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FISH Rapport du Comité

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PÊCHE EN EAU DOUCE

Dans le cadre de son étude permanente des pêches au Canada, le Comité permanent des pêches et des océans a visité neuf collectivités du Manitoba et de l'Ontario, du 4 au 8 mai 1998, afin d'examiner diverses questions liées à la gestion des pêches en eau douce. Le Comité a également visité le siège de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce à Transcona, en banlieue de Winnipeg.

Le Comité a constaté que le Manitoba et l'Ontario ont des intérêts en commun; cependant, leurs priorités sont différentes. Par conséquent, le Manitoba et l'Ontario font l'objet de sections distinctes.

MANITOBA

A. OFFICE DE COMMERCIALISATION DU POISSON D'EAU DOUCE

1. Contexte

Dans les localités visitées par le Comité au Manitoba, le point le plus litigieux concernait l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce (OCPED). L'Office, créé en 1969 avec la Loi sur la commercialisation du poisson d'eau douce, devait être une agence de vente à guichet unique ayant pour but d'accroître le pouvoir de négociation des nombreux petits producteurs isolés des Prairies, des Territoires du Nord-Ouest et d'une partie du nord-ouest ontarien. Son mandat est de faire contrepoids à la domination du marché, principalement américain, par un petit nombre d'acheteurs et d'augmenter les revenus des pêcheurs. L'Office réalise maintenant des ventes de plus de 40 millions de dollars1 par année.

Le Comité a entendu des opinions très tranchées sur la capacité de l'OCPED de remplir son mandat et d'améliorer les revenus des pêcheurs. Les divergences se partagent en grande partie le long de limites nord-sud. Nos travaux révèlent que plus un producteur est éloigné du siège de l'OCPED à Winnipeg, plus il est enclin à critiquer l'Office.

2. Point de vente unique

À The Pas et à Grand Rapids, où le Comité a également entendu des représentants de la Saskatchewan Commercial Fisherman's Cooperative Federation Ltd., l'évaluation de l'Office a été uniformément négative. Les pêcheurs de ces collectivités ont dit au Comité qu'ils étaient maintenant en pire posture qu'avant la création de l'OCPED. Ces pêcheurs soutiennent qu'en raison du monopole dont jouit l'Office, ils ne peuvent vivre de la pêche commerciale parce que les prix que leur offre l'Office pour leur poisson sont trop faibles compte tenu des coûts encourus. Ne pouvant vivre de la pêche, la majorité des pêcheurs du nord veulent pouvoir se retirer de l'OCPED. Ils estiment qu'ils n'ont rien à perdre et qu'ils auraient une meilleure chance de parvenir à vivre de la pêche par eux-mêmes. Comme l'a expliqué un témoin : « si nous échouons, nous n'avons rien perdu ». Personne n'a préconisé le démantèlement de l'Office, la plupart préférant un système de commercialisation mixte permettant à ceux qui le désirent de vendre leur poisson par l'entremise de l'Office.

Dans les collectivités du sud, particulièrement à Gimli, c'était exactement l'inverse. Des pêcheurs ont dit au Comité que, avant la création de l'Office, ils étaient à la merci des acheteurs, ceux-ci opposant les pêcheurs les uns aux autres afin d'obtenir le prix le plus faible. Un témoin a avoué avoir d'abord été opposé à l'OCPED pour ensuite en devenir un ardent défenseur. Selon les pêcheurs du sud, le vrai problème des intervenants du nord n'est pas l'Office lui-même mais plutôt les coûts élevés qu'ils doivent assumer puisqu'ils se trouvent loin des marchés. Ces coûts comprennent des frais plus élevés pour la pêche et le transport plus coûteux du poisson. Des volumes relativement faibles contribuent également, dans certains cas, au manque de rentabilité. Les pêcheurs du sud s'opposent à ce qu'on autorise le retrait de l'Office car ils sont d'avis que cela minera l'OCPED et finira par entraîner sa disparition. D'après eux, le démantèlement de l'OCPED nuirait, en fait, davantage aux pêcheurs du nord qu'à ceux du sud et ne résoudrait leurs problèmes. Par contre, les pêcheurs du sud prétendent qu'ils sauraient mieux se tirer d'affaires que leurs confrères du nord si l'Office disparaissait en raison de leur proximité du marché et de leur production supérieure.

Outre les divergences d'opinions sur la question fondamentale du monopole de l'Office, les pêcheurs du nord ont formulé à l'endroit de ce dernier d'autres critiques concernant, par exemple, les mesures de marketing, le contrôle de la qualité, la transformation centralisée, l'efficacité et la représentation.

3. Commercialisation et transformation à valeur ajoutée

Dans le nord, les pêcheurs ont dit au Comité que l'Office sait bien vendre le doré jaune mais que ce n'est pas le cas pour le corégone et encore moins pour le poisson commun ou sans valeur. Ils prétendent que, parce que le doré jaune est bien coté, il se vend bien. Les prix consentis par l'Office pour le poisson commun sont souvent inférieurs au coût de son transport à l'usine de Transcona; c'est pourquoi on rejette souvent « dans la nature » les espèces peu rentables. Les pêcheurs n'aiment pas cette solution, mais ils n'ont guère le choix. De l'avis de plusieurs pêcheurs du nord, les conditions ont changé depuis la création de l'OCPED et, puisque les réseaux de communications et les connaissances des pêcheurs sont maintenant meilleurs, ceux-ci pourraient mieux se tirer d'affaire s'ils commercialisaient eux-mêmes le poisson. Un des témoins a critiqué tout particulièrement la qualité du présentoir de l'OCPED lors d'une récente foire internationale de poissons et de fruits de mer à Boston.

Les pêcheurs du nord prétendent que l'OCPED ne s'est pas vraiment appliqué à découvrir de nouveaux débouchés ou développer de nouveaux produits, notamment pour le poisson commun. L'Office soutient qu'il n'en est rien; en effet, durant la saison de 1996-1997, il a trouvé des débouchés pour un volume record de près de 11 millions de livres de meunier, l'une des principales espèces de poisson commun. Par ailleurs, une recherche plus intensive de débouchés et un développement plus approfondi des produits exigeraient un financement important qui risquerait de réduire les profits des pêcheurs, contrairement à ce qu'exige le mandat de l'Office.

4. Centralisation de transformation

L'OCPED a centralisé toutes ses activités de transformation dans une grande usine hautement efficace située à Transcona, afin d'améliorer sa rentabilité et, conformément à son mandat de maximiser le revenu des pêcheurs.

Cependant, les pêcheurs du nord se plaignent que la transformation centralisée les désavantage sur certains plans. Ils soutiennent en outre que cette centralisation ne faisait pas partie du mandat initial de l'Office, qui était de concentrer seulement la commercialisation du poisson d'eau douce dans un organisme à guichet unique.

Des témoins ont affirmé au Comité que cette centralisation a signifié la perte d'emplois de transformation dans les collectivités du nord. Les pêcheurs de ces régions savent que ce ne sont pas tous les endroits qui peuvent accueillir une usine de transformation, mais ils font remarquer qu'il existait, avant la création de l'Office, des usines florissantes dans le nord. Une usine moderne, construite par le Manitoba à Leaf Rapids et terminée tout juste avant la création de l'Office, n'a jamais ouvert ses portes. Des membres de la Northwest Co-operative Fisheries Ltd. ont décrit leur intention de rouvrir l'usine. Ils estiment que, ce faisant, ils pourraient augmenter les revenus des producteurs de plus de 500 000 $ par année.

Durant le transport à l'usine de Transcona, le poisson a parfois le temps de se gâter. Les pêcheurs du nord croient qu'un accroissement de transformation en région donnerait un produit de meilleure qualité. Autre problème : le pêcheur n'a pas de contrôle sur la détérioration durant le transport, qui risque d'entraîner le rejet du produit par l'Office. Certains témoins ont fait remarquer que le problème ne tient pas seulement au temps de transport, mais aussi au temps qu'il faut pour réunir une quantité suffisante de poisson pour l'expédition, ce qui est souvent un problème pour les petits producteurs.

