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Bonjour et bienvenue à la 43
e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Nous continuons aujourd'hui notre étude sur les pratiques prometteuses pour prévenir la violence envers les femmes.
J'aimerais signaler, comme cela est indiqué dans l'avis de convocation et dans l'ordre du jour, que nous terminerons cette partie de la séance à 12 h 45, c'est-à-dire 15 minutes plus tôt, de façon à permettre aux membres de se pencher sur les travaux du comité.
Nous accueillions aujourd'hui Mme Marie-Christine Plante, qui représente le Carrefour pour Elle.
[Traduction]
Nous accueillons Mme Leslie Josling, qui représente les KW Counselling Services, ainsi que Mmes Jenny Wright et Sheila Ryan, qui représentent le St. John's Status of Women Council and le St John's Women's Centre.
[Français]
Nous allons aussi accueillir plus tard, par l'entremise de la vidéoconférence, Mme Nathalie Duhamel, du Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
Chacune des représentantes des groupes disposera de dix minutes pour livrer sa présentation. Par la suite, il y aura une période de questions.
Madame Plante, vous avez la parole pour 10 minutes.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les membres du comité d'avoir invité Carrefour pour Elle dans le cadre de cette étude que vous avez entreprise.
Premièrement, je dois vous dire que Carrefour pour Elle est la première maison d'hébergement pour les femmes et les enfants victimes de violence conjugale à avoir ouvert ses portes au Québec. Cela fait 40 ans cette année que nous avons ouvert nos portes. Nous commençons donc à avoir une solide expertise dans la prévention et dans l'aide auprès des femmes et des enfants.
Bien sûr, comme la plupart des maisons d'hébergement, nous offrons beaucoup de services à l'interne. Nous avons un service d'écoute téléphonique offert 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous offrons également une capacité d'hébergement de 10 femmes et de 10 à 15 enfants à la fois. Nous faisons du suivi, de l'intervention et de l'accompagnement. Au cours des 15 dernières années, nous avons grandement accru nos services externes ainsi que nos services de sensibilisation auprès de la population.
En ce qui a trait aux services externes de prévention de la violence familiale et conjugale, il y a le programme PACIFIX, qui est actuellement financé par une subvention fédérale dans le cadre du Programme d'action communautaire pour les enfants.
Le programme PACIFIX a gagné de nombreux prix pour son originalité du point de vue de la prévention et de l'aide offerte aux enfants victimes de violence familiale. Il vise aussi à accroître les habiletés parentales et à aider les parents à surmonter les différentes difficultés qu'ils ont dans leurs relations avec leurs enfants. La particularité de cette intervention est qu'elle peut être faite autant par une femme que par un homme. Un suivi de proximité est également fait dans les familles. Cela veut dire que les intervenants se déplacent dans les maisons et les logements pour intervenir tant auprès des enfants que des parents.
En ce qui a trait à la sensibilisation, notre organisme a développé le programme « Quand on s'aime, on s'aime égal », qui existe depuis 2012. Nous offrons ce programme en partenariat avec une autre maison d'hébergement, soit le Pavillon Marguerite de Champlain qui est situé à Saint-Hubert, ainsi qu'avec le Service de police de l'agglomération de Longueuil.
Ce programme est principalement offert dans des classes de francisation que suivent les personnes nouvellement arrivées au Québec. Généralement, il s'agit de femmes et d'hommes qui sont arrivés à Longueuil depuis moins d'un an. Ce programme vise justement à faire de la prévention et à informer ces personnes au sujet des services et des ressources, mais il sert également à établir un lien de confiance avec elles.
Les policiers et les policières qui travaillent en coanimation avec nos intervenantes peuvent parler des services qu'ils offrent et expliquer le processus judiciaire. De notre côté, nous parlons des services que nous offrons. Notre but est de défendre les droits des femmes que nous rencontrons, et cela fonctionne. Chaque année, nous rejoignons 700 personnes. Nous recevons plusieurs demandes d'aide de la part des femmes que nous rencontrons, ce qui, pour nous, est une réussite.
En ce qui concerne la prévention, nous misons beaucoup sur les jeunes. Nous sommes très présents dans les écoles secondaires et nous offrons aux jeunes différents programmes. À l'intention des plus jeunes de niveau secondaire 2 et 3, nous avons mis sur pied un atelier intitulé « Quelle relation amoureuse veux-tu? », où nous leur parlons de relations amoureuses saines et égalitaires. Avant de parler de violence, il faut leur montrer qu'il existe d'autres modèles sains, respectueux et basés sur la communication.
À mesure qu'ils vieillissent, nous offrons aux jeunes un nouvel outil qui s'appelle « 24 heures textos ». Celui-ci aborde le cyberharcèlement et la pratique du sextage. Nous les informons sur le harcèlement au moyen d'une vidéo suivie d'une animation en classe. Cela permet aux jeunes élèves de comprendre comment s'articulent le contrôle, le harcèlement et la jalousie à partir de Facebook, des téléphones intelligents, etc.
Il y aura une innovation au Québec. À l'automne 2015, nous allons mettre sur pied le projet intitulé « Les couloirs de la violence amoureuse ». Imaginez un immense labyrinthe, soit une grande structure de 20 pieds par 30 pieds, où des petits groupes de trois ou quatre élèves parcourent un circuit et vivent une relation et une dynamique de violence amoureuse. Le but visé est de leur faire comprendre les différentes formes de violence et les conséquences que les agressions peuvent avoir tant sur les victimes que sur les personnes qui les commettent.
Ce sont donc de beaux modèles de prévention qui fonctionnent.
