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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 077 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 mai 2013

[Enregistrement électronique]

(1140)

[Traduction]

    Chers collègues, il est bon de voir que tout le monde est de retour.
    Aujourd'hui, nous allons entamer notre étude de la situation des réfugiés juifs des pays du Moyen-Orient. Nous avons quatre invités qui vont comparaître aujourd'hui. Nous allons entendre, dans l'ordre, M. Abitbol, M. Urman, M. Matas et M. Bensoussan.
    Nous vous accordons 10 minutes à chacun pour votre exposé liminaire. Si vous désirez écourter votre exposé, ce n'est pas grave.
    Nous allons donner la parole à nos invités, puis les membres leur poseront des questions, mais avant tout, j'aimerais vous remercier et vous inviter à faire votre exposé dans l'ordre que je viens de mentionner.
    Nous allons commencer par M. Abitbol, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le président, comme co-président de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, je vais vous donner une vue d'ensemble de notre présentation.
    M. Stanley Urman va vous donner la partie qui touche la réponse de la communauté internationale sur la réaction en ce qui a trait aux problèmes des réfugiés juifs dans les pays arabes. M. David Bensoussan va par la suite présenter une perspective historique et M. David Matas va présenter une perspective légale.
    Je vous remercie de l'invitation.
    Je vais commencer la présentation. Je suis Sylvain Abitbol. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui en ma qualité de co-président de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, ou Justice for Jews from Arab Countries — JJAC. C'est une coalition internationale de communautés et d'organisations juives représentant les intérêts des Juifs séfarades mizrahim qui ont été déplacés des pays arabes. Notre mandat est de veiller à ce que la justice pour les Juifs déplacés des pays arabes prenne sa place au sein de l'agenda international et que leurs droits soient garantis comme une question de droit et d'équité.
    Je tiens à féliciter le gouvernement canadien pour son leadership, soit le premier ministre Stephen Harper, le ministre des Affaires étrangères John Baird, et vous, monsieur le président, pour votre leadership dans l'organisation de ces audiences du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international en vue d'aborder une injustice qui a trop longtemps été ignorée par la communauté internationale.
    Dans la quête de la paix au Moyen-Orient, il faut des gouvernements, comme celui du Canada, qui exercent un leadership et une recherche de solutions durables et qui ne sont pas silencieux par opportunisme politique, car le défi est clairement de taille. La tragédie du conflit du Moyen-Orient se reflète dans les centaines de milliers de victimes qui ont été arrachées à leurs foyers, qui ont perdu leurs moyens de subsistance et qui ont été privées de tous leurs biens.
    C'est la politique de JJAC que l'appel légitime à garantir les droits et la réparation des Juifs déplacés des pays arabes ne soit pas destinée à contrer les droits et les revendications palestiniennes. C'est simplement la reconnaissance du fait qu'il y a deux populations de réfugiés au Moyen-Orient, alors que le monde ne se préoccupe uniquement que des réfugiés palestiniens. Il est aussi important de s'assurer que les droits de centaines de milliers de Juifs déplacés des pays arabes soient demain reconnus et traités. C'est le seul moyen d'assurer une solution durable et équilibrée pour tous les réfugiés du Moyen-Orient.
    Quand JJAC a commencé ses travaux, il y a quelque 12 années, aucun gouvernement n'était intéressé à se pencher sur les droits des réfugiés des pays arabes. Seul JJAC a entrepris une série d'initiatives pour soulever sur la scène internationale la question des réfugiés juifs. J'ai comparu devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève et mes collègues ont témoigné devant le Parlement européen à Bruxelles. JJAC a fait partie des audiences gouvernementales officielles qui ont eu lieu au Congrès américain, à la Chambre des Lords à Londres et à la Chambre des députés à Rome.
     Aujourd'hui, je me présente devant vous comme Canadien, fier que mon gouvernement ait planifié ces audiences et dans l'espoir que la reconnaissance des droits de tous les réfugiés du Moyen-Orient, y compris les réfugiés juifs des pays arabes, soit entérinée comme principe de la politique étrangère canadienne. Je comparais également devant vous comme un Juif d'un pays arabe.
    Né au Maroc, j'ai été l'un des plus chanceux puisque je suis né dans un pays musulman relativement tolérant. Le Maroc est l'un des rares pays arabes où les Juifs vivent et ont vécu dans une paix relative grâce au leadership de plusieurs sultans qui se sont succédé et qui ont fait preuve de noblesse. Pourtant, même au Maroc, dans toute sa tolérance, il ne reste aujourd'hui que 3 000 Juifs sur une population d'environ 265 000 en 1948.
    D'autres n'ont pas eu cette chance. Au cours du XXe siècle, de grandes populations juives ont été persécutées et, finalement, déplacées dans des pays comme l'Irak, le Yémen, le Liban, la Syrie, l'Égypte, la Tunisie, la Libye et l'Algérie. Vous entendrez plus tard des experts qui vous rendront compte des violations massives des droits de la personne à l'encontre des Juifs: persécutions, violence, arrestations et détentions arbitraires — j'ai moi-même été détenu arbitrairement  —, expulsions, expropriations d'actifs communautaires et de biens personnels juifs. La liste des injustices est aussi longue que variée.
    Ces mesures prises dans de nombreux pays arabes ne se sont pas produites spontanément ou dans le vide. Des documents ont été découverts par JJAC dans les archives du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Genève.
(1145)
    Excusez-moi, monsieur Abitbol.
    Pouvez-vous, s'il vous plaît, parler plus lentement pour aider les interprètes?
    Ils révèlent une collusion de la Ligue des États arabes à utiliser leurs citoyens juifs comme levier dans leur lutte contre l'État d'Israël.
    Le 17 février 1948, le Comité politique de la Ligue arabe, qui comprend l'Égypte, l'Irak, le Liban, l'Arabie Saoudite, la Syrie, la Jordanie et le Yémen, a adopté un projet de loi en sept points sur le traitement des Juifs dans les pays arabes.
    Le projet de loi comportait sept dispositions incluant ceci: pour le Juif, de s'inscrire comme membre de l'État de la minorité juive de la Palestine, c'est-à-dire que les Juifs deviennent des citoyens d'un pays ennemi, soit Israël; que les comptes bancaires juifs soient gelés; que l'utilisation de ces fonds gelés serve à financer la guerre des pays arabes contre Israël; que des Juifs soient mis en prison pour activités sionistes. Les Juifs devaient prouver que leurs activités étaient antisionistes et devaient déclarer leur volonté de rejoindre les armées arabes qui étaient en guerre contre Israël. C'était inhumain.
    Ces mesures et d'autres ont rendu la vie des Juifs dans les pays arabes tout simplement intenable. Dans la plupart de ces pays arabes, les Juifs ont réalisé qu'ils n'y avait pas d'avenir à long terme pour eux, pour leurs enfants et pour leur famille dans leur pays d'origine. En cherchant à partir, beaucoup ont choisi de se réinstaller en Israël, tandis que d'autres sont allés vers des pays où ils pouvaient trouver refuge. Ce déplacement a eu lieu de 1948 à 1972 et plus de 856 000 Juifs ont quitté leur foyer qui se trouvait dans des pays arabes. Ils sont partis une main devant, une main derrière.
    Toutefois, que les Juifs déplacés des pays arabes soient réinstallés en Israël ou ailleurs, ils étaient considérés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés comme réfugiés en vertu du droit international. À son crédit, le Canada a ouvert ses portes et a servi de refuge aux Juifs fuyant l'Égypte, la Syrie, la Libye, l'Irak ou ailleurs. C'est une noble histoire qui devrait être rappelée.
    En terminant, je tiens à répondre à la question suivante: pourquoi maintenant? Pourquoi maintenant des réfugiés des pays arabes doivent-ils être inclus dans les négociations de paix au Moyen-Orient? La réponse est fondamentale. De nombreux détracteurs affirment qu'Israël est un État illégitime, que les Juifs sont des étrangers et qu'ils n'appartiennent pas à la région. C'est une déformation grossière et obscène de l'histoire.
    Il faut souligner à chaque occasion que, durant plus de 2 500 ans, bien avant le christianisme et l'islam, les Juifs ont, en grand nombre, résidé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Nous, les Juifs séfarades mizrahim, sommes le peuple autochtone de la région. Nous sommes les indigènes de la région du Moyen-Orient et nous ne devons pas laisser le riche et vibrant patrimoine des Juifs de cette région être radié des livres d'histoire.
    Sur la base de ces vérités, monsieur le président, je vous recommande respectueusement que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international prenne les actions suivantes.
    Premièrement, que le comité publie une déclaration reconnaissant que deux populations de réfugiés ont été des victimes du conflit israélo-arabe et que les deux devraient être traitées de façon équitable dans tout processus de paix au Moyen-Orient. Deuxièmement, que le comité présente une résolution pour examen par la Chambre des communes consacrant le principe de droit bona fide de tous les réfugiés du Moyen-Orient et que dans tous les débats canadiens sur le Moyen-Orient, toute référence explicite à la résolution requise du problème des réfugiés palestiniens soit accompagnée d'une référence explicite aux droits des réfugiés juifs des pays arabes.
    Pour que la paix au Moyen-Orient soit durable et pour longtemps, il faut s'assurer que les droits de tous les réfugiés, arabes et juifs, soient reconnus et garantis comme une question de droit et d'équité.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
     Je donne maintenant la parole à M. Urman.
(1150)