5. Représentation

Les pêcheurs du nord de la province, principalement des Autochtones et des Métis, disent constituer de 75 à 80 p. 100 de la clientèle de l'OCPED, mais estiment ne pas être représentés proportionnellement au conseil d'administration de l'Office. Les pêcheurs du sud jugent pour leur part qu'il faut tenir compte non seulement du nombre de pêcheurs mais aussi de leur volume de production. En fait, selon l'Office, cinq des membres du conseil sont autochtones ou métis.

Un témoin comparaissant au nom de la Manitoba Metis Federation a reproché à l'Office de ne pas entretenir suffisamment de contacts avec les pêcheurs métis et il a recommandé la formation d'un partenariat constructif entre l'Office et les Métis qui représentent environ 75 p. 100 des pêcheurs en eaux intérieures dans la province. Selon le témoin, le contrôle que l'Office exerce sur les marchés n'est pas dans l'intérêt des Métis, et l'OCPED décourage ces derniers de chercher des marchés pour le poisson commun. Le témoin accuse aussi l'Office de ne pas travailler en étroite collaboration avec la province pour prendre des mesures contre les causes du déclin des stocks de doré jaune et contre les pratiques de pêche illégales.

Le président du conseil d'administration n'était pas d'accord avec ces critiques et les membres du conseil qui assistaient à la même réunion ont dit ne pas s'opposer à l'élection des membres du conseil d'administration.

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada présente un projet de loi afin de modifier la Loi sur la commercialisation du poisson d'eau douce pour que les membres du conseil d'administration de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce (OCPED) soient dorénavant élus plutôt que nommés. Le Comité recommande en outre que le conseil d'administration soit consulté concernant le choix des éventuels candidats à la présidence de l'OCPED.

6. Comité consultatif

Un des éléments portés à l'attention du Comité est une modification proposée à la Loi sur la commercialisation du poisson d'eau douce qui permettrait l'élection des membres du comité consultatif de l'OCPED, lequel est actuellement composé d'un maximum de 15 membres nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat de cinq ans, afin de conseiller l'Office. La modification, proposée dans le projet de loi C-49, est morte au Feuilleton à la fin de la 35e Législature. Des témoins ont recommandé qu'elle soit présentée de nouveau dès que possible.

7. Nomination du président

Le manque de coopération entre le conseil d'administration et le président nommé récemment à l'Office, soit M. Ron Fewchuk, soulève quelques préoccupations quant à l'orientation donnée en ce moment à l'Office.

Lors de l'audience à The Pas et d'audiences antérieures à Ottawa, des témoins ont appuyé M. Fewchuk disant au Comité qu'il se montrait prêt à travailler avec les pêcheurs. À The Pas, certains témoins ont demandé pourquoi l'on continuait de retenir les services de M. Tom Dunn, l'ancien président de l'Office, aux frais des pêcheurs. À Gimli, le Comité a entendu des témoignages favorables à l'égard de M. Dunn qui aurait fait de l'excellent travail quand il dirigeait l'Office. Le président du conseil, qui représente les membres provinciaux du conseil d'administration, appuieM. Dunn et souhaite que M. Fewchuk soit remplacé.

Recommandation 2

Le Comité recommande que le ministre des Pêches et des Océans prenne immédiatement des mesures afin de régler le différend entre le président et le conseil d'administration de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce.

8. Coopérative des pêcheurs d'Island Lake

Le Comité a entendu un représentant de la Coopérative des pêcheurs d'Island Lake laquelle, après le rapport du Comité permanent des pêches et des océans en 1995, a été soustraite pendant trois ans au monopole exercé par l'OCPED. La Coopérative dit avoir investi au-delà d'un million de dollars dans une usine de transformation à Garden Hill, et aurait, depuis l'exemption, créé plus de 40 emplois à plein temps et fait travailler une centaine de pêcheurs. Elle soutient qu'elle achète tout le poisson, tandis qu'à ses dires l'OCPED n'achète que le doré jaune. La Coopérative affirme également avoir trouvé des marchés pour ses produits, même le poisson commun. L'année précédente, elle a exporté plus de 90 p. 100 des prises vers les États-Unis. Elle déclare avoir atteint le seuil de rentabilité dès sa deuxième année de fonctionnement et s'attend à faire des profits prochainement. Cependant, elle a de la difficulté à faire du financement parce que la fin de l'exemption de trois ans approche; c'est pourquoi elle cherche à obtenir une exemption permanente.

Selon d'autres témoins, il faut évaluer attentivement le rendement de la Coopérative des pêcheurs d'Island Lake. En effet, ils demandent s'il peut vraiment être question de rentabilité puisque la Coopérative a reçu une subvention de 600 000 $ de Développement des ressources humaines Canada. De plus, d'aucuns ont dit que non seulement la Coopérative des pêcheurs d'Island Lake fait-elle concurrence à l'OCPED sur les marchés établis par ce dernier en vendant moins cher que lui, mais qu'elle offre en outre moins à ses pêcheurs que ce qu'ils toucheraient de l'Office.

9. Autres possibilités

Si la plupart des témoins du nord préconisent l'abandon du monopole à guichet unique dont jouit l'OCPED, ils veulent toutefois que l'Office demeure comme coopérative bénévole pour les pêcheurs qui souhaitent vendre leur poisson par son entremise. Ils sont convaincus qu'ils peuvent transformer et mettre en marché leur poisson, développer de nouveaux produits à valeur ajoutée et ouvrir de nouveaux marchés. Après tout, disent-ils, ils n'ont rien à perdre s'ils échouent. Les représentants des pêcheurs autochtones ont aussi affirmé leurs droits constitutionnels et issus de traités de commercialiser leur poisson indépendamment de l'Office. De plus, ils estiment ne pas avoir été consultés lors de sa création.

Dans le sud, la majorité des gens étaient d'avis que la commercialisation à guichet unique était l'option la plus profitable pour les pêcheurs et qu'il n'y avait pas de place pour un système de commercialisation mixte. On estimait qu'il serait difficile de fixer la limite entre les deux. Si certains groupes sont autorisés à commercialiser leurs produits indépendamment de l'Office, il en découlera inévitablement une concurrence qui entraînera une baisse des prix ou l'effondrement de l'OCPED. Selon les témoins du sud, l'Office jouit de l'appui de la majorité des pêcheurs commerciaux et ne doit pas être démantelé au profit d'un petit nombre de dissidents. En effet, selon des témoins, certains des critiques de l'Office ne sont pas en fait des pêcheurs commerciaux.

Les pêcheurs du sud de la province jugent que la transformation en région n'est pas une option viable. Pour assurer l'économie d'échelle à Transcona, il faut un approvisionnement considérable en poisson. Une réduction de volume, pour approvisionner d'autres usines, augmenterait les frais généraux à Transcona et réduirait les revenus des pêcheurs.

La plupart des pêcheurs du sud estiment que la meilleure solution pour aider les producteurs du nord serait d'adopter de nouveau des programmes d'aide au transport, comme la subvention fédérale au transport dans le nord, solution que préconisent aussi un nombre considérable de pêcheurs du nord.

Le comité spécial d'anciens directeurs régionaux du MPO, région du Centre et de l'Arctique, a souligné qu'un grand nombre de rapports ont été écrits au sujet de l'OCPED, et que la vaste majorité des auteurs appuie son maintien. Il a recommandé de revoir les rapports antérieurs avant de modifier la structure ou le fonctionnement de l'Office. Il a également souligné que les gouvernements provinciaux s'étaient associés au gouvernement fédéral lors de la création de l'Office et qu'ils devront participer à part entière à toute modification.

Recommandation 3

Le Comité recommande qu'on procède à une analyse approfondie du rapport sur la Coopérative des pêcheurs d'Island Lake, qui doit être publié en 1998, de même que sur l'OCPED tout entier avant d'envisager tout changement au monopole de l'Office sur la commercialisation du poisson d'eau douce.

