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HEAL Rapport du Comité

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CHAPITRE 4
QUESTIONS CONNEXES

Plusieurs questions qui se distinguent par leurs caractéristiques particulières des considérations générales examinées jusqu'ici ont été relevées tout au long de l'étude. Ce chapitre traite des enfants, des familles des donneurs et de la mort cérébrale.

A. ENFANTS

Les besoins particuliers des enfants ont été évoqués à plusieurs reprises sous des angles comme le consentement personnel, la formation des professionnels de la santé sur la façon d'aborder les familles, la répartition des organes et la collecte de données.

Au sujet de la volonté et du consentement personnels, des témoins se demandaient s'il convenait que les parents expriment la volonté de leurs enfants. La possibilité de consigner sur sa carte d'assurance-santé le choix d'un enfant concernant le don d'organes ou de l'enregistrer par d'autres mécanismes de consentement éventuels, comme les déclarations d'impôt sur le revenu, a été soulevée. Des témoins ont fait remarquer que l'idée d'obtenir le consentement préalable d'un parent risquerait de poser des problèmes en cas de rupture de la famille.

Des témoins ont fait état du malaise général des professionnels de la santé lorsqu'ils sollicitent des dons d'organes des familles en deuil surtout lorsque le donneur potentiel est un enfant ou un bébé. Tout en reconnaissant pour la plupart que les parents sont particulièrement abattus dans ces cas, certains estimaient qu'il n'était pas justifié de solliciter un don alors que d'autres affirmaient que, s'ils sont abordés avec délicatesse, les parents trouvent souvent consolant de pouvoir tirer quelque chose de positif de la tragédie qui les frappe.

Sur le plan de la répartition et de la transplantation, beaucoup de témoins ont raconté comment les cas pédiatriques présentent des difficultés particulières. En plus du problème habituel de compatibilité tissulaire avec le greffé potentiel, il faut aussi tenir compte de la compatibilité de taille, surtout dans les cas du coeur et du poumon. Impossible de réduire la taille de ces organes pour les insérer dans la cavité thoracique réduite d'un enfant. De même, un coeur d'enfant ne saurait donner un rendement suffisant dans la poitrine d'un homme adulte. À cause de ce problème de compatibilité de taille avec le coeur et les poumons en particulier, certains jugent important d'encourager les professionnels de la santé à prendre les jeunes donneurs en considération et de tenir compte des contraintes de taille dans les algorithmes de répartition.

L'ICIS a confié au Comité qu'il recueille des données sur les greffes pratiquées sur des enfants de moins de 17 ans dans le RCITO. Celui-ci révèle cependant qu'il y a eu, au Canada, en 1996, 49 donneurs d'organes âgés de 14 ans ou moins. Par ailleurs, 28 greffes de rein et 40 greffes de foie ont été pratiquées sur des enfants. Le registre indique en outre que, contrairement aux personnes plus âgées, chez qui une part notable des décès est attribuable à une lésion intracrânienne, le décès des 14 ans et moins est le plus souvent dû aux accidents de la route et à des causes inconnues ou autres. D'après les témoignages entendus, certaines des causes de décès des bébés, leur sont propres comme le syndrome du bébé secoué et la mort subite du nourrisson.

Il ressort du débat considérable suscité par la question de la mort cérébrale que, bien que les critères de la mort cérébrale chez les adultes soient bien établis et acceptés par le milieu médical, ce n'est pas pour les très jeunes. Trois associations neurologiques canadiennes ont récemment proposé d'autres critères de diagnostic de la mort cérébrale chez les nouveau-nés et les jeunes enfants; ces critères sont examinés dans la partie du rapport qui porte sur la mort cérébrale.

