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HEAL Rapport du Comité

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CHAPITRE 3
PRINCIPAUX FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE DANS UNE APPROCHE NATIONALE

Selon les témoins, il faut avant tout mettre l'accent sur le caractère national du don et de la transplantation d'organes et de tissus. Le Canada se distingue des autres pays industrialisés du fait qu'il n'a pas un organisme national chargé de gérer ou de coordonner les éléments d'un système de don, de collecte, de distribution et de transplantation. Une approche nationale doit être fondée sur un partenariat entre le gouvernement fédéral d'une part et les provinces et territoires d'autre part. Bien des témoins ont dit que la transplantation est un exemple unique de service de santé dont le succès repose entièrement sur la participation du public. Ce caractère unique ajoute à l'argument selon lequel le don et la transplantation d'organes et de tissus devraient s'inscrire dans un cadre national soutenu par tous les niveaux de gouvernement.

Les paragraphes qui suivent portent sur la justification et la structure d'un organisme national de coordination des activités relatives au don et à la transplantation d'organes et de tissus. On y traite des principales préoccupations des témoins en matière de collecte de données, d'éducation du public et des professionnels, de responsabilité et de normes.

A. RÉSEAU CANADIEN DES TRANSPLANTS

La principale recommandation des témoins portait sur l'établissement d'un mécanisme national d'intégration par lequel tous les niveaux de gouvernement participeront à la surveillance et à l'évaluation de tous les aspects de la collecte et de l'utilisation des données, de la formation des professionnels et de l'agrément des établissements. On a constamment répété qu'il ne suffisait pas de faire preuve de bonne volonté pour mener à bien tous les aspects du don et de la transplantation. Selon les témoins, il faut que les gouvernements national, provinciaux et locaux assument leurs responsabilités, et organisent et financent un système qui ne saurait être efficace que s'il est centralisé. C'est à l'organisme central qu'il revient de prendre le leadership, et il doit pouvoir intervenir si les résultats ne sont pas satisfaisants. Il est essentiel d'avoir une structure nationale qui peut examiner ce qui se passe réellement, évaluer ce qui fonctionne dans chaque province et mettre au point un système efficace qui rend des comptes et est accessible à tous les Canadiens.

Le modèle national adopté par l'Espagne en 1990 a été souvent cité en exemple pour le Canada. Depuis la création de l'Organización Nacional de Trasplantes, le taux de dons d'organes a doublé, passant de 14,3 à 31,5 donneurs par million d'habitants entre 1990 et 1998. De plus, le nombre d'organes greffés a triplé depuis 1990. Le Comité a appris que l'organisme national, rattaché au ministère national de la Santé, dispose d'un budget annuel de 3 millions de dollars US pour gérer ses bureaux interrégionaux, sa base de données et ses programmes de formation, et un budget de 11 millions de dollars US pour assumer les coûts de son fonctionnement dans les hôpitaux, dont celui du personnel, des soins intensifs, des salles d'opération et des services connexes. Cet organisme s'inscrit dans un système de soins de santé national, dans un pays de 40 millions d'habitants répartis dans 17 régions autonomes. Dans ce système de santé national, le budget général de la santé est réparti dans les régions et géré par elles, de sorte que les budgets des hôpitaux et les salaires des médecins varient d'une région à l'autre. Le Comité est très intéressé à adapter certains éléments du modèle espagnol et d'autres modèles internationaux à la situation du Canada. Il est conscient qu'il y a des différences entre l'Espagne et le Canada et qu'il faut adopter une approche canadienne. Les différences dont il faut tenir compte sont l'étendue géographique, le nombre et l'organisation des médecins et des hôpitaux, la diversité culturelle et le climat politique.

Plusieurs entités différentes ont été envisagées lors des audiences du Comité dans le cadre de l'adoption d'une approche nationale canadienne : le Comité de coordination national des dons et de la distribution d'organes et de tissus (CCN); le Comité de coordination de la facturation réciproque (CCFR), l'Office canadien de coordination de l'évaluation des technologies de la santé (OCCETS), l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) et la Société canadienne du sang (SCS). Comme il l'a été mentionné au chapitre précédent, tous ces organismes font intervenir le gouvernement fédéral à des degrés divers. Même s'ils reçoivent tous une aide financière fédérale, les quatre premiers relèvent d'une structure fédérale-provinciale-territoriale, et le dernier, d'une structure provinciale-territoriale. Par conséquent, le CCN et le CCFR se rapportent au Comité consultatif F-P-T des services de santé; l'OCCETS et l'ICIS se rapportent aux ministres F-P-T de la Santé, alors que la SCS se rapporte aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santé.

Les témoins n'ont cessé de souligner au Comité le besoin urgent d'une structure nationale de coordination intégrant tous les éléments de la chaîne don-greffe. Selon eux, il faut un organisme national pour assurer un cadre permanent de coordination de tous les éléments importants de la chaîne don-greffe. Le Comité convient qu'un cadre national doit remplacer la mosaïque actuelle d'organismes dispersés de don et de transplantation d'organes et de tissus. Il reconnaît qu'une telle structure nationale doit avoir un budget suffisant et une structure permanente et visible. Selon lui, il est important de maintenir les compétences existantes en matière de don et de transplantation, ainsi que les réseaux pancanadiens établis. Toutefois, il faut créer un organisme distinct qui soit visible aux yeux du grand public, responsable à l'endroit des professionnels de la santé et des provinces, et accessible par les établissements.

1. À la lumière des appels répétés en faveur d'un organisme national de coordination et d'intégration chargé de surveiller ce nouveau secteur de soins de santé, le Comité recommande :

1.1 Que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé créent un Réseau canadien des transplants pour surveiller le don et la transplantation d'organes et de tissus;

1.2 Que le ministre fédéral de la Santé discute officiellement de la création de cet organisme et de la stratégie appropriée avec ses homologues provinciaux et territoriaux dans les six prochains mois;

1.3 Que l'organisme soit doté d'un secrétariat permanent et d'un budget suffisant;

1.4 Que l'organisme présente un rapport public annuel à la conférence F-P-T des ministres de la Santé;

1.5 Que l'organisme présente un rapport annuel au ministre fédéral de la Santé pour dépôt au Parlement, sur les résultats des contributions fédérales et que ce rapport soit considéré dans le cadre de la Semaine nationale de sensibilisation au don d'organes.

Selon des témoins, ce Réseau canadien des transplants doit pouvoir exercer une surveillance et produire des rapports publics annuels sur l'état des quatre grands volets de son mandat : 1) vérification de la volonté des donneurs; 2) dépistage et maintien des donneurs, et collecte d'organes des donneurs effectifs; 3) partage, compatibilité, et distribution en fonction de la liste d'attente; 4) évaluation de l'issue des transplantations. Chaque secteur de programme relève du personnel désigné du secrétariat.

Le Comité a entendu le témoignage de nombreuses personnes et organisations oeuvrant dans le domaine du don et de la transplantation au Canada. Il constate qu'il y a actuellement des compétences étendues et variées partout au pays, qui sont essentielles à un organisme national et qui seraient fort utiles à la fonction consultative occasionnelle exercée auprès du secrétariat permanent. Les secteurs de programme pourraient donc recourir à des groupes d'experts, travaillant en collaboration avec des ressources désignées, pour fixer leurs objectifs et leurs échéances. L'établissement d'objectifs bien définis permettra ensuite à l'organisme national de mesurer les résultats et l'issue des transplantations.

2. Le Comité recommande donc :

2.1 Que le Réseau canadien des transplants soit composé de quatre secteurs de programme permanents faisant appel chacun à un groupe d'experts dans son domaine : volonté des donneurs, maintien des donneurs potentiels et effectifs, partage, compatibilité et distribution des dons d'organes et de tissus, issue des transplantations;

2.2 Que les groupes d'experts soient composés de représentants des organismes existants oeuvrant dans le domaine de la transplantation et que ces représentants soient remplacés à tour de rôle;

2.3 Que les groupes d'experts soient chargés d'orienter le conseil en matière d'établissement des objectifs et de mesure des résultats;

2.4 Que ces objectifs et ces résultats soient énoncés dans les rapports annuels produits par le Réseau canadien des transplants sur chaque secteur de programme.

B. ORGANISATION DU RÉSEAU CANADIEN DES TRANSPLANTS

Les paragraphes qui suivent portent sur les principales exigences que chacun des quatre secteurs de programme et les groupes d'experts respectifs devront respecter pour surveiller les activités qui sont pertinentes à l'établissement d'une approche nationale intégrée et coordonnée. Le Comité a pu dégager, des témoignages entendus, plusieurs fonctions que le Réseau canadien des transplants devrait assumer par l'entremise de ses groupes d'experts respectifs : surveillance de la collecte, de l'évaluation et de la diffusion des données; éducation du public et des professionnels; processus et structure de responsabilisation des professionnels, des établissements et des gouvernements; et établissement de normes imposées sous forme de principes d'éthique, de protocoles de pratique médicale ou infirmière et de règlements.

1. Groupe d'experts sur la volonté et le consentement

a. Données

Les discussions en matière de don ont porté en grande partie sur l'écart qu'il y a entre le grand nombre de personnes qui se disent en faveur du don et le petit nombre qui font effectivement don de leurs organes et tissus. Le Comité s'est souvent fait dire que les sondages d'opinion révèlent que jusqu'à 90 p. 100 des Canadiens sont en faveur du don d'organes et de tissus.

