Passer au contenu
;

NDVA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

CHAPITRE V
LA FAMILLE MILITAIRE

INTRODUCTION

Comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, par rapport à la plupart des Canadiens, la vie militaire implique des déménagements plus fréquents, de longues périodes à l'extérieur du foyer et des risques plus élevés de blessure et de décès. Les membres des Forces canadiennes acceptent ces réalités car ils veulent servir leur pays et ont choisi ce style de vie. Mais leurs familles doivent également faire face à ces réalités. Chaque fois que le personnel militaire est affecté à une nouvelle base, les conjoints doivent s'intégrer à de nouvelles collectivités, et dans bien des cas, trouver de nouveaux emplois, alors que leurs enfants doivent s'adapter à de nouvelles écoles et quitter leurs amis. Souvent, cela signifie également une adaptation à une nouvelle réalité linguistique pour les militaires et leurs proches. Chaque fois qu'ils partent pour des missions de maintien de la paix et autres opérations militaires ou des missions d'entraînement, leurs familles doivent affronter du mieux qu'elles le peuvent ces longues absences. Les familles, parents et proches parents du personnel militaire, sont également conscients des risques que représente le service militaire. Dans la mesure où les grands événements qui se déroulent dans les endroits troublés du monde sont diffusés en direct, ils peuvent voir leurs proches dans les situations très dangereuses auxquelles ils sont confrontés, comme cela s'est produit dans l'ex-Yougoslavie où les soldats du maintien de la paix canadiens ont été tenus en otage. Dans ces circonstances, les familles militaires doivent pouvoir compter sur l'information et le soutien dont elles pourraient avoir besoin.

L'appui offert aux familles militaires ne devrait pas être offert après coup. Au contraire, il s'agit non seulement d'un élément important des efforts à consentir pour maintenir le moral et la qualité de vie en général du personnel militaire, mais également une mesure essentielle pour assurer l'efficacité opérationnelle des militaires canadiens. D'autres pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ont reconnu le rôle important que jouent le soutien aux familles et d'autres mesures associées à la qualité de vie pour assurer l'état de préparation opérationnelle de leurs forces militaires. Ils ont mis en place un train de mesures pour répondre aux besoins de leurs familles militaires, notamment des services de garde d'enfants et autres, et continuent de prendre de nouvelles initiatives. De la même façon, les autorités militaires canadiennes doivent continuer de renforcer et d'améliorer le réseau mis sur pied pour informer et aider les familles des militaires.

Après tout, le personnel qui participe aux missions de maintien de la paix et autres opérations militaires ou aux missions d'entraînement peuvent beaucoup mieux se concentrer sur leurs tâches s'ils n'ont pas à se soucier des possibles difficultés que peuvent connaître leurs familles à la maison. De la même façon, les familles militaires accepteront plus facilement les réalités de la vie militaire si elles savent qu'elles recevront de l'information et auront accès à toutes sortes de ressources leur permettant d'y faire face. L'acceptation des réalités de la vie militaire sera d'autant plus facilitée si l'information et l'accès aux ressources sont disponibles dans les deux langues officielles. Sinon, les familles militaires seront de plus en plus nombreuses à persuader leurs parents militaires de mettre fin à leurs carrières et de retourner à la vie civile. L'amélioration de la rémunération et du logement encouragera les gens à rester dans les Forces et à mettre fin à l'érosion de notre réserve de compétences et d'expériences militaires, mais cet investissement sera compromis s'il ne comprend pas de nouveaux programmes de soutien à la famille, un réseau familial dynamique et un accès à ces ressources dans les deux langues officielles.

LE RÉSEAU FAMILIAL

Le réseau familial est en effet le pivot de la vie militaire. Le réseau est composé de divers éléments qui ont chacun leur propre secteur de responsabilité, mais qui peuvent également réunir leurs ressources pour répondre aux besoins des familles militaires. Certains éléments comme les unités et les aumôniers contribuent traditionnellement à aider les familles militaires à s'intégrer dans les nouvelles collectivités et à faire face aux urgences. D'autres éléments sont plus récents, notamment les divers programmes de soutien au personnel et en particulier les centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM). Pour comprendre comment ce réseau fonctionne, il faut en examiner les divers éléments individuellement.

Les unités comme les régiments, les navires ou les escadrons de la Force aérienne, ont toujours offert un soutien aux familles de leur personnel. Ces unités peuvent aider les familles en cas d'urgence médicale, de difficultés financières et autres situations, mais elles jouent également un rôle important pendant les déploiements. Lorsqu'une unité de l'armée est déployée pendant de nombreux mois pour participer à une mission d'entraînement ou de maintien de la paix, elle établit ce que l'on appelle un groupe arrière composé des membres restants. De nombreuses unités ont maintenant acquis une expérience considérable à cet égard en raison des déploiements fréquents dans l'ex-Yougoslavie et d'autres opérations de maintien de la paix dans les années 90. Les unités de la Force aérienne et les navires de la marine sont dotés de groupes semblables appelés éléments de parrainage ou sédentaires. Chaque unité peut avoir adopté une méthode différente, mais les groupes arrières ou de soutien sont en mesure d'aider les familles pendant la longue absence de l'un de leur parent en offrant un certain nombre de services allant du déneigement à des appels téléphoniques réguliers pour voir si elles ont besoin d'aide. Ces mesures peuvent sembler anodines, mais elles sont très importantes pour un conjoint qui s'occupe de jeunes enfants alors que l'autre se trouve loin de la maison pendant six ou neuf mois. Un autre rôle important de ces groupes est de rassurer les familles en leur donnant des renseignements sur la situation dans le secteur où l'unité est déployée ainsi que la date et l'heure du retour de l'unité.

Même si le rôle que jouent les unités est largement reconnu, nous avons entendu des opinions divergentes sur leur efficacité, certaines familles faisant l'éloge de tous les services qu'elles offrent alors que d'autres se sont plaintes d'avoir été laissées pour compte pendant les déploiements. Certaines unités informent très bien les familles pendant les déploiements en se servant des sites Internet et de publications alors que d'autres font très peu pour informer et rassurer les familles. Certains commandants d'unité attachent plus d'importance aux groupes arrières que d'autres, en raison sans doute de leurs diverses expériences avec ces groupes. Cela pourrait expliquer dans une certaine mesure les différences dans le niveau de soutien offert. De toute façon, les différentes méthodes utilisées font en sorte que certaines familles peuvent bénéficier d'un niveau élevé de soutien dans une base et obtenir très peu d'aide de leur unité lorsqu'elles s'installent dans une autre. Cela peut les obliger à dépendre d'autres éléments du réseau de soutien familial qui peut ou non être en mesure de répondre à leurs besoins. Étant donné que certains réservistes sont souvent déployés avec des unités de la Force régulière dans les opérations de maintien de la paix, leurs familles peuvent également avoir des difficultés à obtenir de l'aide des groupes arrières si leurs besoins ne sont pas pris en compte. Pour que les familles puissent obtenir un certain minimum de soutien, quelle que soit l'unité à laquelle les membres militaires de la famille appartiennent, en particulier pendant des déploiements, et pour que les commandants d'unité sachent quelles sont les attentes, il faudrait établir certaines normes pour les groupes arrières et autres groupes de soutien. Il faudrait cependant permettre les initiatives individuelles dans la mesure où aussi bien les unités que les membres de la famille participant à l'organisation des groupes arrières ou des groupes de soutien peuvent choisir de concentrer leurs efforts sur la satisfaction de certains besoins plutôt que d'autres selon les circonstances. Cependant, chacun devrait savoir ce que l'on attend des groupes arrières et des groupes de soutien, c'est pourquoi nous recommandons :