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs les membres du comité.
    J'aimerais vous remercier d'avoir organisé ces audiences sur la question des réfugiés juifs des pays arabes. J'aimerais également vous féliciter de rechercher ainsi la vérité et la justice, ce qui, dans les affaires du Moyen-Orient, est souvent une tâche titanesque. Cela s'applique particulièrement à la question des réfugiés.
    Le conflit israélo-arabe domine les affaires du Moyen-Orient depuis plus de 65 ans. Les victimes de ces années d'affrontement sont inévitablement les habitants de la région, à savoir les Arabes, les Juifs, les chrétiens et d'autres groupes qui ont été déracinés de leur pays d'origine et qui ont été forcés à trouver refuge et à s'installer ailleurs.
    Deux de ces groupes, les Arabes et les Juifs, ont été reconnus à titre de réfugiés légitimes par les agences onusiennes pertinentes. Pourtant, lorsqu'on aborde la question des réfugiés dans le contexte du Moyen-Orient, les gens pensent invariablement aux réfugiés palestiniens et quasiment jamais aux Juifs des pays arabes.
    Le fait d'affirmer des droits et de demander des réparations pour les réfugiés juifs ne vise pas à contester toute revendication des réfugiés palestiniens. Ces revendications ont leur propre valeur. Il s'agit d'un appel légitime à reconnaître que les réfugiés juifs des pays arabes, comme principe de droit et d'équité, possèdent les mêmes droits que tout autre réfugié du Moyen-Orient.
    David Bensoussan, mon collègue, vous fournira une perspective historique qui montre que le statut des Juifs dans la région remonte à loin. Les Juifs et les communautés juives existent au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la région du Golfe depuis de 2 500 ans, soit 1 000 ans avant l'arrivée de l'Islam.
    Après la conquête de la région par les musulmans, sous la domination islamique, les juifs et les chrétiens étaient considérés comme des « dhimmi », à savoir une minorité privilégiée, mais néanmoins des citoyens de seconde classe. Les Juifs étaient, pendant une certaine période, autorisés à s'adonner à certaines activités limitées dans les domaines religieux, éducatif, professionnel et des affaires, mais cela a changé du tout au tout au XXe siècle, comme on l'a vu avec les persécutions répandues et les violations massives des droits de la personne des minorités juives dans les pays arabes.
    La détérioration de leur situation a été précipitée par l'adoption de décrets officiels et de lois qui privaient les populations minoritaires de droits de la personne et de droits civils, qui les expropriaient et les renvoyaient de la fonction publique et d'autres formes d'emplois.
    Ces décrets d'expulsion ont été adoptés en Algérie, en Égypte, en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen. Bien des régimes arabes se sont vus dépouillés de leur citoyenneté.
    À titre d'exemple, en Irak, la loi numéro 1 de 1950, intitulée « Supplément au décret portant révocation de la nationalité iraquienne », a été invoquée afin de dépouiller les Juifs de leur nationalité irakienne.
    En Égypte, le Code de la nationalité, adopté le 26 mai 1926, prévoit qu'une personne née en Égypte n'a droit à la nationalité égyptienne que si son père appartenait, par sa race, à la majorité de la population d'un pays dont la langue est l'arabe ou dont la religion est l'Islam. Cette disposition a, au milieu des années 1950, servi de prétexte officiel pour expulser bon nombre de Juifs d'Égypte.
    En Libye, le Conseil des ministres, en 1962, a annoncé un décret royal prévoyant qu'un ressortissant libyen renonçait à sa nationalité s'il avait eu des contacts avec un sioniste, à savoir s'il avait agit « moralement ou matériellement en faveur des intérêts d'Israël ». Ce libellé a permis aux autorités de priver les Juifs du Liban de leur nationalité, selon leur bon vouloir.
    L'exode massif de Juifs des pays arabes a été précipité par plusieurs facteurs, dont la montée du nationalisme arabe, l'établissement d'États islamiques arabes souverains et le conflit israélo-arabe. Les Juifs étaient souvent victimes de meurtres et d'arrestations arbitraires, mis en détention, torturés et exécutés. Le danger était bien connu.
    Ici, nous voyons un article qui a été publié dans le New York Times, le 16 mai 1948, à peine deux jours après la création de l'État d'Israël.
    La situation des Juifs a beaucoup empiré en 1948, dans la mesure où quasiment tous les pays arabes ont déclaré la guerre ou ont soutenu la guerre contre Israël. Les Juifs ont été déracinés de leur pays de résidence ou sont devenus des otages politiques du conflit israélo-arabe.
    Dans quasiment tous les cas, alors que les Juifs étaient forcés de fuir, les biens individuels et collectifs ont été saisis ou confisqués, sans aucun dédommagement accordé par les gouvernements arabes impliqués.
    Cela a entraîné le déplacement ou, pour utiliser le jargon d'aujourd'hui, le nettoyage ethnique des Juifs de quelque 10 pays arabes.
    Quels sont les chiffres? En 1948, on comptait 856 000  résidants juifs dans quelque 10 pays arabes. Aujourd'hui, ils sont moins de 4 500.
(1155)
    Sur le tableau qui est affiché, vous remarquerez que chaque fois qu'un conflit israélo-arabe a éclaté, à savoir en 1947, en 1956, en 1967 et en 1976, chaque fois que le conflit israélo-arabe reprenait, le nombre de Juifs dans les pays arabes descendaient en flèche.
    À titre de comparaison, le tableau suivant donne des estimations sur les réfugiés palestiniens. Ce document original a été découvert dans les archives du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, à Genève. Il présente les estimations du nombre de réfugiés palestiniens fournies par les Britanniques, les Américains, les Palestiniens, Israël et l'ONU. Ce que vous voyez ici est une version typographié du document original.
    La Commission de conciliation des Nations Unies, en septembre 1949, estimait qu'il y avait 726 000 réfugiés palestiniens déplacés à cause de la guerre d'indépendance d'Israël. Le chiffre le plus élevé provient des autorités américaines qui disent qu'il y avait 875 000 réfugiés palestiniens. Les Israéliens, bien entendu, sont ceux qui fournissent le chiffre le plus bas, à savoir 650 000 réfugiés palestiniens.
    Le monde sait très bien ce qui est arrivé aux réfugiés palestiniens. Ce qu'on sait moins, c'est ce qui est arrivé aux réfugiés juifs.
    La majorité des Juifs déplacés des pays arabes ont immigré vers Israël pour vivre le rêve sioniste qui consiste à retourner à l'ancienne patrie du peuple juif. Quelque deux tiers, soit près de 650 000 Juifs, ont immigré en Israël, alors qu'environ le tiers, soit plus de 200 000 Juifs, ont trouvé refuge dans des pays autres qu'Israël, y compris le Canada.
    Monsieur le président, est-ce que les Juifs déplacés des pays arabes étaient vraiment des réfugiés?
    Nous pouvons voir ici, à deux occasions, que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés s'est prononcé en disant que les Juifs qui fuyaient les pays arabes étaient bel et bien des réfugiés légitimes en vertu du droit international et étaient visés par la protection du Haut Commissariat pour les réfugiés. La première décision remonte à 1957 et concerne les Juifs qui fuyaient l'Égypte. La deuxième fois, c'était lors de la déclaration de 1972, et la décision portait sur les Juifs qui fuyaient les pays d'Afrique du Nord.
     Plus tard, vous entendrez mon collègue David Matas vous indiquer comment, en vertu du droit international, les droits des réfugiés juifs des pays arabes sont impérieux et il vous expliquera comment leur reconnaissance se reflète dans de nombreuses déclarations juridiques et politiques: la résolution 242, la Conférence de Madrid, etc.
    Deuxièmement, même si les Juifs qui ont fui les pays arabes étaient des réfugiés, ont-ils des droits aujourd'hui, plus d'un demi-siècle plus tard, alors qu'ils ne sont plus réfugiés? La réponse à cette question est également oui.
    Il n'y a pas de délai de prescription en ce qui concerne les droits des réfugiés. Le fait que le temps passe ne prive pas les réfugiés de leur droit à demander réparation pour les violations massives des droits de la personne dont ils ont été victimes, ainsi que pour les pertes physiques et matérielles qu'ils ont subies. Si un réfugié laisse derrière lui des biens, y compris des comptes bancaires et des régimes de retraite, il ne perd pas ses droits sur ses biens, peu importe le nombre d'années qui se sont écoulées depuis.
    En fait, il y avait deux populations de réfugiés, l'une arabe et l'autre juive, en nombre quasiment égaux et pendant la même période, et les deux ont été déclarées réfugiées en vertu du droit international. Il est important de noter comment la communauté internationale, par l'entremise des Nations Unies, a réagi à ces deux populations de réfugiés qui se sont formées au même moment.
    Nos études ont révélé un traitement différentiel et disproportionné par les Nations Unies en faveur des réfugiés palestiniens, par rapport aux réfugiés juifs. Nous avons examiné trois facteurs: d'abord, les résolutions de l'ONU, ensuite, le nombre d'agences onusiennes qui ont traité de la question des réfugiés palestiniens ou juifs, et enfin, les ressources qui ont été fournies aux réfugiés palestiniens et juifs.
    Pour ce qui est du premier facteur, en ce qui concerne les résolutions de l'ONU de 1949 à 2009, il y a eu un total de 1 088 résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale sur toutes les questions imaginables portant sur le Moyen-Orient. Cent soixante-douze résolutions ont porté précisément sur les réfugiés palestiniens.
(1200)
    Il n'y a jamais eu de résolution du Conseil de sécurité ni aucune résolution de l'Assemblée générale qui porte précisément sur la question des réfugiés juifs ni encore aucune résolution sur d'autres sujets qui mentionnent même la question des réfugiés juifs des pays arabes. Ce traitement différentiel de l'ONU et cette exclusivité accordée seulement aux réfugiés palestiniens se poursuit encore aujourd'hui.
    En dépit du sort des réfugiés juifs, même si l'on n'en parle jamais, il existe une résolution cruciale de l'ONU sur le Moyen-Orient qu'il nous faut regarder de plus près: la résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU.
    Toujours considérée comme étant le vecteur principal pour résoudre le conflit israélo-arabe, la résolution 242 stipule qu'un accord de paix exhaustif devrait nécessairement inclure « un règlement juste du problème des réfugiés ».
    On n'y fait aucune distinction entre les réfugiés arabes et les réfugiés juifs. Telle était l'intention des rédacteurs et des parrains de la résolution.
    Même si c'est implicite, compte tenu des 172 résolutions qui portent précisément sur les réfugiés palestiniens, le libellé de la résolution 242 prévoit que l'ONU doit examiner les droits légitimes de tous les réfugiés du Moyen-Orient, aussi bien les Juifs que les Arabes.