Selon certains témoins, une base de données nationale où serait consignée la volonté des donneurs permettrait d'augmenter l'offre de tissus et d'organes humains. En consignant la volonté des donneurs, il serait plus facile d'apparier les donneurs potentiels recensés dans les hôpitaux et les receveurs potentiels. Pour ce faire, il faudrait que le système puisse retracer les personnes de manière continue, qu'il soit directement accessible au personnel hospitalier tout en faisant le lien avec un registre ou une liste d'attente de receveurs.

Toutefois, selon d'autres témoins, les pays comme l'Espagne qui ont un taux de donneurs élevé n'ont pas de registre où est consigné la volonté des donneurs. Selon d'autres témoins, la constitution et la tenue d'une telle base de données est une tâche complexe et il y a lieu de douter de ses avantages réels. Par exemple, comment peut-on s'assurer que l'information est à jour et valable quand l'opinion, le lieu de résidence, les relations et les autres conditions de vie des personnes peuvent changer et influer sur leurs intentions? Quelle sera l'étendue des renseignements versés dans la base de données? Comment s'assurer de respecter la vie privée et la confidentialité des données dans la collecte des renseignements et l'administration courante du registre? D'ailleurs, le Commissaire fédéral à la vie privée met en garde contre les empiètements à cet égard.

Le Comité a entendu des témoignages au sujet de deux registres provinciaux canadiens où est consignée la volonté des donneurs. Les registres de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique indiquent la volonté d'une personne de faire un don d'organes et de tissus. Les deux registres visent à aider les professionnels et les familles des donneurs à établir le consentement à l'hôpital. Le registre de la Nouvelle-Écosse, créé en 1995, fait actuellement l'objet d'un projet pilote d'accès direct à la base de données par Internet. Créé en 1997, le registre de la Colombie-Britannique fait le lien entre un document légal signé, indiquant que le donneur consent à faire don de certains organes et tissus, et le numéro d'assurance-maladie du donneur. Ce document peut être reproduit électroniquement si le donneur est ensuite admis dans une unité de soins intensifs ou critiques de la province et qu'il est recensé comme donneur potentiel.

Le Comité a appris comment les deux registres sont financés. Le registre de la Colombie-Britannique s'inscrit dans la structure organisationnelle de la British Columbia Transplant Society qui reçoit près de 23 millions de dollars du ministère provincial de la Santé. À lui seul, le registre provincial a coûté 500 000 $ pour sa mise au point et 500 000 $ pour une campagne d'information publique. Son coût de fonctionnement courant est de 100 000 $ pour la technologie et les effectifs, auquel il faut ajouter les coûts de promotion. Le registre de la Nouvelle-Écosse est tenu par le Medical Services Insurance Branch du ministère de la Santé. Comme le registre de donneurs est lié au service d'émission des nouvelles cartes d'assurance-santé, les ressources humaines et technologiques déjà en place permettent de réduire au minimum le coût d'entrée des nouvelles données. Le lien vers les centres de transplantation sur Internet, dont le coût est évalué à quelque 25 000 $, permet essentiellement de faire des consultations en matière de sécurité.

Dans le domaine des tissus, le Registre de donneurs de moelle osseuse non apparentés (RDMONA), créé en 1987 par la Bruce Denniston Bone Marrow Society, relevait de la Croix-Rouge depuis 1989. Il est maintenant rattaché à la Société canadienne du sang qui dispose d'un budget d'environ 2,5 millions de dollars pour son infrastructure; or, la création d'un nouveau laboratoire national de génie génétique moléculaire qui permettrait d'effectuer des tests de compatibilité coûterait de 8 à 10 millions de dollars.

Selon des témoins, les moyens sont limités pour inciter les gens à s'inscrire à un registre. Il n'est pas toujours facile de se procurer une carte, et bien des adultes qui ne conduisent pas n'ont donc pas de permis ou ne le renouvellent pas. Dans la plupart des provinces, la carte d'assurance-santé demeure le meilleur moyen pour consigner la volonté d'un donneur. De là, la question de l'enregistrement volontaire ou par déclaration obligatoire. Le système actuel est volontaire. En Nouvelle-Écosse, l'enregistrement se fait lors du renouvellement de la carte d'assurance-santé, alors que, en Colombie-Britannique, il se fait au moyen d'un formulaire disponible dans les bureaux des véhicules automobiles, les London Drugs et divers autres établissements. Pour le Registre de donneurs de moelle osseuse non apparentés, le recrutement des donneurs se fait par la voie de campagnes qui ciblent les malades ou leur famille. Deux modes d'enregistrement par déclaration obligatoire au niveau fédéral ont été proposés : le recensement ou la déclaration d'impôt sur le revenu. L'objectif est d'obliger légalement le répondant à déclarer par « oui, non, ou je ne sais pas » s'il veut faire un don, déclaration qui serait consignée dans un registre.

Les opposants à la déclaration obligatoire s'inquiètent de l'obligation légale qui est faite de s'enregistrer et de l'usage que l'hôpital fera de la déclaration préalable d'un donneur. Selon la plupart des intervenants de la transplantation dans les hôpitaux, même si une personne reconnue comme donneur valable par l'hôpital déclare vouloir faire un don d'organes, il faudrait solliciter le consentement de la famille. D'autres, surtout des receveurs, ont affirmé qu'il faut respecter la volonté du donneur et que, en demandant le consentement de la famille, comme on le fait actuellement, on outrepasse le consentement légalement autorisé dans le protocole.

Durant les témoignages sur la documentation de la volonté des donneurs, le Comité s'est fait dire qu'un registre national indiquant la volonté des donneurs ne suffirait pas à assurer une utilisation optimale des ressources ou à augmenter le nombre de donneurs. En particulier, le Comité s'est fortement inspiré des expériences espagnole et britannique. L'Espagne a un taux de dons élevé même si elle n'a pas de registre national de donneurs volontaires. En Grande-Bretagne, où un registre a été établi en 1994, un très faible pourcentage de la population a été enregistré, moins que 6 millions sur une population de 57 millions et le taux de dons est plus faible maintenant qu'il ne l'était lorsque le registre a été établi de 823 en 1997 à 758 en 1998. Le Comité félicite les provinces qui ont mis sur pied de tels registres dans le cadre de leurs programmes de dons d'organes et de tissus, et estime que le système actuel de déclaration volontaire des donneurs est approprié. Il considère également que la carte d'assurance-santé des provinces et territoires est l'outil logique pour consigner l'information destinée au contact avec les familles et les proches par le personnel hospitalier.

b. Éducation

Presque tous les témoins ont été unanimes quant à la nécessité de mener auprès du public et des professionnels des campagnes de sensibilisation coordonnées, permanentes et complètes dans le domaine du don d'organes et de tissus. On a indiqué qu'il s'agit là d'un domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très important. Actuellement, les programmes d'éducation se résument aux efforts de sensibilisation du public comme ceux de la Fondation du rein et de la Bruce Denniston Bone Marrow Society, ainsi qu'aux campagnes de sensibilisation des professionnels menées par des groupes professionnels comme l'Association canadienne de transplantation. Le Groupe La Mutuelle, qui a travaillé avec ces organismes, a indiqué avoir investi plus de 3,5 millions de dollars depuis 1992 à cet égard. Elle a aussi soutenu que les efforts de sensibilisation du public ne se traduiront par un taux accru de dons que dans la mesure où les professionnels de la santé prendront les démarches qui s'imposent pour dépister les donneurs dans les hôpitaux.

Pour le public, il est important que les membres de la famille d'un donneur soient informés de la volonté de ce dernier de faire un don. Le Comité s'est fait dire que jusqu'à 96 p. 100 des proches d'un donneur consentiraient au don d'organes s'ils étaient informés au préalable des volontés du donneur, contre 58 p. 100 seulement lorsque la famille n'a pas discuté de la question au préalable. À l'hôpital, il est important de savoir si un donneur a déjà consenti à faire un don pour obtenir le consentement des proches. En principe, pour plus du tiers des donneurs potentiels, tout don est impossible parce que la famille ou les proches ont refusé de donner leur consentement.

L'éducation et la formation des professionnels sont des éléments essentiels de tout effort visant à accroître le nombre de donneurs. Il faut viser les associations de professionnels de la santé, les établissements où ils travaillent, ou les universités, désignées comme centres de formation, où ils ont étudié ou auxquelles ils sont affiliés. Pour les professionnels qui interviennent au début de la chaîne don-greffe, le principal problème d'éducation a trait à leur capacité d'aider les personnes à décider de faire un don. Comme les professionnels de la santé de première ligne exigent que tout bénéficiaire produise à chaque visite sa carte d'assurance-santé et que cette dernière est actuellement l'instrument privilégié pour consigner la volonté d'un donneur, il faudrait miser sur les visites médicales pour recueillir des renseignements exacts et les transmettre en temps opportun. Pour aider quiconque à décider de faire un don de manière vraiment éclairée, il faudrait que le médecin ou l'infirmière connaisse le système de don qui est en usage en milieu hospitalier et qui, pour certains tissus, pourrait s'étendre aux cliniques.