Bien entendu, compte tenu des moyens financiers et des ressources humaines dont dispose le Carrefour pour Elle, on ne peut pas couvrir l'ensemble de notre territoire puisque celui-ci est immense. À cet égard, j'aimerais recommander au comité de penser à accroître le financement pour qu'on puisse offrir plus de projets et rejoindre plus de personnes.
On se rend aussi compte qu'il y a plein de petits moyens subtils lorsqu'on fait de la sensibilisation. J'ai remis à chacun d'entre vous des petits stylos. Ceux-ci se trouvent dans les pochettes. On a offert de la formation à des coiffeuses et à des esthéticiennes pour leur parler de la question de la violence et pour qu'elles puissent remettre un petit stylo quand elles croient rencontrer une femme qui en était victime. Cela permet d'avoir les numéros de téléphone des maisons d'hébergement des différents territoires.
Par ailleurs, dans le cadre de la Campagne des 12 jours d'actions pour l'élimination de la violence faite aux femmes, qui est réalisée avec la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, nous allons remettre des sacs réutilisables pour faire de la sensibilisation auprès de la population en général. Nous pouvons en remettre dans les épiceries, dans les pharmacies et ainsi de suite.
Bien sûr, nous avons aussi déjà fait des campagnes de rubans blancs, de roses blanches, et ça fonctionne très bien. Nous y allons, bien entendu, avec les moyens dont nous disposons.
En terminant, j'aimerais dire que des choses doivent être améliorées relativement à nos politiques sociales et familiales afin d'aider véritablement à prévenir la violence et à en sortir. À Longueuil, nos organismes voient de plus en plus de femmes immigrantes et de nouvelles arrivantes se présenter chez eux. Elles vivent différentes oppressions. Ce ne sont pas que des victimes de violence conjugale. Elles sont parfois victimes de discrimination parce qu'elles font partie de minorités visibles. Elles sont souvent dans des situations de vulnérabilité ou même de pauvreté. Il faut donc qu'il y ait une approche globale pour aider ces personnes afin qu'elles puissent dénoncer ces actions et se sortir de la violence. Il faut tenir compte des conditions socioéconomiques des femmes et des multiples oppressions qu'elles peuvent vivre au quotidien. Au-delà des ressources d'aide existantes, il est important de pouvoir leur fournir de l'aide financière pour qu'elles puissent améliorer leurs conditions de vie socioéconomiques.
Il y a donc de beaux liens à faire avec votre autre étude qui porte sur la prospérité économique des femmes. Selon moi, les deux s'entrecroisent.
En ce qui a trait à l'immigration, on a aussi remarqué qu'il est très difficile pour les femmes qui sont en situation de parrainage, soit les femmes qui ont un statut de résidentes permanentes conditionnelles, de dénoncer le fait qu'elles sont victimes de violence parce qu'elles ont le fardeau de la preuve. Elles doivent démontrer qu'elles en sont victimes. Beaucoup de messages ambivalents circulent. On entend dire qu'elles doivent attendre un an ou deux avant de dénoncer la situation, sinon elles risquent d'être expulsées du Canada. Cela les maintient dans des situations de vulnérabilité.
Je crois qu'il faut que le gouvernement actuel envoie un message de protection à ces femmes pour qu'elles puissent sortir d'une dynamique de violence conjugale et faire appel aux bonnes ressources. On transmet des messages à cet égard. On remarque aussi qu'à Montréal ou à Longueuil, très peu d'avocats sont spécialisés en immigration et sont en mesure d'aider ces victimes.
Si j'ai encore un peu de temps, j'aimerais mentionner d'autres belles initiatives.
Au Québec, il y a l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Cette association a réalisé un très beau guide de vulgarisation pour expliquer le parcours des victimes dans le système de justice. Il est disponible en français et en anglais sur leur site Web. Cela vaut la peine de le consulter. Il y a là de très beaux outils qui nous permettent, quand on fait de l'intervention, d'aider, d'expliquer, de vulgariser et de transmettre toutes ces informations aux victimes.
Je m'arrêterai ici. J'imagine que ma période de 10 minutes est sur le point de se terminer.
Je vous remercie de votre engagement à lutter contre la violence envers les femmes au Canada, et je vous remercie de m'inclure dans la conversation.
Je suis parfois découragée par le manque de progrès que nous réalisons dans la lutte contre la violence envers les femmes. Puis je me rappelle que nous ne luttons officiellement contre le phénomène que depuis 1960 au Canada et tout à coup, je ne suis plus surprise. Nous n'en sommes qu'à la deuxième génération de la lutte contre la violence entre partenaires intimes dans une relation. Je vous félicite de poursuivre cette conversation et de reconnaître qu'il faut continuer d'améliorer la qualité de nos services.
C'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion de partager certaines de mes réflexions sur les pratiques exemplaires et prometteuses dans ce domaine. Je me présente devant vous aujourd'hui portant deux chapeaux. Tout d'abord, je suis coprésidente du Violence Against Women Forum du Centre de l'Ontario. Je suis également la directrice générale de KW Counselling, un organisme d'orientation familiale à Kitchener-Waterloo.
La première pratique exemplaire que je souhaite mettre en évidence est un service du Violence Against Women Forum du Centre de l'Ontario qui a une grande incidence collective. Ce forum représente presque 30 organismes d'intervention et d'hébergement pour les femmes. Il a été créé en 2007, en partenariat avec le ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario. La participation des universités aux activités du forum leur donnent beaucoup de force, ce qui témoigne du pouvoir de la collaboration tripartite. Nous croyons que ce genre de collaboration pourrait s'appliquer à toutes les activités du gouvernement fédéral pour reproduire le succès que nous observons dans le Centre de l'Ontario.