    En ce qui a trait au deuxième critère, 10 agences onusiennes ont reçu pour mandat de s'occuper des droits et du bien-être des réfugiés palestiniens, ou ont été créées à cette fin. Seul le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a traité de la question des Juifs, et ce n'était que pour la récupération des biens.
    En ce qui a trait au troisième critère, celui des ressources, entre 1950 et 2007, les Nations Unies ont versé 13,7 milliards de dollars, par l'entremise de l'UNRWA, pour venir en aide aux réfugiés palestiniens situés dans les régions précises de la Cisjordanie, de Gaza, de la Syrie et de la Jordanie. Par opposition, nous n'avons trouvé qu'une seule subvention de 35 000 $ octroyée par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Juifs fuyant l'Égypte, et il s'agissait alors d'une subvention qui a été convertie en prêt et qui a dû être remboursée.
    En ce qui a trait aux biens perdus, les estimations parlent de 6 milliards de dollars de pertes pour les réfugiés juifs et de 3,9 milliards de dollars de pertes pour les réfugiés palestiniens.
    Pour terminer, j'aimerais poser une dernière question. Pourquoi est-il important de parler des réfugiés juifs, 60 ans plus tard?
    Bien qu'il n'y ait pas de symétrie entre les deux expériences, il existe un important facteur qui s'applique aux deux, à savoir l'impératif moral et légal de veiller à ce que les droits de tous les réfugiés légitimes soient pleinement reconnus, respectés et abordés dans toute tentative de résolution du conflit au Moyen-Orient.
    Pour qu'un processus de paix soit crédible et durable, il doit aborder de manière équitable toutes les populations de réfugiés occasionnées par le conflit israélo-arabe. On doit reconnaître l'injustice historique dont ont été victimes les réfugiés juifs des pays arabes.
    Que ce soit clair: en l'absence de souvenir, il ne peut pas y avoir de vérité; en l'absence de vérité, il ne peut pas y avoir de justice; en l'absence de justice, il ne peut pas y avoir de réconciliation; et en l'absence de réconciliation, il ne peut pas y avoir de paix durable entre tous les peuples de la région.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Matas.
    Bon retour au comité. Veuillez commencer.
    Merci de m'accueillir encore une fois. J'ai préparé un mémoire écrit, lequel a dû être distribué et traduit. Je vais essayer de vous le présenter en diagonal, si je puis dire, plutôt que de vous le lire.
    Les réfugiés juifs originaires de pays arabes ont le droit de faire valoir leurs droits et de faire reconnaître la violation de ces droits. Ils ont également droit à réparation en cas de violation de leurs droits. Ce serait une injustice que de reconnaître les droits des réfugiés palestiniens et de leur accorder réparation et de fermer les yeux sur les droits des réfugiés juifs et de refuser de leur accorder réparation, quand les types de violation dont les deux groupes souffrent découlent du même conflit.
    Comme Stan Urman l'a indiqué, mon mémoire est quelque peu juridique et je vais vous expliquer certains des fondements pour la revendication des droits des réfugiés juifs. Tout d'abord, je mentionnerai deux déclarations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, que Stan Urman a en fait affichées à l'écran.
    Sadako Ogata, lorsqu'elle était haut-commissaire pour les réfugiés — avant quoi elle était une universitaire japonaise —, a ouvert les archives du HCNUR à des chercheurs. Les archives avaient jusque-là été fermées. Stan Urman et moi-même sommes allés à Genève aux archives et avons trouvé ces documents qui sont cités ici et qui ont été rendus publics pour la première fois par nos travaux de recherche.
    Il existe un certain nombre d'initiatives multilatérales, lesquelles sont de nature générique et ne se concentrent pas précisément sur les réfugiés palestiniens. Il y a eu la Conférence de Madrid et la feuille de route. Ce que je devrais dire au sujet de la Conférence de Madrid, c'est que le Canada est le coordonnateur du groupe de travail sur les réfugiés et, par conséquent, cette question devrait être particulièrement importante pour le Canada. Il y a la feuille de route sur le Moyen-Orient et la résolution 242. Stan Urman a mentionné qu'elle était générique, mais les choses vont même plus loin car si vous regardez les travaux préparatoires, l'histoire de cette résolution, les Soviétiques de l'époque avaient en réalité essayé de faire porter la résolution précisément sur les réfugiés palestiniens. Arthur Goldberg était le représentant américain à l'ONU à l'époque. Il a parlé du débat après coup et a dit que les autres avaient tellement insisté et persisté que les Soviétiques s'étaient retirés, et que la raison pour laquelle le libellé était générique, c'était pour inclure également les réfugiés juifs.
    Nous avons ensuite ces accords bilatéraux entre Israël et l'Égypte en 1978, entre Israël et l'Égypte en 1979, entre Israël et la Jordanie en 1994, et entre Israël et la Palestine en septembre 1993 et en septembre 1995. Une fois de plus, le libellé est générique et il semble évident qu'il vise ainsi à s'appliquer aux deux populations. Par exemple, l'accord avec l'Égypte de 1979 prévoit que « les parties conviennent d'établir une commission des revendications pour le règlement mutuel de toutes les revendications financières ». La référence même à cette mutualité signifie que les deux populations étaient visées.
    Les États ont également reconnu l'existence de deux populations de réfugiés distinctes. En juillet 2000, le président Bill Clinton a fait des déclarations très musclées, que je cite dans mon mémoire, tout comme l'ancien président américain Jimmy Carter, dans le cadre des accords de Camp David, en octobre 1977. Le premier ministre canadien Paul Martin a fait une déclaration très vigoureuse en juin et juillet 2005. Il a déclaré: « Un réfugié est un réfugié. C'est pourquoi la situation des réfugiés juifs des pays arabes doit être prise en considération. Tous les réfugiés méritent notre attention... Je ne voulais pas laisser entendre que les revendications des réfugiés juifs sont moins légitimes ou méritent moins d'attention que celle des réfugiés palestiniens. » Il y a donc déjà des antécédents canadiens ici.
    Il y a ensuite une autre rubrique où je reconnais que les deux populations de réfugiés ne sont pas les mêmes. Il existe d'importantes différences juridiques entre les deux. Dans ce chapitre, j'en mentionne quatre. Cela fait partie d'une analyse beaucoup plus longue que j'ai réalisée, dans laquelle j'énonçais beaucoup plus de différences que ce que j'indique ici. Si les membres du comité s'y intéressent, je me ferai un plaisir de vous les envoyer.
(1205)
    Les réfugiés juifs, au moment de leur déplacement, répondaient à la définition de réfugié selon le droit international typique. Les réfugiés palestiniens, de leur côté, ne sont pas des réfugiés au sens ordinaire qu'en donne le droit international. Il en est ainsi pour plusieurs raisons, dont celles que j'ai mentionnées ici. En faisant valoir ces différences, Justice pour les Juifs originaires des pays arabes ne veut pas laisser entendre que les Palestiniens artificiellement qualifiés de réfugiés ne méritent pas notre intérêt ou qu'ils n'ont pas souffert. Tout au contraire, nous pensons que l'étiquette qui leur est collée et leur mode vie expliquent en grande partie une situation qu'il convient de soulager. Les distinctions entre réfugiés palestiniens et réfugiés juifs soulignent à la fois les limites injustes de la vie de réfugié qui a été imposée aux Palestiniens et les critères effectifs de la reconnaissance du statut de réfugié que les réfugiés juifs originaires des pays arabes remplissent.
    À titre d'exemple, permettez-moi de vous donner quatre différences.
    Tout d'abord, les Juifs de pays arabes tombent sous la définition générique du terme réfugié, qui est une norme universelle applicable à tous. Les Palestiniens ont une agence séparée et une définition séparée, ce qui est lié à une zone géographique et une population étroitement délimitée. L'agence est l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, ou UNRWA, qui dispose de sa propre définition sur son site Web, que vous pouvez consulter.
    Deuxièmement, le statut de réfugié des Palestiniens est héréditaire, ce qui n'est pas le cas des autres réfugiés juifs ni même des autres réfugiés. Les descendants de réfugiés juifs de pays arabes n'héritent pas du statut de réfugié de leurs parents, tandis que les Palestiniens, oui.
    Troisièmement, si vous êtes un réfugié et que acquérez une nouvelle nationalité, vous cessez d'être un réfugié. C'est le cas pour les réfugiés juifs de pays arabes. Cela est vrai pour les réfugiés en règle générale, mais pas pour les réfugiés palestiniens qui conservent leur statut de réfugié même lorsqu'ils ont la nationalité d'un autre État apte et disposé à les protéger. On dénombre environ deux millions de Palestiniens ainsi dotés du statut de réfugié auprès de l'UNRWA, bien qu'ils aient la nationalité jordanienne.
    Quatrièmement, et c'est ici la dernière différence que je mentionnerai, la durée de résidence est différente. Tous les autres réfugiés du monde, y compris les réfugiés juifs originaires de pays arabes, doivent avoir la nationalité ou une résidence habituelle dans le pays où ils disent craindre d'être persécutés pour obtenir le statut de réfugié. L'UNRWA, par contre, n'exige qu'une brève période de résidence de deux ans. Il suffit aux réfugiés palestiniens d'avoir vécu dans la Palestine sous mandat britannique pendant deux ans entre juin 1946 et mai 1948 pour être admissibles comme réfugiés à l'UNRWA.
    La dernière partie de mon exposé porte sur les réparations. Le principe est assez simple. Les Juifs originaires des pays arabes ont le droit de faire valoir leur droit à réparation en raison des injustices dont ils ont été victimes et qui sont à l'origine de leur déplacement. Même s'ils ne sont plus des réfugiés car ils ont obtenu la nationalité du Canada, d'Israël ou d'un autre pays, ils ne perdent pas pour autant le droit d'obtenir réparation pour les injustices subies. Lorsqu'il s'agit de réparation, il existe tout un éventail de possibilités. J'en ai énuméré quelques-unes ici. Au final, ce sera les parties qui participent directement dans les négociations qui devront décider des réparations. Le Canada est un pays qui adhère à des principes d'équité et au principe de la primauté du droit, et il ne saurait être indifférent au résultat. Le Canada doit appuyer le principe selon lequel, dans les négociations de paix au Moyen-Orient, tous les réfugiés doivent être traités avec équité et justice.
    Merci beaucoup.
(1210)
    Merci beaucoup, monsieur Matas. Je suis heureux de vous revoir.
    Merci.
    Monsieur Bensoussan, vous avez maintenant la parole, pendant 10 minutes.

