AGRI Rapport du Comité
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Opinion dissidente des membres
représentant l'opposition officielle
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
Introduction
Le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire a tenu des audiences sur la crise du revenu agricole à la demande instante de l'opposition officielle. Les audiences sont le résultat d'une motion que l'opposition officielle a déposée le 8 octobre, mais le gouvernement a attendu jusqu'au 3 novembre pour les tenir, et le Comité n'est pas sorti d'Ottawa.
L'opposition officielle estime que les recommandations contenues dans le rapport majoritaire ne reflètent pas adéquatement les besoins et les vues des producteurs canadiens et passent sous silence les besoins d'importants secteurs de l'industrie. Par exemple, la Canadian Dehydrators Association signale que suite aux subventions élevées versées par l'Union européenne, la production de fourrage déshydraté par l'Espagne a été 16 fois plus élevée en 1997 qu'avant les subventions; pourtant ces renseignements ne figurent pas dans le rapport majoritaire.
Or les prix des produits canadiens sont maintenant en chute libre en raison des subventions étrangères excessives et de l'effondrement des marchés asiatiques.
La Saskatchewan, le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard sont les provinces les plus touchées, puisqu'on prévoit respectivement pour elles des revenus nets réduits de 72 p. 100, 44 p. 100 et 41 p. 100 par rapport à la moyenne quinquennale.
La chute des prix des produits est exacerbée par un régime fiscal fédéral extrêmement exigeant. Les coûts élevés que le gouvernement fédéral impose à l'agriculteur canadien empêchent ce dernier d'être compétitif sur les marchés mondiaux. À l'impôt général sur le revenu s'ajoutent des taxes multiples, y compris des taxes cachées sur les intrants agricoles, comme l'engrais et le carburant, et des taxes que l'on fait passer pour des frais aux usagers.
La crise actuelle aurait pu être atténuée, voire évitée, si le gouvernement avait agi dès qu'il a pris conscience du problème. Dès février 1998, il y a donc 10 mois, Statistique Canada a prédit que le revenu agricole net en espèces diminuerait de 46 p. 100 à l'échelle du Canada. À l'époque, et même pendant les mois qui ont suivi, le gouvernement fédéral n'a pas vraiment réagi. Peu après cette annonce, un autre ministère fédéral, Agriculture Canada, a prédit une autre baisse de 30 p. 100 du revenu agricole net, mais le gouvernement fédéral n'a toujours pas pris de mesures à long ou à court terme.
En plus d'entendre les organisations qui ont comparu devant le Comité permanent, l'opposition officielle a assisté à des assemblées publiques et à des réunions de groupes de producteurs qui ont eu lieu pendant la même période que les audiences du Comité. Les recommandations qui suivent reflètent ces consultations élargies.
Recommandation 1 :
L'opposition officielle appuie la réalisation d'un programme d'indemnisation d'urgence qui ne serait pas lié à des produits particuliers mais servirait plutôt à compenser les pertes attribuables aux subventions étrangères.
Les producteurs canadiens ont besoin d'aide immédiatement, car ils ne peuvent plus attendre. Nombre d'entre eux ont dit craindre qu'un programme axé sur le revenu prenne trop de temps. Certains agriculteurs ont suggéré que l'aide d'urgence soit calculée en fonction du nombre d'hectares. D'autres ont proposé un programme semblable au Farm Income Disaster Program de l'Alberta. L'opposition officielle est d'avis que les provinces sont mieux placées pour déterminer les modalités d'établissement de l'indemnisation d'urgence.
Recommandation 2 :
L'opposition officielle recommande que l'aide d'urgence soit fournie immédiatement.
En plus de donner de l'aide d'urgence, le gouvernement fédéral doit adopter un train de mesures à long terme pour éviter que la crise du revenu ne se reproduise. Ces mesures doivent viser les racines profondes du problème, tant au niveau national qu'international.
Une aide nationale
Il faut non seulement réduire les subventions étrangères, mais aussi réduire les taxes que le Canada impose à ses agriculteurs. L'opposition officielle juge que le gouvernement doit dès maintenant s'attaquer à trois domaines fiscaux.
En premier lieu, le gouvernement doit sans délai prévoir une réduction fiscale générale. Statistique Canada signale qu'entre 1993 et 1996, les agriculteurs canadiens ont versé au gouvernement fédéral plus de 2,75 milliards de dollars en impôts sur le revenu.
En deuxième lieu, le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire doit diminuer immédiatement les frais aux usagers qu'il perçoit par l'intermédiaire d'organismes comme la Commission canadienne des grains et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Selon l'industrie, ces frais s'élèveront à 130 millions de dollars en 1998, une augmentation de 28 p. 100 par rapport à il y a trois ans. Le ministre de l'Agriculture, n'étant pas tenu de demander l'autorisation d'autres ministères pour agir, devrait dès maintenant dégager les fonds ainsi recueillis pour les verser aux producteurs.
