONU doit examiner les droits légitimes de tous les réfugiés du Moyen-Orient, aussi bien les Juifs que les Arabes.
En ce qui a trait au deuxième critère, 10 agences onusiennes ont reçu pour mandat de s'occuper des droits et du bien-être des réfugiés palestiniens, ou ont été créées à cette fin. Seul le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a traité de la question des Juifs, et ce n'était que pour la récupération des biens.
En ce qui a trait au troisième critère, celui des ressources, entre 1950 et 2007, les Nations Unies ont versé 13,7 milliards de dollars, par l'entremise de l'UNRWA, pour venir en aide aux réfugiés palestiniens situés dans les régions précises de la Cisjordanie, de Gaza, de la Syrie et de la Jordanie. Par opposition, nous n'avons trouvé qu'une seule subvention de 35 000 $ octroyée par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Juifs fuyant l'Égypte, et il s'agissait alors d'une subvention qui a été convertie en prêt et qui a dû être remboursée.
En ce qui a trait aux biens perdus, les estimations parlent de 6 milliards de dollars de pertes pour les réfugiés juifs et de 3,9 milliards de dollars de pertes pour les réfugiés palestiniens.
Pour terminer, j'aimerais poser une dernière question. Pourquoi est-il important de parler des réfugiés juifs, 60 ans plus tard?
Bien qu'il n'y ait pas de symétrie entre les deux expériences, il existe un important facteur qui s'applique aux deux, à savoir l'impératif moral et légal de veiller à ce que les droits de tous les réfugiés légitimes soient pleinement reconnus, respectés et abordés dans toute tentative de résolution du conflit au Moyen-Orient.
Pour qu'un processus de paix soit crédible et durable, il doit aborder de manière équitable toutes les populations de réfugiés occasionnées par le conflit israélo-arabe. On doit reconnaître l'injustice historique dont ont été victimes les réfugiés juifs des pays arabes.
Que ce soit clair: en l'absence de souvenir, il ne peut pas y avoir de vérité; en l'absence de vérité, il ne peut pas y avoir de justice; en l'absence de justice, il ne peut pas y avoir de réconciliation; et en l'absence de réconciliation, il ne peut pas y avoir de paix durable entre tous les peuples de la région.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Merci de m'accueillir encore une fois. J'ai préparé un mémoire écrit, lequel a dû être distribué et traduit. Je vais essayer de vous le présenter en diagonal, si je puis dire, plutôt que de vous le lire.
Les réfugiés juifs originaires de pays arabes ont le droit de faire valoir leurs droits et de faire reconnaître la violation de ces droits. Ils ont également droit à réparation en cas de violation de leurs droits. Ce serait une injustice que de reconnaître les droits des réfugiés palestiniens et de leur accorder réparation et de fermer les yeux sur les droits des réfugiés juifs et de refuser de leur accorder réparation, quand les types de violation dont les deux groupes souffrent découlent du même conflit.
Comme Stan Urman l'a indiqué, mon mémoire est quelque peu juridique et je vais vous expliquer certains des fondements pour la revendication des droits des réfugiés juifs. Tout d'abord, je mentionnerai deux déclarations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, que Stan Urman a en fait affichées à l'écran.
Sadako Ogata, lorsqu'elle était haut-commissaire pour les réfugiés — avant quoi elle était une universitaire japonaise —, a ouvert les archives du HCNUR à des chercheurs. Les archives avaient jusque-là été fermées. Stan Urman et moi-même sommes allés à Genève aux archives et avons trouvé ces documents qui sont cités ici et qui ont été rendus publics pour la première fois par nos travaux de recherche.
Il existe un certain nombre d'initiatives multilatérales, lesquelles sont de nature générique et ne se concentrent pas précisément sur les réfugiés palestiniens. Il y a eu la Conférence de Madrid et la feuille de route. Ce que je devrais dire au sujet de la Conférence de Madrid, c'est que le Canada est le coordonnateur du groupe de travail sur les réfugiés et, par conséquent, cette question devrait être particulièrement importante pour le Canada. Il y a la feuille de route sur le Moyen-Orient et la résolution 242. Stan Urman a mentionné qu'elle était générique, mais les choses vont même plus loin car si vous regardez les travaux préparatoires, l'histoire de cette résolution, les Soviétiques de l'époque avaient en réalité essayé de faire porter la résolution précisément sur les réfugiés palestiniens. Arthur Goldberg était le représentant américain à l'ONU à l'époque. Il a parlé du débat après coup et a dit que les autres avaient tellement insisté et persisté que les Soviétiques s'étaient retirés, et que la raison pour laquelle le libellé était générique, c'était pour inclure également les réfugiés juifs.