[Français]

    Qu'il me soit permis de remercier le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de l'occasion qui m'est donnée de présenter la dimension historique de ceux qu'on a coutume de désigner par l'Exode oublié des Juifs des pays arabes.
    Mon intérêt de recherche personnel sur ce sujet a abouti à la publication d'un certain nombre de volumes et d'articles. Je tenterai d'en présenter les grandes lignes dans le temps qui m'est imparti.
    La présence des Juifs dans les pays arabo-musulmans est bien antérieure à la pénétration de l'Islam et date du VIe siècle avant l'ère courante et plus tôt encore. Ces communautés sont disparues ou en voie de l'être dans la majorité des pays arabo-musulmans. En effet, 865 000 Juifs se sont vu exclure des pays qui les ont vu naître et ont éprouvé le besoin de quitter.
    En premier lieu, je traiterai du statut juridique traditionnel du non-musulman dans les pays musulmans, présenterai la mutation des rapports judéo-musulmans durant la période précoloniale et coloniale, puis dresserai la liste de certaines des mesures discriminatoires envers les Juifs, lesquelles ont abouti à la disparition quasi totale des Juifs de ces pays.
    Parlons du statut des dhimmis. La condition des minorités non musulmanes dans les pays musulmans est celle de dhimmi, que l'on peut rendre par « toléré » ou « protégé ». Elle est régie à l'ombre de l'assertion voulant que les écritures juives et chrétiennes aient été déformées par leurs indignes dépositaires. Elle est légiférée par le Pacte d'Omar amendé de plusieurs mesures discriminatoires par la suite. Le dhimmi est un être en position d'infériorité par rapport à la société musulmane: taxes spéciales, vêtements reconnaissables, mesures d'humiliation et état de non-être sur le plan juridique lorsqu’un litige oppose un musulman à un non-musulman.
    En ce qui a trait à l’islam chiite, le Juif est également considéré comme source d’impureté. Bien que la condition des Juifs ait différé d’un pays à l’autre, certaines caractéristiques sont communes aux Juifs du Maroc, de l’Empire ottoman et de la Perse.
    Au XIXe siècle, de nombreux voyageurs, consuls ou éducateurs dépêchés par l'Alliance israélite universelle transmirent des rapports alarmants sur la situation des Juifs et les thèmes qui revinrent furent les suivants: humiliation au quotidien, objet de mépris, soumission jusqu'à l'atrophie, insécurité constante, enlèvements, densité de population élevée dans les quartiers juifs, paupérisation dramatique et conditions d'insalubrité graves. Ils décrivirent un cauchemar de fanatisme d'une part et de résignation de l'autre.
    La condition difficile des Juifs, qui représentaient 0,5 à 3 % de la population, tout dépendant du pays, fut également mise en exergue par les chroniqueurs musulmans. Les Juifs constituaient alors un souffre-douleur de service lorsqu’il y avait de l’instabilité politique, une défaite militaire ou encore des conditions économiques difficiles, tout comme la sécheresse. Des massacres et des rapines se tinrent périodiquement. Vous aurez la liste dans le document, parce qu'en faire la lecture serait un peu fastidieux pour l'instant.
    Il y eut cependant des élites et des notables qui furent proches du pouvoir et qui jouirent de privilèges particuliers. De façon générale, les souverains montraient une certaine bienveillance — il y eut bien sûr des exceptions —, mais la mise en application de leurs décisions ne fut pas toujours respectée. Ainsi, le décret conclu entre le souverain marocain et le philanthrope Moses Montefiore en 1864 relativement à la cessation des mauvais traitements infligés aux Juifs ne changea rien dans les faits.
    Des accusations de crimes rituels furent portées contre les Juifs à Damas en 1840 et au Caire en 1902. Dans l’Empire ottoman, des réformes furent instaurées, annulant l’obligation du port distinctif et l’annulation de la taxe spéciale aux non-musulmans, mais encore une fois, dans les contrées éloignées de l'Empire ottoman, ces dispositions ne furent jamais appliquées.
    Qu'en fut-il durant la période précoloniale et coloniale? En marge de l'expansion européenne au XIXe siècle, bien des Juifs recherchèrent la protection consulaire et des conférences internationales en définirent les paramètres: Tanger, Madrid, Lausanne et ainsi de suite. Les Juifs d'Algérie eurent droit à la nationalité française en 1870, les Juifs de Tunisie y eurent droit sur demande en 1923 et les Juifs du Maroc conservèrent le statut de dhimmi lors de l'instauration du protectorat au Maroc.
    La nationalité égyptienne fut acquise par un plus grand nombre de Juifs, mais leur fut discrètement fermée dans les années 1940, ce qui laissa près d'un quart des Juifs sans nationalité. Au Yémen, la législation de la Charia fut appliquée en 1948 et les orphelins juifs furent séquestrés pour être islamisés, pratique réaffirmée depuis 1922.
    Il faut préciser que l'amélioration du statut légal des Juifs ne changera pas toujours le vécu, car les mentalités n'évoluent pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait.
(1215)
    De façon générale, l'occidentalisation des Juifs dans les pays à majorité musulmane devança de plus d'une génération celle des musulmans, entre autres, en raison de la pénétration du réseau scolaire de l'Alliance israélite universelle. Sous le régime colonial, les Juifs purent enfin s'établir en dehors des limites du quartier juif, le mellah ou la hara, et ne plus devoir porter d'habits distinctifs. Bien des musulmans y virent un changement du statut des Juifs qui devait normalement être régi de façon immuable par la loi islamique. La tradition faisant que les Juifs soient persécutés lors des périodes nationales difficiles, la rancoeur contre le pouvoir colonial et l'émancipation des Juifs furent des facteurs importants du déclenchement d'actions antijuives, tout comme à Fez en 1912, au Caire en 1945 et ainsi de suite.
    Pour ne pas mécontenter la majorité musulmane, voire même l'antisémitisme des colons européens, le pouvoir colonial ferma souvent les yeux sur des abus commis envers les Juifs, notamment à Bagdad en 1942. Nul doute qu'à défaut d'obtenir l'égalité des droits, les Juifs envisagèrent de quitter leur pays.
    Durant la Seconde Guerre mondiale, un régime pronazi fut instauré en Irak et un pogrom de grande envergure, leFarhoud, fut perpétré en 1941. Le Mufti de Jérusalem se fit le porte-voix de la propagande nazie et encouragea les musulmans bosniaques à s'engager dans la Waffen SS. De plus, les Juifs de Libye furent envoyés dans les camps de la mort en Europe et une partie des Juifs de Tunisie furent soumis aux travaux forcés.
    Au lendemain de la guerre, l'insécurité grandit au sein des communautés juives d'Orient: pogrom en Libye en 1945, émeutes anti-britanniques et antisémites en Égypte la même année, en Syrie, au Yémen et à Aden en 1947 et exclusion des Juifs de l'administration en Syrie et au Liban en 1947. Le comité politique de la Ligue arabe, regroupant sept pays, proposa le gel des avoirs juifs en 1947, bien avant l'indépendance d'Israël.
    L'indépendance d'Israël et sa victoire inespérée contre les armées arabes qui l'ont envahi fut perçue par les Juifs comme étant quasi miraculeuse. Des pressions furent faites sur les Juifs dont on exigea des preuves de loyauté en s'opposant au nouvel État juif et la presse arabe vitupéra tous azimuts Israël et les Juifs. Des départs en panique à destination d'Israël se firent à partir de nombreux pays en dépit des menaces de destruction de l'État d'Israël nouvellement créé.
    Les mesures anti-juives furent multiples: non-renouvellement des licences professionnelles et juives en Irak, interdiction de quitter le pays en Irak en 1948 et au Yémen en 1949, retrait de la nationalité aux Juifs égyptiens qui devinrent apatrides dans les années 1950, perte de la nationalité aux Juifs qui quittent leur pays en Irak en 1950 et en Égypte en 1950, privation du droit de vote des Juifs de Libye en 1951.
    À ces mesures, s'ajoutèrent des pogroms à Djerada, au Maroc, en 1948, à Damas et Alep en 1948, à Benghazi et Tripoli en 1948, à Bahrein en 1949, en Égypte en 1952, en Libye et en Tunisie en 1967. Il y eut des arrestations et des expulsions en Égypte en 1956, l’étranglement économique via la spoliation en Irak en 1951, en Syrie en 1949, en Libye en 1970 ou l’exclusion en Syrie et au Liban en 1947, en Libye en 1958, en Iran en 2000, ou encore l’égyptianisation des affaires en Égypte en 1961. Il y eut la destruction du patrimoine juif à Oran en 1961, en Libye en 1969 et en 1978, les exactions policières et les enlèvements de jeunes filles avec conversion forcée au Maroc en 1961-1962, les enlèvements de Juifs au Liban en 1967, les pendaisons publiques à Bagdad 1969, le recours aux clichés antisémites dans la presse arabe et les campagnes d’excitation et de haine antijuives prenant pour prétexte le sionisme. Le lendemain de la Guerre des Six Jours, cette rhétorique prit un essor considérable.
    Bien que des assurances d'égalité devant la loi furent faites dans les pays considérés comme modérés, tout comme le Maroc et la Tunisie après leur indépendance, l'adhésion à la Ligue arabe s’est accompagnée d'un boycott total de ce qui pouvait avoir un rapport avec Israël ou à tout contact avec ce pays. Ainsi, les échanges postaux furent interdits, on fit des difficultés pour émettre des passeports, et tout média qui ne présentait pas Israël sous un aspect extrêmement négatif fut interdit. Ce boycott total a coupé court à toute possibilité de dialogue qui aurait pu aboutir à une compréhension mutuelle.
    En conclusion, la modernité a laissé entrevoir aux Juifs les portes de la dignité citoyenne et les préjugés contre les Juifs ont poussé ces derniers à quitter leur pays natal. La fin de la norme de servitude qui existait dans les pays arabo-musulmans fut un traumatisme dans le monde musulman, raison pour laquelle le nationalisme arabe a fait de la Palestine le point nodal de sa mobilisation. Le sionisme, c'est le Juif qui a retrouvé sa dignité et qui se défend, en un mot, l'antithèse de la « dhimmitude ».
    Il faut, en outre, tenir compte que les mesures prises pour et surtout contre les Juifs ont varié d'un pays à l'autre.
(1220)
    Lorsqu'elles furent promulguées, les mesures prises pour protéger les Juifs furent rarement appliquées. Par contre, il fallait peu de choses pour éveiller l'animosité de la populace envers les Juifs, indépendamment du fait que des mesures puissent avoir été promulguées ou non contre eux.
    La politique de terreur et d'exclusion a conduit à un nettoyage ethnique sans regard aux droits et aux biens perdus, confisqués ou abandonnés, ou encore à des mesures discriminatoires accompagnées d'une propagande vicieuse qui aboutirent à un exode à demi forcé, en catimini le plus souvent.
    Ces mesures discriminatoires furent de plusieurs natures et ont varié selon le pays. N'eurent été le délire anti-israélien des médias arabes et les mesures discriminatoires envers les Juifs, il est fort probable qu'une partie d'entre eux auraient décidé de rester dans leur pays et une autre partie d'émigrer. Le sentiment d'insécurité a constamment plané sur les communautés juives pour lesquelles le départ devint une nécessité de survie ou une simple question de temps pour éviter d'être pris en otage, à la merci de troubles potentiels, convaincues qu'elles en seraient la prochaine victime.
    Ainsi, la présence millénaire de Juifs dans les pays arabo-musulmans s'est pratiquement atrophiée en une génération pour s'exiler sous d'autres cieux.
     Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions et nuancer, au besoin, la brève présentation que je viens de faire.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous allons entamer la période des questions de nos membres.
    Madame Péclet, vous disposez de sept minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les témoins d'avoir accepté de faire leurs présentations, qui étaient d'ailleurs très intéressantes.
    Ma première question est la suivante.
    L'organisation Justice pour les Juifs originaires des pays arabes a été créée en 2002. Depuis sa création, j'aimerais savoir comment elle s'est développée et, dans les dernières années, quelles ont été vos priorités et les domaines sur lesquels vous vous êtes concentrés.