Des témoins ont proposé divers modes de consentement, dont les plus importants sont le consentement à déclaration obligatoire et le consentement éclairé. Dans un régime à déclaration obligatoire, toute personne en possession de ses facultés est tenue de déclarer si elle désire faire un don. Dans un tel régime, la personne peut changer d'avis, mais sa décision est exécutoire, empêchant ainsi toute intervention de la famille. On a indiqué au Comité les avantages de la déclaration obligatoire : plus grande sensibilisation du public à la question des dons; moins de stress pour les proches et le personnel hospitalier quand on sait que le donneur a pris sa décision en connaissance de cause; diligence des prélèvements sans porter ombrage à la générosité des donneurs. Selon des sondages menés aux États-Unis, 63 p. 100 de la population consentirait à faire un don dans un tel régime.

Quant à la volonté du donneur, certains prétendent que la décision d'un donneur n'est probablement pas prise en pleine connaissance du processus de la collecte d'organes, rendant ainsi nécessaire d'expliquer plus en détail aux proches tous les aspects du processus de don. Pour faire un choix vraiment éclairé menant à un consentement éclairé ou à un refus éclairé en matière de don d'organes et de tissus, il ne suffit pas de sensibiliser le public au besoin de faire des dons. Pour qu'une personne puisse choisir librement en pleine connaissance de cause, il convient de mettre sur pied un programme national d'information sur des aspects importants tels que la notion de mort cérébrale et le processus de la collecte des tissus et des organes. L'Espagne offre, 24 heures par jour, un service d'information sur son système de don d'organes. Les responsables du Registre canadien de donneurs de moelle osseuse non apparentés tentent actuellement d'obtenir une aide financière pour offrir un service de consultation de spécialistes par la voie d'une ligne directe 1-800.

Le Comité est convaincu que l'information est la clé pour obtenir un consentement éclairé des donneurs potentiels, puis des familles ou des proches. L'objectif est de mieux comprendre les enjeux médicaux, juridiques, éthiques, sociaux et psychologiques du don. Cela confirme les dires des témoins qui prônent des campagnes publicitaires ciblées sur des groupes particuliers, comme les présentes campagnes de lutte contre le tabagisme et de promotion des soins prénataux. D'autres témoins proposent de préparer des trousses d'information à l'intention des donneurs volontaires sur la façon de faire part de leur volonté sur une carte d'assurance-maladie ou une carte de donneur. D'autres encore proposent de mettre la technologie de l'information au service des Canadiens dans ce domaine naissant.

Le Comité aimerait que l'information sur les dons destinée au public et aux professionnels soit gérée à une échelle plus nationale. Il est d'avis que les médecins de famille peuvent jouer un rôle important dans l'éducation de leurs clients en matière de don d'organes et de tissus et aimerait que les corps professionnels concernés préparent de la documentation et des cours de formation à l'intention des praticiens généralistes. Il tient particulièrement à ce que quiconque veut faire un don soit pleinement informé des processus en cause et de toutes les conséquences que cela comporte pour la famille ou les proches.

c. Responsabilité

Les témoins ont souvent mentionné le besoin de responsabilité au sein de tout régime de don et de transplantation d'organes et de tissus. Ils ont réclamé des méthodes et des structures claires et bien visibles permettant d'assigner des responsabilités, de suivre la situation et de rendre compte des résultats. Pour ce qui est de la volonté et du consentement des donneurs, ils ont parlé surtout de l'évaluation des registres et de responsabilité structurelle. On considère également nécessaire de mesurer l'efficacité des campagnes d'éducation du public et des professionnels.

Le Comité s'est fait dire par les promoteurs du registre de la Colombie-Britannique que l'offre de dons humains augmentera avec la création du registre central informatisé des donneurs volontaires. Comme ce registre n'existe que depuis 16 mois, on ne peut pas encore vérifier cette affirmation. À ce jour, près de 180 000 personnes ont inscrit leur volonté de donner leurs organes, mais le Comité ne sait pas combien de dons ont été réalisés par l'intermédiaire du registre. En Nouvelle-Écosse, 70 p. 100 de la population était inscrite en février 1999 et 39 p. 100 des inscrits indiquaient leur volonté de donner des organes ou des tissus. Les fonctionnaires provinciaux pensent que le registre a encouragé les professionnels de la santé à approcher les familles; qu'il a sensibilisé toute la population provinciale; enfin, qu'il rassemble des données permettant de cibler des groupes pour d'autres campagnes d'éducation.

Pour ce qui est des tissus, le Comité s'est fait dire que le Registre de donneurs de moelle osseuse non apparentés compte plus de 180 000 noms de partout au Canada. Il a également appris que presque tous les donneurs potentiels sont de race blanche. En 1998, ce registre a fourni 44 p. 100 des donneurs requis par les receveurs canadiens. À ce jour, il a permis près de 900 greffes. Les autres receveurs, 56 p. 100, ont reçu de la moelle de source étrangère. Dans les 24 heures suivant une demande, le Centre national de coordination de la recherche peut parcourir tout le registre canadien à la recherche d'un donneur correspondant et, dans les 72 heures, il peut parcourir les 40 registres du monde.

La question de la responsabilité structurelle a été soulevée pour le registre de la Colombie-Britannique et le registre de moelle osseuse. On a noté que la British Columbia Transplant Society, responsable du registre de la Colombie-Britannique, a réduit récemment, au sein de son conseil d'administration, le nombre de représentants du milieu médical et hospitalier dont les intérêts semblaient diverger de ceux de la société. Le registre de moelle osseuse cherche à préciser sa relation avec la Société canadienne du sang et veut un budget assuré, faire rapport directement et avoir une plus grande marge de manoeuvre. On se préoccupe également de l'établissement des critères garantissant la responsabilité de tous les groupes sociétaux. Ainsi, on a demandé s'il y avait de l'information pour évaluer des registres de don d'organes comme celui de la Colombie-Britannique ou des registres de tissus semblables à celui de la moelle osseuse, ainsi que sur leur capacité à attirer les clientèles minoritaires.

Le Comité a été informé de plusieurs campagnes d'éducation et de sensibilisation visant à accroître les engagements personnels au don. Ainsi, l'Association canadienne de transplantation cherche à maintenir l'appui du public au don d'organes par des mesures comme la Campagne du ruban vert et des lettres d'information occasionnelles. La Fondation du rein favorise la sensibilisation des familles, en insistant sur l'importance d'une communication franche et entière au sein des familles. En général, pour mesurer les campagnes de sensibilisation du public, on nous indiquait combien d'exemplaires d'une publication avaient été distribués ou quel est le niveau de reconnaissance de certains symboles particuliers. Les ordres de médecins et d'infirmières avaient peu à dire sur la formation professionnelle destinée à accroître les intentions de don.

Le Comité convient avec les témoins que les critères de responsabilité et l'évaluation de l'efficacité doivent faire partie du mandat de chacun des secteurs de programme du Réseau canadien des transplants. On peut favoriser le transparence et la responsabilité en exigeant un rapport annuel public ou un examen complet des opérations après un nombre déterminé d'années. Il n'est pas facile d'établir des critères clairs de mesure du rendement pour la cueillette des données ou les campagnes d'éducation, mais il faut plus, ici, que les noms ou le nombre des personnes sensibilisées à son existence. Le Comité estime qu'il faut contrôler l'efficacité des bases de données et des campagnes destinées au public et aux professionnels, et les modifier au besoin. Il faut notamment mesurer clairement les résultats attendus et obtenus et connaître les changements réalisés pour accroître l'efficacité.

d. Normes

Lors de nos audiences, ce terme avait diverses acceptions. Un des sens qui s'appliquent particulièrement à cette étape de la chaîne don-greffe concerne les principes moraux et la déontologie. Dans ce contexte, les témoins ont parlé de valeurs communes, dont beaucoup sont déjà inscrites dans les lois et la politique publique. À cette étape, la cueillette des données soulève la question des intérêts et des besoins divergents des donneurs et des receveurs et celle de l'anonymat, de la confidentialité, du consentement libre et éclairé, et de l'accès équitable.

Face au besoin de normes professionnelles pour la gestion de la base de données, les témoins ont réclamé des directives pour que la cueillette des données jouisse de la confiance à l'échelle nationale et internationale. Ils ont mentionné la nécessité d'une accréditation indépendante des registres. D'autres témoins ont parlé de protocoles médicaux, visant à protéger le donneur potentiel, admis à l'hôpital dans un état critique, d'un prélèvement des organes prématuré.

3. En réponse aux préoccupations susmentionnées concernant les données, l'éducation, la responsabilité et les normes, le Comité recommande que le groupe d'experts responsable dans le Réseau canadien des transplants du volet national touchant la volonté des donneurs entreprenne les activités suivantes :

3.1 Assurer le progrès et évaluer l'efficacité des répertoires provinciaux existants dans la perspective de leur conférer un rôle national;

3.2 Aider à concevoir et à mettre en oeuvre des campagnes nationales continues de sensibilisation et d'éducation du public, avec évaluation requise;

3.3 aider à concevoir et à mettre en oeuvre des campagnes nationales continues de sensibilisation et de formation des professionnels, avec évaluation requise.