B. PÊCHE

1. État de la pêche

En un certain nombre d'endroits, les témoins se sont inquiétés de la viabilité à long terme de la pêche en eau douce au Canada. Ainsi, à The Pas, les pêcheurs se préoccupaient du déclin de la pêche dans le nord; à Grand Rapids on signalait que la pêche dans le bassin nord du lac Winnipeg était en baisse. Parmi les facteurs à l'origine du problème, citons la surpêche, la dégradation de l'habitat, la perte de frayères de premier ordre et les prédateurs. Certains témoignages concernant l'état des stocks étaient contradictoires. Un groupe soutenait que les populations de laquaiches aux yeux d'or connaissaient une diminution importante dans plusieurs lacs du Manitoba tandis que d'autres témoins n'étaient pas de cet avis, même s'ils avaient observé une diminution de la taille de ces poissons.

À Selkirk, un témoin a signalé que les stocks de poissons d'eau douce sont gérés par les provinces, mais que le ministère fédéral des Pêches et des Océans est l'ultime responsable de leur viabilité.

Recommandation 4

Le Comité recommande que davantage de fonds soient consacrés à la recherche scientifique dans les régions du Centre et de l'Arctique.

On s'est aussi inquiété de l'impact que la réduction des budgets provinciaux a sur la surveillance des stocks. Ainsi, a-t-on ajouté, la surveillance actuelle est insuffisante pour se faire une bonne idée de l'état des stocks. De nombreux pêcheurs croient également qu'il faut consacrer davantage d'efforts et d'argent à la mise en valeur des stocks, à l'augmentation du nombre d'écloseries et à l'amélioration de leur fonctionnement. Des pêcheurs commerciaux se soucient du fait qu'on accorde la priorité à l'ensemencement des lacs pour la pêche récréative. À The Pas, on a demandé au Comité de recommander qu'un programme d'ensemencement soit mis sur pied pour le lac Rocky.

Toujours à The Pas, le Comité a été informé des problèmes que cause l'abondance du cormoran à aigrettes aux lacs Winnipegosis et Manitoba. On compte des millions de cormorans dans la région; lorsqu'ils élèvent leurs petits, les cormorans consomment environ trois livres de poissons par jour chacun. On estime qu'ils ont un impact plus important sur les stocks que les pêches commerciale et récréative combinées. Des témoins ont signalé que le Manitoba avait offert 20 000 $ pour une étude sur les cormorans et ils ont demandé depuis que le gouvernement fédéral double ce montant.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral finance immédiatement une étude sur l'impact de l'effectif nombreux du cormoran sur les stocks de poissons dans la région du Centre.

2. Habitat

L'une des questions qui préoccupe le plus les gens, puisqu'elle a été soulevée dans pratiquement toutes les collectivités que le Comité a visitées, est celle de la destruction de l'habitat vital du poisson et de la nécessité de lui assurer une meilleure protection.

La construction de barrages par l'Hydro-Manitoba pour des projets hydroélectriques sur les principaux cours d'eau et l'impact qu'ils ont sur l'habitat du poisson et les populations de poissons étaient considérées comme l'une des principales causes du déclin des stocks de doré jaune dans le bassin nord du lac Winnipeg. Ces aménagements hydroélectriques ont également entraîné la contamination du poisson par le mercure. Ces barrages et cette pollution ont bien sûr eu un impact néfaste sur les cours d'eau de fraye. En raison de cette détérioration de l'habitat, des témoins ont déclaré qu'il faut procéder à une restauration et à une revitalisation de l'habitat dans la rivière Saskatchewan, le lac Moose, le lac Cedar et la région de Grand Rapids.

Des témoins ont critiqué le gouvernement fédéral et le gouvernement du Manitoba pour ne pas avoir protégé l'habitat contre les effets des travaux d'exploitation forestière menés dans la province et ils ont déclaré que les responsabilités relatives à l'article 35 de la Loi sur les pêches, qui porte sur la protection de l'habitat du poisson, ne devraient pas être cédées aux provinces.

À Gimli, des témoins ont déclaré au Comité que le niveau du lac Winnipeg avait été maintenu artificiellement élevé pour la centrale hydroélectrique de Jenpeg de l'Hydro-Manitoba. Cette décision a entraîné une érosion accélérée des berges et une réduction des terres agricoles, et pourrait avoir nui à la sauvagine. Les témoins ont recommandé une diminution du niveau d'eau moyen dans le lac.

3. Questions financières

Parmi les autres questions soulevées, notons les changements apportés aux règlements de l'assurance-emploi (AE) qui empêchent les pêcheurs de combiner les gains assurables tirés d'autres occupations à leurs revenus de pêche afin d'être admissibles à des prestations. On a dit également que ces règlements ne reconnaissent pas qu'il existe trois saisons de pêche et non deux. On a recommandé au Comité que l'exemption des gains en capital de 500 000 $ dont bénéficient les agriculteurs soit également offerte aux pêcheurs et qu'on établisse un compte de stabilisation du revenu net à leur intention.

Des pêcheurs de Gimli croyaient que la gestion de la pêche en eau douce avait souffert d'un manque de coordination et d'une mauvaise communication avec les pêcheurs. Cette situation est attribuable au grand nombre de paliers de gouvernement, de ministères et de sociétés d'État qui s'occupent de la pêche. Ils ont proposé la création d'un comité qui serait chargé de coordonner les activités des divers gouvernements et ministères dans le secteur de la pêche en eau douce.

C. GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE

De nombreux témoins s'inquiètent des compressions dont a fait l'objet la Garde côtière à Selkirk et de la fermeture possible de la base qu'on a récemment construite dans cette ville au coût de deux millions de dollars. Les services qui y étaient fournis ont été transférés et l'immeuble est maintenant loué.

Le lac Winnipeg est le onzième au monde en étendue. C'est une étendue d'eau peu profonde qui peut devenir extrêmement dangereuse en un très court laps de temps. Le lac est fréquenté par un grand nombre de pêcheurs commerciaux et sportifs, mais beaucoup de visiteurs et de résidents locaux y pratiquent aussi des loisirs aquatiques. Les rumeurs qui circulent sur la fermeture de la base de la Garde côtière à Selkirk et sur l'abandon possible des services de recherche et de sauvetage sur le lac Winnipeg préoccupent gravement un grand nombre de témoins de la région. La présence de la Garde côtière au lac Winnipeg est considérée comme essentielle puisqu'il s'agit de la seule organisation qui est équipée pour faire face à de nombreuses situations d'urgence.

Un représentant du détachement de Gimli de la GRC a signalé que l'unité ne serait pas en mesure actuellement d'effectuer des opérations de recherche et de sauvetage efficaces en raison d'un manque de personnel, de formation et d'équipement. Les membres du détachement sont prêts à faire ce qu'ils peuvent; cependant ils ne mettront pas leurs propres vies en danger. Il a également mentionné que leur mandat n'est pas clair.

Recommandation 6

Le Comité recommande que la base de la Garde côtière de Selkirk au Manitoba demeure opérationnelle et en mesure de fournir toute la gamme des services requis de la Garde côtière dans cette province.

Le Comité a été informé qu'à la suite des compressions budgétaires imposées à la Garde côtière, l'installation, la localisation et l'entretien des aides à la navigation étaient maintenant confiés au secteur privé. Les contrats sont gérés par le bureau de Sarnia de la Garde côtière. Certains se posent des questions sur l'intégrité du processus d'appel d'offres et se demandent si on surveille les entrepreneurs pour s'assurer qu'ils s'acquittent de leurs responsabilités. Un manque de surveillance pourrait créer une situation dangereuse. Le Comité a été informé que les pêcheurs commerciaux sont inquiets de l'élimination des feux de navigation qui sont essentiels pour garantir la sécurité des déplacements la nuit. On a également signalé qu'aucun système de positionnement global différentiel (DGPS) n'était utilisé sur le lac Winnipeg et que le système de positionnement global de base n'était pas suffisamment précis pour l'installation de bouées. Un témoin a indiqué que ce système les ramenait à la situation qui existait dans les années 60 sans que les contribuables n'épargnent beaucoup d'argent.