Le forum a été créé en 2007 dans l'intention de favoriser la mise en commun des connaissances, d'accroître la collaboration et d'améliorer le système de services. En 2009, il a élaboré un plan stratégique qui faisait écho à la voix des femmes, du personnel et des principaux intervenants et établissait une orientation politique. Ce plan mettait en lumière les enjeux critiques, les priorités, les lacunes, les tendances et ciblait trois objectifs stratégiques. Des plans de travail ont été élaborés en conséquence, des comités ont commencé à réfléchir à des activités pour les mettre en oeuvre, puis nous nous sommes rendu compte que nous aurions tout avantage à aller chercher la participation des universités, puisque nous avions besoin de recherches, de savoir universitaire et de services d'éducation.
Nous avons donc eu la chance d'obtenir la participation du groupe de recherche en innovation sociale de l'Université Wilfrid Laurier, un groupe qui relève du département de travail social. Ce groupe a effectué de nombreuses recensions des écrits et recherches, en plus de tenir des séances de formation et un symposium annuel avec nous. J'ai apporté avec moi une bibliographie. Elle recense environ 24 articles que nous avons rédigés en partenariat avec l'université. J'ai pensé qu'ils pourraient vous être utiles.
Dans l'ensemble, ce partenariat apporte une valeur ajoutée à chaque partenaire. Nous avons réussi ensemble à en faire plus qu'un acteur n'aurait pu le faire à lui seul. Les organismes ont apporté leurs compétences si nécessaires aux services destinés à lutter contre la violence envers les femmes; le gouvernement nous a consenti le financement essentiel et des services de coordination en plus d'exercer un leadership; et l'université a fourni la recherche universitaire et la formation qui auraient autrement été inabordables ou impossibles à obtenir.
Cette collaboration a permis de mobiliser chaque partenaire en vue d'objectifs communs et représente une façon de faire unique et stimulante. Nous sommes d'avis qu'il vaut la peine d'examiner et de reproduire ce modèle, car il pourrait receler des indices sur la façon de mieux mobiliser les intervenants afin de maximiser leur capacité d'opérer un changement sur le plan de la violence envers les femmes.
J'ai apporté un mémoire que vous devez avoir reçu et qui décrit plus en détail ce dont je vous fais part aujourd'hui.
La deuxième pratique exemplaire que je souhaite mettre en évidence est tirée de notre expérience aux Kitchener-Waterloo Counselling Services.
En 2007, KW Counselling Services a lancé une clinique de consultation sans rendez-vous, une des premières cliniques de ce type au Canada. Depuis son ouverture, la clinique a accueilli plus de 10 000 personnes, familles et couples, qui ont exprimé être surpris et soulagés de pouvoir discuter avec un thérapeute pendant une séance d'une demi-heure à deux heures le jour même.
Les personnes et les couples rencontrés à la clinique font l'objet d'une évaluation individuelle pour détecter les signes de violence conjugale. Nous nous sommes rendu compte, grâce à ces évaluations, qu'environ le quart de nos clients sans rendez-vous présentent des signes de violence dans leurs relations intimes. Ce sont des femmes victimes de violence.
Le ministère des Services sociaux et communautaires a récemment accepté de financer ce service à l'issue de nos cinq années de recherche en partenariat avec l'Université Wilfrid Laurier et l'Université de Waterloo, qui visaient à établir l'efficacité clinique et la rentabilité de notre clinique sans rendez-vous.
La recherche montre que les clientes qui se présentent pour la première fois à la clinique affichent un niveau de détresse psychologique très élevé, mais qu'elles indiquent, lors de leur rendez-vous de suivi, que leur sentiment de détresse a beaucoup diminué. De plus, les clientes qui se présentent avec un traumatisme complexe, notamment en situation de violence conjugale, sont celles qui tirent le plus profit de ces séances. Nous avons également constaté que les clients aux prises avec des troubles d'anxiété et de dépression, qui sont évidemment courants chez les femmes violentées, tirent davantage profit de la clinique sans rendez-vous que de services de consultation classiques.
Aux dires d'une femme qui est venue à la clinique et qui a rencontré une conseillère du nom de Stephanie:
Stephanie m'a écoutée du début à la fin. Ses commentaires m'ont sensibilisée et m'ont donné confiance en moi. Cette expérience m'a montré que je dois, en plus de fuir une relation de violence, obtenir du counselling. Je vais vraiment essayer de revenir la semaine prochaine, car de mettre fin à ma relation m'a entraînée dans un gouffre financier... Encore une fois, Stephanie est tout simplement formidable.
Nous sommes d'avis que la consultation sans rendez-vous est une option efficace et prometteuse à envisager dans la conception du système de services. J'ai également apporté un bref mémoire que vous pourrez examiner.
Je ne pourrais conclure une conversation sur les pratiques exemplaires de lutte contre la violence envers les femmes sans vous parler du traumatisme qu'elle représente et de ses effets sur les relations saines. Il faut faire en sorte d'en tenir compte dans tous nos services.
Nous constatons de plus en plus que bien des femmes victimes de violence et d'hommes faisant usage de violence dans leurs relations intimes ont vécu un traumatisme découlant souvent de situations de violence dans leurs familles d'origine. Nous savons qu'ils ont vécu ce traumatisme lorsqu'ils étaient enfants. Il a eu des répercussions sur le développement de leur cerveau, notamment sur la maîtrise des émotions. Ce traumatisme a également une incidence sur la capacité des parents de créer des liens et un attachement sains avec leurs enfants.