Nous avons ensuite ces accords bilatéraux entre Israël et l'Égypte en 1978, entre Israël et l'Égypte en 1979, entre Israël et la Jordanie en 1994, et entre Israël et la Palestine en septembre 1993 et en septembre 1995. Une fois de plus, le libellé est générique et il semble évident qu'il vise ainsi à s'appliquer aux deux populations. Par exemple, l'accord avec l'Égypte de 1979 prévoit que « les parties conviennent d'établir une commission des revendications pour le règlement mutuel de toutes les revendications financières ». La référence même à cette mutualité signifie que les deux populations étaient visées.
Les États ont également reconnu l'existence de deux populations de réfugiés distinctes. En juillet 2000, le président Bill Clinton a fait des déclarations très musclées, que je cite dans mon mémoire, tout comme l'ancien président américain Jimmy Carter, dans le cadre des accords de Camp David, en octobre 1977. Le premier ministre canadien Paul Martin a fait une déclaration très vigoureuse en juin et juillet 2005. Il a déclaré: « Un réfugié est un réfugié. C'est pourquoi la situation des réfugiés juifs des pays arabes doit être prise en considération. Tous les réfugiés méritent notre attention... Je ne voulais pas laisser entendre que les revendications des réfugiés juifs sont moins légitimes ou méritent moins d'attention que celle des réfugiés palestiniens. » Il y a donc déjà des antécédents canadiens ici.
Il y a ensuite une autre rubrique où je reconnais que les deux populations de réfugiés ne sont pas les mêmes. Il existe d'importantes différences juridiques entre les deux. Dans ce chapitre, j'en mentionne quatre. Cela fait partie d'une analyse beaucoup plus longue que j'ai réalisée, dans laquelle j'énonçais beaucoup plus de différences que ce que j'indique ici. Si les membres du comité s'y intéressent, je me ferai un plaisir de vous les envoyer.
Les réfugiés juifs, au moment de leur déplacement, répondaient à la définition de réfugié selon le droit international typique. Les réfugiés palestiniens, de leur côté, ne sont pas des réfugiés au sens ordinaire qu'en donne le droit international. Il en est ainsi pour plusieurs raisons, dont celles que j'ai mentionnées ici. En faisant valoir ces différences, Justice pour les Juifs originaires des pays arabes ne veut pas laisser entendre que les Palestiniens artificiellement qualifiés de réfugiés ne méritent pas notre intérêt ou qu'ils n'ont pas souffert. Tout au contraire, nous pensons que l'étiquette qui leur est collée et leur mode vie expliquent en grande partie une situation qu'il convient de soulager. Les distinctions entre réfugiés palestiniens et réfugiés juifs soulignent à la fois les limites injustes de la vie de réfugié qui a été imposée aux Palestiniens et les critères effectifs de la reconnaissance du statut de réfugié que les réfugiés juifs originaires des pays arabes remplissent.
À titre d'exemple, permettez-moi de vous donner quatre différences.
Tout d'abord, les Juifs de pays arabes tombent sous la définition générique du terme réfugié, qui est une norme universelle applicable à tous. Les Palestiniens ont une agence séparée et une définition séparée, ce qui est lié à une zone géographique et une population étroitement délimitée. L'agence est l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, ou UNRWA, qui dispose de sa propre définition sur son site Web, que vous pouvez consulter.
Deuxièmement, le statut de réfugié des Palestiniens est héréditaire, ce qui n'est pas le cas des autres réfugiés juifs ni même des autres réfugiés. Les descendants de réfugiés juifs de pays arabes n'héritent pas du statut de réfugié de leurs parents, tandis que les Palestiniens, oui.
Troisièmement, si vous êtes un réfugié et que acquérez une nouvelle nationalité, vous cessez d'être un réfugié. C'est le cas pour les réfugiés juifs de pays arabes. Cela est vrai pour les réfugiés en règle générale, mais pas pour les réfugiés palestiniens qui conservent leur statut de réfugié même lorsqu'ils ont la nationalité d'un autre État apte et disposé à les protéger. On dénombre environ deux millions de Palestiniens ainsi dotés du statut de réfugié auprès de l'UNRWA, bien qu'ils aient la nationalité jordanienne.