7. Conscient des besoins particuliers des jeunes greffés, le Comité recommande que le nouvel organisme national surveille :

7.1 Que les listes d'attente en temps réel d'organes pleins distinguent les cas pédiatriques;

7.2 Que les règles de partage établies pour le coeur et le poumon tiennent compte des exigences pédiatriques;

7.3 Que le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes distingue dans ses données les cas pédiatriques.

B. FAMILLES DES DONNEURS

Selon la majorité des témoins, l'intervention des familles est indispensable, surtout pour la collecte d'organes. Les témoins jugeaient essentiel de discuter en famille de la question du don d'organes afin de connaître la volonté de chacun. Il semble qu'une famille abordée au sujet du don d'organes refuse rarement lorsqu'elle connaît les voeux du défunt. Selon certains, le taux de consentement, de 96 p. 100 lorsque les familles connaissent la volonté du défunt, n'est que de 58 p. 100 autrement. Plusieurs discussions ont porté sur les moyens d'encourager de telles discussions au sein des familles, y compris la possibilité de poser des questions à ce sujet sur les cartes de donneur et d'y ajouter une case pour indiquer le nom d'un proche qui a été témoin de la volonté exprimée par l'intéressé de faire don de ses organes.

Les membres du Comité ont manifesté un intérêt particulier à promouvoir les discussions familiales sur les dons d'organes et de tissus et ont songé à des façons dont ils pourraient sensibiliser plus de Canadiens à la question. Conscients du fait qu'ils peuvent, en tant que parlementaires fédéraux, atteindre pratiquement tous les Canadiens par les bulletins parlementaires qu'ils envoient périodiquement dans leur circonscription, ils croient que ces envois postaux pourraient être un moyen utile de sensibiliser les familles.

8. Pour appuyer le processus de sensibilisation et d'implication des familles, le Comité recommande :

8.1 Que le Président de la Chambre des communes produise, de concert avec les députés, un feuillet d'information que ceux-ci pourraient joindre au bulletin parlementaire posté chaque année vers la Semaine nationale de la sensibilisation aux dons d'organe.

L'intervention des familles est jugée vitale à l'étape de l'obtention des organes et tissus, surtout lorsque la volonté du donneur potentiel est connue. Le Comité a entendu des arguments pour et contre l'idée d'aborder des familles pour obtenir leur consentement même lorsque le donneur potentiel a clairement indiqué sa volonté de faire don de ses organes (p. ex. sur sa carte de santé, son permis de conduire ou une carte de donneur). Plusieurs témoins estimaient que les membres de la famille n'ont pas le droit de déroger à la volonté exprimée par le défunt, tandis que d'autres faisaient remarquer que le fait de rejeter les voeux de la famille ne ferait que créer de la rancoeur et intensifier leur chagrin.

9. Le Comité convient que la participation des familles au don d'organes est essentielle et recommande que le nouvel organisme national surveille :

9.1 Que les campagnes nationales de sensibilisation rassurent le public sur le fait que, peu importe la volonté du défunt, le consentement du plus proche parent sera requis.

Des témoins étaient d'avis que les familles qui consentent aux dons d'organes sont les « véritables héros » et méritent par conséquent une reconnaissance nationale tangible pour le don rendu possible et les vies sauvées ou améliorées grâce à leur générosité. Deux suggestions se sont dégagées : l'une, de décerner une médaille ou une plaque à la famille en l'honneur du donneur et, l'autre, de rendre un témoignage de reconnaissance aux familles lors d'une cérémonie annuelle. Ces deux formes d'hommage existent déjà au Canada, mais il s'agit d'initiatives locales qui se révèlent assez coûteuses pour les organismes locaux.

10. Le Comité convient qu'un témoignage de reconnaissance des donneurs par le biais de leur famille, s'impose et recommande :

10.1 Que le gouverneur général du Canada envisage de remettre des médailles ou des plaques commémoratives aux familles des donneurs lors d'une cérémonie.