Les enfants victimes de traumatismes et de troubles de l'attachement développent bien souvent ce que les auteurs appellent un « modèle opérant négatif du monde ». Ils deviennent des adultes qui ont de la difficulté à entretenir des relations intimes et des relations parentales favorables. Les parents qui ont eux-mêmes vécu des traumatismes traumatisent souvent leurs propres enfants parce qu'ils n'ont jamais eu de liens d'attachement sains lorsqu'ils étaient enfants.
Nous sommes d'avis que les services de prévention de la violence faite aux femmes doivent comprendre une solide intervention thérapeutique pour un éventail d'événements traumatisants. Aux KW Counselling Services, les thérapies de groupe, individuelles, familiales et de jeux ciblent et traitent les traumatismes intergénérationnels. Notre traitement pour les hommes et les femmes doit comprendre ce volet si nous voulons réussir à progresser à ce chapitre.
En outre, nos services destinés aux enfants qui sont témoins d'actes de violence envers les femmes doivent viser à traiter le traumatisme de l'enfant en même temps que le traumatisme non résolu du parent. Il s'agit d'une expérience de guérison puissante pour l'enfant comme pour le parent. Le parent doit être présent tout au long du traitement de l'enfant, et dans les faits, en devenir le cothérapeute. En fait, nos services liés aux traumatismes et aux troubles de l'attachement visent à traiter deux générations à la fois, ainsi que les générations futures, grâce à l'amélioration de la santé mentale et du fonctionnement social et émotionnel de l'enfant et du parent...
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Bonjour, madame la présidente, et messieurs et mesdames les membres du comité. Nous vous remercions infiniment de nous avoir invités à nous exprimer devant ce comité.
Lorsqu'on veut se doter de pratiques exemplaires, de politiques, de lois ou d'une charte en la matière, il ne faut jamais oublier que la violence envers les femmes se prévient. Tout changement véritable doit se fonder sur ce fait. La violence envers les femmes n'est pas encore perçue comme une chose qui se prévient, mais plutôt comme l'un des nombreux maux sociaux qu'il faut subir et gérer. Il n'y a pas si longtemps dans notre propre histoire, cette violence était jugée acceptable.
Grâce au travail acharné du féminisme au Canada, nous progressons de plus en plus vers une culture dans laquelle ces formes de violence interpersonnelle sont largement jugées inacceptables. De grandes femmes qui font un travail fabuleux se sont exprimées devant le comité. Diverses pratiques exemplaires, de nouveaux programmes, des recherches et des analyses critiques de toutes sortes ont été présentés avec intelligence et expérience.
Nous croyons que les organisations de femmes connaissent toutes très bien les pratiques exemplaires, que nous les avons créées et que nous les utilisons depuis des dizaines d'années. Les mémoires présentés au comité, les recherches universitaires, les innombrables rapports que nous rédigeons, les cours universitaires en travail social et en analyse fondée sur le sexe comme les discussions de cuisine des femmes en attestent; pourtant, il y a encore des femmes qui en meurent.
Nous avons réalisé de grandes avancées en éducation et en sensibilisation aux échelles nationale comme internationale. Il y a des politiques et des programmes à ce propos à tous les ordres de gouvernement, dans nos collectivités et dans nos écoles, mais les statistiques que nous connaissons tous si bien restent les mêmes.
La violence envers les femmes est qualifiée d'épidémie mondiale de notre temps. On pourrait être porté à croire qu'il n'y a plus rien à ajouter au discours, mais si on s'en tient au principe irréfutable que la violence envers les femmes se prévient, il reste beaucoup de choses à dire.
Les pratiques exemplaires, l'éducation et tout le travail qui se fait dans le domaine ne suffiront pas si nous ne travaillons pas à éliminer directement les problèmes à la base: l'inégalité entre les sexes, notre négligence perpétuelle à défendre les droits humains des femmes, des décennies de fermetures et de compressions financières imposées aux organisations de femmes en première ligne.
Imaginons un peu que les programmes et les politiques que nous créons ensemble visent les causes à la base du problème, qu'ils visent à détruire le système qui génère l'inégalité entre les sexes. Imaginons qu'ils s'inspirent du cadre actuel de protection des droits de la personne, qu'ils reçoivent un financement et des ressources à long terme pour que les organisations de femmes puissent faire ce qu'elles font si bien depuis des dizaines d'années, malgré les aléas économiques, politiques et législatifs.
Si nous prenions le temps de revoir notre conception des pratiques exemplaires pour éradiquer l'inégalité entre les sexes, nous miserions sur une stratégie nationale des services de garde, une stratégie nationale du logement, la parité salariale et des soins de santé, un régime d'éducation et un système de justice adaptés à la réalité des femmes. L'absence de telles stratégies au Canada contribue non seulement au problème, mais se dresse en obstacle devant les femmes qui voudraient fuir la violence qu'elles subissent pour vivre leur plein potentiel.
Nous ne pourrons pas y arriver toutes seules. Les femmes sont protégées en principe par la Charte des droits et libertés, comme toute autre personne au pays. Ces droits doivent s'appliquer à toutes les femmes également, y compris aux transgenres, aux femmes âgées, aux femmes autochtones, aux prostituées, aux handicapées, aux jeunes femmes et aux nouvelles arrivantes. Les organisations de femmes se battent tous les jours pour assurer la sécurité des femmes qui n'ont pas accès à des avocats, à des travailleurs sociaux, aux tribunaux ni à des médecins. Ces femmes les plus vulnérables n'ont pas accès aux services de soutien de base. Il faut y voir le déni de leurs droits humains fondamentaux.