2. Groupe d'experts sur le dépistage et le maintien des donneurs, et la collecte des transplants

a. Données

Bien des témoins utilisent le terme donneur potentiel de façon très libre. Cependant, la distinction est considérable entre la personne qui indique sa volonté de faire un don et le patient hospitalisé, dépisté comme donneur potentiel aux soins intensifs. Le donneur potentiel est celui qu'on dépiste à l'hôpital, mais les donneurs potentiels déclarés morts, et dont les organes et tissus conviennent à la transplantation, ne deviennent pas tous des donneurs effectifs. Ce n'est que lorsque les organes et les tissus du donneur sont réellement prélevés ou collectés à des fins de greffe que la personne décédée est incluse dans les statistiques. Le Comité a appris qu'environ 3 p. 100 des décès qui surviennent à l'hôpital sont des morts cérébrales, et conviennent donc au prélèvement des organes.

Les témoins ont souligné que par rapport aux dons provenant de cadavres, le Canada se maintient depuis 1993 à un plateau de 14,4 donneurs par million d'habitants. Plusieurs témoins ont confirmé que la performance du Canada à ce chapitre est parmi les pires des pays industrialisés, loin derrière les États-Unis et l'Espagne, dont les taux de dons étaient en 1998 de 21 et de 31,5 par million d'habitants.

Pour bien des témoins, l'étape de la collecte est celle à laquelle la base nationale de données serait la plus utile et la plus rentable. Les statistiques sur les donneurs potentiels (organes de malades en état de mort cérébrale) et sur les donneurs effectifs (transplants prélevés et distribués) pourraient indiquer combien de donneurs potentiels sont perdus dans le système, et pour quelle raison. Il semble que l'Espagne utilise cette double base de données : registre de donneurs potentiels ou en mort cérébrale et registre de donneurs réels ou effectifs. En Pennsylvanie, l'obligation de déclarer tous les décès à un registre central offre un autre modèle de registre des donneurs potentiels. Dans ce cas, les données recueillies portent sur tous les décès qui surviennent à l'hôpital; à partir de là, on fait la liste et le suivi des donneurs potentiels.

Le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes (RCITO), géré par l'Institut canadien de l'information sur la santé (ICIS) depuis 1994, contient essentiellement des données sur la transplantation mais recueille également des données rétrospectives sur les dons d'organes de cadavres et sur les listes d'attente. Il est financé conjointement par le fédéral et les provinces, avec l'appui de la Société canadienne de néphrologie, de la Société canadienne de transplantation et de l'Association canadienne de transplantation. Les hôpitaux qui pratiquent les transplantations et les organisations de collecte d'organes contribuent à la base des données du RCITO.

À partir des témoignages reçus sur les divers registres d'organes et de tissus possibles, le Comité convient que la base de données doit être rentable. Une base complète, contenant le dossier de tous les donneurs potentiels dépistés à l'hôpital et de tous les donneurs effectifs permettrait d'évaluer les résultats. On estime également que le RCITO exploité par l'ICIS constitue un répertoire valable des donneurs potentiels identifiés. Les résultats peuvent être comparés au répertoire de donneurs effectifs que tient déjà le RCITO et en permettre l'analyse éclairée.

b. Éducation

Pour que le registre permette de bien identifier les donneurs et de les maintenir pour le prélèvement des transplants, il faut essentiellement que les professionnels soient capables de dépister les donneurs potentiels aux soins intensifs. Il faut donc leur enseigner les critères de la mort cérébrale et la façon de maintenir le cadavre en état jusqu'à ce qu'on décide du sort des transplants. Les professionnels jouent un rôle crucial dans l'éducation du public par leur interaction avec la famille du donneur potentiel. On souhaite toujours que la famille ait déjà discuté avec le donneur potentiel de ses dernières volontés, mais il demeure impératif à cette étape cruciale que la famille comprenne parfaitement bien ce qu'est la mort cérébrale, comment les organes sont prélevés, etc., afin de pouvoir accorder son consentement éclairé.

Selon les témoins, la formation insuffisante des professionnels fait en sorte qu'ils s'abstiennent de demander le don à l'étape des soins intensifs à l'hôpital. Une étude réalisée en 1998 auprès de 15 hôpitaux canadiens indique que pour 232 donneurs potentiels identifiés, seulement 158 familles ont été approchées. Cela représente une perte de 31,9 p. 100 des donneurs potentiels. Une autre étude canadienne récente révèle que 83 p. 100 des infirmières et 75 p. 100 des médecins hésitent à approcher la famille du donneur potentiel malgré une attitude généralement positive envers le don d'organes. L'étude souligne également que seulement 35 p. 100 des infirmières et 55,4 p. 100 des médecins savaient où référer des donneurs d'organes.

Pour amener les professionnels à contacter les familles pour le don, on a proposé deux méthodes : la demande obligatoire et la référence obligatoire. Dans le premier cas, la personne ou l'équipe responsable serait tenue de demander le consentement de la famille pour le don d'organes. La référence obligatoire (également considération requise, considération obligatoire, rapport obligatoire) obligerait les professionnels à déclarer tout donneur potentiel. Les témoins affirment que cette procédure accroîtrait sensiblement le nombre de donneurs décédés dépistés chaque année. La référence obligatoire et la demande obligatoire imposeraient des changements à la loi ou au règlement des provinces. Les témoins insistent sur le fait que ces deux méthodes doivent s'accompagner de campagnes de sensibilisation et d'éducation auprès du public et des professionnels.

Le Comité est d'avis que l'éducation des professionnels est une démarche continue et que les ordres professionnels ont un rôle important à jouer à cet égard. Les connaissances doivent être acquises avec la formation de base, sur des éléments comme la communication interpersonnelle et la déontologie, et perfectionnées par des rappels à intervalles réguliers. On permettrait ainsi aux professionnels des soins intensifs de perfectionner leur approche des familles et des donneurs potentiels. Le Comité reconnaît l'impact considérable d'une meilleure formation des professionnels sur l'augmentation du nombre de donneurs. Il faut à cet égard que les provinces, les hôpitaux et les ordres professionnels collaborent à établir des programmes de formation permanente portant sur le dépistage des donneurs et l'approche de la famille.

c. Responsabilité

Les témoins se préoccupent beaucoup de la responsabilité des médecins, des hôpitaux, des organismes de collecte et des provinces dans le dépistage des donneurs et le prélèvement des transplants. Sans entrer dans les détails, certains témoins ont parlé d'intervenants indépendants qui fonctionnent hors du cadre de la profession, des hôpitaux ou du gouvernement, situation rendue possible par l'absence de structure officielle et de leadership. On a dit au Comité que certaines régions du pays présentent toujours un taux plus élevé de don d'organes et de tissus que d'autres, mais que d'autres régions ont un taux de don très variable. On prétend que l'analyse des bonnes pratiques de collecte ne peut donner des résultats fiables que là où le taux de don est constamment élevé. Voilà un des domaines où les témoins ont proposé une structure nationale pour examiner quelles sont véritablement les pratiques, et surtout pour comparer le rendement de chaque province, constater ce qui marche et ce qui ne marche pas, et faire des recommandations à cet égard.

Au niveau des professionnels de la santé, les témoins ont traité de la nécessité d'une distinction plus nette entre ceux qui fournissent les soins intensifs, ceux qui dépistent les donneurs, assurent leur maintien et prélèvent les transplants et, enfin, ceux qui pratiquent les greffes. La plupart des organismes provinciaux de collecte d'organes sont nés du besoin local d'organes à des fins de transplantation, et il y a actuellement un lien étroit entre la collecte et la transplantation. Plusieurs témoins sentent le besoin de dissocier la collecte de la greffe, afin de garantir au public donneur que leurs besoins de soins intensifs ne seront jamais compris par les besoins de transplantation d'une autre personne. Le Comité convient avec une bonne part des témoins qu'en termes de contacts professionnels, la collecte doit être complètement dissociée de la transplantation. Il suggère que les programmes actuels et futurs fassent en sorte que les équipes de collecte qui cherchent à recruter les donneurs soient complètement dissociées des professionnels participant à l'étape de la transplantation.

Au niveau de l'hôpital, le Comité s'est fait dire qu'en plus des problèmes de dépistage des donneurs dans les salles d'urgence, les USI et les USG, la pénurie des lits disponibles aux soins critiques ou intensifs limite la possibilité de maintenir les donneurs potentiels avant le prélèvement des organes et d'opérer les receveurs. Le Comité convient, avec de nombreux témoins, qu'il faut trouver des façons d'affecter des fonds particuliers aux hôpitaux pour leur permettre de pallier ces contraintes et de faire en sorte qu'il y ait suffisamment de lits pour les opérations de prélèvement de transplants et de greffe.

Quelques témoins proposent des sanctions financières et autres, comme la perte d'accréditation ou des amendes, pour l'inaction ou le non-respect des consignes de dépistage et de maintien des donneurs. Cependant, la plupart des témoins ont affirmé que les hôpitaux deviendraient plus responsables si on leur donnait des incitatifs financiers. À l'heure actuelle dans la plupart des provinces, le dépistage des donneurs se fait de façon volontaire et à partir du budget global de l'établissement. Le Comité s'est fait dire que les hôpitaux doivent puiser à même leurs ressources pour maintenir les donneurs jusqu'à ce que les organes puissent être prélevés, ce qui coûterait 6 000 $ par donneur en moyenne en sus des frais assurés. D'autres pays se sont attaqués au problème des coûts pour l'hôpital. Ainsi, en Grande-Bretagne, un hôpital qui suit les consignes pour le prélèvement peut réclamer 1 000 Livres; en Espagne, un hôpital reçoit l'équivalent de 8 500 $ de plus dans son budget annuel pour chaque donneur, selon les données de l'année précédente.