Quatrièmement, et c'est ici la dernière différence que je mentionnerai, la durée de résidence est différente. Tous les autres réfugiés du monde, y compris les réfugiés juifs originaires de pays arabes, doivent avoir la nationalité ou une résidence habituelle dans le pays où ils disent craindre d'être persécutés pour obtenir le statut de réfugié. L'UNRWA, par contre, n'exige qu'une brève période de résidence de deux ans. Il suffit aux réfugiés palestiniens d'avoir vécu dans la Palestine sous mandat britannique pendant deux ans entre juin 1946 et mai 1948 pour être admissibles comme réfugiés à l'UNRWA.
La dernière partie de mon exposé porte sur les réparations. Le principe est assez simple. Les Juifs originaires des pays arabes ont le droit de faire valoir leur droit à réparation en raison des injustices dont ils ont été victimes et qui sont à l'origine de leur déplacement. Même s'ils ne sont plus des réfugiés car ils ont obtenu la nationalité du Canada, d'Israël ou d'un autre pays, ils ne perdent pas pour autant le droit d'obtenir réparation pour les injustices subies. Lorsqu'il s'agit de réparation, il existe tout un éventail de possibilités. J'en ai énuméré quelques-unes ici. Au final, ce sera les parties qui participent directement dans les négociations qui devront décider des réparations. Le Canada est un pays qui adhère à des principes d'équité et au principe de la primauté du droit, et il ne saurait être indifférent au résultat. Le Canada doit appuyer le principe selon lequel, dans les négociations de paix au Moyen-Orient, tous les réfugiés doivent être traités avec équité et justice.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Qu'il me soit permis de remercier le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de l'occasion qui m'est donnée de présenter la dimension historique de ceux qu'on a coutume de désigner par l'Exode oublié des Juifs des pays arabes.
Mon intérêt de recherche personnel sur ce sujet a abouti à la publication d'un certain nombre de volumes et d'articles. Je tenterai d'en présenter les grandes lignes dans le temps qui m'est imparti.
La présence des Juifs dans les pays arabo-musulmans est bien antérieure à la pénétration de l'Islam et date du VIe siècle avant l'ère courante et plus tôt encore. Ces communautés sont disparues ou en voie de l'être dans la majorité des pays arabo-musulmans. En effet, 865 000 Juifs se sont vu exclure des pays qui les ont vu naître et ont éprouvé le besoin de quitter.
En premier lieu, je traiterai du statut juridique traditionnel du non-musulman dans les pays musulmans, présenterai la mutation des rapports judéo-musulmans durant la période précoloniale et coloniale, puis dresserai la liste de certaines des mesures discriminatoires envers les Juifs, lesquelles ont abouti à la disparition quasi totale des Juifs de ces pays.
Parlons du statut des dhimmis. La condition des minorités non musulmanes dans les pays musulmans est celle de dhimmi, que l'on peut rendre par « toléré » ou « protégé ». Elle est régie à l'ombre de l'assertion voulant que les écritures juives et chrétiennes aient été déformées par leurs indignes dépositaires. Elle est légiférée par le Pacte d'Omar amendé de plusieurs mesures discriminatoires par la suite. Le dhimmi est un être en position d'infériorité par rapport à la société musulmane: taxes spéciales, vêtements reconnaissables, mesures d'humiliation et état de non-être sur le plan juridique lorsqu’un litige oppose un musulman à un non-musulman.
En ce qui a trait à l’islam chiite, le Juif est également considéré comme source d’impureté. Bien que la condition des Juifs ait différé d’un pays à l’autre, certaines caractéristiques sont communes aux Juifs du Maroc, de l’Empire ottoman et de la Perse.
Au XIXe siècle, de nombreux voyageurs, consuls ou éducateurs dépêchés par l'Alliance israélite universelle transmirent des rapports alarmants sur la situation des Juifs et les thèmes qui revinrent furent les suivants: humiliation au quotidien, objet de mépris, soumission jusqu'à l'atrophie, insécurité constante, enlèvements, densité de population élevée dans les quartiers juifs, paupérisation dramatique et conditions d'insalubrité graves. Ils décrivirent un cauchemar de fanatisme d'une part et de résignation de l'autre.
La condition difficile des Juifs, qui représentaient 0,5 à 3 % de la population, tout dépendant du pays, fut également mise en exergue par les chroniqueurs musulmans. Les Juifs constituaient alors un souffre-douleur de service lorsqu’il y avait de l’instabilité politique, une défaite militaire ou encore des conditions économiques difficiles, tout comme la sécheresse. Des massacres et des rapines se tinrent périodiquement. Vous aurez la liste dans le document, parce qu'en faire la lecture serait un peu fastidieux pour l'instant.