Le Comité a entendu le témoignage d'un retraité de la Garde côtière comptant 32 ans de service qui a indiqué que le programme de sous-traitance du MPO concernant les aides à la navigation n'a pas bien fonctionné. Il a averti le Comité « qu'il y a de bonnes chances qu'un désastre maritime survienne parce que les entrepreneurs n'ont aucune expérience alors qu'on exigeait dix ans d'expérience du personnel du MPO ». Il a ajouté que les entrepreneurs pourraient devoir fournir un cautionnement.

Recommandation 7

Le Comité recommande que le MPO établisse un programme de formation approfondie à l'intention des entrepreneurs et qu'il exige d'eux qu'ils réussissent les tests habituels de connaissances théoriques et pratiques.

La lutte contre les inondations constitue une autre source de préoccupation. Des témoins ont signalé que la Garde côtière dispose du personnel le mieux formé pour la lutte contre les inondations et qu'elle est la seule organisation équipée pour faire face à de telles situations. On a demandé qui fournira une aide pour lutter contre les inondations si la Garde côtière n'est plus présente sur la rivière Rouge et qui se chargera de faire appliquer la Loi sur la protection des eaux navigables si la base de Selkirk est fermée.

Un témoin de Selkirk a soulevé une question connexe. Un pont tournant sur la rivière Rouge à Winnipeg, qui appartenait auparavant à CP Rail, gêne la navigation sur la rivière après avoir été soudé en position fermée, ce qui viole la Loi sur la protection des eaux navigables. Le témoin a demandé si le CP Rail ou le propriétaire actuel était responsable du pont.

Le gouvernement fédéral a récemment publié de nouveaux règlements sur l'utilisation des embarcations. Des témoins craignaient que ce ne soit pas la Garde côtière qui s'occupe de l'application de ces règlements. La ville de Selkirk a peur que cette responsabilité échoue à la municipalité et accapare donc des ressources qu'elle n'est pas prête à y consacrer.

La ville s'inquiète également que les urgences maritimes et environnementales deviennent une responsabilité locale. Le maire a précisé que la municipalité ne disposait pas de l'équipement et du personnel qualifié nécessaire pour réagir efficacement à un incident environnemental sur la rivière Rouge. Si la Garde côtière canadienne abandonne sa responsabilité concernant les urgences environnementales le long de la rivière Rouge et du lac Winnipeg, il faudra s'assurer qu'un autre palier de gouvernement sera en mesure d'intervenir en cas d'incident environnemental. La ville de Selkirk soutient qu'elle ne peut assumer ces dépenses et que cette responsabilité ne devrait pas être cédée à une municipalité sans discussions préalables et sans un engagement financier à long terme pour l'équipement, le matériel et la formation.

D. PORTS POUR PETITS BATEAUX ET DRAGAGE

Bon nombre des témoins qui ont comparu devant le Comité tant au Manitoba que dans la région des Grands Lacs en Ontario ont abordé une question qui les préoccupe vivement, la cession, par le ministère des Pêches et Océans, des ports pour petits bateaux. Ils estiment en effet que ces ports font partie intégrante de l'infrastructure de transport, tout comme les routes et les aéroports. Les ports pour petits bateaux sur la rive est du lac Winnipeg sont essentiels puisqu'il n'y a pas de route dans la région.

Les témoins conviennent qu'il n'est pas possible de garder ouverts touts les ports pour petits bateaux, surtout quand le nombre de personnes qui les utilisent n'est pas suffisant. Mais les administrations portuaires qui assument la responsabilité des ports cédés par le MPO ont un problème majeur : elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour les remettre en état et les ports ne présentent pas un potentiel suffisant pour générer les revenus requis pour payer ces réparations. Les témoins estiment donc qu'il faudrait que le MPO remette les ports à neuf avant de les confier aux administrations locales.

La municipalité de Gimli voulait des éclaircissements sur la politique du MPO concernant la cession des ports pour petits bateaux, car elle veut élargir son port à temps pour les Jeux panaméricains de 1999. L'agrandissement du port, offrant des installations plus efficaces à la pêche et plus de place aux plaisanciers permettrait d'accroître son rôle dans le développement économique de la région. Malgré l'appui de la municipalité et de la province, les plans d'amélioration sont en suspens, pendant que le gouvernement fédéral cherche un nouveau propriétaire.

Le dragage est une activité importante pour que restent accessibles bon nombre des ports du lac Winnipeg, lesquels doivent être dragués tous les quatre ou cinq ans. Le dragage est également important pour garder la rivière Rouge ouverte à la navigation. Si l'on met fin au dragage, on fermera en fait le lac Winnipeg. À Selkirk, des témoins ont souligné le lien qui existe entre le dragage et la cale sèche. En effet, le dragage est essentiel pour que la cale sèche reste libre et celle-ci est nécessaire à l'inspection et à l'entretien réguliers des dragues. Il a déjà été proposé de confier la cale sèche à la municipalité de Selkirk, mais celle-ci hésite à en assumer la responsabilité.

Un témoin s'est plaint du recouvrement des coûts, particulièrement pour les droits de quai. Il s'oppose au principe de l'utilisateur-payeur, estimant que ce n'est pas vraiment l'utilisateur final qui payera ces droits.

Un témoin a déclaré : « Le Canada nous abandonne, notre pays a été érigé sur le principe voulant que le gouvernement fournisse les infrastructures et voilà qu'il nous faut payer des frais d'utilisation ». Il a indiqué que les droits de mouillage et de quai avaient été multipliés par quatre puisqu'ils sont passés de 1 400 $ à 6 800 $.

Recommandation 8

Le Comité recommande que le gouvernement demande à un vérificateur indépendant une étude complète de l'impact cumulatif du recouvrement des coûts, et prenne des mesures pour éliminer cette politique paralysante.

E. PREMIÈRES NATIONS ET MÉTIS

Lors de ses audiences sur la pêche en eau douce, le Comité a entendu des groupes représentant les Premières Nations et les Métis. Dans le nord du Manitoba, les questions touchaient principalement les rapports entre l'OCPED et les peuples autochtones, mais les représentants des Premières Nations ont aussi soulevé d'autres questions.

À The Pas, le Manitoba Keewatinowi Okimakanak (MKO) a souligné que le Canada a failli à ses engagements envers les Premières Nations et à son devoir de tenir compte de leurs intérêts. Les représentants de cette association affirment que les traités conclus par Sa Majesté et les Premières Nations du MKO confirment le droit des ces dernières de pêcher à des fins traditionnelles et rituelles, mais aussi à des fins commerciales.

À Selkirk, un témoin a suggéré que les peuples autochtones participent davantage aux activités de la Garde côtière, et que certaines des fonctions de la Garde côtière soient déménagées dans des collectivités plus petites. On a également proposé de former des jeunes Autochtones qui veulent apprendre à pêcher.

À The Pas, les pêcheurs d'Opaskwayak et de Moose Lake ont affirmé que même si les membres des Premières Nations représentent 85 p. 100 des pêcheurs sur le lac Winnipeg, ils ne sont autorisés à pêcher que le long du rivage, ce qui représente seulement 15 p. 100 du lac. Selon ces témoins, le reste du lac est réservé à un petit groupe de 12 pêcheurs de Gimli.

ONTARIO

A. QUESTIONS TOUCHANT LES GRANDS LACS

1. Introduction

La pêche commerciale dans les Grands Lacs de l'Ontario constitue l'une des pêches en eau douce les plus importantes au monde, avec des débarquements moyens valant plus de 40 millions de dollars et des retombés de 250 à 500 millions de dollars sur l'économie de l'Ontario et du Canada;90 p. 100 de la production est exportée, ce qui assure un apport d'argent au pays. De plus, les Grands Lacs sont l'un des principaux lieux de pêche sportive en eau douce au monde. En Ontario seulement, chaque année, 800 000 sportifs pêchent dans les Grands Lacs, contribuant ainsi 850 millions de dollars à l'économie. Les pêches sportive et commerciale génèrent ensemble plus de 20 000 années-personnes d'emplois par année.

Étant donné l'importance économique de la pêche en eau douce, l'évolution écologique rapide des Grands Lacs et le fait que ceux-ci sont des eaux internationales de responsabilité fédérale, des intervenants ont demandé pourquoi le MPO investit si peu de ses ressources.