[Traduction]

    Le groupe Justice pour les Juifs originaires des pays arabes a un objectif principal depuis sa fondation, qui est de veiller à ce que les droits des réfugiés juifs figurent au programme international en tant que principe de droit et d'équité.
    Lorsque nous rencontrons des députés de Parlements en Europe, en Amérique du Sud ou d'ailleurs, les questions qui se posent sont les suivantes: Que voulons-nous? Voulons-nous de l'argent? Voulons-nous une indemnisation? Nous leur répondons non, qu'il ne s'agit pas fondamentalement d'une question d'argent; il s'agit fondamentalement d'une reconnaissance de l'injustice historique envers une population de réfugiés.
    Notre seule demande, notre seule doléance, si vous le voulez, serait que dans toutes les négociations sur le Moyen-Orient si la question des réfugiés palestiniens est en jeu, comme cela devrait l'être et le sera, il faudrait veiller à ce que la question des réfugiés juifs fasse également l'objet de discussions.
    Quelle est la solution? Je peux vous donner toutes sortes de solutions éventuelles qui ont été suggérées par des experts au cours des 65 dernières années — et il existe effectivement des solutions. C'est une autre chose que vous ne devriez pas perdre de vue. Il y a non seulement des problèmes inhérents au dossier des réfugiés, mais aussi des solutions pour résoudre la question. Mais cela ne dépend pas de moi; c'est aux interlocuteurs eux-mêmes d'en décider.
    Tout ce que nous suggérons, c'est que la question soit inscrite à la discussion car elle touche à l'heure actuelle près de 50 p. 100 de la population d'Israël, qui sont soit des Juifs mizrahi, soit des descendants de Juifs qui ont été forcés à quitter des pays arabes.
(1225)

[Français]

    J'aimerais ajouter une chose, si vous me le permettez.
    Le niveau d'antisémitisme et d'antisionisme est très élevé dans le monde. On le voit dans nos universités. On voit la diabolisation de l'État d'Israël. Le principe gouverneur de toutes ces actions contre Israël et qui soutiennent l'antisémitisme est basé sur le traitement des réfugiés des pays arabes.
    Justement, il y a un lien avec ma prochaine question.
    J'aimerais connaître votre opinion sur la réaction internationale de votre campagne. Vous y avez un peu répondu, mais vous avez peut-être quelque chose à ajouter à cet égard?
    Il y a trois types de réactions.
    D'abord, il y a les pays et les institutions nationales qui réagissent très favorablement. Or très souvent, ils le font avec étonnement parce qu'ils ne sont pas au courant de ce dossier, étant donné que nous n'en avons pas parlé pendant 50 ans. Il est normal pour des réfugiés d'avoir comme réaction de repartir à zéro, de travailler comme ils l'ont toujours fait, de reconstruire une famille dans le pays qui les a accueillis et de redonner à ce pays beaucoup plus que ce qu'ils en ont reçu. C'est ce que nos parents nous ont enseigné et c'est ce que nous enseignons à nos enfants. Cela revient maintenant à cause du problème de la question sur l'authenticité de l'État d'Israël, qui est soulevée. Pour ce qui est de la réaction de la population, nous n'en trouvons pas. Nous essayons de montrer que deux peuples ont souffert et qu'il y a là une équivalence.
    Le troisième élément concerne la presse et les médias arabes. Lorsque nous étions à Londres, à la Chambre des Lords, des gens du réseau de télévision Al-Jazeera étaient présents. Un journaliste arabe a interrogé, en arabe, un Juif d'origine iraquienne. Ce journaliste tombait des nues. En effet, il n'était pas au courant de cette situation. Ce qui est encore plus grave, c'est que même dans la communauté juive, beaucoup de gens ne la connaissent pas non plus.
    Il y a un travail de fond à faire. Vous avez raison de poser ces questions. La réaction est mitigée. Les médias arabes, par contre, ont naturellement réagi très défavorablement. Alan Dershowitz dit dans une de ses analyses que lorsque Hanan Ashrawi, la négociatrice palestinienne, a entendu parler de nos revendications, elle a dit que les Juifs des pays arabes n'étaient pas des réfugiés en Israël puisqu'Israël était leur pays. À partir de là, elle a admis officiellement qu'Israël était le pays des Juifs.
    Aujourd'hui, nous sommes dans un mode en transformation, et nous espérons qu'avec l'appui du gouvernement, que ce soit celui du Canada ou des États-Unis, nous changerons un peu cette histoire pour la ramener là où elle devrait être.