58. Que l'on élabore des lignes directrices pour régir les activités des groupes arrières et d'autres groupes de soutien des unités afin d'assurer un niveau uniforme de soutien aux familles du personnel de la Régulière et de la Réserve pendant le déploiement des unités. On devrait porter une attention particulière aux besoins du personnel d'autres unités déployées à l'étranger avec de plus grandes unités. Ces mesures doivent également tenir compte de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles. Un rapport à cet effet devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Bien que les groupes arrières jouent un rôle important, ils n'offrent pas nécessairement un soutien à toutes les familles des militaires. Certaines unités, comme de nombreuses unités logistiques et de communication, ne bénéficient pas toujours des services des groupes arrières car elles sont trop petites ou ne déploient que quelques-uns de leurs membres à la fois. De toute façon, les familles des militaires ont besoin d'aide, non seulement lorsque les unités sont en déploiement mais aussi le reste du temps. Les familles peuvent obtenir de l'aide de leurs unités en cas de problèmes personnels, financiers ou autres, mais elles n'ont souvent guère d'autres choix que de s'adresser aux aumôniers de la base.

Le service d'aumônerie a toujours été un élément important de la vie militaire canadienne et bien que les aumôniers s'intéressent surtout aux besoins spirituels du personnel militaire et de leurs familles, ils contribuent largement à aider les gens à régler leurs problèmes personnels. Lorsque des familles sont confrontées à une crise financière, au décès d'un proche ou à des tensions entre parents et adolescents, elles se tournent fréquemment vers les aumôniers. Ceux-ci ont souvent une meilleure idée de l'état du moral du personnel militaire et de leurs familles dans une base car les gens se confient à eux et leur expliquent leurs problèmes. Les présentations que nous ont faites les aumôniers dans les bases que nous avons visitées au cours des audiences publiques et des tables rondes avec des responsables de la base nous ont été très utiles au cours de notre étude. Nous avons mieux compris non seulement la situation dans les bases, mais également les difficultés que connaissent les aumôniers depuis quelques années pour aider les familles à comprendre les implications des longs déploiements outre-mer et de la réduction du personnel militaire.

En fait, ces dernières années ont été difficiles pour beaucoup de familles et d'aumôniers. Les familles qui avaient des problèmes ont eu de plus en plus recours aux aumôniers, mais ces derniers et le reste du réseau familial n'ont pas toujours été en mesure de leur fournir l'aide recherchée en raison de retards bureaucratiques et du manque de ressources. Une des questions fréquemment soulevées par les aumôniers concernait les déplacements pour événements familiaux graves, notamment en cas d'urgence familiale comme l'enterrement d'un parent. Le personnel militaire apprend à vivre avec le fait qu'il peut être affecté à une base qui est très éloignée des parents ou d'autres membres de la famille, et le conjoint doit faire face à la même réalité. Ils doivent souvent demander aux aumôniers de les aider à organiser leur propre transport et celui de leur conjoint lorsqu'un parent est très malade ou meurt soudainement.

Le personnel affecté outre-mer peut obtenir des congés pour raisons familiales de même que le remboursement des frais de déplacement pour revenir au pays lorsqu'un parent est malade ou mourant. Mais lorsque le personnel qui est basé au Canada souhaite se rendre dans d'autres parties du pays pour des raisons semblables, ils ont souvent des difficultés à organiser ces voyages à temps. Ils peuvent également devoir payer des frais de transport considérables selon les distances à parcourir. Les conditions sont facilitées lorsqu'ils peuvent profiter de vols militaires pendant au moins une partie du parcours. Mais les sièges sur les vols militaires ne sont pas toujours disponibles pour ce genre de déplacement. Autrefois, les vols militaires étaient surtout des vols de transport militaire réguliers se rendant à divers endroits du Canada, mais ces dernières années, le Ministère a signé des ententes contractuelles avec les compagnies aériennes pour qu'elles assurent le transport du personnel militaire selon les besoins. Lorsque des sièges sont disponibles sur les vols militaires, le personnel qui se déplace pour des raisons familiales peut les utiliser, mais nous avons entendu beaucoup de plaintes au sujet de toute l'incertitude qui entoure la réservation des sièges et leur disponibilité limitée. Ces problèmes causent beaucoup de frustrations dans les familles des militaires, sans parler des aumôniers qui essaient de les aider. On demande également aux aumôniers d'intervenir dans des situations où le personnel a de la difficulté à obtenir des congés pour raisons familiales pour être auprès de parents mourants et pour d'autres types de crise. Les règles régissant les congés pour raisons familiales doivent être plus clairement définies pour que les commandants d'unité et de base de même que le personnel militaire les comprennent mieux et que les préoccupations des conjoints soient prises en compte. De même, les procédures relatives à l'organisation des transports pour des raisons de compassion devraient être examinées pour que le personnel militaire et les familles puissent être assurés de pouvoir voyager lorsque des crises familiales se produisent. Dans cet esprit, nous recommandons :

59. Que l'on élabore une politique clairement définie sur les dispositions à prendre en cas de congé et de déplacement pour raisons familiales afin que le personnel militaire et les familles puissent être assurés de pouvoir voyager de façon appropriée le plus tôt possible en cas d'urgence familiale. Lors d'une demande de congé pour raisons familiales, les aumôniers et les commandants devraient se consulter sur les meilleures dispositions à prendre. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Même si les aumôniers et les unités peuvent donner des renseignements aux familles pour les aider dans certaines situations, ils ont d'autres responsabilités et ne peuvent pas consacrer tout leur temps à des questions familiales. Dans les années 80, on s'est rendu compte qu'il fallait introduire de nouveaux éléments dans le réseau familial pour que les familles de militaires puissent obtenir les renseignements et l'aide dont elles avaient besoin. C'est ainsi que l'on a créé les centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM) dans les bases militaires pour que les familles puissent accéder aux renseignements et aux services dont elles peuvent avoir besoin.