2. Financement destiné aux Grands Lacs

L'Ontario Commercial Fisheries Association (OCFA) estime que les contribuables ontariens financent le budget total du MPO à 42 p. 100 mais que moins de 2 p. 100 de la part de ce budget qui est destinée aux pêches revient à l'Ontario. L'Association conteste également la somme relativement modeste affectée aux ports pour petits bateaux servant à la pêche commerciale, par rapport aux ports de plaisance et aux ports de pêche côtiers.

L'OCFA estime que moins de 2 p. 100 des dépenses totales du MPO en science et en recherche concernent la pêche dans les Grands Lacs. Les recherches du Ministère sont très utiles : elles portent notamment sur les concentrations d'éléments nutritifs nécessaires au maintien des stocks, sur l'impact des espèces exotiques, sur l'évaluation de l'effet des produits chimiques toxiques et sur l'établissement de cibles de réduction des pluies acides. L'OCFA a recommandé que le MPO maintienne à un niveau substantiel ses responsabilités au chapitre des pêches dans les Grands Lacs et dans les eaux intérieures, et qu'il accroisse les budgets pour la recherche et les sciences.

Recommandation 9

Le Comité recommande que le gouvernement prenne immédiatement des mesures afin de corriger le déséquilibre actuel dans les crédits budgétaires pour les programmes sur les pêches dans la région des Grands Lacs en tenant compte de la contribution importante des pêches en eau douce pour l'économie canadienne. Il faut accorder une attention particulière à l'accroissement des fonds consacrés à la recherche et aux projets scientifiques touchant ces pêches.

3. Programme de lutte contre la lamproie marine

L'invasion des lamproies, à la suite de l'ouverture des Grands Lacs à la navigation maritime, a eu un effet dévastateur sur les populations de poisson indigène entre 1940 et 1950, et a donné lieu à la baisse et à l'effondrement des stocks d'espèces commerciales et d'espèces sportives.

La Commission des pêcheries des Grands Lacs (CPGL) a été créée en 1955 par la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique sur les pêcheries des Grands Lacs. Un des deux mandats de la Commission vise le contrôle de la lamproie marine. En vertu de la Convention, le Canada paye 31 p. 100 des coûts du programme et les États-Unis, 69 p. 100. Des témoins ont dit que ce programme représente un exemple remarquable de coopération entre les deux pays. Grâce à lui, les stocks de touladi se sont rétablis à un niveau voisin du sommet historique dans le lac Supérieur, et se maintiennent maintenant sans ensemencement.

La rivière St. Mary's, qui coule à Sault Ste. Marie entre le lac Supérieur et le lac Huron, produit plus de lamproies que tous les autres affluents des Grands Lacs combinés. Par conséquent, l'extrémité nord du lac Michigan et la quasi-totalité du lac Huron sont très riches en lamproies marines. La recherche a ouvert des avenues prometteuses dans la lutte contre les lamproies marines dans la rivière St. Mary's. Cependant, il faudra y consacrer quelque 5,7 millions de dollars US de plus au cours des cinq prochaines années.

Les témoins ont tous critiqué le MPO pour n'avoir pas su stabiliser le financement du programme anti-lamproies. Ils affirment que quand le MPO a diminué de 1,3 million de dollars sa contribution au programme en 1996, il a renié sa responsabilité légale en vertu de la Convention sur les pêcheries des Grands Lacs. Certes, des témoins se sont dits heureux que l'ancien ministre des Pêches et des Océans ait rétabli le financement (pour les exercices 1996-1997 et 1997-1998) et que l'actuel ministre ait assuré le financement nécessaire pour répondre aux obligations du Canada en 1998-1999, mais ils se plaignaient du fait que les engagements se faisaient encore une fois à court terme. Les retards dans l'engagement des fonds causent de l'incertitude et gênent la planification et la coordination à long terme du programme de lutte contre la lamproie marine. Cependant, des témoins ont affirmé que la contribution fédérale de 6 millions de dollars est encore déficitaire de 1,2 million de dollars par rapport au minimum requis par la CPGL pour mener à bien un programme minimal.

Selon l'American Fisheries Society, il faut des crédits annuels d'au moins 22,3 millions en dollars US de 1999 (15,1 millions des États-Unis et 7,2 millions du Canada) pour permettre à la CPGL de satisfaire entièrement à ses obligations en vertu de la Convention.

L'État du Michigan a fait une contribution ponctuelle « de bonne foi » de 3 millions de dollars US au programme de lutte contre la lamproie marine. Les témoins ont affirmé que cela ne changeait rien au fait que ce programme est de responsabilité fédérale selon les termes de la Convention sur les pêcheries des Grands Lacs.

Des témoins ont parlé des plans annoncés par l'ancien ministre des Pêches et des Océans, M. Fred Mifflin, visant à faire payer les coûts futurs du programme de lutte par les bénéficiaires du programme, c'est-à-dire les pêcheurs commerciaux et sportifs. Ils ont dit que les pêcheurs des Grands Lacs ne devraient pas être tenus de financer ce programme. L'Ontario Federation of Anglers and Hunters (OFAH) considère ce plan comme une taxation des victimes. Néanmoins, on estime que les pêcheurs seraient peut-être prêts à contribuer financièrement au programme de lutte contre la lamproie marine si le gouvernement fédéral respecte toutes ses obligations de financement du programme. D'autres témoins ont affirmé que le secteur du transport maritime, véritable bénéficiaire des canaux qui ont donné accès aux Grands Lacs, devrait contribuer au financement du programme.

Le programme de lutte contre la lamproie marine est l'un des plus rentables du gouvernement fédéral. En fait, selon les témoins, le gouvernement fédéral en est lui-même le plus important bénéficiaire. Sa contribution, qui correspond à environ 1 p. 100 du budget annuel du MPO, aide à maintenir des pêches dont l'impact global sur l'économie représente des milliards de dollars. L'OFAH estime que le gouvernement fédéral recouvre plus de 60 millions de dollars chaque année, seulement en TPS sur la pêche sportive dans les Grands Lacs.

Les témoins ont réclamé une stabilisation à long terme du financement du programme actuel, un accroissement des fonds destinés à la lutte contre la lamproie marine dans la rivièreSt. Mary's ainsi qu'à la recherche sur d'autres méthodes de lutte, afin de réduire le recours au lampricide chimique, le TFM (3-trifluorométhyl-4-nitrophénol). Sans programme de lutte efficace, disent les témoins, l'effectif des lamproies augmentera dans tous les Grands Lacs et l'espèce pourrait atteindre d'autres plans d'eau. Cela pourrait entraîner, à long terme, le déclin des stocks de poisson et des pertes économiques considérables pour les secteurs de la pêche commerciale et sportive et pour le tourisme.

Recommandation 10

Le Comité exhorte le gouvernement du Canada à financer, par l'entremise du ministère des Pêches et des Océans, la contribution canadienne au Programme de lutte contre la lamproie marine à partir du budget de services votés du ministère. Il recommande en outre que le gouvernement du Canada, toujours par l'entremise du MPO, s'engage à garantir un financement minimal à long terme de 8 millions de dollars par année à la Commission des pêcheries des Grands Lacs afin de lutter contre la lamproie marine, et qu'il reconnaisse que cet engagement revêt une importance fondamentale pour la survie à long terme de la pêche dans les Grands Lacs.

4. Règlement sur l'échange de l'eau de lest

Les Grands Lacs ont été envahis par au moins 140 espèces exotiques : c'est beaucoup. Bon nombre des espèces exotiques ont un impact considérable sur l'écologie des Grands Lacs et sur les espèces indigènes. La lamproie marine et la moule zébrée en sont les meilleurs exemples, mais d'autres espèces ont un impact considérable, comme le gobie et la grémille. D'autres espèces exotiques pourraient envahir les Grands Lacs. Seule la lamproie marine fait actuellement l'objet d'un programme de lutte reconnu. Le coût de ce programme est bien établi mais l'impact potentiel d'autres espèces exotiques sur l'économie pourrait être considérable, car elles pourraient menacer une pêche sportive et commerciale qu'on évalue à plus de 4,5 milliards de dollars par année dans la région des Grands Lacs.