[Traduction]

    Lorsqu'on regarde le conflit du Moyen-Orient, il n'y a pas que des conflits militaires. Il y a également des discours conflictuels. Si nous voulons résoudre le conflit, nous devons aplanir ces discours conflictuels. Une des façons d'y arriver consiste à placer au premier plan la question des réfugiés juifs de pays arabes, laquelle n'est pas très bien connue et donne une perspective différente sur toute la question.
    Nous demandons réparation pour les victimes, mais un des éléments importants de ces réparations consiste simplement à reconnaître le fait que ces événements se sont produits et ont fait des victimes et à raconter la vérité. Cette reconnaissance fournirait non seulement une forme de réparation à ces victimes, mais serait également un pas dans la bonne direction en vue d'aplanir ces discours conflictuels.
    Merci beaucoup. C'est tout le temps dont nous disposons.
    Nous allons maintenant passer à M. Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui et d'avoir attiré notre attention sur cette question très importante et, par notre intermédiaire, à l'attention de nos collègues du Parlement et, je l'espère, du peuple canadien.
    J'ai apprécié vos commentaires, dans vos remarques liminaires, sur le leadership dont notre gouvernement a fait preuve à ce chapitre, notamment.
    J'ai plusieurs questions à poser à chacun d'entre vous. Je me demande si je peux commencer avec vous, monsieur Matas, étant donné que vous êtes l'expert juridique ici, aujourd'hui.
    Pourriez-vous nous dire combien de résolutions des Nations Unies ont été adoptées concernant le sort des réfugiés palestiniens et nous dire s'il y en a eu qui ont été adoptées sur les réfugiés juifs? Vous pourriez peut-être faire une comparaison entre les deux.
(1230)
    En fait, comme l'a dit Stan Urman, un assez grand nombre de résolutions ont été adoptées au sujet des réfugiés palestiniens, mais aucune ne faisait expressément mention des réfugiés juifs. La résolution 242 du Conseil de sécurité est rédigé en termes génériques, dans le but précis d'englober les deux populations.
    Malheureusement, ce qu'on a constaté au Moyen-Orient, c'est que non seulement de nombreux pays de la Ligue arabe et de la Conférence islamique ont participé à une lutte militaire contre Israël, mais aussi d'autres moyens sont employés pour détruire l'État d'Israël, par la démonisation et la délégitimisation. Souvent, ils se servent de leur droit de vote à l'Assemblée générale et au sein des organes spécialisés.
    Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, depuis qu'il a remplacé la commission, a en son sein une majorité de pays de l'organisation de la Conférence islamique parce qu'ils sont en majorité dans chacun des blocs régionaux, des blocs de l'Asie et de l'Afrique, et ce sont ces deux blocs qui ont la majorité au conseil.
    On assiste donc à ce défilé sans fin de résolutions au sujet des réfugiés palestiniens, mais aussi à la condamnation d'Israël pour toutes sortes de raisons qui ne sont en fait que d'autres moyens de poursuivre la guerre contre Israël.
    Le Canada, quand il siégeait au conseil, était franchement le seul pays, dans bien des cas, à voter contre ces résolutions et à faire des déclarations à leur sujet. Au moins, le Canada a beaucoup fait pour tenir tête aux autres pays qui cherchaient à saper la légitimité d'Israël.
    Leur démarche consistait en partie à se concentrer sur les réfugiés palestiniens, les dépeignant comme une population victime de l'exclusion des réfugiés juifs, ce qui s'ajoute, à mon avis, aux faux arguments visant à dépeindre les Juifs comme les agresseurs.
    Si une résolution devait être proposée à l'Assemblée générale des Nations Unies, avez-vous une proposition quant à son libellé? Pourriez-vous proposer quelque chose au comité? Est-ce que vous recommanderiez au comité qu'il recommande au gouvernement du Canada de présenter une telle résolution?
    Je suis satisfait de la résolution 242. Je ne dis pas forcément qu'il faut parler expressément de chacune des populations de réfugiés. Je pense qu'un libellé générique suffirait, quelque chose du genre, « toutes les populations de réfugiés ».
    Donc, la résolution 242 suffit-elle, ou faudrait-il y ajouter quelque chose?
    Stan, voulez-vous...
    J'aimerais attirer votre attention sur la résolution qu'a adoptée la Chambre des représentants des États-Unis en 2008. Elle visait principalement à ce que le président des États-Unis — ou dans ce cas-ci, le gouvernement du Canada — demande à ses diplomates de se servir de leur influence pour que, dans toutes les discussions sur le Moyen-Orient, toute référence explicite aux réfugiés palestiniens soit accompagnée d'une référence explicite aux réfugiés juifs.
    Peut-être que notre attaché de recherche pourra en obtenir une copie. Nous allons l'examiner.
    J'ai une autre question à vous poser, monsieur Urman, puisque vous êtes au micro. Vous avez parlé des biens confisqués aux réfugiés juifs dans bien des pays. Je crois que vous avez parlé d'un montant approximatif de 6 milliards de dollars. Pourriez-vous nous décrire le genre de biens qui ont été confisqués, ce qui leur est arrivé et en quoi ils se comparent aux biens qui ont été confisqués aux réfugiés palestiniens?
    Différents pays ont traité les populations juives différemment, mais pour ce qui est des biens, c'était évidemment des biens individuels. Par là, j'entends les maisons, les comptes bancaires, les propriétés, les régimes de pensions, les bijoux. Quand les gens se faisaient dire qu'ils devaient partir ou quand ils fuyaient, ils ne pouvaient apporter avec eux que 20 livres sterling et devaient laisser tout derrière eux.
    Dans certains cas, d'autres se sont appropriés les biens de façon informelle. Dans d'autres cas, les gouvernements prenaient officiellement des mesures d'expropriation.
    Par exemple, en Irak, on a orchestré le déplacement de Juifs de sorte que tous ceux qui voulaient partir en 1950 devaient s'inscrire et le gouvernement a adopté la Loi no 5, dans laquelle il mettait tous les biens des Juifs sous la garde de l'État. Ces biens n'étaient pas confisqués, ils n'appartenaient pas au gouvernement irakien, mais celui-ci en avait la garde. Tandis que dans d'autres pays, comme l'Égypte, il s'agissait d'expropriations et le gouvernement s'appropriait les biens...
    Ce qui est aussi important de souligner en ce qui concerne les réfugiés juifs, comparativement aux Palestiniens, c'est que les Juifs avaient aussi des quantités de biens en commun, comme des synagogues, des cimetières, des écoles, des bibliothèques et des clubs sociaux. Ces biens ne sont pas comptabilisés dans les 6 milliards de dollars. Il existe d'excellents registres de ce qui existait et de qui a été enlevé aux Juifs.
(1235)
    Est-ce que la plus grande partie de ces biens communs appartient maintenant aux divers États concernés?
    Oui.
    J'étais récemment en Turquie, et j'ai entendu le même genre de chose de la part du grand rabbin d'Istanbul. Je sais que des démarches ont été entreprises pour tenter de recouvrer certains de ces biens, surtout les anciennes synagogues.
    Et — vive la différence — le Maroc, lui, s'efforce de préserver les biens communs des Juifs. Récemment, il a posé sur une école juive une plaque indiquant que c'était une école, et il remet en état certains des cimetières.
    Chaque pays a son histoire, en ce qui concerne la façon dont il a traité les Juifs.
    Soyez bref, s'il vous plaît, parce que le temps nous manque.

[Français]

     Il y a eu des expropriations fondamentales en Irak, en Égypte, en Libye et ailleurs, mais dans les autres pays, la plupart des gens qui quittaient le faisaient en cachette. Ils liquidaient leurs avoirs très vite, à n'importe quel prix, très souvent pendant leur fuite. La plupart des départs se faisaient de façon clandestine. Les gens abandonnaient donc tout simplement leurs possessions. Ils perdaient tout.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Rae, vous avez sept minutes.
    Merci, et je remercie nos visiteurs de leur exposé très instructif.
    J'aimerais tout d'abord obtenir quelques précisions. Une observation qu'a faite M. Urman a piqué mon intérêt. Il a dit qu'il n'y a pas de symétrie entre les deux expériences, et c'est aussi mon avis.

[Français]

     M. Abitbol a parlé d'équivalence entre les deux expériences, mais je pense que, pour être juste, il faudrait dire qu'il s'agit d'expériences différentes. Il n'est pas question pour les gens de réclamer d'être considérés comme réfugiés à cause de la situation historique, mais cela ne veut pas dire qu'on peut mettre totalement en parallèle les deux expériences.

[Traduction]

    Est-ce exact?
    Vous avez dit...
    Permettez-moi de signaler aux fins du compte rendu que M. Abitbol secoue la tête, tandis que M. Urman hoche la sienne. J'aimerais bien comprendre.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous sommes parfaitement d'accord. Comme on dit, « Vous avez raison » .
    Il n'y a pas d'histoire ou de géographie qui permettrait de faire une comparaison avec l'histoire des réfugiés palestiniens. La seule façon dont on en parle, et la seule symétrie — pour utiliser ce terme — vient du fait que les deux peuples ont été victimes du conflit israélo-arabe, mais ont été déclarés réfugiés en vertu du droit international, et quasiment le même nombre de personnes sont devenues des réfugiés à cette époque.
    Pour nous, toute discussion sur les réfugiés du Moyen-Orient doit englober les deux populations. C'est la seule symétrie entre les deux histoires, selon nous.
    C'est ce que j'entendais par symétrie.
    D'accord. Voilà une précision utile.
    La deuxième chose concerne le graphique que nous avons ici. Ce n'est qu'une observation, mais je vous dirais que votre déclaration selon laquelle les réfugiés palestiniens n'ont pas perdu de biens communs serait très franchement difficile à défendre. Je pense que vous auriez du mal à convaincre un réfugié palestinien qui n'a pas pu retourner chez ses parents ou ses grands-parents, où, en fait, des communautés entières ont été évacuées, et où il y avait des écoles et des lieux de prière qui ont été laissés... Dire qu'ils n'ont pas subi la moindre perte de biens communs est un peu difficile à défendre, et je ne pense pas que vous voudriez le faire.
    Voyez-vous, vous présentez des exemples et j'y vois une tentative de votre part de faire des parallèles. Vous dites, « Ils ont eu ceci, nous n'avons pas eu cela ». Après 1948, la situation des uns et des autres a été très différente. Oui, la discrimination a régné en maître dans chacune des capitales arabes dont on a parlé. Oui, il y a eu une horrible vague d'antisémitisme. Oui, des gens sont partis sans rien, ont perdu leur propriété et leur mode de vie. Cette situation perdure encore maintenant dans certains pays. Mais on ne peut tout de même pas dire que les gens qui se sont réfugiés en Israël ont été traités de la même façon que d'autres qui, pour une raison ou une autre, et on pourrait arguer de tout le contexte entourant les questions palestiniennes... C'est différent.
    Je m'inquiète quand vous présentez votre argument, et je pense que ç'en est un de poids qui, s'il est présenté avec un peu trop de force, disons, certaines personnes pourraient dire: « Un instant. Comment pouvez-vous dire que les réfugiés palestiniens n'ont pas perdu de biens communs? » Ils ne seraient pas tout à fait d'accord.
    À mon avis, il faudrait que vous disiez ce que vous entendez par là avant de présenter les autres arguments. C'est ce que je vous suggère.
(1240)
    Permettez-moi de vous répondre. Nous avons un principe, que nous nous sommes toujours efforcés de respecter, celui de ne pas dénigrer, saper ou nier les droits ou le sort des réfugiés palestiniens. Nous ne prétendons pas qu'ils n'ont pas de droits ou qu'ils n'ont pas été maltraités; tout au contraire. Certaines des accusations, mais cela revient à une question antérieure sur la manière dont la communauté internationale a réagi... On y a vu une tentative de nier les droits des réfugiés palestiniens, alors que ce n'est absolument pas le cas.
    Votre mise en garde est très sage parce que manifestement, dans cette démarche, il arrive qu'en dépit de tout nos grands principes, nous ne les appliquions pas de façon uniforme dans la façon de les promouvoir.
    J'en prends bonne note; pour ce qui est du principe, nous sommes d'accord avec vous.