En troisième lieu, le gouvernement doit réduire les taxes fédérales sur la fabrication, le transport et la vente d'intrants agricoles comme l'engrais. Selon l'Institut canadien des engrais, jusqu'à 15 p. 100 du prix de vente au détail représente des taxes fédérales. Cela signifie que sur les 2 milliards de dollars que les agriculteurs consacrent à l'achat d'engrais chaque année, plus de 300 millions sont versés en taxes fédérales.
Recommandation 3 :
L'opposition officielle recommande au gouvernement fédéral d'accorder sans délai des réductions fiscales générales, de réduire les frais que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire impose aux utilisateurs et de diminuer les taxes fédérales sur la fabrication, le transport et la vente des intrants agricoles tels que les engrais.
Les agriculteurs de l'Ouest ont indiqué qu'ils pourraient obtenir de meilleurs prix pour leur blé et leur orge s'ils avaient le droit d'aller sur les marchés autres que ceux sous le contrôle de la Commission canadienne du blé (CCB). Le gouvernement pourrait aider à redresser leur situation financière en leur permettant sans délai d'exploiter leurs propres débouchés commerciaux.
Recommandation 4 :
L'opposition officielle recommande au gouvernement d'accorder sans délai aux agriculteurs de l'Ouest canadien le droit d'exploiter leurs propres débouchés commerciaux, indépendamment de la Commission canadienne du blé. L'opposition officielle recommande qu'entre-temps, la Commission canadienne du blé effectue un paiement provisoire sur le prix définitif pour améliorer immédiatement les rentrées de fonds des producteurs canadiens.
Interventions requises sur la scène internationale
Nous devons jouir du libre-échange et d'un commerce loyal à l'étranger, d'où la nécessité pour notre gouvernement de prendre des mesures énergiques dans le but d'atténuer le problème des subventions élevées accordées à l'étranger. On sait notamment que :
- Par rapport au Canada, les pays de l'Union Européenne et les États-Unis subventionnent 19 et 5,7 fois plus, respectivement, la production d'orge.
- Par rapport au Canada, les pays de l'Union Européenne et les États-Unis subventionnent 7,7 et 4,5 fois plus, respectivement, la production de blé.
Les subventions élevées consenties à l'étranger ont un effet de massue sur les agriculteurs canadiens. À preuve, les exportations canadiennes de produits agricoles et de poisson ont chuté de 1,1 milliard de dollars l'année dernière. Selon Statistique Canada, cette somme équivaut au revenu net réalisé par chaque exploitation agricole au Québec, au Manitoba et en Saskatchewan. C'est comme si on mettait fin aux activités de chaque ferme dans ces trois provinces.
Nos agriculteurs ne peuvent attendre jusqu'à la fin des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce pour que l'on se décide à faire cesser ces octrois de subventions. De nombreux intervenants ont suggéré que nous amorcions des négociations bilatérales avec les États-Unis pour créer un mouvement d'opposition nord-américain face aux subventions élevées accordées par les pays de l'Union européenne. Nos agriculteurs sont en mesure de concurrencer avec succès sur les marchés internationaux les plus dynamiques, mais il nous faut comprendre que le Trésor canadien ne peut pas faire le poids face aux pays européens et aux États-Unis dans une guerre des subventions.
Recommandation 5 :
L'opposition officielle recommande au gouvernement de commencer sans délai à négocier une réduction des subventions agricoles accordées à l'étranger. Ces négociations devraient comprendre, sans toutefois s'y limiter, des discussions bilatérales avec les États-Unis, de manière à créer un mouvement d'opposition face aux pays de l'Union Européenne qui accordent des subventions élevées.
Notre gouvernement doit également veiller à ce que contrairement à ce qui s'est produit récemment, nos partenaires commerciaux respectent les ententes qu'ils ont signées. Le gouvernement du Dakota du Sud a commencé à bloquer les exportations de produits agricoles canadiens le 16 septembre. Cette obstruction s'est poursuivie le 6 décembre, quand des agriculteurs d'États du nord ont de nouveau bloqué les entrées à la frontière.
De telles mesures commerciales prises unilatéralement par des États contreviennent à l'Accord de libre-échange nord-américain et aux règles imposées par l'Organisation mondiale du commerce. Le gouvernement doit prendre des moyens davantage proactifs et énergiques pour que des gestes unilatéraux semblables ne viennent pas limiter l'accès aux marchés d'exportation pour nos producteurs canadiens.
Recommandation 6 :
Le gouvernement devrait mettre en oeuvre sans délai le plan de 1995 (publié dans la partie III du Budget des dépenses principal de 1995 d'Agriculture et Agroalimentaire Canada) visant à créer à Agriculture et Agroalimentaire Canada une équipe d'intervention spéciale chargée de prévoir les problèmes commerciaux et de s'y attaquer avant qu'ils n'aient des effets nocifs sur les agriculteurs canadiens.