C. MORT CÉRÉBRALE

1. Définition de la mort cérébrale

Selon les témoignages entendus par le Comité, alors que le décès était traditionnellement prononcé lorsque la personne cessait de respirer et que son coeur cessait de battre, les progrès technologiques permettent maintenant de maintenir ces deux fonctions vitales par des moyens artificiels. La notion de mort cérébrale remonte à la proposition, faite en 1968, que le décès soit envisagé lorsque le cerveau cesse de fonctionner et que la mort cérébrale soit considérée comme l'équivalent du décès. Cela a donné lieu à la création, dans le monde entier, de comités chargés d'établir des critères de diagnostic de la mort cérébrale. En 1987, un groupe de neurologues, de neurochirurgiens et de neurophysiologues canadiens a proposé un ensemble de critères adoptés ultérieurement par l'Association médicale canadienne (AMC). Une mise à jour a permis d'y ajouter, en janvier 1999, les critères du diagnostic de la mort cérébrale chez les nouveau-nés, les bébés et les jeunes enfants.

Des explications ont également été fournies sur la nature de la mort cérébrale. Le cerveau est composé de deux hémisphères, qui forment la partie cognitive du cerveau, et du cervelet, qui rattache ces deux hémisphères à la moelle épinière. Les centres de contrôle vitaux de la respiration, des battements cardiaques, de la tension artérielle, de la température du corps et d'autres fonctions nécessaires au maintien de la vie se trouvent dans le cervelet. Des malades peuvent être atteints de dysfonctionnement du cerveau « supérieur », des hémisphères ou du cervelet. Ces états pathologiques diffèrent de la mort cérébrale et il importe d'en faire la distinction. Le médecin doit s'assurer que le fonctionnement tant des hémisphères que du cervelet a cessé de façon irréversible.

La mort cérébrale a été définie pour le Comité comme la perte de conscience irréversible conjuguée à la perte totale des fonctions du cervelet, y compris la capacité de respirer. Dans la profession médicale, l'opinion dominante considère que la mort cérébrale équivaut au décès. Pour la personne en cause, l'issue est la mort, quoi qu'il advienne de ses organes. Une fois la mort cérébrale établie, le malade sera débranché de tous les appareils mécaniques. Le maintien par des moyens artificiels n'est pas une option pour les personnes dont la mort cérébrale a été constatée. Lorsque le corps doit être maintenu pour en prélever des organes, les systèmes de soutien vital ne sont laissés branchés qu'à cette fin. D'autre part, l'heure du décès inscrite sur le certificat de décès est celle où le diagnostic de la mort cérébrale est établi, et non pas celle à laquelle les moyens de support vital sont débranchés.

2. Critères de la mort cérébrale

Les critères établis pour déterminer la mort cérébrale ont été conçus de façon que tout médecin puisse, quel que soit le milieu, faire le diagnostic en toute confiance. La conjugaison de tous les critères est nécessaire pour diagnostiquer la mort cérébrale.

  • Le malade est inconscient.
  • Le malade est incapable de respirer spontanément et ne peut donc respirer qu'à l'aide d'un appareil respiratoire.
  • Absence de réaction aux stimuli externes (parole, douleur).
  • Absence de réaction (mouvements de l'oeil) aux mouvements passifs de la tête ou à l'injection d'eau glacée dans les oreilles.
  • Absence de clignement de la paupière lorsqu'on touche à la cornée.
  • Absence de réaction de la pupille lorsqu'un faisceau lumineux intense est pointé sur l'oeil.
  • Le malade est incapable de maintenir sa tension artérielle, de contrôler ses liquides organiques, de maintenir son équilibre électrolytique ou de contrôler la température du corps.

Le médecin doit aussi prendre en considération la température du corps du malade au moment de la perte de conscience et la présence éventuelle dans son système de médicaments susceptibles de causer un état analogue à la mort cérébrale. S'il est impossible de confirmer la mort cérébrale avec certitude par des moyens cliniques, à cause de blessures le plus souvent, l'absence de perfusion cérébrale, vérifiée au moyen d'une angiographie cérébrale ou d'une scintigraphie, peut la confirmer.