Pourtant, le Canada a signé de nombreuses conventions afin de protéger et de renforcer les droits des femmes, y compris la CEDAW, dont l'article 3 affirme positivement le principe de l'égalité en exigeant que les États prennent « toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes. »
Pourquoi alors les femmes continuent d'en mourir? Parce que nous n'appliquons pas les droits fondamentaux de la personne à notre travail pour mettre fin à la violence envers les femmes. Si la lutte contre la violence se fondait sur nos cadres de protection des droits de la personne, on ne devrait pas refuser aux femmes l'accès à ce qui favorise la sécurité et la qualité de vie, où qu'elles vivent et quelle que soit leur condition sociale.
Toutes ces années de compressions financières et de fermetures, ces années à réduire au silence les organisations de femmes représentent à elles seules une forme généralisée de violence envers les femmes. La politique fédérale doit servir à renforcer les organisations de femmes et leur assurer un financement durable pour qu'elles ne soient pas continuellement victimes des fluctuations économiques, des priorités politiques et des lois.
Notre province de Terre-Neuve-et-Labrador présente un bon exemple de cette double impasse. La chute des prix du pétrole a causé beaucoup de pertes d'emplois, qui ont à leur tour fait augmenter radicalement la violence conjugale. Nous étions déjà débordés, mais nous devons trouver le moyen de répondre aux besoins accrus de services, et on nous dit que le financement n'augmentera pas à cause de la chute des prix du pétrole. Il y a même des rumeurs de nouvelles coupes qui limiteraient notre travail.
Le boom économique que nous avons connu il y a 10 ans a créé une hausse fulgurante du nombre de femmes victimes d'exploitation sexuelle, et depuis l'adoption du nouveau projet de loi sur la prostitution, le projet de loi , nous nous battons pour venir en aide à une population laissée vulnérable, qui ne cesse de sombrer toujours plus bas.
Le même scénario se répète constamment, si bien que nous passons notre temps à panser temporairement nos plaies, à trouver des solutions morcelées et que nous n'avons jamais le temps ni les ressources nécessaires pour nous attaquer aux problèmes fondamentaux de l'inégalité entre les sexes et de l'injustice, des droits de la personne et de leur défense. Il est temps de reconnaître que l'accès réduit ou nul aux services de base pour les femmes attribuable au sous-financement chronique met en péril la vie de nombreuses femmes et du coup, de leurs enfants et de leurs communautés. Il faut remédier à la situation.
C'est une cause très réelle de la violence perpétuelle envers les femmes, mais on pourrait la prévenir. Les droits humains immuables de toutes les femmes doivent être protégés par la loi et les politiques. Nous avons besoin des stratégies nationales qu'on nous promet en vain depuis longtemps pour cibler et éradiquer les structures et les normes sociales qui perpétuent l'inégalité entre les sexes. Nous avons besoin de ressources à long terme pour faire ce que nous savons si bien faire: défendre les droits des femmes, leur fournir des services et des ressources, en toute liberté et sans menace.
Il faut changer notre façon de voir l'inégalité entre les sexes et la façon dont le Canada peut l'éradiquer. L'inégalité entre les sexes est à la fois inhérente à nos institutions et produite par elles. Il faut changer notre angle d'approche pour que notre pays soit mieux en mesure de répondre aux besoins de toutes les Canadiennes. Tant que les institutions et systèmes sociaux canadiens ne prioriseront pas le potentiel inouï et inexploité des femmes au pays, nous avons bien peur de continuer de vivre dans un État où la violence ne cessera jamais.
Pour terminer, il faut reconnaître que la situation est sombre, mais que l'avenir n'a pas à l'être. Il existe déjà des solutions tangibles aux problèmes. De façon symbolique, c'est dans le cadre de protection des droits de la personne que se trouve la solution au Canada. Dans la pratique, la solution passe par le travail sur le terrain, celui des centres et des organisations qui viennent en aide aux femmes. Les ingrédients manquants sont la volonté sociale et politique et des ressources à long terme pour créer une stratégie nationale coordonnée. Si le Canada pouvait s'engager dans cette voie, nous créerions non seulement des pratiques prometteuses, mais nous jetterions les assises mêmes de la prévention de la violence envers les femmes.
Merci.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Bonjour à toutes et à tous. Je remercie le comité de cette invitation.
Je vais faire une brève présentation sur le Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel — ou CALACS — et, par la suite, cibler les meilleures pratiques. Je tiens à vous dire d'emblée que je pourrai répondre aux questions tant en anglais qu'en français.
Le Regroupement québécois des CALACS existe depuis 1979 et compte 27 membres dans 16 différentes régions du Québec.
Nous intervenons en relation d'aide et en prévention auprès des jeunes et du public par la voie d'activités de sensibilisation. Nous faisons des interventions auprès des médias, de la recherche et de la représentation auprès des gouvernements. Nos grandes préoccupations sont l'intersectionnalité des discriminations, l'hypersexualisation de l'espace public, la banalisation de la violence sexuelle, la question de la prostitution et la violence sexuelle sur Internet.
Je vais maintenant aborder la question des meilleures pratiques. Je voudrais insister sur le fait que les 27 CALACS membres de notre organisme constituent en soi des mesures de prévention de la violence sexuelle et des meilleures pratiques. Nous nous inscrivons comme une alternative au système judiciaire, parce que nous savons que 75 % des femmes ne portent pas plainte. Il est donc essentiel de leur fournir des services bien ancrés dans leur communauté qui leur viendront en aide, à elles et à leurs proches.
Les CALACS offrent des services d'aide individuels et en groupe. Ils offrent aussi de l'accompagnement qui peut aller jusqu'à un accompagnement judiciaire, si la femme le décide.