Les centres de ressources pour les familles des militaires est le moyen par lequel le Programme de soutien aux familles des militaires du Ministère, mis sur pied en 1991, est mis en oeuvre. Les centres fournissent des renseignements et des services dans un certain nombre de domaines, notamment la garde d'enfants, l'aide d'urgence et les programmes de bénévolat. Ils aident également les familles à s'intégrer dans leur nouvelle collectivité lorsqu'elles arrivent dans une région. Les centres sont des organismes sans but lucratif et sont constitués en société en vertu des lois provinciales et sont dotés d'un conseil d'administration élu. Dans chaque centre, plus de la moitié des administrateurs doivent être des conjoints civils du personnel militaire, mais le commandant de la base est également membre ou est représenté au conseil. Bon nombre des services sont offerts à même les fonds publics, mais les centres peuvent également obtenir des subventions municipales et provinciales et organiser des campagnes de collecte de fonds. Néanmoins, les fonds publics demeurent un élément important du budget et puisque le centre utilise également l'infrastructure et les services publics des bases, les commandants de base doivent tenir compte des exigences du centre en plus de ceux des autres éléments de la base, y compris les unités opérationnelles.

Nous avons eu l'occasion de nous rendre dans des centres de ressources dans de nombreuses bases et avons été impressionnés par l'ensemble des services et des renseignements offerts et par le dévouement du personnel. Certains membres du personnel sont des conseillers professionnels engagés à contrat alors que d'autres sont des bénévoles. En fait, les bénévoles jouent un rôle important dans l'administration des centres et dans l'organisation des activités en conformité avec le principe du programme de soutien aux familles, qui est d'aider les gens à s'aider eux-mêmes. En complément du manuel et d'autres publications préparées par le Programme de soutien aux familles des militaires, les bénévoles de divers centres participent à la production de brochures et de sites Internet pour préparer les familles qui arrivent dans les bases à connaître leur collectivité et leur donner des conseils utiles. Certains employés des centres sont des conjoints de militaires. En fait, les centres sont non seulement une source d'emplois pour les conjoints mais également un outil leur permettant de trouver des emplois dans la base ou à l'extérieur, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre.

Cependant, nous avons des doutes sur la capacité des centres à aider toutes les familles des militaires. Toutes les bases sont maintenant dotées d'un centre de ressources, ainsi que de nombreux endroits à l'étranger où un certain nombre de familles de militaires canadiennes vivent comme à Geilenkirchen, en Allemagne. Ces centres répondent sans aucun doute à de nombreux besoins des familles vivant dans les bases ou à proximité, mais il n'est pas toujours évident de savoir dans quelle mesure ils aident les familles qui vivent dans les collectivités avoisinantes. Comme il est dit dans le chapitre sur le logement, environ un tiers seulement des familles de militaires vivent dans les bases de sorte qu'une grande partie d'entre elles peuvent habiter à une distance assez éloignée. Dans certains cas, ce problème a été pris en compte. Par exemple, à la BFC Valcartier, le centre de ressources a également un centre satellite à Sainte-Foy pour desservir les familles qui y vivent. Dans d'autres endroits, les centres courent le risque de satisfaire surtout les besoins des familles qui occupent les logements familiaux situés dans les bases. Cela est particulièrement inquiétant lorsqu'il existe une possibilité, comme nous l'avons vu dans le chapitre sur le logement, que les logements familiaux actuels soient remplacés par de nouveaux logements ou des logements loués dans les collectivités avoisinantes. L'installation des centres dans les bases présente certains avantages car ils peuvent se servir des infrastructures et des installations de la base, mais il y a également des inconvénients. Le centre de ressources d'une base peut avoir à faire concurrence aux unités et aux autres installations pour obtenir des fonds. Par contre, il peut être situé trop loin, de sorte que de nombreuses familles ne seront pas en mesure d'utiliser suffisamment ses services.

Certains centres situés dans les bases ou à proximité ressentent déjà les effets de leur emplacement sur leur présence dans la communauté militaire. À Ottawa, par exemple, il existe de nombreuses familles de militaires mais pas de base comme tel. La plupart des militaires travaillent au Quartier général de la Défense nationale, mais sauf pour ceux qui résident dans de petites zones de logements familiaux dont l'avenir est incertain, les familles sont réparties dans toute la région d'Ottawa-Hull. Selon ce que l'on nous a dit lors de nos rencontres avec le personnel à Ottawa, le centre de ressources a de la difficulté à répondre aux attentes de nombreuses familles. Malgré les efforts de son personnel, le centre a moins bien réussi que d'autres à aider les familles à s'intégrer dans leur nouvelle collectivité en raison des difficultés à identifier les nouveaux arrivants et à communiquer avec eux. Le centre a également eu de la difficulté à trouver le financement nécessaire pour ouvrir des centres satellites notamment, et son existence même semble être remise en question par certains responsables, malgré le grand nombre de familles de militaires dans la région. Si un centre de ressources dans une région où la population militaire est importante a de telles difficultés, il est facile de comprendre pourquoi les familles qui vivent près des petites installations militaires comme celles de Debert, en Nouvelle-Écosse, ou dans des régions éloignées de la base la plus proche et du centre de ressources, se sentent quelque peu abandonnées. On pense souvent que tous les militaires vivent dans des bases ou à proximité, mais bon nombre d'entre eux, comme les membres des Forces régulières qui travaillent avec les unités de réserve, vivent dans des régions éloignées du pays. Leurs familles peuvent avoir besoin de renseignements et de services comme ceux qui sont fournis par les centres de ressources, comme n'importe quelle autre famille de militaire.