Le Comité convient avec les témoins que les considérations financières découragent le dépistage des donneurs potentiels; il appuie le remboursement des coûts du maintien des donneurs et du prélèvement des organes. Les provinces ont la responsabilité du budget des hôpitaux et certaines ont lancé des programmes pour rembourser les frais de la collecte, notamment la Colombie-Britannique et le Québec. Les témoins ont noté que toute nouvelle obligation pour les hôpitaux devrait s'accompagner des fonds requis, dans le difficile contexte financier actuel des hôpitaux. Le Comité aimerait voir un système de remboursement des frais du maintien des donneurs et du prélèvement des transplants, avec des fonds divisés convenablement entre les établissements.

d. Normes

À cette étape, les discussions ont porté sur la responsabilité morale envers les individus qui avaient déjà signifié leur volonté de faire un don, par rapport à la responsabilité des proches dans le deuil. En pratique, les professionnels de la santé se sentent tenus d'obtenir le consentement des proches même s'ils connaissent la volonté du donneur. Quelques témoins affirment que les proches n'ont pas le droit de renverser la décision du donneur, et que les professionnels de la santé ont l'obligation d'y donner suite; cependant, la plupart des témoins affirment qu'il serait moralement inacceptable de négliger les émotions de la famille en deuil. On a fait valoir que la participation de la famille est essentielle pour valider les réponses au questionnaire médico-social, servant également à garantir la qualité et la sécurité des transplants, et également que le prélèvement fait appel à la consultation et à l'éducation de la famille. Une petite minorité de témoins considère qu'une fois la mort cérébrale déclarée, toute opération subséquente sur la dépouille peut être considérée comme une mesure prise pour en disposer et qu'à ce titre la famille n'a pas à être consultée. Le Comité est convaincu que la pratique actuelle de demander le consentement de la famille avant de donner suite au prélèvement constitue l'approche la plus prudente et qu'il convient de respecter les émotions, les croyances, la sensibilité et les appréhensions des familles éprouvées.

On a également voulu savoir si la volonté préalable du donneur potentiel maintenant dépisté constituait un consentement éclairé. Selon plusieurs, les soignants sont tenus d'obtenir un consentement éclairé du malade ou du proche pour tout traitement ou acte médical, incluant le don d'organes et de tissus. Il doit y avoir interaction entre le soignant et le malade, pour que les deux conviennent du traitement ou de l'acte. Les malades ou les proches doivent se faire présenter tous les faits à partir desquels prendre une décision éclairée et doivent avoir la possibilité de poser toutes les questions. Le consentement éclairé suppose trois éléments : la compétence, la divulgation et la compréhension, et la volonté. Le consentement éclairé au don, accordé par le malade avant sa mort ou par la famille au moment de la mort cérébrale, doit inclure l'information sur des éléments comme la notion de mort cérébrale, tous les actes médicaux nécessaires au maintien du donneur et au prélèvement des transplants, ainsi que le sort prévu de ces transplants. On a soutenu devant le Comité que le consentement éclairé est une nécessité et que cette étape est la seule à laquelle on peut l'obtenir. À ce propos, il faut l'obtenir de la famille, et les critères du consentement éclairé doivent faire partie de toute formation professionnelle.

On a également abordé plusieurs fois le système du consentement présumé. Il s'agit d'un système par lequel toute personne est présumée avoir consenti au don d'organes et de tissus à moins qu'à un moment donné durant sa vie, elle ait exprimé la volonté contraire. On a affirmé que les Canadiens s'opposeraient à un tel système et qu'en outre rien ne prouve qu'il favorise substantiellement le don d'organes dans les pays où il est appliqué. En l'absence de preuve, le Comité ne peut pas imaginer que le milieu médical ou juridique serait favorable à ce système.

Pour les professionnels de la santé, on a traité des normes cliniques et de celles découlant des règlements. Les témoins proposent que ce soit chaque hôpital, ou les ordres de médecins et d'infirmières, qui rédigent les directives ou les normes cliniques qui concernent le maintien des donneurs et le prélèvement des organes et des tissus. L'objectif de ces protocoles serait d'aider le praticien et la famille à décider des soins dans des contextes cliniques particuliers. Les témoins ont discuté quelque peu du besoin d'inscrire dans la loi l'obligation, pour les professionnels de la santé, de dépister les donneurs. Certains pensent que des mesures comme la demande obligatoire ou la référence obligatoire peuvent augmenter sensiblement le nombre de donneurs décédés dépistés chaque année et signalent le succès obtenu en Pennsylvanie par le changement à la loi. On a souvent affirmé que l'obligation de référer tous les donneurs potentiels, au Canada, peut-être à l'organisme régional de collecte, augmenterait immédiatement le nombre de donneurs. Comme les hôpitaux disposent déjà, en principe, d'un système de dépistage des donneurs et de prélèvement des organes, les témoins insistent sur le fait que cette nouvelle exigence légale aurait rarement besoin d'être appliquée.

Le Comité appuie l'uniformisation de la déclaration des donneurs potentiels, mais reconnaît que la loi exigeant que les professionnels de la santé fassent rapport relève des provinces. La Colombie-Britannique a indiqué que son règlement exige la déclaration immédiate d'un décès ou d'un décès imminent et le contact du proche. L'établissement doit conserver des dossiers sur les déclarations et former les professionnels de la santé à l'approche du parent. Les lois du Manitoba, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard prévoient également demander la permission des familles. Considérant la responsabilité provinciale mais également la nécessité d'uniformité nationale, le Comité voit un rôle d'évaluation des pratiques, à des fins d'efficacité, pour un organisme national. Il suggère que les ministres de la Justice du fédéral, des provinces et des territoires considèrent cette question à leur prochaine rencontre.

Les témoins ont discuté des normes d'établissements. Il a notamment été question des normes d'accréditation des hôpitaux qu'on percevait comme un mécanisme clé pour les rendre responsables de leur rendement. On estime nécessaire qu'il y ait examen et contrôle continus du rendement des procédures d'identification, de gestion et de collecte au sein de l'hôpital. En particulier, les établissements doivent faire la preuve qu'ils ont les ressources et les équipes nécessaires pour bien fonctionner. Les témoins concernés par la collecte et la mise en banque des tissus ont exprimé le besoin d'un mécanisme d'accréditation pour les organismes de collecte des organes et des tissus. À l'heure actuelle, l'accréditation est décernée par la Eye Banking Association of America, l'American Blood Banking Association, l'American Association of Tissue Banks, et on prévoit qu'il en sera de même à l'avenir pour la Foundation for Accreditation for Hematopoietic Cell Therapy. Le Comité accepte la suggestion de recourir à l'accréditation comme moyen de contrôler le rendement des établissements en matière de collecte et propose que les organismes provinciaux d'accréditation établissent une catégorie pour mesurer le rendement de la collecte des transplants.

À cette étape de la chaîne don-greffe, les témoins ont manifesté le besoin d'un règlement régissant la sécurité et la qualité des transplants. Les mesures réglementaires proposées par le gouvernement fédéral sont encore à l'état d'ébauche. Élaborée dans le cadre de la Norme générale canadienne sur la sécurité des organes et tissus destinés aux greffes (NGC), cette démarche est maintenant dans les mains de l'Association canadienne de normalisation. La NGC doit également inclure des normes secondaires sur les organes et les tissus particuliers. Plusieurs témoins ouvrant à la collecte et à la mise en banque des tissus ont dit qu'une norme nationale faisait défaut et qu'il était difficile d'en avoir une dans le contexte de la diminution du financement des hôpitaux. Il faudrait selon eux des normes nationales dynamiques, adaptables à l'évolution de la technologie et du savoir, et un comité d'experts pour assurer un suivi. Le Comité s'inquiète du temps que prend la normalisation. Entreprise au début de 1996, la NGC n'est toujours pas prête, à l'Association canadienne de normalisation. Le Comité aimerait que la norme soit adoptée rapidement, que la Loi sur les aliments et drogues y fasse référence, et qu'elle soit mise en oeuvre à l'échelle nationale.

4. En réponse aux préoccupations susmentionnés concernant les données, l'éducation, la responsabilité et les normes, le Comité recommande que le groupe d'experts du Réseau canadien des transplants chargé du volet national touchant le dépistage des donneurs, leur maintien et la cueillette des organes entreprenne les activités suivantes :

4.1 Faciliter la création de bases de données rationales sur les donneurs potentiels et effectifs, en misant sur l'expertise du Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes de l'Institut canadien d'information sur la santé et les organismes provinciaux appropriés;

4.2 Contribuer aux campagnes d'éducation du public et des professionnels, comprenant notamment la reconnaissance des familles des donneurs, leur soutien et la formation des professionnels sur les façons d'approcher les familles;

4.3 Encourager l'établissement de systèmes pour suivre les opérations dans les hôpitaux et entreprendre des mesures incluant des incitatifs comme le remboursement des frais encourus;

4.4 De concert avec la Conférence F-P-T des ministres de la Justice, évaluer les obligations en matière de demandes et de rapports des lois provinciales sur les dons de tissus humains;

4.5 Coordonner la rédaction, la mise en oeuvre et la révision des normes et voir à l'efficacité des règlements sur le prélèvement des transplants, leur conservation et les tests qui sont faits sur eux;

4.6 Évaluer les normes et les mécanismes de contrôle de la qualité des laboratoires.