Il y eut cependant des élites et des notables qui furent proches du pouvoir et qui jouirent de privilèges particuliers. De façon générale, les souverains montraient une certaine bienveillance — il y eut bien sûr des exceptions —, mais la mise en application de leurs décisions ne fut pas toujours respectée. Ainsi, le décret conclu entre le souverain marocain et le philanthrope Moses Montefiore en 1864 relativement à la cessation des mauvais traitements infligés aux Juifs ne changea rien dans les faits.
Des accusations de crimes rituels furent portées contre les Juifs à Damas en 1840 et au Caire en 1902. Dans l’Empire ottoman, des réformes furent instaurées, annulant l’obligation du port distinctif et l’annulation de la taxe spéciale aux non-musulmans, mais encore une fois, dans les contrées éloignées de l'Empire ottoman, ces dispositions ne furent jamais appliquées.
Qu'en fut-il durant la période précoloniale et coloniale? En marge de l'expansion européenne au XIXe siècle, bien des Juifs recherchèrent la protection consulaire et des conférences internationales en définirent les paramètres: Tanger, Madrid, Lausanne et ainsi de suite. Les Juifs d'Algérie eurent droit à la nationalité française en 1870, les Juifs de Tunisie y eurent droit sur demande en 1923 et les Juifs du Maroc conservèrent le statut de dhimmi lors de l'instauration du protectorat au Maroc.
La nationalité égyptienne fut acquise par un plus grand nombre de Juifs, mais leur fut discrètement fermée dans les années 1940, ce qui laissa près d'un quart des Juifs sans nationalité. Au Yémen, la législation de la Charia fut appliquée en 1948 et les orphelins juifs furent séquestrés pour être islamisés, pratique réaffirmée depuis 1922.
Il faut préciser que l'amélioration du statut légal des Juifs ne changera pas toujours le vécu, car les mentalités n'évoluent pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait.
De façon générale, l'occidentalisation des Juifs dans les pays à majorité musulmane devança de plus d'une génération celle des musulmans, entre autres, en raison de la pénétration du réseau scolaire de l'Alliance israélite universelle. Sous le régime colonial, les Juifs purent enfin s'établir en dehors des limites du quartier juif, le mellah ou la hara, et ne plus devoir porter d'habits distinctifs. Bien des musulmans y virent un changement du statut des Juifs qui devait normalement être régi de façon immuable par la loi islamique. La tradition faisant que les Juifs soient persécutés lors des périodes nationales difficiles, la rancoeur contre le pouvoir colonial et l'émancipation des Juifs furent des facteurs importants du déclenchement d'actions antijuives, tout comme à Fez en 1912, au Caire en 1945 et ainsi de suite.
Pour ne pas mécontenter la majorité musulmane, voire même l'antisémitisme des colons européens, le pouvoir colonial ferma souvent les yeux sur des abus commis envers les Juifs, notamment à Bagdad en 1942. Nul doute qu'à défaut d'obtenir l'égalité des droits, les Juifs envisagèrent de quitter leur pays.
Durant la Seconde Guerre mondiale, un régime pronazi fut instauré en Irak et un pogrom de grande envergure, leFarhoud, fut perpétré en 1941. Le Mufti de Jérusalem se fit le porte-voix de la propagande nazie et encouragea les musulmans bosniaques à s'engager dans la Waffen SS. De plus, les Juifs de Libye furent envoyés dans les camps de la mort en Europe et une partie des Juifs de Tunisie furent soumis aux travaux forcés.
Au lendemain de la guerre, l'insécurité grandit au sein des communautés juives d'Orient: pogrom en Libye en 1945, émeutes anti-britanniques et antisémites en Égypte la même année, en Syrie, au Yémen et à Aden en 1947 et exclusion des Juifs de l'administration en Syrie et au Liban en 1947. Le comité politique de la Ligue arabe, regroupant sept pays, proposa le gel des avoirs juifs en 1947, bien avant l'indépendance d'Israël.
L'indépendance d'Israël et sa victoire inespérée contre les armées arabes qui l'ont envahi fut perçue par les Juifs comme étant quasi miraculeuse. Des pressions furent faites sur les Juifs dont on exigea des preuves de loyauté en s'opposant au nouvel État juif et la presse arabe vitupéra tous azimuts Israël et les Juifs. Des départs en panique à destination d'Israël se firent à partir de nombreux pays en dépit des menaces de destruction de l'État d'Israël nouvellement créé.