Ces problèmes ne veulent pas dire que les centres de ressources ne remplissent pas leurs fonctions. Au contraire, la création d'un réseau de centres de ressources dans les bases du pays et à certains endroits outre-mer est une réalisation considérable menée à bien malgré de nombreux obstacles, notamment l'absence d'appréciation dans certains milieux de l'intérêt de ces centres. Toutefois, nous craignons que tout cet investissement ne finisse par être inutile si le financement nécessaire aux centres de ressources n'est pas stable et si l'on ne tient pas compte des effets des modifications apportées aux politiques sur le logement et de la composition de la communauté militaire dans les bases et à proximité. Dans certains endroits, les centres peuvent être plus utiles aux militaires s'ils sont situés hors de la base. Mais l'emplacement peut être de peu d'importance si la situation financière du centre est rendue précaire par la réduction des fonds non publics, notamment si les magasins CANEX ne produisent pas autant de recettes qu'auparavant. Dans cet esprit, nous recommandons :

60. Que l'on réaffirme l'engagement de soutenir les centres de ressources desservant les familles des militaires et que l'on réexamine les politiques régissant leur exploitation pour tenir compte des effets des nouvelles politiques sur le logement et de l'évolution de la composition de la communauté militaire dans les bases et à l'extérieur. Les mesures visées doivent également tenir compte de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Tout comme les unités et les aumôniers, les centres de ressources sont un élément essentiel du réseau familial. Mais il existe des cas, d'après les témoignages que nous avons entendus, où aucun de ces éléments n'a été en mesure d'aider les familles ou de le faire en temps utile. Certains avaient l'impression qu'ils étaient renvoyés d'un élément à l'autre sans nécessairement trouver l'aide dont ils avaient besoin. Dans certaines bases, on a tenu compte des nombreuses leçons apprises à la suite des efforts antérieurs déployés pour résoudre les problèmes et par conséquent, des lignes de communication bien solides ont été établies entre les centres de ressources et les autres éléments du réseau. Dans d'autres bases, la coordination entre les divers éléments n'est pas aussi bonne qu'elle devrait l'être.

On a beaucoup fait pour que les services offerts par les centres de ressources dans tout le pays répondent à des normes minimums, mais en raison du manque de coordination entre les divers éléments du réseau familial, le niveau d'aide accordé aux familles peut varier considérablement d'une base à une autre. Ce manque de coordination entraîne souvent des doubles emplois, ce que le réseau ne peut pas se permettre compte tenu des ressources limitées. Un réseau bien coordonné devrait pouvoir mobiliser ses ressources pour faire face à un problème plutôt que de laisser aux familles le soin de trouver la meilleure source d'aide. De toute façon, les familles des militaires doivent pouvoir obtenir un niveau minimum de soutien partout où elles se trouvent. Cela ne sera possible que s'il existe une politique générale explicite sur le soutien aux familles des militaires permettant d'orienter les divers éléments du réseau de soutien et le Ministère dans son ensemble, c'est pourquoi nous recommandons :

61. Que les Forces canadiennes élaborent une politique sur les familles des militaires afin d'améliorer la coordination et la coopération entre tous les éléments du réseau familial et orienter les décisions sur les questions qui touchent la qualité de vie des familles des militaires. Que cette politique tienne compte de la nécessité de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

AFFECTATIONS

Une meilleure coordination entre tous les éléments du réseau familial lui permettra de répondre plus efficacement aux besoins des familles des militaires. Mais on fait parfois appel au réseau pour régler certains problèmes qui auraient pu être évités si d'autres parties de l'appareil militaire avaient prêté davantage attention aux besoins des familles. Le Comité a entendu de nombreux commentaires sur le rôle que jouent les coordonnateurs de carrière dans les décisions concernant les affectations du personnel militaire. On trouvera une analyse du travail des coordonnateurs de carrière ailleurs dans ce rapport, mais nous devons également examiner ici les effets de leurs décisions sur les familles des militaires.

Toute nouvelle affectation comporte un certain nombre d'implications pour le personnel militaire et les familles, mais certaines familles sont confrontées à des problèmes plus complexes que d'autres lorsqu'elles doivent passer d'une base à une autre. Par exemple, certaines familles qui ont des enfants ayant des besoins spéciaux dépendent souvent de médecins et d'installations dans la collectivité situés près de la base pour obtenir les soins appropriés. Lorsque le militaire est affecté à une autre base, la famille doit établir un nouveau réseau de médecins et d'installations pour répondre aux besoins de ces enfants. La région dans laquelle se trouve la nouvelle base peut ne pas avoir le même niveau de spécialistes et d'installations qui existait à l'endroit précédent, et même si elle en est dotée, le temps nécessaire pour rétablir un réseau peut avoir un effet négatif sur l'état de santé de l'enfant. Dans ce cas, le personnel militaire peut demander de ne pas être affecté à une nouvelle base, ou tout au moins, d'être envoyé dans une région où se trouvent des spécialistes et des installations médicales appropriées.

Il existe bien d'autres situations où, pour des raisons familiales, le personnel peut demander que la prochaine affectation soit retardée autant que possible ou se trouve dans une région particulière. Certains souhaitent vivre près de parents qui ont besoin de soins ou dans un endroit où leur enfant est enterré alors que d'autres ne veulent pas quitter une région tant que leurs enfants n'auront pas fini l'école primaire ou secondaire. D'autres encore demandent à être affectés dans certaines régions plutôt que d'autres car les membres de leurs familles ne parlent pas la deuxième langue officielle et auraient beaucoup de difficultés à communiquer et à poursuivre leurs études dans des régions où la deuxième langue prédomine. Dans les familles où les deux conjoints sont militaires, il arrive qu'un conjoint vive sur une autre base et demande à être affecté à la base où est situé l'autre. Ces dernières années, les Forces ont consenti des efforts pour que tous les membres d'une famille où les deux conjoints sont militaires se trouvent dans la même base, mais elles ne peuvent pas le garantir pour toutes les familles en raison des exigences opérationnelles et d'entraînement. Ces exigences et d'autres encore empêchent fréquemment des membres du personnel d'obtenir les affectations ou les reports d'affectations qu'ils ont demandés. Il est donc compréhensible que les familles soient contrariées quand les coordonnateurs de carrière font la sourde oreille à leurs demandes.

Les coordonnateurs de carrière n'ont pas toujours abordé les situations familiales aussi bien qu'ils l'auraient pu et il faudrait leur rappeler que les familles des militaires qui font face à des situations difficiles doivent être traitées avec compassion. Bien trop souvent, nous avons entendu des familles de militaires nous dire que certains coordonnateurs de carrière répondent à leurs demandes en leur disant : « Si vous n'aimez pas ça, vous pouvez partir ». Mais les coordonnateurs de carrière sont également frustrés car les directives avec lesquelles ils doivent travailler leur donnent très peu de marge de manoeuvre. Le Ministère a récemment réitéré certaines directives pour que les coordonnateurs de carrière tiennent compte de certains facteurs qui influent sur la capacité des familles des militaires à passer d'une région à une autre, notamment le fait que certains membres de la famille ne parlent pas la deuxième langue. Les besoins des militaires doivent bien entendu rester prioritaires, et la réduction des effectifs ces dernières années laisse très peu de marge de manoeuvre, mais on ne peut pas pour autant négliger les besoins des familles. En fait, selon les directives actuelles, les coordonnateurs de carrière peuvent accorder des affectations pour raisons familiales, mais cela a des conséquences tellement importantes sur les carrières du personnel qui les demande que tant les coordonnateurs de carrière que les candidats à ces affectations hésitent à les utiliser.