3. Mort cérébrale chez les nouveau-nés, les bébés et les jeunes enfants

Le diagnostic de la mort cérébrale chez les nouveau-nés, les bébés et les jeunes enfants a fait l'objet d'études pour déterminer si les mêmes critères que pour les adultes s'appliquent. Le Canadian Neurocritical Care Group a récemment publié, dans le Journal canadien des sciences neurologiques, des lignes directrices qui adaptent les critères de diagnostic de la mort cérébrale aux bébés et enfants. Selon ce document, les critères du diagnostic de la mort cérébrale chez les adultes s'appliquent aux enfants de plus de deux mois qui sont nés après terme. Chez les bébés plus jeunes, les critères cliniques ne suffisent pas à eux seuls. Chez les nouveau-nés et les bébés nés à terme, il faudrait, en plus des critères cliniques, procéder à un examen isotopique du débit sanguin cérébral. Pour les enfants âgés de 2 à 12 mois, il faudrait procéder à deux examens et à deux électroencéphalogrammes, à au moins 24 heures d'intervalle, ou à un seul électroencéphalogramme suivi d'un examen isotopique du débit sanguin cérébral. Pour les enfants de plus d'un an, une période d'observation d'au moins 12 heures est recommandée. Le diagnostic de la mort cérébrale chez les bébés nés avant terme demeure incertain.

4. Précautions

Pour éviter que la mort cérébrale ne soit diagnostiquée prématurément, des précautions s'imposent. Il doit y avoir d'abord une raison de craindre une lésion cérébrale. En plus d'avoir de l'expérience à ce sujet, le médecin qui prononce le diagnostic doit être totalement désintéressé; ce ne saurait être un médecin transplantologue notamment. Il faut également que deux médecins constatent à des moments distincts que l'état du malade correspond aux critères énoncés plus haut. L'irréversibilité est établie par 2 examens dans les 24 heures. Si le moindre doute persiste, il faut procéder à un nouvel examen plusieurs heures après, si possible le lendemain. Le diagnostic ne doit jamais être prononcé à la hâte.

5. Arguments contre la mort cérébrale

Des témoins ont fait observer que la notion de mort cérébrale n'est pas acceptée universellement. Pour certains la mort cérébrale n'est peut-être pas synonyme de décès; elle n'est peut-être qu'un état où la mort est imminente et inévitable. D'autres ont rappelé que, comme certains groupes et particuliers rejettent la notion de mort cérébrale, il importe que les médecins y soient sensibles.

Des témoins doutent de l'infaillibilité du diagnostic de la mort cérébrale. Cela a attiré l'attention sur les critères utilisés pour diagnostiquer la mort cérébrale et sur le fait que même si toutes ces conditions sont réunies, la personne pourrait ne pas être frappée de mort cérébrale. Sans que ce soit contesté par les témoignages d'experts sur la mort cérébrale, on a aussi fait remarquer que le diagnostic ne saurait reposer uniquement sur le fait que l'état du malade répond à tous les critères, et qu'il faut aussi respecter les mesures de précautions pour éviter toute possibilité d'erreur de diagnostic. Plusieurs témoins ont affirmé qu'il est impossible de revenir de la mort cérébrale et que les exceptions résultent des erreurs manifestes de diagnostics.

11. Le Comité, désireux de s'assurer que les critères de la mort cérébrale sont appliqués de façon uniforme, recommande que le nouvel organisme national par ses membres provinciaux et territoriaux, encourage :

11.1 Les hôpitaux où les transplants sont prélevés établissent des protocoles, clairs de détermination de la mort cérébrale, assurent pour chaque diagnostic la responsabilité du médecin et de l'hôpital, et fournissent à tous les professionnels de la santé une formation complète et périodique sur la notion et les critères de la mort cérébrale.