Les mesures anti-juives furent multiples: non-renouvellement des licences professionnelles et juives en Irak, interdiction de quitter le pays en Irak en 1948 et au Yémen en 1949, retrait de la nationalité aux Juifs égyptiens qui devinrent apatrides dans les années 1950, perte de la nationalité aux Juifs qui quittent leur pays en Irak en 1950 et en Égypte en 1950, privation du droit de vote des Juifs de Libye en 1951.
À ces mesures, s'ajoutèrent des pogroms à Djerada, au Maroc, en 1948, à Damas et Alep en 1948, à Benghazi et Tripoli en 1948, à Bahrein en 1949, en Égypte en 1952, en Libye et en Tunisie en 1967. Il y eut des arrestations et des expulsions en Égypte en 1956, l’étranglement économique via la spoliation en Irak en 1951, en Syrie en 1949, en Libye en 1970 ou l’exclusion en Syrie et au Liban en 1947, en Libye en 1958, en Iran en 2000, ou encore l’égyptianisation des affaires en Égypte en 1961. Il y eut la destruction du patrimoine juif à Oran en 1961, en Libye en 1969 et en 1978, les exactions policières et les enlèvements de jeunes filles avec conversion forcée au Maroc en 1961-1962, les enlèvements de Juifs au Liban en 1967, les pendaisons publiques à Bagdad 1969, le recours aux clichés antisémites dans la presse arabe et les campagnes d’excitation et de haine antijuives prenant pour prétexte le sionisme. Le lendemain de la Guerre des Six Jours, cette rhétorique prit un essor considérable.
Bien que des assurances d'égalité devant la loi furent faites dans les pays considérés comme modérés, tout comme le Maroc et la Tunisie après leur indépendance, l'adhésion à la Ligue arabe s’est accompagnée d'un boycott total de ce qui pouvait avoir un rapport avec Israël ou à tout contact avec ce pays. Ainsi, les échanges postaux furent interdits, on fit des difficultés pour émettre des passeports, et tout média qui ne présentait pas Israël sous un aspect extrêmement négatif fut interdit. Ce boycott total a coupé court à toute possibilité de dialogue qui aurait pu aboutir à une compréhension mutuelle.
En conclusion, la modernité a laissé entrevoir aux Juifs les portes de la dignité citoyenne et les préjugés contre les Juifs ont poussé ces derniers à quitter leur pays natal. La fin de la norme de servitude qui existait dans les pays arabo-musulmans fut un traumatisme dans le monde musulman, raison pour laquelle le nationalisme arabe a fait de la Palestine le point nodal de sa mobilisation. Le sionisme, c'est le Juif qui a retrouvé sa dignité et qui se défend, en un mot, l'antithèse de la « dhimmitude ».
Il faut, en outre, tenir compte que les mesures prises pour et surtout contre les Juifs ont varié d'un pays à l'autre.
Lorsqu'elles furent promulguées, les mesures prises pour protéger les Juifs furent rarement appliquées. Par contre, il fallait peu de choses pour éveiller l'animosité de la populace envers les Juifs, indépendamment du fait que des mesures puissent avoir été promulguées ou non contre eux.
La politique de terreur et d'exclusion a conduit à un nettoyage ethnique sans regard aux droits et aux biens perdus, confisqués ou abandonnés, ou encore à des mesures discriminatoires accompagnées d'une propagande vicieuse qui aboutirent à un exode à demi forcé, en catimini le plus souvent.
Ces mesures discriminatoires furent de plusieurs natures et ont varié selon le pays. N'eurent été le délire anti-israélien des médias arabes et les mesures discriminatoires envers les Juifs, il est fort probable qu'une partie d'entre eux auraient décidé de rester dans leur pays et une autre partie d'émigrer. Le sentiment d'insécurité a constamment plané sur les communautés juives pour lesquelles le départ devint une nécessité de survie ou une simple question de temps pour éviter d'être pris en otage, à la merci de troubles potentiels, convaincues qu'elles en seraient la prochaine victime.
Ainsi, la présence millénaire de Juifs dans les pays arabo-musulmans s'est pratiquement atrophiée en une génération pour s'exiler sous d'autres cieux.
Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions et nuancer, au besoin, la brève présentation que je viens de faire.
Je vous remercie.