Dans la situation actuelle, la personne qui obtient une affectation pour motif personnel perd presque toute possibilité de promotion pendant la durée de cette affectation, pendant deux et parfois trois ans. Par conséquent, certains qui ont réellement besoin de ce genre d'affectation ne la demandent pas. Il n'est donc pas surprenant que cette question suscite tellement de frustration. D'une part, on tient compte des circonstances familiales au moment d'envisager une affectation, mais d'autre part, le personnel estime être pénalisé si leur famille a des besoins spéciaux et nécessite une affectation pour motif personnel. Les familles des militaires doivent pouvoir compter sur le fait que les coordonnateurs de carrière écouteront leurs points de vue sur les affectations et leurs besoins. D'autre part, les coordonnateurs de carrière doivent avoir davantage de souplesse pour faire accepter les affectations demandées sans limiter les possibilités de promotion de certains membres du personnel militaire. Cela serait possible si l'on éliminait les implications associées aux affectations pour motif personnel ou si l'on créait une nouvelle catégorie d'affectation, entre les affectations pour motif personnel et les affectations normales, afin de répondre aux besoins des familles sans qu'il y ait de conséquences. Dans cet esprit, nous recommandons :

62. Que les besoins particuliers, tels que la santé et l'éducation, des familles des militaires soient parmi les principaux facteurs pris en compte pendant la préparation des affectations du personnel. Que ces besoins tiennent compte de la nécessité de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles.

63. Que l'on modifie les directives sur les affectations pour donner aux coordonnateurs de carrière une plus grande souplesse pour faire accepter les affectations en cas de besoins particuliers des familles sans limiter les perspectives de carrière du personnel. Que les directives sur les affectations tiennent compte de la nécessité de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles.

GARDE D'ENFANTS

L'état de préparation militaire est normalement associé au niveau de formation du personnel dans les unités de combat et à l'état de l'équipement, mais bien d'autres facteurs ont une influence, notamment la disponibilité des services de garde d'enfants. Cela peut paraître étrange de lier quelque chose comme la garde d'enfants à la préparation militaire, mais les forces armées les plus puissantes du monde, comme celles des États-Unis, n'hésitent pas à le faire. En fait, les autorités militaires américaines ont mis au point un système de garde d'enfants très élaboré qui est tenu en grande estime et identifié par le gouvernement américain comme un modèle pour le système de garde d'enfants civil dans ce pays. L'importance de la garde d'enfants dans le secteur militaire n'a pas toujours été reconnue, mais les réalités de la vie militaire moderne ne laissent aucun doute sur sa nécessité au Canada également. Des déploiements prolongés dans des missions de maintien de la paix outre-mer, la nécessité pour les deux conjoints dans de nombreuses familles de militaires de gagner un revenu et le nombre de familles monoparentales sont parmi les raisons pour lesquelles, à un moment ou à un autre, les familles des militaires doivent utiliser des services de garde d'enfants.

Dans de nombreuses bases où nous nous sommes rendus, des services de garderies sont offerts dans les centres de ressources ou dans des installations qu'ils exploitent. Dans certains cas, nous avons vu des installations toutes neuves qui venaient d'être ouvertes récemment alors que dans d'autres bases, comme Trenton, il existait une garderie depuis 20 ans. Le niveau des services offerts varie d'une base à l'autre, mais au moins, des services de garde d'enfants sont offerts dans presque toutes les bases, et l'on en reconnaît la nécessité. Dans quelle mesure les besoins sont satisfaits est une autre affaire.

Les familles des militaires ne sont pas les seules familles au Canada qui ont besoin de services de garderie de façon régulière ou occasionnelle. Mais leurs cas sont particuliers et elles ont parfois besoin de services de garderie différents de ceux dont ont besoin les civils. Lorsqu'un conjoint est déployé à l'étranger pendant six mois pour une opération de maintien de la paix, l'autre peut avoir besoin de services de garderie pendant quelques heures lorsqu'il est au travail ou pour un rendez-vous chez le médecin. Lorsqu'un conjoint est affecté outre-mer pendant six mois, mais que l'autre est également militaire et peut être appelé à tout moment de la journée pour s'acquitter de fonctions à la base ou être déployé dans une autre région du Canada à la suite d'une situation d'urgence comme la tempête de verglas, les services de garderie sont alors nécessaires pendant des périodes de temps plus longues et à brève échéance. Dans les familles monoparentales, la situation est encore compliquée par les missions à l'extérieur du pays pendant six mois sur un bateau ou simplement à quelques kilomètres de la maison pour un exercice d'entraînement d'une semaine. Quelles que soient les circonstances, les familles des militaires peuvent avoir besoin d'un service de garde d'enfant à tout moment du jour ou de la nuit.

Les centres de ressources pour les familles des militaires ne sont qu'une source de services de garderie dont peuvent bénéficier les familles des militaires et l'éventail des services qu'ils offrent et le nombre d'enfants qu'ils peuvent accepter sont limités. Étant donné que les politiques du Conseil du Trésor interdisent l'utilisation des fonds publics fédéraux pour subventionner les coûts des services de garde d'enfants, les services offerts par les centres dans ce domaine dépendent des frais payés par l'utilisateur et des fonds non publics obtenus au moyen de campagnes de collecte de fonds et de recettes produites par les éléments du Programme de soutien au personnel, y compris les magasins CANEX. Les centres peuvent permettre aux parents qui participent à des activités d'obtenir des services de garde d'enfants au centre et aux parents qui ont besoin de services particuliers de placer les enfants dans des garderies réglementées au niveau provincial. Il existe également une maternelle dotée d'un programme éducatif officiel mais qui est autofinancée. S'il faut une garde d'enfants 24 heures sur 24, les parents sont renvoyés à des prestataires licenciés et formés dans la base ou dans la collectivité. En bref, il existe des services de garderie dans les centres de ressources et des services semblables dans la région, mais les coûts et le nombre de places limité posent un problème aux familles militaires.