3. Groupe d'experts sur l'attente, le partage et la distribution

a. Données

Deux éléments d'information, les listes d'attente et les données de distribution, apparaissent comme utiles à cette étape de la chaîne don-greffe. Le premier élément porte sur les receveurs potentiels et le deuxième, sur les organes et tissus disponibles et sur la façon qu'ils sont distribués.

Les témoins ont dit au Comité que les listes d'attente des receveurs d'organes continuent d'augmenter; dans certains cas, l'augmentation serait de 68 p. 100 depuis 1991. En 1997, plus de 3 000 Canadiens étaient inscrits sur une liste d'attente pour des organes pleins, et plus de 140 sont morts faute d'organe disponible. Des témoins ont affirmé qu'entre 15 et 25 p. 100 des malades en attente d'un organe autre que le rein et 6 p. 100 des receveurs potentiels de reins allaient mourir avant de recevoir l'organe attendu. Les données sur les décès des personnes en attente sont déjà recueillies par le RCITO. Cependant, on ne sait pas bien si ces données comprennent les malades morts après avoir été retirés des listes d'attente, parce que la transplantation présentait un risque trop grand pour eux. Le Comité a appris que quand l'état d'un malade se détériore, il arrive qu'il ne soit jamais inscrit sur la liste d'attente ou qu'il en soit retiré jusqu'à ce que ses chances de survivre à la chirurgie soient acceptables. Le Comité estime que le registre pourrait recueillir des données plus complètes sur les décès, en incluant les personnes qui ont été retirées de la liste et celles qui n'ont pas survécu assez longtemps, ou n'ont jamais été assez stables pour figurer sur la liste. L'état de ces malades au moment de la mort devrait également figurer dans les données, car cela peut influer sur les algorithmes de distribution. En outre, il conviendrait peut-être de distinguer, au sein de la population en attente de transplantation, ceux qui attendent une nouvelle transplantation.

Les témoignages étaient moins nombreux sur les listes d'attente pour les tissus. Pour la cornée, le temps d'attente va de 3 à 6 mois au Québec et en Ontario, de 12 à 24 mois en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba et dans l'Atlantique. Le Comité estime qu'on manque de données sur les tissus et aimerait que le RCITO établisse la liste des établissements qui prélèvent, conservent et greffent des tissus. Le Registre pourrait également fournir des listes d'attente pour les tissus.

On a étudié de près la question de la liste d'attente nationale pour les receveurs potentiels d'organes autres que le rein, tenue bénévolement pendant plusieurs années par MORE Toronto. Le projet de remplacer le système artisanal actuel, consistant à télécopier chaque semaine une liste, par un système informatisé à coût partagé, afin de produire une liste en temps réel, est tombé en panne faute d'une entente entre tous les établissements de transplantation. Le groupe de Toronto affirme qu'il ne peut plus se permettre d'investir des ressources financières et humaines dans la production de la liste hebdomadaire, qui a depuis été prise en charge par MORE London. Des témoins affirment qu'il faut une liste d'attente en temps réel pour les organes pleins afin que la distribution puisse être équitable. Le Comité s'est fait dire qu'il faut affecter des fonds à cet effet le plus tôt possible. En outre, MORE Ontario affirme que sa base de données automatisée de distribution pourrait constituer un modèle et un point de départ pour une liste nationale.

Dans le domaine de la distribution et du partage des transplants, on a fait état du manque d'uniformité entre les régions et des efforts entrepris pour établir des algorithmes nationaux de partage des organes et des tissus. Pour les organes en particulier, plusieurs témoins ont signalé que des règles et des directives claires de répartition existaient déjà ou étaient en cours de rédaction. À compter de 1991, on a créé un groupe de travail propre à chaque organe, d'abord pour le foie, puis pour le poumon. Pour le coeur, le rein et le pancréas, on a créé les groupes de travail en mars 1999. Le Comité est persuadé que les organismes mandatés pour établir et tenir à jour les algorithmes de distribution sont compétents pour effectuer leur tâche. Cependant, il est bien conscient des contraintes qui pèsent sur eux et aimerait que des fonds suffisants soient mis à leur disposition.

Certains témoins ont affirmé que la distribution des tissus entre les provinces laissait beaucoup à désirer. Pour ce qui est de la cornée, on note que l'attente est anormalement longue dans certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique, tandis que l'offre est suffisante à Toronto et au Québec. Cet écart découle d'une mauvaise distribution des cornées entre les régions, attribuée en partie à des normes d'accréditation différentes pour les établissements de transformation et de conservation. Ainsi, la Colombie-Britannique n'accepte pas les cornées prélevées en Ontario, malgré sa longue liste d'attente. Les données d'une banque d'os ontarienne indiquent que pour des têtes de fémur de 41 donneurs décédés et de 153 donneurs vivants, 724 fragments osseux ont été distribués, surtout en Ontario, mais également au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Israël.

Selon les témoins, une autre donnée devrait également être consignée, soit la provenance et la destination de tous les transplants. Cela permettrait d'évaluer l'issue générale de la distribution et fournirait une information précise sur des variables comme le gaspillage ou la non-utilisation des organes et des tissus. Pour beaucoup, la cueillette et l'analyse des données sont nécessaires pour permettre de repérer et de modifier tout écart par rapport aux algorithmes ou toute faiblesse de ceux-ci. Le Comité est d'accord avec ceux qui suggèrent la création d'un comité de surveillance ayant le pouvoir d'obtenir les résultats et d'agir à partir de ceux-ci.

b. Éducation

Des témoins ont expliqué que si l'information sur les listes d'attente et la répartition des transplants était recueillie et évaluée, on pourrait l'utiliser à la fois pour éduquer le public et les professionnels. Cette information pourrait faire partie des campagnes visant à rassurer le public sur le fait que les critères utilisés pour inscrire quelqu'un sur une liste d'attente et lui assigner une priorité sont encadrés par un système ouvert et transparent. Ces données pourraient également servir à l'éducation des professionnels en faveur d'une bonne utilisation des listes d'attente et des mesures de répartition. Il s'agirait également d'une source cohérente de données pour les professionnels de la santé qui travaillent à la création et à la révision des algorithmes de distribution. Le Comité estime que les données recueillies sur la répartition des organes et des tissus devraient servir par la suite à renforcer la confiance du public envers le don et la transplantation et à l'éducation des professionnels sur la mise à jour et le respect des algorithmes.

Le Comité s'est fait expliquer un peu le mode actuel de distribution des foies à des fins de greffe. Les quatre critères utilisés sont révisés chaque année : urgence médicale, lieu, compatibilité sanguine (groupes A, B, O), temps d'attente. D'autres facteurs non inclus dans l'algorithme où les calculs peuvent être jugés pertinents comme la distance entre le point de don et le point de greffe, la taille physique de l'organe et les attributs pertinents du receveur potentiel. Pour l'urgence médicale, la classification est la suivante :

    4F Patient intubé en unité de soins intensifs avec hépatite fulminante. Mort imminente.

    4 Patient intubé en unité de soins intensifs à cause d'une insuffisance hépatique grave ne correspondant pas à la définition d'hépatite fulminante. Mort imminente.

    3F Patient en unité de soins intensifs ou critiques à cause d'une hépatite fulminante et présentant un risque de décès élevé.

    3 Patient en unité de soins intensifs à cause d'une maladie hépatique présentant une ou plusieurs caractéristiques de détérioration de la fonction hépatique (créatinine à sérique élevée ou encéphalopathie de niveau 3 malgré la thérapie).

    2 Malade hospitalisé mais stable, ou présentant une tumeur hépatique, ou en attente d'une transplantation foie-intestin.

    1 Malade à la maison.

    0 En sursis temporaire (peut être retiré temporairement de la liste parce que la chirurgie présente un risque trop grand).

Les témoins considèrent qu'une meilleure communication au sujet des listes d'attente et des critères de distribution favoriserait la collaboration du public et des professionnels de la santé. L'éducation sur ces questions pourrait faire partie des programmes de formation permanente des médecins et des infirmières. Le Comité est d'accord qu'une formation permanente sur les règles de distribution pour les professionnels de la collecte et de la transplantation, et pense qu'elle favoriserait une communication ouverte avec le public.

c. Responsabilité

On a discuté fréquemment de la responsabilité en matière de répartition. Des témoins estiment que la distribution des organes est une question nationale qui exige des mécanismes de responsabilité nationaux. On a parlé d'une approche nationale pour que les algorithmes de distribution soient bien utilisés par les individus et les organismes participant à la chaîne don-greffe. Certains témoins affirment que le malade qui reçoit l'organe est bien celui qui en a le plus besoin, mais d'autres ne sont pas du même avis. Le Comité s'est fait dire qu'en l'absence d'une structure nationale, des professionnels et des établissements ont commencé à établir des liens téléphoniques informels à l'échelle du pays. Cela donne lieu à des initiatives indépendantes hors du système. Les témoins ont utilisé les arguments semblables pour les tissus. Pour le Comité, il est clair qu'une évaluation nationale des algorithmes de répartition garantirait le respect des formules.