Bon nombre de ces espèces exotiques ont été introduites lors du déchargement des eaux de lest dans les Grands Lacs, par des navires océaniques. Le problème n'est pas limité aux espèces exotiques. Des agents pathogènes pour l'homme (choléra), pour le poisson (myxobolose) ainsi que des vecteurs de maladies (moustiques) peuvent également être introduits dans les Grands Lacs dans les eaux de lest.

Les États-Unis ont adopté un règlement obligatoire en 1993 exigeant l'échange de l'eau de lest avec de l'eau salée avant d'entrer dans les Grands Lacs (le règlement américain est appliqué dans le Saint-Laurent en aval de Massena dans l'État de New York). Cependant, le Canada ne dispose actuellement que d'un régime volontaire de contrôle des eaux de lest. Les témoins ont réclamé un règlement obligatoire sur l'échange des eaux de lest. L'OCFA a recommandé que ce règlement inclus dans des modifications proposées à la Loi sur la marine marchande du Canada soit approuvé rapidement.

Même avec un règlement exigeant l'échange de l'eau de lest, les témoins ont dit qu'il y aurait encore des problèmes. Certains vieux bateaux n'ont qu'un seul sabord à lester. Cela veut dire que l'eau douce doit être évacuée avant qu'on puisse y pomper de l'eau de mer. Pour les équipages, l'échange de l'eau de lest de mer présente un danger car il laisserait temporairement le bateau sans lest. Les bateaux plus modernes ont deux sabords à lester et n'ont donc pas ce problème. Même là, la stratification causée par les densités différentes de l'eau douce et de l'eau de mer fait que l'échange d'eau demeure incomplet, ce qui permet à certaines espèces de survivre.

L'OCFA a demandé des fonds pour la recherche sur d'autres méthodes de traitement de l'eau de lest, comme l'a signalé le Great Lakes Panel on Aquatic Nuisance Species.

Recommandation 11

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada adopte immédiatement des mesures afin de s'assurer qu'un programme obligatoire d'échange des eaux de lest soit établi et appliqué de manière efficace pour tous les bateaux entrant dans les eaux canadiennes.

Recommandation 12

Le Comité recommande que le gouvernement reconnaisse spécifiquement les effets nocifs importants que les espèces « exotiques » non indigènes ont sur l'écologie des Grands Lacs et en particulier sur les stocks de poissons indigènes et qu'il décide donc immédiatement de consacrer les fonds nécessaires et de prendre les autres mesures voulues pour augmenter le nombre de recherches et de projets scientifiques sur l'impact que ces espèces ont, non seulement sur la pêche en eau douce, mais également sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs.

5. Phosphore

On a dit au Comité que les pêcheurs commerciaux et sportifs font de plus en plus pression pour qu'on abandonne le programme de contrôle du phosphore dans le lac Érié. Dans son témoignage, l'Ontario Federation of Anglers and Hunters (OFAH) a expliqué pourquoi le phosphore du lac Érié devrait maintenant augmenter après qu'on ait réussi depuis plusieurs années à le contrôler. L'OFAH estime que les moules zébrées ont tellement réduit la quantité d'éléments nutritifs disponibles dans le lac, que la productivité du poisson a diminué. Pour rétablir cette productivité, il faut accroître la concentration de phosphore; on pourrait le faire en omettant simplement la dernière étape du traitement des eaux usées.

D'autres témoins ont exprimé des réserves au sujet de cette proposition. Ils ont signalé que la plupart des changements causés par les moules zébrés ont eu lieu à l'extrémité ouest du lac Érié et que, toutes valides que soient les observations concernant la moule, elles s'appliquent aux rives du lac plutôt qu'aux zones profondes. L'accroissement de la concentration de phosphore aurait un effet plus marqué à l'extrémité est du lac, là où il n'est pas requis. En outre, une augmentation du phosphore pourrait favoriser la croissance des moules ce qui pourrait beaucoup nuire à l'écosystème.

L'Ontario Federation of Anglers and Hunters a recommandé l'établissement d'un groupe de travail spécial pour étudier cette question.

6. Permis d'exportation de l'eau

Les témoins ont tous critiqué la décision récente du ministère ontarien de l'Environnement2 d'accorder au groupe Nova un permis pour l'exportation de 600 millions de litres d'eau par an pendant cinq ans, à destination de l'Asie. Certains témoins ont affirmé que la province ne devrait pas pouvoir émettre unilatéralement ce genre de permis, étant donné que les Grands Lacs sont des eaux partagées entre deux pays. Un témoin de Sault Ste. Marie a rappelé qu'un atelier de travail canado-américain sur l'exportation de l'eau des Grands Lacs avait été organisé au milieu des années 1980. Les participants avaient conclu unanimement qu'on ne devrait pas permettre de retirer de l'eau des Grands Lacs, car cela créerait un précédent dont certains pourraient s'inspirer pour exercer des pressions accrues pour qu'on détourne de l'eau des Grands Lacs pour irriguer les régions arides du Midwest américain.

Recommandation 13

Le Comité recommande qu'en ce qui touche au retrait et à l'exportation d'eau, le gouvernement du Canada affirme sa compétence légale sur les eaux des Grands Lacs. De plus, le gouvernement fédéral devrait déclarer que l'eau ne constitue pas un produit qui peut être vendu au profit de quelques-uns, mais plutôt un bien appartenant à tous les Canadiens.

7. Espèces sous-utilisées

La Eastern Lake Erie Fishermen's Association a indiqué que la lotte est si abondante que les pêcheurs qui ciblent le corégone ou la ouitouche doivent retirer leurs filets de l'eau pour éviter d'en prendre. À l'heure actuelle, il n'y a pas vraiment de marché pour la lotte même s'il s'agit d'un poisson à chair blanche et délicieuse. On a signalé que les É.-U. financent de la recherche sur la vente de lamproies marines sur le marché portugais et demandé pourquoi le gouvernement fédéral ne finançait pas un programme semblable pour trouver des marchés pour les espèces canadiennes sous-utilisées. Un autre témoin a toutefois signalé que le développement d'un marché pour les lamproies marines pourrait exiger le maintien de stocks de lamproies marines à des fins commerciales, ce qui irait à l'encontre du programme de lutte contre cette espèce.

B. HABITAT ET ENVIRONNEMENT

1. Renvoi prévu à l'article 35

En vertu de la Constitution canadienne, le gouvernement fédéral est responsable de la protection de l'habitat du poisson. Le pouvoir législatif afférent découle du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches qui interdit de détruire ou de perturber l'habitat du poisson sans autorisation. Le ministère des Pêches et des Océans est responsable de l'administration de cette disposition de la loi.

Dans le cadre d'un processus de renvoi provisoire convenu entre l'Ontario et le Canada, le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario étudie des projets de développement depuis environ huit ans. Il l'a fait sans compensation financière. Comme peu de progrès ont été réalisés pour conclure une entente officielle et permanente prévoyant une compensation, le Ministère ontarien s'est retiré du programme le 18 septembre 1997.

Le MPO ne dispose pas actuellement des ressources nécessaires pour absorber la charge de travail en matière d'évaluations et on a dit au Comité que les délais pour faire approuver les projets sont beaucoup plus longs qu'auparavant. À plusieurs endroits des témoins ont souligné la nécessité de régler cette question rapidement, parce qu'elle crée des problèmes pour ceux qui ont besoin d'évaluations; ils craignent également que des promoteurs prennent des raccourcis qui pourraient nuire à l'habitat du poisson.

Recommandation 14

Le Comité encourage fortement le gouvernement fédéral à régler le différend actuel entre le ministère des Pêches et des Océans et le gouvernement de l'Ontario concernant la gestion de l'habitat. Le gouvernement du Canada doit mettre en place une structure permettant au ministère des Pêches et des Océans de disposer des ressources nécessaires pour s'acquitter convenablement et efficacement des tâches associées à la gestion de l'habitat.