Ces centres sont nés dans la foulée du mouvement des femmes des années 1970. Ils ont développé une approche d'intervention féministe qui vise la reprise de pouvoir par les femmes. Ils voient la violence sexuelle comme un acte qui prend sa source dans l'inégalité entre les hommes et les femmes. Ils ont contribué à l'élargissement de la définition de la violence sexuelle. Maintenant, cette définition comprend non seulement le viol, mais également le harcèlement sexuel, l'inceste, la cyberprédation, l'exploitation sexuelle à des fins de prostitution, de pornographie et de trafic sexuel.
Je dois cependant signaler au comité que les CALACS ont toujours un grand besoin de financement et que quelques ressources humaines supplémentaires nous permettraient de mieux répondre à la demande, d'éviter que les femmes subissent des périodes d'attente avant d'être prises en charge et de développer éventuellement des services dans le Nord du Québec.
Comme deuxième meilleure pratique, je voudrais souligner que les CALACS interviennent auprès des jeunes dans les écoles au moyen de programmes de prévention des agressions sexuelles. On y parle de sexualité, de rapports de pouvoir, de consentement et d'hypersexualisation.
Nous intervenons également auprès du grand public dans les communautés locales par l'entremise de conférences et d'activités publiques. Chaque année, nous organisons une Journée d'action contre la violence sexuelle faite aux femmes. Cette journée se tient le troisième vendredi de septembre.
En ce qui a trait à une autre meilleure pratique, nous voulons souligner le fait que nous avons mis sur pied une formation sur la prévention de la violence sexuelle envers les personnes âgées. Nous avons également élaboré un guide d'intervention sur l'hypersexualisation. En ce moment, nous travaillons à développer des meilleures pratiques en matière de cybercriminalité.
En plus des services directs et des activités de prévention, les CALACS ont développé ce qu'on appelle l'approche intersectionnelle pour mieux inclure les femmes autochtones, les femmes handicapées et les femmes immigrantes et réfugiées de façon à mieux tenir compte de leur réalité particulière et de leur vulnérabilité aux agressions sexuelles. Ce projet comprend la prestation de la formation de nos membres, mais il est également ouvert à d'autres personnes. Nous pouvons dire aujourd'hui que quatre CALACS ont développé une expertise auprès des femmes autochtones
Cette année, grâce à une contribution de Condition féminine Canada, nous avons créé une communauté de pratiques francophone touchant la violence sexuelle, qui regroupe les organismes intervenant au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
Le projet prévoit la constitution d'une bibliothèque virtuelle qui regroupera les programmes, les projets et les activités en vue de permettre un meilleur partage. Le projet vise également à tenir des forums de discussion sur diverses préoccupations. Nous pensons que cette communauté de pratiques aura une incidence sur la capacité des ressources participantes à mieux intervenir.
En ce qui concerne les pratiques prometteuses de prévention, soulignons le fait que le Regroupement québécois des CALACS a permis la création de la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle — la CLES —, qui a fait un énorme travail quant au progrès législatif au Canada au sujet de la question de la prostitution.
Le Regroupement québécois des CALACS participe également à plusieurs recherches dans le milieu universitaire. Nous le soulignons comme meilleure pratique parce que c'est essentiel. Nous nous penchons présentement avec des universitaires sur la traite et l'exploitation sexuelle, ce qui nous permet de former 45 formatrices qui, à leur tour, dissémineront cette formation dans d'autres milieux.
Nous avons également un projet de recherche sur la question de l'intersectionnalité. Nous menons une recherche qui vise à documenter la violence sexuelle dans les milieux universitaires. Récemment, nous avons vu surgir, un peu partout au Canada, la question liée à la violence sexuelle en milieu universitaire. Nous faisons face à la nécessité d'ajuster les pratiques institutionnelles en la matière.
Nous menons une recherche qui vise à doter les CALACS d'un programme commun en matière d'intervention auprès des jeunes. Enfin, une dernière recherche vise à améliorer notre système de cueillette de données pour en arriver à dresser un meilleur profil des femmes faisant appel aux services des CALACS.
Au cours des derniers mois, nous avons vu, lors de la campagne « Been raped, never reported/Agression non dénoncée », que beaucoup de femmes ont besoin de parler de ce qui leur est arrivé. C'est une avancée importante, mais le traitement médiatique des agressions sexuelles actuel doit être plus grand afin que l'effort que font les femmes pour parler de ce qui leur est arrivé ne soit pas vain.
Nous souhaitons que le gouvernement investisse dans une campagne de sensibilisation sur les agressions sexuelles. Nous trouvons qu'il y a une lacune à cet égard. On sensibilise les gens à l'alcool au volant et au tabagisme, mais on ne parle pas suffisamment de la violence sexuelle envers les femmes. On pourrait expliquer ce qu'est une agression sexuelle et ce qu'est un consentement. Notre objectif est de lutter contre les mythes et les préjugés dans le but de faire changer les mentalités à long terme.
À elle seules, les ONG ne peuvent pas investir dans de telles campagnes, qui sont tout de même très coûteuses. Nous voudrions que les hommes prennent la parole dans ces campagnes. Ces dernières devraient être déployées tant à la télévision, à la radio et dans les médias sociaux qu'au moyen de matériel imprimé.
On ne peut pas uniquement compter sur les médias sociaux ou les médias traditionnels pour faire progresser la sensibilisation à la violence sexuelle envers les femmes. On doit pouvoir en parler dans un contexte qui vise un large public. On doit absolument répondre aux besoins des femmes qui se sont exprimées dans la campagne « Been raped, never reported/Agression non dénoncée ». On doit le faire d'une façon qui permette de rejoindre les femmes en région qui ne sont pas nécessairement sur Twitter. On doit soutenir davantage les activités de prévention et de sensibilisation du public.