[Français]

     Je pose la question parce que, étant donné les événements de cette semaine, alors que la Ligue arabe et le gouvernement d'Israël commencent à discuter de la possibilité de tenir une négociation, les propos et les arguments que nous utilisons auront un impact important. Nous discutons de sujets non pas théoriques, mais concrets. Nous comprenons l'importance de la vérité et de la réconciliation. Comme je l'ai toujours dit, pour qu'une vraie réconciliation soit possible, un certain sens de la vérité doit être rétabli.
    Tout le monde n'est pas tout à fait d'accord sur ce qui s'est passé, mais il faut reconnaître l'expérience des autres. Cet aspect de l'expérience humaine est important. C'est ce qui fait que nos arguments deviennent importants.
     Je vous félicite du travail que vous faites, mais je crois que le comité a du travail à faire pour trouver les propos qui exprimeront de façon juste les pensées que nous partageons.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Rae.
    Nous allons entamer notre deuxième tour d'interventions de cinq minutes, en commençant par M. Van Kesteren.
    Merci, messieurs, d'être des nôtres ce matin.
    C'est un tableau sordide que l'on voit quand on fait une rétrospective de la façon dont des gens ont été traités, et on parle précisément des Arabes et des Juifs, mais vous n'avez pas tout dit. Je pense à ce que vous avez vécu pendant la Deuxième Guerre mondiale.
    Bien des gens ne réalisent pas que ce genre de choses est arrivé aussi dans des pays comme l'Angleterre et la France. En 1492, bien sûr, il y a eu l'expulsion de l'Espagne. Pendant la Deuxième Guerre mondiale... Nous sommes récemment allés en Ukraine et à Lviv. Les Juifs représentaient une bonne partie de la population de cette ville, probablement le quart.
    Je dois avouer que je comprends vos arguments, et je compatis pleinement avec vous, mais vous omettez quelque chose de très important. Si vous voulez un traitement équitable, la reconnaissance de ce qui est arrivé, et je sais que c'est une question très délicate, pourquoi n'avez-vous rien dit de ce qui vous est arrivé en Europe? À bien y penser, c'est tout aussi tragique. Je sais que vous ne cherchez pas à être indemnisé.
    Permettez-moi de terminer ma pensée. Il est très facile, pour nous, en Occident, de regarder la situation et de dire, « Ils ont raison, ces Arabes les ont maltraités ». Mais il faudrait probablement — pas probablement... il faudrait vraiment reconnaître — et quand je dis « nous », j'entends la culture occidentale — que nous, donc, sommes tout aussi coupables que ces...
(1245)

[Français]

    Je vais aborder une dimension qui est peut-être plus psychologique qu'autre chose.
    Les gens qui étaient en Europe pendant des années n'ont jamais voulu parler de leur expérience. On les appelait les personnes déplacées. Il a fallu des années avant qu'elles ne puissent s'exprimer. Aujourd'hui, on parle régulièrement de l'Holocauste.
    Dans le monde séfarade et dans le monde juif des pays arabo-musulmans, les gens commencent enfin à parler de ce que, dans un certain sens, on a voulu taire. Il a fallu un certain temps pour que cela se rende ici. La cause que nous plaidons est selon moi bien définie et bien distincte. Elle concerne directement les pays de la Ligue arabe, avec lesquels il va y avoir des discussions. Pour le narratif et l'évolution du conflit, c'est extrêmement important.

[Traduction]

    J'aimerais revenir à votre question. L'histoire des Juifs de l'Europe et de l'Holocauste est bien connue dans le monde. Même si certains nient l'Holocauste, je pense que le monde sait très bien ce qui est arrivé en Europe. C'est très bien documenté. Des films ont été faits, des témoignages, rendus, des livres, écrits, mais pour nous, ce qui nous est arrivé, aux gens comme moi, des gens de mon origine, ce n'est pas connu et c'est une histoire très triste.
    J'aimerais vous parler de ce qu'a dit le sénateur américain Jerry Nadler, quand il est allé, comme nous, à une conférence portant sur ces questions en Israël. Alors qu'il passait par le système de sécurité, une jeune agente de sécurité israélienne lui a demandé: « Pourquoi allez-vous en Israël? » Il a répondu: « Parce qu'il y a une conférence sur les réfugiés juifs de pays arabes. » Elle a dit: « Je ne savais pas qu'il y avait eu des réfugiés juifs de pays arabes. »
    Je pense qu'il est grand temps d'en parler à nos propres enfants et de dire au monde entier ce qui est arrivé. Ce n'est pas une question de faire un parallèle avec l'Holocauste. Chaque histoire est différente, chaque expérience aussi. Même dans le cadre d'un même conflit, deux populations le vivent très différemment.
    Si je puis ajouter quelque chose, dans tout ce que j'ai écrit sur le sujet, nous avons parlé de l'Holocauste et de ses victimes pour faire une comparaison, parce qu'il y a eu les procès de Nuremberg et la reconnaissance dont a parlé Sylvain Abitbol, et d'importantes mesures de réparation ont été mises en oeuvre. Pas assez, mais il y en a eues.
    Les victimes de l'Holocauste qui sont maintenant en Israël et qui ont elles aussi été des réfugiés — dont bon nombre éprouvent encore des problèmes d'intégration et de rétablissement — reçoivent de l'aide sous une certaine forme pour faire face à la situation. Les réfugiés des pays arabes qui sont confrontés à bon nombre des mêmes problèmes, parce qu'eux aussi étaient des réfugiés et avaient des problèmes d'intégration et de réinstallation, n'ont droit à rien parce qu'ils sont des réfugiés. C'est l'une des façons par lesquelles la violation des droits continue d'avoir des répercussions, et c'est à cela qu'il faut remédier.
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont vous disposiez, monsieur Van Kesteren.
    Nous allons traverser le parquet et laisser la parole à M. Dewar.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie encore nos invités de leur témoignage.
    Je pense que l'idée selon laquelle peu de gens sont au courant de cette situation s'illustre dans l'histoire que vous nous avez racontée.
    L'une des choses dont je conviens aussi — M. Rae en a parlé —, c'est que c'est aussi une question de la façon dont elle est présentée. Je suis d'accord là-dessus. Je pense que la force de votre argument, et M. Matas a parlé d'histoire, c'est cette histoire: de qui il s'agit, d'où viennent les gens et quel est le problème?
    Nous sommes déjà passés par là tant de fois. J'espère quand même, encore une fois, qu'après tout ce qu'on aura vu et entendu récemment, il sera possible de retourner à la table de négociation et de commencer à aborder tous les dilemmes que des gens se sont efforcés de résoudre pendant tellement d'années. La définition de ce qu'est un réfugié en est un élément central.
    Monsieur Matas, je crois que c'est vous qui avez dit que le Canada dirige toute cette démarche de réfugiés. J'ai aussi remarqué que le Canada a récemment délégué un envoyé spécial à l'Organisation de la coopération islamique. Est-ce pour soulever cette question? Y voyez-vous une occasion, surtout à l'Organisation de la coopération islamique, d'attirer l'attention sur la question? Vous avez dit, et je l'ai entendu à maintes reprises de part et d'autre, particulièrement de la part des Palestiniens, qu'il faut rappeler au Canada que nous dirigeons le processus de réfugiés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1250)
    Eh bien, en fait, j'ai parlé à des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères de la façon de se servir de ce pouvoir, et c'est un point que j'ai soulevé dans ce contexte. Ils ont toujours eu une certaine réticence à le faire en raison de la réaction négative qu'on prévoit de l'autre côté.
    Selon moi — et honnêtement, je pense que des directives du comité pourraient être utiles —, le fait de soulever cette question ne ferait pas de tort pour parvenir à une résolution du différend. Au contraire, je pense que ce serait utile. À la fin de sa déclaration, M. Stan Urman l'a fait, en quelque sorte, d'une façon très rhétorique — et convaincante — en disant qu'on ne pourrait pas avoir la paix sans compréhension, sans réconciliation, etc., et qu'on ne peut pas s'attendre, de façon réaliste, à instaurer une paix durable en permettant à ces deux histoires antagonistes de perdurer. Il faut les réconcilier.
    Je dois dire que la Ligue arabe n'est pas très ouverte à cette idée. Pour ce qui est des accords bilatéraux jordaniens, israéliens ou palestiniens, il n'y a pas eu de problème, mais la Ligue arabe n'a pas bougé d'un pouce sur cette question. On vient juste de la voir réagir cette semaine sur la question des échanges de terres. Il y a donc une grande souplesse possible, je pense, et maintenant est un moment propice. Nous devrions profiter de cette fluidité et de notre leadership dans ce domaine pour soulever la question et la faire progresser.
    J'ai une dernière question. Dans quelle mesure y a-t-il une situation caractéristique en ce qui concerne les réfugiés juifs? On entend un certain nombre de choses de différentes parties de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. On a vu les chiffres que vous avez présentés. M. Matas a parlé d'une histoire. Est-il possible de décrire une expérience typique qu'ont vécue les réfugiés juifs, ou s'agit-il d'expériences trop diverses pour être décrites d'une seule façon?
    Je pense qu'il y a une histoire, mais il ne s'agit pas d'une histoire individuelle. Cette histoire, c'est que les Juifs habitaient cette région pendant des siècles avant l'avènement des États arabes. Dans différents pays, et ce, à différents degrés, les Juifs ont été persécutés ou tolérés sous le règne de certains despotes illuminés. À l'époque de la fondation d'Israël, les Juifs étaient persécutés et faisaient l'objet de répressions approuvées par l'État. Quel que soit le pays où ils étaient, les Juifs ont fini par s'en aller.
    Par exemple, on a parlé du Maroc. Le Maroc est un exemple d'un pays où la tolérance est de rigueur et où la bienveillance d'une série de rois marocains a véritablement permis aux Juifs de vivre en paix. Pourtant, au Maroc, où il y avait 265 000 Juifs. Il y en a aujourd'hui moins de 3 000, et il s'agit là du pays le plus tolérant.
    L'histoire, c'est que quelle que soit la réaction de chaque pays à la population juive, les Juifs ont dû être déplacés. On a déterminé de façon juridique qu'ils seraient des réfugiés et ils sont allés partout où ils pouvaient trouver refuge, les deux tiers en Israël et un tiers ailleurs, y compris au Canada. C'est l'histoire typique du réfugié du Moyen-Orient.
    Merci beaucoup.
    Voulez-vous faire une observation rapide?