La façon dont on a développé les directives de distribution et de partage des foies est révélatrice. Ces directives n'existent que parce que les médecins et les chirurgiens pratiquant cette transplantation ont reconnu le besoin d'un mécanisme de partage pour les malades prioritaires et la nécessité de critères uniformes d'inscription aux listes d'attente. Travaillant sans mandat ni aide du gouvernement, mais avec l'aide financière de compagnies pharmaceutiques, un groupe bénévole de médecins, de chirurgiens et de coordonnateurs de la transplantation a produit les directives.

Le Comité a reçu le témoignage de l'OCCETS sur une étude des critères actuels de sélection des receveurs adultes d'un coeur, d'un rein et d'un foie. L'Office note que si les centres suivent des méthodes assez semblables pour inscrire les malades partout au pays, l'importance accordée à certains critères varie. Ainsi, pour certains établissements, l'âge ou la situation professionnelle sont très importants tandis qu'ils ne sont pas très importants pour d'autres. Il y a également des différences selon les organes. Ainsi, si l'alcoolisme et la toxicomanie sont importants pour les greffes du coeur, du rein et du foie, le tabac est quant à lui très important pour les greffes du coeur. Pour le coeur également, l'appui du milieu est jugé primordial tandis que pour la greffe du rein, ce critère n'est pas essentiel. Le Comité aimerait voir plus d'uniformité dans les critères d'inscription aux listes à l'échelle du pays.

L'exportation des transplants interpelle également la responsabilité des établissements qui y participent. Ainsi, le Comité s'est fait dire que, dans certaines provinces, des compagnies américaines achètent des tissus pour les revendre aux États-Unis. On observe que lorsque la demande est plus faible pour les tissus, et que le taux de don est élevé dans certaines régions, les hôpitaux locaux peuvent faire de l'argent en vendant des tissus. Le Comité pense que la capacité de recueillir, suivre et échanger les données sur la distribution des transplants diminuera et, à terme, éliminera l'exportation des organes et des tissus hors du pays.

Le Comité a été heureux de se faire expliquer un service particulier offert par l'Association canadienne des dons d'organes, qui contribue au processus de distribution, au Québec. Cet organisme sans but lucratif, qui travaille à sensibiliser le public, a entrepris il y a quelques années de fournir le transport d'urgence des transplants d'organes. À cette fin, il fournit des véhicules d'urgence tout équipés mais compte sur le service bénévole de 2 000 policiers. Grâce à ses liens étroits avec Québec Transplant, qui y achemine les appels de ses coordonnateurs, l'Association canadienne des dons d'organes assure le transport des organes et des équipes médicales de l'hôpital à l'aéroport et entre les hôpitaux. Le financement de cette opération provient principalement du Groupe La Mutuelle et de la Fondation Canadian Tire du Québec, ainsi que de dons. Le Comité aimerait qu'on analyse les possibilités d'étendre ce service partout au Canada. Il est particulièrement intéressé à l'idée de partenariat avec le secteur privé.

d. Normes

Les préoccupations des témoins relatives aux normes et aux principes de déontologie incluaient notamment la confidentialité des données recueillies et l'anonymat nécessaire entre le donneur et le receveur. Le Comité reconnaît que les questions de protection des données personnelles ont une grande portée et désire que toutes les précautions soient prises avec consultation avec les commissaires à la vie privée du fédéral et des provinces.

Plusieurs témoins ont abordé les questions morales soulevées par les décisions de répartition, et la nécessité d'un accès équitable aux transplants disponibles. Pour plusieurs, les organes de transplantation ne sont pas une ressource illimitée et la transplantation ne se compare donc pas aux autres questions de santé publique. Ils ont demandé si des situations peuvent justifier un traitement différent des receveurs potentiels. Ils ont ainsi mentionné les antécédents de tabagisme, d'alcoolisme ou de toxicomanie; le cas des receveurs qui ne sont pas résidents permanents du Canada ou qui attendent une deuxième greffe. Le Comité est convaincu que les organisations intéressées à un organe particulier considéreront de façon juste toutes ces questions dans la formulation des algorithmes de distribution.

Quand les témoins parlent de normes relatives à la distribution des transplants, on ne sait pas très bien s'ils évoquent des normes professionnelles ou des règlements. Ils affirment qu'il faut des normes de distribution ou des algorithmes de partage pour chaque organe et tissu, et une procédure d'accréditation reconnaissant les critères de transport et de conservation des transplants. Pour de nombreuses banques de tissus, la distribution des tissus entre les régions exige une accréditation reconnue mais celle-ci est trop coûteuse pour de nombreux établissements. En outre, certains témoins affirment que des normes de distribution uniformes entre les provinces pourraient fournir des critères plus précis pour le transfert interprovincial des transplants. On pense que des normes de distribution bien conçues et bien gérées favoriseraient un partage à l'échelle nationale. Le Comité convient que l'organisme national devrait assurer le suivi et garantir le respect des règles de distribution.

5. En réponse aux préoccupations susmentionnées concernant les données, l'éducation, la responsabilité et les normes, le Comité recommande que le groupe d'experts du Réseau canadien des transplants, responsable du volet national touchant l'attente, le partage, le jumelage et la distribution entreprenne les activités suivantes :

5.1 Faciliter la mise sur pied d'une liste d'attente nationale en temps réel pour tous les organes pleins comme le coeur;

5.2 Contribuer aux campagnes de sensibilisation du public et de formation des professionnels;

5.3 Assurer l'établissement des algorithmes de partage et de tout mécanisme de mise en application;

5.4 Constituer un système de suivi de l'information et encourager la rédaction de politiques sur l'importation et l'exportation des transplants.

4. Groupe d'experts sur l'issue de la transplantation

a. Données

Des témoins ont noté que la cueillette et l'évaluation des données de transplantation des organes et des tissus doivent être polyvalentes. Le grand public, tout comme les professionnels de la santé et les décideurs, veulent savoir qui reçoit les transplants, quels organes et tissus ils reçoivent, où l'opération a eu lieu, quel est l'effet de l'opération sur le problème de santé qu'on voulait corriger et s'il y a des effets secondaires négatifs quelconques.

À l'heure actuelle, l'Institut canadien d'information sur la santé collige des données rétrospectives sur la transplantation d'organes. Sa base de données indique qu'il y a eu 1 578 transplantations d'organes au Canada en 1997. Il s'agit d'une augmentation de près de 45 p. 100 depuis 1986, qui témoigne surtout de l'accroissement des greffes autres que celles du rein, dont le nombre a relativement peu augmenté. Ainsi, le Comité a appris que depuis 1981, il y a eu plus de 2 000 transplantations cardiaques au Canada, soit entre 160 et 180 par an en moyenne.

Pour les tissus, il n'y a aucune base de données équivalente à celle de l'ICIS sur les organes. Il n'est pas possible de connaître le nombre de greffes de tissus effectuées, la quantité de tissus donnée, la quantité utilisée, mise en banque ou éliminée, quels hôpitaux effectuent les prélèvements et les greffes. Plusieurs témoins représentant des associations intéressées aux tissus à des fins médicales souhaitent que l'ICIS recueille des données à ce sujet. Les derniers chiffres sur les greffes de cornée révèlent de grands écarts : environ 40 à 50 par an en Saskatchewan et au Manitoba, contre 1 000 en Ontario.

Le Comité entrevoit plusieurs façons d'améliorer le RCITO. Ainsi, on pourrait combler certaines lacunes au niveau des données sur les enfants, en particulier sur le lieu des opérations et sur l'issue des transplantations qui les concernent. On pourrait tenir des listes indiquant le nombre et la fréquence des transplantations secondaires d'organes pleins et, au besoin, de n'importe quel tissu. On pourrait établir une base de données sur la transplantation des tissus, les établissements qui les pratiquent et leur issue.

b. Éducation

Le Comité s'est fait dire que la perception demeure, tant dans le public que chez les professionnels de la santé, que la transplantation d'organes est encore au stade expérimental. On a discuté quelque peu du fait que, si certaines transplantations sont maintenant considérées pratique médicale courante, d'autres ne sont pas encore parvenues à ce stade. On a mentionné à ce titre l'utilisation des tissus reproducteurs dans les cliniques de fertilité et le recours aux tissus foetaux pour lutter contre la maladie de Parkinson. Des témoins estiment que, comme les autres actes médicaux, les transplantations pourraient profiter des résultats tangibles de l'évaluation des coûts et des pratiques. L'évaluation pourrait être communiquée au public et au milieu de la santé en général.