Je vous remercie.
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Ce sont deux choses différentes. La première formation, qui est destinée aux personnes qui sont de nouvelles arrivantes, s'intitule « Quand on s'aime, on s'aime égal ». Nous la coanimons avec une policière communautaire. Il s'agit de présentations de deux heures et demie que nous offrons dans les classes de francisation et dans le cadre desquelles nous parlons de ce qu'est la violence conjugale, des formes qu'elle peut prendre, des services qui sont offerts par les maisons d'hébergement et du rôle des policiers, autant en matière de prévention que de répression, s'il y a lieu.
Bien sûr, nous insistons sur le fait qu'il est important d'agir quand on est victime de violence conjugale, mais aussi quand on en est témoin. Nous parlons un peu du fait que la dénonciation est parfois une obligation légale quand on est témoin de tels actes. Je pense que c'est très pertinent parce que plusieurs femmes ou hommes qui arrivent d'un autre pays ne font pas confiance aux policiers. Dans les pays d'où ils viennent, les services de police ne sont pas nécessairement comme les nôtres. Comme nous le disons, il s'agit d'établir ce lien de confiance.
Pour ce qui est des coiffeuses et des esthéticiennes, nous sommes allés en rencontrer une centaine sur notre territoire pour leur donner de la formation en matière de violence conjugale. Il s'agissait de parler des mythes et des réalités, un peu comme nous le disait Mme Duhamel. Nous leur offrons des dépliants de Carrefour pour elle ainsi que des petits crayons et nous leur disons que si, à un moment donné, elles rencontrent une femme qui est victime de violence conjugale, elles peuvent lui donner notre numéro de téléphone ou nous appeler. Nous sommes une ressource disponible 24 heures sur 24, sept jours sur sept. C'est vraiment une démarche de personne à personne, et nous nous sommes donné comme défi de rencontrer le plus grand nombre possible de coiffeuses et d'esthéticiennes sur notre territoire.
La prochaine étape consistera à rencontrer les pharmaciens et pharmaciennes. Nous voudrions le faire cet été. Bref, nous continuons notre démarche.
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C'est une très bonne question.
En général, les familles ne sont pas recrutées en tant que telles, mais les femmes vont d'abord participer à un groupe de soutien. Par la suite, on va leur proposer de participer au programme PACIFIX. Il faut comprendre que, dans la majorité des cas, les femmes sont séparées. Le conjoint n'est donc plus là.
Si elles sont encore avec leur conjoint, on propose aux hommes de suivre le programme PACIFIX. Toutefois, ils doivent remplir une condition pour pouvoir s'inscrire au programme PACIFIX, à savoir d'accepter de suivre une thérapie avec l'organisme Entraide pour Hommes de Montréal. C'est une thérapie de 25 semaines sur les comportements violents. Après cela, s'ils le veulent — ils doivent être volontaires —, ils peuvent suivre le programme PACIFIX. C'est ce qui explique ce déséquilibre.
Plus de femmes vont participer au groupe de soutien et au programme PACIFIX qu'il n'y aura d'hommes dans le programme PACIFIX seulement. Toutefois, quand ils acceptent, cela en vaut la peine. Par exemple, l'an dernier, six hommes ont participé au programme. Quatre d'entre eux l'ont complété et la famille est toujours ensemble. C'est une belle réussite.
Malheureusement, cela change d'une année à l'autre. En ce moment, un seul homme a accepté de participer au programme. Je vous dirais donc que c'est à cet égard qu'il faut travailler encore davantage.
En ce qui a trait à la violence conjugale, je vous dirais que la majorité des femmes qui ont recours aux services du Carrefour pour Elle finissent par entreprendre un processus de séparation ou de divorce. Dans le cas de celles qui demeurent avec leur conjoint et qui veulent tenter d'avoir recours au programme PACIFIX, cela reste un très beau programme. Celui-ci est très novateur au Québec.
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Je vais essayer de vous en dire plus long.
Lorsque nous avons ouvert notre clinique de counselling sans rendez-vous, nous avions quelque 981 noms sur notre liste d'attente pour obtenir des services. C'était vraiment une situation de crise. Nous étions tellement surchargées que nous ne pouvions même plus rappeler les gens.
Nous avons misé sur l'option sans rendez-vous pour différentes raisons. Plusieurs personnes ne se présentaient pas à leur rendez-vous, un problème qui ne risquait bien sûr pas de se représenter avec la nouvelle clinique. Nous savions également que si nous pouvions voir les gens au moment où ils en ont le plus besoin, cela nous permettrait de capitaliser sur ce qu'on appelle leur « réceptivité au changement », ce qui améliore d'autant les résultats cliniques.
Nous avions aussi le pressentiment que c'était l'option qui s'imposait dans le contexte où nous nous trouvions. Nous vivons à l'époque du service à l'auto et de l'immédiat. Je peux vous dire pour ma part qu'il faut vraiment que je me réveille avec une tête horrible pour que je pense à prendre rendez-vous chez la coiffeuse.
Des voix: Oh, oh!
Mme Leslie Josling: Il s'agissait d'offrir les services sans toutes ces complications. Nous avons opté pour une clinique sans rendez-vous. Nous ne nous attendions pas alors à ce que le quart de nos visiteurs soient des femmes victimes de mauvais traitement, mais c'est ce que nous avons pu observer. Nous avons été ravies de constater les résultats cliniques très positifs. Nous avons également noté des gains d'efficience relativement à des éléments comme les visites aux urgences, les journées de travail perdues et l'utilisation des ressources. Nous avons déjà mené deux études à ce sujet, mais je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. John Barlow: Est-ce ce que...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie nos invitées de prendre le temps de nous faire part de leurs expériences. Leurs témoignages sont très précieux pour nous. J'aimerais d'abord, bien sûr, féliciter Mme Plante. J'en profite parce qu'elle oeuvre dans ma région.