[Français]

    Certains réfugiés ont quitté leur pays dans des conditions tragiques et dramatiques. Je pense ici en Irak, en Égypte, en Libye et même en Syrie, où la situation a été absolument horrible. Dans d'autres cas, il y a eu par exemple des despotes éclairés, notamment au Maroc et ailleurs.
     Néanmoins, malgré cette ouverture officielle, je peux vous dire qu'au cours des années 1960, au Maroc, le ministère responsable des affaires islamiques a encouragé une grande victoire de l'Islam et la conversion de jeunes mineurs juifs qui étaient partout quasiment enlevés. Il y a eu officiellement des mesures, mais la réalité était autre.
     Petit à petit, la difficulté d'obtenir un passeport, la perpétration d'enlèvements, les attaques contre la population à certains endroits et ainsi de suite ont miné la confiance des gens, leur ont fait perdre l'espoir qu'ils auraient un avenir dans un pays donné. Ils sont donc partis en cachette. Je dirais peut-être qu'il y a deux scénarios différents, mais qu'en définitive, il en résulte les mêmes conditions.
(1255)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons conclure avec Mme Brown, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je sais que M. Dechert a une autre question à poser, je vais donc tenter de m'en tenir à l'essentiel.
    Les gens qui sont allés en Israël en tant que réfugiés, ont-ils eu accès à des services sociaux quelconques pour les aider? Je ferais un rapprochement avec le stress post-traumatique. Y a-t-il eu une reconnaissance de cette situation en Israël, et des services, que ce soit sous la forme de services sociaux ou de soins de santé, ont-ils été consacrés à cela?
    Je vous donnerai une réponse rapide à laquelle d'autres voudront sans doute ajouter quelque chose.
    L'intégration des Juifs issus de pays arabes en Israël est une histoire controversée. Israël était en guerre et essuyait des attaques de six armées arabes. Sa population a pratiquement doublé en très peu de temps. Israël a tenté du mieux qu'il le pouvait d'intégrer les réfugiés. Mais on a des photos et des bandes d'actualité de Juifs dans des camps de réfugiés vivant dans des conditions sordides et des tentes insalubres. Il y avait aussi des pénuries de nourriture. Il y avait des problèmes associés aux maladies. Israël était en plein milieu d'une guerre. Il n'y avait donc aucune agence de services sociaux destinée à répondre aux demandes d'aide des immigrants.
    En outre, bon nombre de ceux qui sont venus en Israël avaient l'impression que le leadership traditionnel ashkénaze d'Israël de l'époque n'était pas aussi réceptif qu'il aurait pu l'être et qu'il aurait dû l'être à l'histoire riche et à l'énergie de ces réfugiés qui venaient en Israël et qu'il ne tenait pas compte des immenses ressources, des compétences et du talent qu'ils amenaient avec eux. Donc, pour un grand nombre de Juifs ashkénazes, les Sépharades ne bénéficiaient pas du même statut que les Ashkénazes qui venaient d'Europe, qui étaient bien nantis, bien éduqués, etc.
    C'est une lutte de longue date pour les Juifs sépharades. Aujourd'hui, 65 ans plus tard, il y a toujours des Juifs sépharades en Israël qui vivent dans une pauvreté abjecte, et qui sont pourtant éloignés de plusieurs générations de l'époque de leurs parents ou de leurs grands-parents qui sont venus en Israël entièrement démunis. Les conséquences du phénomène des réfugiés juifs se font toujours sentir aujourd'hui en Israël.

[Français]

     Je dirais que ce fut un électrochoc pour les deux. L'État d'Israël n'avait rien du tout. En deux ou trois ans, 600 000 réfugiés sont arrivés. Or, on n'y retrouvait pas les ressources nécessaires, notamment en matière de services sociaux, et cela a été extrêmement difficile. Les choses ont évolué énormément, mais il a fallu beaucoup de temps pour y arriver. C'est une situation où l'Orient et l'Occident ont dû vivre et se construire ensemble. Les choses ont évolué énormément, et pour le mieux. Tout n'est pas encore idéal, mais la réalité d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était par le passé.

[Traduction]

    Messieurs, merci de vos observations encore une fois.
    Monsieur Abitbol, j'ai une question pour vous. Vous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire qu'il y a eu un grand nombre de cas de meurtre, de torture, et d'arrestation arbitraire des réfugiés juifs. Comme vous le savez, il y a un certain nombre d'organisations internationales des droits de la personne. Certaines des organisations qui comparaissent régulièrement devant notre comité sont Amnistie internationale, Human Rights Watch et d'autres. Si elles se sont prononcées à ce sujet, qu'ont-elles dit de la situation et des conditions de vie déplorables des réfugiés juifs?
    Rien, à ce que je sache...
    Et selon vous, pourquoi?
    Je dirais, cela dit, que nous parlons là d'évènements. Un grand nombre de ces réfugiés sont arrivés avant que ces ONG existent. Amnistie a été fondée dans les années 1960 et Human Rights Watch a été créé par après. J'espère que si ces organisations avaient existé à l'époque, elles auraient dit quelque chose, mais elles n'existaient pas.
    Ont-elles dit quoi que ce soit sur les réfugiés palestiniens, monsieur Matas?
    Oui, mais voyez-vous, la situation, c'est qu'on a ce groupe de Palestiniens qui, je dirais, est artificiellement associé à ce profil de réfugié, ce qui lui nuit.
    Excusez-moi, nous sommes à court de temps.
    Selon vous, la raison pour laquelle ces organisations ne parlent pas des réfugiés juifs, c'est que les événements se sont déroulés avant la création de ces organisations. Y a-t-il des organisations internationales qui existaient à l'époque et qui se sont exprimées à ce sujet?
(1300)
    Non.
    En ce qui me concerne, j'aimerais bien toutes les entendre là-dessus.
    J'aimerais poser à M. Abitbol une autre question.
    Vous avez mentionné le meurtre, la torture, les arrestations arbitraires, entre autres. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
    Nous avons des exemples bien documentés que nous pouvons faire parvenir au comité, c'est certain, avec des noms, des dates et des adresses. Nous avons tout documenté.
    Ce serait utile.
    Nous avons un certain nombre de livres. Je pourrai peut-être vous en indiquer un qui est très poignant.
    Pourriez-vous prendre juste un exemple?
    Oui, donnez-nous un exemple si vous le pouvez.

[Français]

    Il y a le livre intitulé Juifs en pays arabe. Le grand déracinement 1850-1975, de Georges Bensoussan. Il y a aussi le mien intitulé Il était une fois le Maroc.

[Traduction]

    S'agit-il d'un de vos proches, monsieur Bensoussan?
    Non, pas du tout, il est Algérien; je viens du Maroc.
    Nous avons un grand nombre d'exemples bien documentés avec des noms et des faits...
    Une voix: C'est mon cas.
    Deux personnes qui ont des histoires à raconter, qui ont connu des incidents, viennent témoigner mardi.
    Merci beaucoup.
    Je m'excuse de mon absence lorsque vous avez commencé. Je suis ravi d'avoir pu entendre une partie des témoignages. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de venir aujourd'hui.
    Chers collègues, c'en est tout pour aujourd'hui.
    Sur ce, la séance est levée.
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