Du point de vue du Comité, ces préoccupations sur l'efficacité et le rendement des transplantations devraient être abordées dans les campagnes d'éducation du public et dans les programmes de formation professionnelle. Le public doit savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le dossier de la transplantation. En outre, les professionnels de la santé doivent savoir quand ils travaillent dans les limites des pratiques courantes et quand ils débordent dans l'expérimentation. L'évaluation des résultats de la transplantation devraient être facilement accessibles au grand public et aux professionnels. Pour les professionnels de la santé qui participent à une étape ou à une autre de la chaîne don-greffe, cette information peut faire partie d'une éducation permanente et d'un perfectionnement.

Le Comité voudrait remercier tout particulièrement les nombreuses personnes qui sont receveurs ou membres de familles de donneurs, ainsi que les nombreux organismes provinciaux et nationaux qui jouent déjà un rôle actif dans l'éducation de la population et des professionnels de la santé en matière de transplantation.

c. Responsabilité

En transplantation, les intervenants sont nombreux : gouvernements, hôpitaux et cliniques, professionnels de la santé. Pour chaque transplantation, il est important que le public sache qui est responsable, et également que chaque groupe reconnaisse quel est le résultat attendu de lui.

Les témoins ont souvent souligné le fait que la transplantation d'organes est plus rentable que d'autres solutions médicales de remplacement. En donnant l'exemple de la greffe du rein, ils ont indiqué qu'il en coûte 19 500 $ au total à un hôpital pour toutes les étapes d'une transplantation du rein, contre 50 000 $ par an pour les traitements d'une seule personne dialysée. Ils ont également souligné la différence importante dans la qualité de vie d'un dialysé après une greffe du rein. Cependant, on note également que dans une perspective de santé publique, les économies ne sont pas immédiatement réalisées, puisque dès qu'un dialysé reçoit un rein, un autre malade prend aussitôt sa place et que cela durera tant que les listes d'attente ne se seront pas résorbées.

Questionnés sur les autres greffes, les témoins signalent qu'il n'y a pas pour les autres organes de solution de remplacement analogue à la dialyse. Comme ils le signalent, établir le coût moyen d'un acte médical est un exercice difficile et imprécis auquel le Comité fédéral-provincial de coordination sur la facturation réciproque s'est livré pendant plusieurs années. Le CCFR a considéré les tarifs interprovinciaux pour les transplantations, tarifs qui incluent le séjour à l'hôpital, mais non le paiement du médecin à l'acte, pour une durée moyenne de séjour pour chaque acte médical. Il en est venu à proposer les frais de facturation suivants : 111 120 $ pour la greffe coeur-poumon ou pour le poumon seul, 82 400 $ pour le foie, et 75 220 $ pour le coeur. Pour les tissus, en particulier la moelle osseuse, il arrive à deux coûts : 80 400 $, ou 33 400 $ si le patient reçoit son congé de l'hôpital après 48 heures (greffe autologue).

Les témoins des gouvernements provinciaux qui ont comparu devant le Comité n'ont guère abordé l'étape ultime de la chaîne don-greffe. Par conséquent, le Comité n'a pas reçu beaucoup d'information précise sur les tarifs des médecins pour les actes chirurgicaux ou sur les coûts assumés par les receveurs de transplants. On a seulement mentionné que certaines provinces offrent une couverture limitée pour certains coûts et notamment ceux des médicaments antirejet, des visites de suivi fréquentes, du transport et des traitements suivis loin du domicile. L'Association canadienne des pharmaciens a présenté une étude ontarienne qui révèle des coûts de plus de 500 $ par mois pour la cyclosporine, médicament antirejet que les greffés doivent prendre toute leur vie. Cet organisme réclame un régime national d'assurance-médicaments pour couvrir le coût des médicaments nécessaires.

Dans la perspective des hôpitaux et du médecin, certains témoins ont abordé les mesures entreprises pour évaluer l'issue de la transplantation par le taux de survie. Ils ont affirmé que le taux de survie des greffés après un an a augmenté avec les progrès des médicaments antirejet. Le meilleur taux de survie est celui des greffés d'un rein provenant d'un donneur vivant apparenté, tandis que le taux le plus faible se retrouve chez les receveurs d'un poumon ou d'une combinaison coeur-poumon. Voici les taux de survie après un an, qui ont été présentés au Comité : rein d'un proche vivant (98 %); rein d'un cadavre (95 %); foie (90 %); coeur (85 %); pancréas (79 %); petit intestin (70 %); multiorganes (70 %); poumons (65 %); coeur-poumon (65 %).

Plusieurs témoins ont mentionné que comme les hôpitaux qui pratiquent les transplantations ne sont pas tenus de rendre public le taux de réussite des opérations, ils ne sont pas tenus responsables de leur rendement. Le taux de réussite pourrait englober non seulement la survie, mais également la qualité de vie, le taux d'activités courantes, la productivité sociale, etc. D'autres données pourraient mettre en lumière un lien entre le taux de cancers et certains médicaments antirejet. En outre, le Comité n'a pas eu l'occasion d'entendre des représentants des ordres professionnels provinciaux responsables de l'accréditation des médecins et des infirmières ou, encore, des associations provinciales d'hôpitaux. Quoi qu'il en soit, des témoins nous ont dit que ces groupes sont seuls capables de garantir la meilleure issue possible à la transplantation.

Pour le Comité, la responsabilité à cette étape de la chaîne don-greffe est essentielle pour gagner l'appui total du public. Pour avoir une perspective nationale sur les issues de la transplantation, il faudrait mesurer le taux de survie à divers intervalles, la qualité de vie et les interventions médicales et chirurgicales répétées. En outre, le Comité estime que les mesures des économies financières sont trompeuses si on n'inclut pas d'autres variables comme le nombre de malades en attente d'une nouvelle transplantation.

d. Normes

Pour des raisons morales, les témoins ont réclamé un accès équitable de tous les Canadiens aux greffes. Ils ont parlé de questions d'âge, de sexe, d'origine ethnique, de lieu géographique, de situation économique et d'état de santé. Ils veulent l'assurance que la transplantation elle-même fera plus de bien que de mal, qu'elle prolongera la vie du malade et améliorera sa qualité de vie. Ils sont d'avis que le bien réalisé au profit du receveur doit être mis en perspective du bien collectif pour la société en général. Cela a particulièrement été évoqué au sujet de la transmission de maladies infectieuses par le biais de la transplantation. Le Comité entrevoit un rôle d'évaluation pour le conseil national, afin de garantir que la transplantation soit accessible et bénéfique à tous les Canadiens.

Les témoins ont parlé de l'accréditation des hôpitaux et des normes d'accréditation des médecins lorsqu'on a abordé les directives et les normes professionnelles. Ils réclament des normes claires pour mesurer et évaluer le résultat des actes et des protocoles médicaux, tant au niveau de l'hôpital que de celui du médecin. En outre, ils insistent sur le besoin de reconnaître les situations de conflit d'intérêts entre les soins destinés à un malade pouvant devenir un donneur et les soins donnés à un malade qui espère devenir un receveur. Le Comité désire que l'accréditation des établissements de transplantation soit basée sur des protocoles standard qu'ils établissent et respectent, en plus des rapports réguliers sur les résultats de la transplantation.

Au chapitre des règlements, la plupart des témoins ont parlé de la Norme générale canadienne sur la sécurité des organes et tissus destinés aux greffes, et des normes secondaires s'appliquant aux organes et tissus particuliers. On a demandé au Comité de présumer que ces normes sont suffisantes et seront bien appliquées, position délicate en l'absence de preuves. Il s'inquiète des années déjà écoulées et réclame que la NGC soit achevée le plus rapidement possible. Le Comité recommande que le Réseau national accepte un rôle de suivi pour voir à ce que ces normes sont bien appliquées. Notamment, il veut garantir que les effets secondaires négatifs de la transplantation soient déclarés publiquement et qu'on intervienne au besoin.

L'autre secteur réglementaire abordé lors des audiences concerne la Loi canadienne sur la santé et les principes d'accessibilité, d'universalité, de transférabilité, d'intégralité et d'administration publique. Alors que la question de transférabilité a été abordée par le Comité consultatif sur la facturation réciproque dans l'établissement des tarifs, le Comité s'est fait dire que l'intégralité laisse peut-être à désirer pour certaines utilisations de tissus (par exemple les tissus reproducteurs). Le Comité reconnaît que la création du Réseau canadien des transplants doit s'accompagner d'une entente entre les provinces sur la facturation réciproque touchant les tissus autant que les organes. Il affirme également que l'application des principes de la Loi canadienne sur la santé à la transplantation des organes et des tissus doit être évaluée de façon continue.

6. En réponse aux préoccupations susmentionnées concernant les données, l'éducation, la responsabilité et les normes, le Comité recommande que le groupe d'experts du Réseau canadien des transplants, chargé de la surveillance du volet national concernant l'issue de la transplantation, entreprenne les activités suivantes :

6.1 Faciliter l'établissement d'une base nationale de données sur l'issue de la transplantation en misant sur l'expertise du Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes de l'Institut canadien d'information sur la santé;

6.2 Coordonner la mise sur pied de programmes d'éducation et de sensibilisation du public, en faisant appel aux receveurs;

6.3 Suivre les résultats du travail des professionnels et aider à mettre sur pied la formation professionnelle en cette matière;

6.4 Établir un mécanisme pour voir si les principes de la Loi canadienne sur la santé soit appliqués et renforcés dans le domaine de la transplantation des tissus et des organes.