2. Accès du poisson migrateur

L'Ontario Steelhead Fisherman compte 400 pêcheurs qui s'efforcent d'améliorer bénévolement et sans but lucratif l'habitat. Selon le groupe, les espèces migratrices (truite arc-en-ciel) ne peuvent plus avoir accès aux frayères à cause des barrages érigés par l'homme,un grand nombre desquels ne comportent pas de passes migratoires. Le groupe a participé à un programme de transfert du poisson par camion afin de contourner ces obstacles. Il a fait valoir que lorsqu'une passe migratoire est aménagée, il devrait appartenir au propriétaire de démontrer qu'elle fonctionne, et non aux autres de démontrer qu'elle ne fonctionne pas.

3. Remise en état du port de Hamilton

Un représentant du Bay Area Restoration Council (BARC) a décrit le Plan d'assainissement de la baie de Hamilton, un des endroits les plus pollués des Grands Lacs. Le BARC est un organisme sans but lucratif qui réunit 175 membres de tous les secteurs, dont des citoyens, des groupes de défense de l'environnement, ainsi que des représentants de l'industrie et du gouvernement. C'est parce que l'application de la loi a été négligée par le passé qu'on estimait qu'il était trop tard pour dépolluer la baie.

Le programme vise deux grands objectifs : remettre la baie en état et permettre au public d'y avoir accès. Depuis que les travaux de remise en état du port ont débuté en 1986, la qualité de l'eau s'est beaucoup améliorée; il s'est toutefois avéré difficile d'améliorer l'habitat du poisson, surtout à cause de l'effet perturbateur de la carpe. Cependant, grâce au MPO, il y a un programme de remise en état efficace et visible (la passe à poisson de Cootes Paradise). Le BARC tente de rétablir la pêche en eau chaude. Il a demandé au MPO des données d'autres régions pour évaluer l'avancement des travaux de remise en état, ainsi que de l'information sur les pêches en eau chaude. Le BARC a aussi demandé le rétablissement du financement nécessaire pour que le MPO puisse appliquer sa « politique de perte nette nulle » et poursuivre son programme scientifique.

4. Vallée de Red Hill

Le groupe Friends of Red Hill Valley a fait une présentation devant le Comité sur l'importance de préserver le ruisseau Red Hill et la vallée de Red Hill (qui traversent la ville de Hamilton) et de bloquer le projet de la route express qui doit passer au centre de la vallée. Le groupe a demandé l'appui du Comité pour empêcher la construction de la route et protéger la vallée. La vallée de Red Hill est le plus grand parc urbain du Canada et le ruisseau Red Hill est le dernier de 14 cours d'eau qui demeure encore ouvert dans la région urbaine. La vallée est une importante zone de conservation qui recèle une faune très variée. Elle renferme aussi d'importants sites archéologiques et historiques. Le groupe a souligné que le MPO devait reconnaître l'importance des ressources urbaines intérieures et s'est dit inquiet du fait que le ruisseau ne reçoive pas la protection qu'il mérite.

Un représentant de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth a dit au Comité que la région collaborait avec le MPO afin de réduire le plus possible l'impact de la route express Red Hill. En se retirant du processus de renvoi, la province a créé des problèmes parce que le MPO n'a pas les ressources nécessaires pour assurer le niveau de service attendu, entraînant ainsi des délais. Le témoin a insisté sur l'importance de s'en tenir à l'entente initiale.

Le témoin a souligné que, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE), il est possible qu'on se rende compte trop tard de la nécessité d'une évaluation et que le projet soit déjà alors en cours. De plus, la LCEE exige une évaluation des impacts cumulatifs; or, les municipalités n'ont pas assez d'expérience à cet égard. La Loi sur les pêches (LP) est importante pour la protection de l'habitat du poisson; toutefois, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent fournir une aide plus grande. Le dédoublement des processus d'évaluation environnementale enclenchés par la LP et la LCEE ne fait que compliquer les choses et doit être éliminé.

C. PORTS POUR PETITS BATEAUX

Le gouvernement fédéral est en voie de transférer la responsabilité des ports pour petits bateaux à des administrations portuaires locales. L'Ontario Commercial Fisheries' Association (OCFA) a souligné que des années de négligence ont contribué à la détérioration des installations partout en Ontario. Même si, selon l'OCFA, l'industrie de la pêche est en faveur de la création d'administrations portuaires, elle a aussi déclaré que les coûts de réparation et d'entretien seront exceptionnellement élevés et ne pourront être absorbés par l'industrie de la pêche commerciale.

L'OCFA a demandé que le MPO fournisse un montant forfaitaire pour chaque port en voie de devenir une administration portuaire. Cela assurerait la sécurité de l'installation et des ouvrages avant que l'administration portuaire prenne en charge son entretien. Elle a demandé que le MPO prévoit dans les ententes de transfert de propriété et de responsabilités aux administrations portuaires des dispositions visant à assurer un accès continu à l'industrie de la pêche commerciale. Elle a aussi demandé que le MPO accorde la priorité en matière d'entretien aux ports les plus importants pour l'industrie de la pêche commerciale, afin de respecter l'esprit initial du programme des ports pour petits bateaux.

L'Eastern Lake Erie Fishermen's Association (ELEFA) a manifesté son inquiétude face au processus d'aliénation du port de Port Stanley. L'association a indiqué que les pêcheurs sont actuellement à la merci d'un système qui est ni uniforme ni logique. Elle a donné l'exemple d'un pêcheur qui, à Port Stanley, paie dix fois plus cher pour avoir accès aux installations portuaires qu'un pêcheur à Port Dover, alors qu'il reçoit beaucoup moins de services.

Pour être représenté au comité local sur l'aliénation du port, l'association a dû payer 2 000 $ pour défrayer le coût d'une étude commandée par le comité. L'association s'est demandée s'il s'agissait là d'un traitement juste et équitable des pêcheurs commerciaux.

L'ELEFA a aussi souligné que le port de Wheatley, le plus grand port de pêche des Grands Lacs, est devenu dangereux parce qu'il faudrait y faire du dragage. Elle a fait remarquer que, selon le Code de conduite de la FAO pour des pêches responsables auquel le Canada a adhéré, les gouvernements doivent, entre autres choses, assurer des zones sûres pour les bateaux de pêche et prendre des mesures pour lutter contre les effets de l'érosion et de l'envasement.

D. PREMIÈRES NATIONS

La Première Nation de Batchewana des Ojibways de Sault Ste. Marie a fait état d'un certain nombre de préoccupations. Elles a dénoncé notamment l'injustice des systèmes de quotas qui favorisent les non-Autochtones et le fait que les non-Autochtones accusent les pêcheurs autochtones d'épuiser les ressources halieutiques. Elle a évoqué la décision « Agawa » concernant les droits des peuples autochtones en matière de pêche commerciale et ont souligné qu'elles étaient désavantagées lors de leurs discussions avec la province de l'Ontario parce qu'elles n'avaient pas accès aux mêmes services de consultation juridique.

Elle affirme que l'industrialisation et les contaminants a détruit leur zone de pêche traditionnelle. Même si la province s'occupera du problème de la contamination, la question de l'indemnisation a été renvoyée au gouvernement fédéral. Selon elle, la province de l'Ontario n'évalue pas de façon adéquate les stocks de poisson dans leur zone de pêche. Par ailleurs, il semblerait que le remplacement d'une frayère de corégone par une frayère de saumon aurait nui à l'une de leurs activités de pêche.

La Première Nation de Saugeen a fait savoir au Comité qu'elle avait réaffirmé sa compétence entière sur ses eaux traditionnelles du lac Huron et des environs de la péninsule de Bruce. Ses représentants affirment que le Canada n'a pas respecté ses obligations internationales en ce qui a trait à la consultation des Premières Nations. Ils disent aborder la gestion de la ressource de façon holistique et réclament un respect et une réciprocité de la part de tous les utilisateurs. Ils affirment qu'ils ont le droit de faire de la pêche commerciale, qu'ils respecteront leur responsabilité et qu'ils géreront leurs pêches de façon responsable. Ils insistent pour que le gouvernement fédéral maintienne sa responsabilité fiduciaire envers la nation de Saugeen. Ils disent aussi avoir demandé à ce que la responsabilité des ports devant être cédés soit confiée aux Premières Nations.