Les services de garderie offerts répondent au moins à certains des besoins quotidiens des familles des militaires, mais nous sommes préoccupés par ce qui arrive lorsque le personnel militaire doit être déployé à très brève échéance à n'importe quel moment de la journée. Pour les longues absences et les déploiements soudains, les parents célibataires et les autres doivent recourir aux parents, aux amis et aux services disponibles à l'extérieur des bases pour obtenir une garde appropriée. Or, certains des parents par exemple peuvent vivre dans une autre province et ont besoin de temps pour se déplacer. Il pourrait être difficile de trouver une garde d'enfants appropriée dans une situation d'urgence si des dispositions n'ont pas été prises auparavant. Étant donné la rapidité avec laquelle les déploiements peuvent se produire, les familles de même que les militaires auraient tout avantage à planifier la garde des enfants en cas de déploiement à brève échéance ou toute autre urgence. Au cours d'une de ses réunions, le Comité a noté avec intérêt les commentaires de Mme Caroline Becraft, sous-secrétaire adjointe de la Défense, Soutien au personnel, familles et éducation, des États-Unis, qui a expliqué que le personnel militaire américain doit préparer un projet de garde des enfants en cas de déploiement et doit en informer les commandants. Cela est particulièrement important pour les chefs de famille monoparentale et les familles où les deux conjoints sont militaires. Le plan permet à l'enfant d'être pris en charge par un parent, un membre de la famille, une garderie ou autre. Cela rassure également les commandants qui savent que les membres de leurs unités ont pris des dispositions appropriées et ne se feront pas de souci pour leur famille lorsqu'ils sont déployés. Nous croyons que c'est un exemple que les militaires canadiens devraient suivre et par conséquent nous recommandons :

64. Que tout le personnel militaire ayant des enfants soit tenu de préparer un plan conforme à des critères prédéterminés permettant de satisfaire aux besoins de garde d'enfants à chaque déploiement.

En retour, les Forces devraient s'engager à fournir un certain nombre de jours de préavis en cas de déploiement afin de donner au personnel le temps nécessaire pour mettre en place le plan de garde d'enfants préétabli. La plupart des militaires savent normalement de nombreuses semaines à l'avance qu'ils seront déployés pendant un certain nombre de mois dans le cadre d'une mission de maintien de la paix et ils disposent de suffisamment de temps pour appliquer leur plan. Mais lorsqu'il y a peu ou pas de préavis, comme cela s'est produit pendant la tempête de verglas, où les unités ont été averties quelques heures avant de quitter la base, et que les parents n'ont pas le temps de mettre leur plan en place, il faut prendre des mesures pour assurer la prise en charge des enfants. Cette question est particulièrement préoccupante pour les chefs de famille monoparentale et les familles où les deux parents sont militaires. Les Forces doivent se doter de leur propre plan pour avoir des services d'urgence de garde d'enfants ou aider les personnes qui doivent prendre des dispositions de dernière minute lorsque les critères convenus pour le plan préétabli ne sont pas respectés. Par conséquent, nous recommandons :

65. Que le Ministère élabore un plan permettant d'assurer la garde des enfants en cas d'urgence lorsque des militaires sont déployés avec moins de préavis que ce qui est prévu dans le plan de garde d'enfants présenté aux commandants. Que ce plan tienne compte de la nécessité de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles. Un rapport devrait être présenté au CPDNAC d'ici un an.

Assurer la garde des enfants pendant un déploiement ou pendant les heures de travail n'est qu'une des préoccupations des familles de militaires en ce qui concerne les besoins de leurs enfants. Certaines familles ont exprimé leurs préoccupations au sujet de l'incidence des déménagements fréquents sur les enfants de tous âges. Le fait de changer d'école tous les deux ou trois ans, d'abandonner les amis et de subir le stress de déménagements fréquents dans de nouvelles maisons dans différentes régions peut avoir des conséquences sur les enfants. En fait, ces enfants doivent également vivre avec les fréquentes absences des parents qui sont affectés sur un navire, à un exercice d'entraînement ou dans un pays étranger. Certains enfants ont de la difficulté à accepter que l'un de leurs parents ne soit pas là pour leur anniversaire et d'autres occasions spéciales. Leurs réactions sont parfois difficiles à comprendre pour les parents qui reviennent d'un déploiement ou d'un voyage en mer dans l'espoir de rétablir rapidement un contact avec leur famille. Les centres de ressources et d'autres ont consenti des efforts pour informer les enfants et les parents au sujet de ces réalités de la vie militaire et pour les aider. Mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier pour les adolescents.

Même aux États-Unis, où des efforts considérables ont été déployés dans le domaine de la garde des enfants et autres types de soutien aux familles des militaires, on admet que les programmes pour les jeunes ne répondent pas toujours aux besoins. Nous connaissons la même situation ici. Dans certaines des bases que nous avons visitées, on a fourni des installations aux adolescents pour qu'ils se réunissent et pratiquent certaines activités, mais elles sont souvent rudimentaires. Dans les familles des militaires, les adolescents ont les mêmes problèmes que les autres jeunes, mais beaucoup d'entre eux sont également isolés dans les bases loin des collectivités avoisinantes et des activités qu'elles offrent. Les adolescents peuvent utiliser certaines des installations sportives des bases, mais cela ne répond pas à tous leurs besoins. Ce serait une erreur de leur imposer des programmes qui ne réussiraient qu'à les éloigner, mais il serait tout aussi grave de négliger leurs besoins d'adolescents, c'est pourquoi nous recommandons :

66. Que l'on accorde une attention particulière aux programmes visant les adolescents des familles des militaires dans l'élaboration des politiques de soutien aux familles. On doit s'efforcer de reconnaître les besoins en matière d'éducation spéciale et de favoriser l'élaboration et l'utilisation de programmes, notamment le Programme d'enseignement individuel. Que ces programmes tiennent compte de la nécessité de l'accès aux services dans les deux langues officielles pour les militaires et leurs familles.

EMPLOI DES CONJOINTS

Malgré l'augmentation de la solde et la normalisation des loyers, de nombreuses familles de militaires estiment encore nécessaire d'avoir deux revenus pour assurer leur stabilité financière. C'est une réalité à laquelle sont confrontés bien d'autres Canadiens ayant des enfants, mais la vie militaire comporte ses propres conditions qui font en sorte que les conjoints ont parfois du mal à trouver un emploi et à poursuivre une carrière. Les affectations tous les deux ou trois ans dans de nouvelles régions dont les conditions économiques et linguistiques sont souvent différentes compliquent la recherche d'emploi. Chaque fois qu'ils doivent déménager, de nombreux conjoints doivent commencer un nouvel emploi et perdre l'ancienneté qu'ils avaient acquise dans l'emploi précédent. D'autres doivent accepter des emplois moins rémunérés s'ils ne peuvent pas en trouver un qui corresponde à leurs très grandes compétences ou expérience. Mais bien d'autres ne peuvent tout simplement pas trouver d'emploi ou seulement après des mois de recherche. L'absence d'un second revenu ou le retard à en obtenir un complique inévitablement la situation financière de la famille et peut entraîner de nouvelles tensions. Dans notre société d'aujourd'hui, bon nombre de familles estiment que deux revenus sont essentiels et beaucoup de conjoints qui ne sont pas militaires, hommes ou femmes, souhaitent poursuivre des carrières utiles et faire un travail satisfaisant. Ce n'est pas toujours chose facile dans la société en général mais c'est encore plus difficile pour les familles des militaires. Outre le stress considérable que représente chaque nouvelle affectation, en raison de tous les problèmes associés au déménagement, à l'inscription des enfants dans de nouvelles écoles et au fait de trouver une nouvelle maison, les difficultés des conjoints à trouver un nouvel emploi et à poursuivre une carrière contribuent encore aux frustrations déjà très importantes. Ces difficultés ont été prises en compte et une aide est accordée, par exemple, pour la préparation des curriculum vitae.