Madame Plante, vous faites du très bon travail. Vous faites non seulement du bon travail, mais vous le faites sur un territoire aussi vaste que la Montérégie. Comme vous l'avez bien mentionné, si vous aviez de l'aide, vous pourriez faire davantage.
En 2014, vous avez hébergé plus d'une centaine de femmes et 90 enfants. Par ailleurs, Statistique Canada indique qu'en 2013, 7 victimes de violence sur 10 étaient des femmes. Les chiffres restent toujours aussi alarmants d'année en année.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces chiffres restent stables? Les programmes de prévention contre la violence sont-ils efficaces? De plus, quelles sont les difficultés que rencontre Carrefour pour Elle en tant qu'organisme à but non lucratif? Mis à part le programme PACIFIX, que peut faire le fédéral pour vous aider?
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Merci, madame Sellah, de vos questions. Vous avez dit beaucoup de choses.
Pour un organisme communautaire comme le nôtre, la question du financement est la plus importante. Il faut que nous soyons plus nombreuses sur le terrain. Je trouve que nos services internes fonctionnent bien. On fait de l'hébergement depuis 40 ans, mais je crois qu'avoir plus d'intervenantes qui pourraient offrir de la sensibilisation dans différents milieux sur le territoire serait d'une très grande aide.
Cela dit, il faut continuer à faire des campagnes médiatiques pour le grand public. On peut faire du travail auprès des jeunes. D'autres organismes communautaires vont faire du travail dans les écoles primaires, ce qui est aussi merveilleux. Il faut commencer en très bas âge à parler d'égalité, de respect et à apprendre aux jeunes à gérer la colère.
On est plus spécialisés en ce qui a trait aux jeunes femmes et aux femmes, mais plusieurs de mes collègues font un très beau travail sur le terrain auprès des enfants. Je vous inviterais justement à faire en sorte qu'ils comparaissent devant vous dans le cadre de cette étude.
Cela dit, il faut du financement, il faut de la concertation et il faut du temps pour se concerter. On essaie d'utiliser du temps à cet égard. Comme je vous le dis, à Carrefour pour Elle, la moitié de mon temps sert à la sensibilisation et l'autre moitié à la concertation. Je suis seule dans mon équipe à faire ce travail. C'est sûr qu'on a besoin d'un coup de pouce.
Dans l'ensemble du Québec, beaucoup de choses sont faites pour aider les femmes. Mes collègues de Terre-Neuve ont dit qu'il fallait mettre en avant des politiques sociales en faveur du logement social, de l'accès aux garderies, de l'augmentation de l'aide sociale et du financement des organismes communautaires.
Nous, au sein des organismes communautaires, sommes selon moi très créatifs, très flexibles et innovateurs. Il faut donc nous encourager à innover. Nous avons aussi une grande expertise. Nous faisons de l'intervention féministe depuis 40 ans et je pense que nous le faisons bien. Malheureusement, il manque de ressources. Il manque de ressources pour les femmes qui ont des problèmes de santé mentale. Il manque de logements supervisés. Le gouvernement fédéral pourrait justement nous aider à mettre en place ces ressources.
Ce n'est pas une simple question de financement des organismes communautaires qui existent déjà. Il nous en faut plus pour répondre à des femmes qui sont victimes. Je pense principalement aux femmes qui sont à risque d'itinérance, aux femmes qui ont des troubles de santé mentale et qui sont avec ou sans enfant. Il faut penser à mettre en place ces ressources pour casser le cycle de la violence. On regarde les trajectoires de vie de ces femmes. Il y a de la violence parfois dans leur enfance, durant leur adolescence, durant leur vie de femme, durant leur vie adulte et même lorsqu'elles sont âgées. Il faut casser ça, mais il faut leur donner des moyens d'améliorer leurs conditions de vie, ce qui va mettre fin à la violence.
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Nous travaillons en étroite collaboration avec les femmes du centre d'amitié autochtone. Nous les laissons faire le travail et nous les soutenons autant que nous le pouvons, et nous travaillons avec elles dans divers domaines.
Nous avons créé ensemble une vigile visant à commémorer les femmes disparues et assassinées de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est un échange communautaire très efficace.
Nous avons aussi un programme fondé sur les traumatismes que les femmes de mon organisation administrent avec le centre d'amitié. Il est appelé « Spirit Horse », et c'est un programme de thérapie équine. Ces femmes ont une anxiété, une douleur, des traumatismes et des dépendances tels qu'au début, nous ne pouvons même pas les faire monter dans l'autobus pour y aller. Cependant, après avoir travaillé avec les chevaux à faire face au traumatisme et à se construire, et après en être venues à parler de leurs histoires, tout à coup, elles émergent avec les chevaux et deviennent très fortes.
Pour ce qui est des pratiques exemplaires, il revient à la communauté autochtone de nous le dire. En tant qu'organisation, nous soutenons les organisations de femmes autochtones, nous travaillons avec elles et nous collaborons avec elles de toutes les façons possibles. Nous estimons que c'est très positif. Notre programme « Spirit Horse » est probablement l'un de nos programmes les plus efficaces. Les femmes s'assoient ensemble, après, et discutent afin de trouver le moyen de communiquer malgré beaucoup de douleur.
Pour ce qui est des effets multigénérationnels de la colonisation, c'est un groupe de femmes autochtones qui pourrait vous parler des pratiques exemplaires.