Un représentant du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario a indiqué au Comité qu'il y avait 25 Premières Nations dans la région supérieure des Grands Lacs, dont bon nombre affirment avoir des droits ancestraux et issus de traités qui les autorisent à se livrer à la pêche commerciale. Certaines font déjà de la pêche commerciale, tandis que d'autres se sont montrés intéressées à étendre leurs activités de pêche commerciale. Les droits de pêche commerciale dans les Grands Lacs sont déjà tous alloués. L'élargissement des privilèges de pêche commerciale aux Premières Nations obligerait le ministère à retirer les permis accordés aux non-Autochtones et cette mesure risquerait de coûter cher.

La province de l'Ontario négocie actuellement avec plusieurs Premières Nations au sujet de la pêche commerciale et elle estime que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard, étant donné la responsabilité fiduciaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) et la Stratégie relative aux pêches autochtones (SPA) du MPO. Selon ce même témoin, le MPO a élaboré la SPA mais l'applique de façon sélective. L'Ontario s'attend à une participation plus importante et plus constructive de la part du gouvernement fédéral, en particulier du MPO.

Les représentants de l'Eastern Lake Erie Fishermen's Association ont exprimé leur opposition à la « concession permanente de privilèges de pêche commerciale aux pêcheurs autochtones ». Ils ont fait valoir que, dans la plupart des cas, les tribunaux avaient limité les droits ancestraux à la pêche à des fins alimentaires et rituelles. Ils exhortent donc le gouvernement fédéral à interdire l'élargissement de la pêche commerciale autochtone dans les zones où ni les traités ni les décisions des tribunaux n'accordent aux Autochtones le droit de pêcher.

MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

Comme dans les autres régions du Canada visitées par le Comité, les témoins ont donné du MPO une image mitigée. D'une part, le personnel sur place et les cadres intermédiaires du MPO sont souvent louangés pour ce qu'ils réussissent à accomplir malgré les restrictions budgétaires et le manque de ressources. D'autre part, les échelons supérieurs du MPO sont perçus comme démontrant peu d'intérêt ou d'engagement à l'égard de la pêche en eau douce. L'Ontario Commercial Fisheries Association (OCFA) est d'avis que l'attitude du MPO à l'égard de la pêche en eau douce crée un « malaise qui a pour effet de reléguer à l'arrière-plan les pêches, l'habitat du poisson et les sciences aquatiques en eau douce en Ontario ». L'organisme s'en prend aussi au « désintérêt proactif du MPO face à la majorité des questions concernant les pêches intérieures en eau douce en Ontario ».

À Selkirk, des témoins se sont plaints du fait que le MPO restait sourd aux doléances des collectivités locales. À Sault Ste. Marie, un témoin a décrit l'attitude du MPO à l'égard de la pêche en eau douce en ces termes : « Le vide à Ottawa s'étend bien au-delà d'Ottawa, et les préoccupations relatives à la pêche en eau douce n'ont pas droit à l'attention qu'elles méritent ».

Bon nombre de témoins se sont dits inquiets des répercussions des compressions budgétaires, des réductions de personnel et du retrait graduel du MPO des programmes de pêche en eau douce découlant de l'examen des programmes. D'autres témoins ont évoqué la piètre capacité d'exécution du MPO dans les régions éloignées. Un témoin a exprimé un sentiment semblable à The Pas lorsqu'il a affirmé que la pêche intérieure devait avoir droit à un soutien équitable, au même titre que la pêche côtière. Selon un autre témoin, certains indices tendent à démontrer que le MPO ne veut plus s'ocuper de la pêche en eau douce et qu'il y a lieu de lui rappeler qu'il est un organisme d'envergure nationale et non régionale.

Certains témoins s'interrogent au sujet de la concentration du personnel du MPO à Ottawa. L'OCFA soutient qu'au milieu des années 1980, le nombre d'employés du MPO en poste à Ottawa s'élevait à environ 350, alors que le personnel de l'administration centrale représente actuellement plus de 25 p. 100 de la totalité des effectifs du MPO, comparativement à un peu plus de 6 p. 100 au milieu des années 1980. De l'avis de certains, il faudrait décider si le MPO doit être structuré pour s'occuper du poisson ou pour maximiser les revenus des pêcheurs. De cette façon, le MPO pourrait fonctionner avec un effectif réduit.

On a recommandé, à Selkirk, que le ministre des Pêches et des Océans dépose un rapport annuel au Parlement sur la situation de la pêche en eau douce.

Recommandation 15

Le Comité exhorte le gouvernement fédéral à entreprendre un processus complet de restructuration du MPO. Tous les changements apportés devraient être le résultat de consultations directes des groupes d'intervenants. Une attention particulière devrait être acordée, entre autres, à la répartition géographique du personnel et des fonds et à l'élaboration d'un énoncé de mission qui préciserait le mandat national du ministère.

LA RECHERCHE

Dans bien des endroits visités par le Comité, certains s'inquiètent du peu de soutien accordé à la recherche scientifique sur les milieux d'eau douce. Dans les Grands Lacs, les écosystèmes changent rapidement et de façon imprévisible en raison de facteurs comme la pêche et les pressions environnementales, l'invasion d'espèces exotiques et peut-être même le changement climatique. D'aucuns sont d'avis que ni les travaux scientifiques du MPO ni ceux du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario ne fournissent suffisamment d'information pour prendre des décisions éclairées. La diminution des efforts de surveillance a déjà réduit les bases de données. Des témoins ont clairement démontré au Comité qu'il faut absolument intensifier les activités de recherche en eau douce.

L'OCFA déplore les compressions effectuées dans le secteur des projets scientifiques et de la recherche en eau douce depuis 1979. Elle souligne qu'aucun laboratoire de recherches en eau salée au Canada n'a subi de compressions aussi radicales que le Laboratoire des Grands Lacs pour les pêches et les sciences aquatiques de Burlington, en Ontario, qui a vu ses effectifs réduits de moitié. Elle fait valoir aussi que moins de 2 p. 100 des dépenses totales du MPO dans le secteur des projets scientifiques et de la recherche sont consacrés aux pêches des Grands Lacs. Cette situation n'est pas sans conséquence puisque les activités de recherche du MPO sont essentielles pour comprendre le niveau de substances nutritives nécessaires pour favoriser la productivité des stocks et autoriser l'usage bénéficiaire de l'eau des Grands Lacs.

Un certain nombre de recommandations ont été formulées à l'intention du Comité pour améliorer l'état de la recherche scientifique en eau douce. L'une d'elles préconise d'accroître le financement de la Division des relevés hydrologiques. Une autre propose de créer un partenariat entre les deux paliers de gouvernement et l'industrie pour constituer un nouvel organisme national de recherches sur la pêche en eau douce, dont le mandat ne serait pas limité par les frontières géographiques et les compétences législatives, qui permettrait de mettre en commun les rares ressources disponibles afin d'adopter une démarche pragmatique à l'égard de la recherche sur les écosystèmes d'eau douce.

Une autre recommandation vise à élargir la portée de la stratégie relative aux eaux douces. À l'heure actuelle, les dispositions de la Loi sur les pêches portant sur les contaminants sont appliquées par le ministère de l'Environnement, tandis que les perturbations physiques relèvent du MPO. Or, le poisson et l'habitat du poisson doivent être considérés comme des éléments essentiels de toute stratégie fédérale relative aux eaux douces, et un véritable partenariat doit être établi entre ces deux ministères au chapitre de l'élaboration de cette stratégie.

Recommandation 16

Le Comité signale que les recherches technologiques menées dans la région de l'Ontario ont diminué régulièrement au cours des dernières années. Par conséquent, il exhorte le gouvernement fédéral à combler ce vide scientifique en augmentant sensiblement la recherche significative dans le Centre du Canada, et plus particulièrement dans la région des Grands Lacs.


1 Sauf indication contraire, les sommes d'argent sont exprimées en dollars canadiens.

2 Le ministre de l'Environnement de l'Ontario a annoncé le 14 mai 1998 qu'il allait prendre des mesures pour annuler le permis accordé au groupe Nova.