Mais malgré ce soutien, de nombreux conjoints se trouvent dans des situations difficiles car même s'ils sont très qualifiés, la nouvelle affectation peut les amener dans une province où, pour certaines professions, il faut passer de nouveaux examens et renouveler certaines licences. Ces exigences imposent des coûts supplémentaires aux familles qui viennent de déménager d'une autre province et représentent souvent un dilemme pour les conjoints. Ils ont besoin de temps et d'argent pour passer les examens et renouveler les licences, mais avant de devenir qualifiés dans la nouvelle province, ils ne peuvent pas trouver d'emploi dans leur domaine. En attendant, ils peuvent avoir à occuper un emploi moins rémunéré que celui qu'ils occuperaient autrement, si ces emplois étaient disponibles. Finalement, certains décident d'abandonner leur carrière. Les conjoints des militaires affectés à l'étranger, Quartier général de l'OTAN et postes diplomatiques par exemple, sont aux prises avec les mêmes problèmes lorsqu'ils reviennent au Canada du fait que leurs qualifications professionnelles peuvent ne plus être valables après deux ou trois ans à l'extérieur du pays. Les provinces devraient être sensibilisées aux problèmes des conjoints des militaires qui doivent renouveler leurs qualifications professionnelles, mais en attendant que les provinces prennent une décision, les familles doivent obtenir une aide quelconque en raison des effets des coûts sur les carrières et la stabilité financière. Par conséquent, nous recommandons :

67. Que l'on rembourse aux conjoints des militaires ayant des qualifications professionnelles jusqu'à 50 % des frais d'examen ou de renouvellement de licence aux fins de recherche d'emploi, lorsqu'ils doivent déménager dans une nouvelle province ou revenir au Canada.

Les conjoints des militaires qui recherchent un emploi doivent également faire face aux attitudes des employeurs qui, tout en admettant leurs compétences et leur expérience, rejettent leur candidature sous prétexte qu' ils ne seront dans la région que pendant deux ou trois ans. Dans presque toutes les bases où nous nous sommes rendus, les témoignages que nous avons entendus ne laissent aucun doute sur le fait que ce genre d'attitude est très courant parmi les employeurs dans tout le pays. On nous a parlé de conjoints qui étaient en principe engagés par les employeurs mais rejetés ensuite parce qu'ils donnaient l'adresse d'un logement familial ou parce que leur curriculum vitae indiquait les déménagements fréquents qui font partie de la vie militaire. Tout le monde est perdant dans ce genre de situation car non seulement les conjoints n'obtiennent pas d'emploi ou occupent des postes moins rémunérés, mais les employeurs perdent l'occasion d'engager des travailleurs qualifiés et fiables qui malgré leur court séjour peuvent apporter une contribution précieuse à l'économie locale. Les Forces sont également perdantes car les familles des militaires ressentent un profond découragement devant les conséquences de l'absence d'un deuxième revenu.

Le résultat le plus malheureux est peut-être que les familles des militaires qui veulent servir leur pays et qui, contrairement à bien d'autres Canadiens, ont l'occasion de vivre dans bon nombre des régions du pays, sont d'une certaine façon pénalisées d'avoir à déménager fréquemment. Il n'y a pas de solution facile à ce problème car les affectations fréquentes sont une réalité de la vie militaire et les conditions économiques locales affectent la disponibilité des emplois dans les collectivités autour des bases. Néanmoins, il faut poursuivre les efforts pour encourager les employeurs locaux à adopter une attitude plus positive à l'égard de l'emploi des conjoints de militaires. Dans de nombreuses bases, les officiers supérieurs et les centres de ressources pour les familles des militaires ont déjà établi des liens étroits avec les chambres de commerce locales et les responsables des autorités locales pour les informer des problèmes que connaissent les conjoints des militaires qui recherchent un emploi. Il y a lieu d'explorer d'autres possibilités dans les bases et à l'extérieur. Les centres de ressources pour les familles emploient déjà certains conjoints et les magasins CANEX et d'autres éléments des programmes de soutien au personnel en emploient également quelques-uns. Mais d'autres types de travail dans les domaines de la sécurité, de la formation, du logement et autres pourraient également être des sources d'emploi pour les conjoints, dans les bases et à l'extérieur. Il existe un certain nombre d'organismes spécialisés dans la sécurité et d'autres types de travail qui possèdent des filiales ou des bureaux dans tout le pays, comme le Corps canadien des commissionnaires qui pourraient être une source d'emploi importante.

Le Corps, qui a toujours contribué à trouver des emplois pour les anciens militaires et les anciens membres de la GRC, pourrait aider également les conjoints du personnel militaire, en particulier s'il diversifie le type de services qu'il offre. Cet organisme est déjà présent dans de nombreuses collectivités du Canada près des bases militaires et en plus d'employer des conjoints de militaires, il pourrait les aider à trouver des emplois semblables en cas de mutation d'une base à une autre. D'autres employeurs possédant des succursales dans la plupart des régions du pays, comme les banques, pourraient également être en excellente position pour aider les conjoints qu'ils emploient à un endroit à trouver un travail semblable dans un autre. En bref, il existe de nombreuses possibilités non seulement pour trouver de nouvelles sources d'emploi pour les conjoints des militaires, mais également pour faciliter la recherche d'un emploi lorsqu'ils sont mutés ailleurs. Pour tirer parti de ces possibilités, nous recommandons :

68. Que le Ministère élabore un programme visant à encourager les employeurs locaux et nationaux à se sensibiliser aux problèmes que connaissent les conjoints des militaires qui recherchent un emploi et à étudier les possibilités d'offrir davantage d'emplois. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Même si les employeurs adoptent une attitude plus positive à l'égard des conjoints des militaires qui recherchent un emploi, ces derniers pourraient perdre de nombreuses possibilités du fait qu'ils viennent d'arriver dans la région et ne connaissent pas l'économie locale et le genre de compétences demandé. La recherche d'un emploi serait beaucoup plus facile si les conjoints obtenaient des conseils sur les emplois disponibles dans la nouvelle collectivité et sur les employeurs avec qui ils pourraient communiquer. Le centre de ressources de Esquimalt s'est doté d'un conseiller en emploi à temps plein qui reste en contact avec les employeurs locaux et qui peut conseiller les familles des militaires sur les possibilités d'emploi. Grâce à ce conseiller, qui agit comme un intermédiaire, il est même possible que des employeurs remplacent des conjoints qui travaillent pour eux, mais qui doivent être mutés, avec d'autres qui viennent d'arriver. Si toutes les bases offraient du counselling d'emploi, les conjoints obtiendraient non seulement de l'aide pour trouver de l'emploi lorsqu'ils arrivent dans un nouvel endroit, mais seraient également rassurés de pouvoir compter sur des services semblables lors de la prochaine mutation deux ou trois ans plus tard. Nous croyons que ce counselling d'emploi est vraiment nécessaire et nous recommandons :

69. Que toutes les bases offrent du counselling d'emploi par l'intermédiaire du centre de ressources pour les familles des militaires afin d'aider les conjoints à trouver un emploi. Que le service de counselling soit offert dans les deux langues officielles pour les familles des militaires.

Les conseillers en emploi peuvent également jouer le rôle important de premier contact lorsque les familles arrivent sur une nouvelle base et dans une nouvelle collectivité, en les renvoyant à d'autres services offerts par le centre de ressources et le réseau familial dans son ensemble. En fait, le premier contact peut se produire avant même que la famille n'arrive sur la nouvelle base. Plus les conjoints peuvent commencer leur recherche d'emploi rapidement au nouvel endroit, plus ils auront de possibilités de commencer rapidement après le déménagement. Il serait donc logique que les conjoints se rendent au nouvel endroit quelques semaines avant le déménagement pour communiquer avec le conseiller en emploi et commencer la recherche. Si ce dernier sait que quelqu'un possédant certaines compétences et expérience va bientôt arriver, il peut identifier et avertir des employeurs éventuels. Il serait alors possible d'organiser les entrevues avec les employeurs avant même que la famille ne déménage. On permet déjà aux familles de se rendre au nouvel endroit à l'avance pour choisir un logement familial ou trouver une maison ou un appartement dans le marché du logement local de même que pour se renseigner sur les écoles. Cette période de congé appelée souvent le voyage de recherche d'un domicile présente une occasion idéale de rencontrer le conseiller en emploi, mais la limite actuelle de cinq jours ne laisse guère de temps pour choisir une nouvelle maison, encore moins commencer une recherche d'emploi et passer des entrevues. Le temps affecté à ce déplacement devrait être au moins équivalent à ce qui est accordé aux fonctionnaires fédéraux, soit sept jours, c'est pourquoi nous recommandons :

70. Que la période de congé attribuée au personnel militaire pour visiter une région avant l'affectation afin de trouver un logement et de prendre d'autres dispositions soit amené à sept jours afin, entre autres, de donner plus de temps au conjoint pour commencer à chercher un emploi.

Que la famille se rende ou non au nouvel endroit avant d'y déménager, le conjoint doit avoir la possibilité de communiquer avec certains employeurs avec l'aide des conseillers en emploi et d'organiser des entrevues. Cela n'est pas toujours faisable pendant le voyage de recherche d'un domicile, c'est pourquoi le conjoint peut avoir à se déplacer entre le voyage de recherche d'un domicile, le cas échéant, et le déménagement réel. Étant donné les difficultés que les conjoints connaissent à trouver un emploi lorsqu'ils déménagent, ils ne peuvent pas se permettre de perdre des possibilités et devraient pouvoir se rendre à des entrevues avant même d'arriver. En raison du coût du voyage, certains pourraient hésiter à profiter de cette possibilité en raison du fardeau que cela risque d'imposer aux finances familiales, c'est pourquoi nous recommandons :

71. Que dans des circonstances exceptionnelles, avant le déménagement, les conjoints des militaires soient remboursés des frais raisonnables de déplacement et d'hébergement pour aller passer dans la région les entrevues qui ne pourraient pas avoir lieu pendant le voyage destiné à trouver un logement.

Vu que les familles des militaires passent d'une région à une autre, il leur arrive de se trouver dans un contexte linguistique différent que celui qu'ils connaissent d'habitude, ce qui peut parfois compliquer encore la tâche du conjoint à trouver un emploi. Lorsqu'une famille anglophone déménage dans une région francophone ou qu'une famille francophone se rend dans une collectivité anglophone, le conjoint peut ne pas avoir les compétences linguistiques nécessaires pour obtenir un emploi dans cette région. De nombreux conjoints s'empressent de participer aux cours de formation en langue seconde offerts dans les bases pour améliorer leur capacité à communiquer avec la population locale et à trouver un emploi, mais d'autres n'ont pas accès à ces cours. Certains conjoints nous ont fait remarquer que les cours offerts n'offrent pas toujours un niveau suffisant de compétence linguistique pour bien communiquer dans la collectivité locale, mais bon nombre des commentaires portaient aussi sur l'absence de ces cours. Dans certains cas, les cours ne sont pas donnés par manque d'étudiants alors qu'ailleurs, ils ne sont pas offerts aux conjoints. L'armée de terre, la marine et la Force aérienne ont apparemment des règles différentes à ce sujet. Vu que les conjoints ont souvent besoin de compétences linguistiques pour les aider à trouver un emploi et mieux communiquer avec la population locale, ils devraient avoir droit à des cours de langue seconde dans les bases militaires. Par conséquent, nous recommandons :

72. Que l'on modifie les politiques de formation en langue seconde pour que les conjoints des militaires puissent suivre des cours de langue dans les bases, au besoin. Un rapport des progrès devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

L'ACCÈS AUX SERVICES DANS LES DEUX LANGUES OFFICIELLES

Compte tenu de la nature changeante de leur métier qui les amènent à beaucoup se déplacer au pays, nos militaires et leurs familles se retrouvent souvent dans des endroits où leur langue maternelle n'est pas celle de la majorité. Pour faire face à cette situation délicate l'Armée a un rôle important à jouer. En effet, c'est elle qui par le biais d'une foule de programmes et de services aident nos militaires à bien s'intégrer dans leurs nouvelles communautés. Cependant, la situation reste imparfaite et c'est pourqoi le Comité a fait une série de recommandations à cet égard dans le présent rapport qui, nous espérons, améliorera la situation. En ce qui a trait à l'avenir, celui-ci reste à définir mais il nous semble important de souligner la nécessité pour le Ministère et le gouvernement de tenir compte de la réalité linguistique du pays au sein des Forces armées. En ce sens, nous faisons la recommandation suivante :

73. Qu'à l'avenir, tous les services et tous les programmes offerts par le ministère de la Défense nationale aux militaires et à leurs familles soient disponibles dans les deux langues officielles.