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NDVA Rapport du Comité

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CHAPITRE VI
TRANSITIONS

INTRODUCTION

Si nous voulons une force militaire moderne et efficace, les Forces canadiennes devront pouvoir recruter et, surtout, conserver sa juste part des gens les plus compétents que le pays a à offrir. L'état de préparation opérationnelle est en grande partie une conséquence directe de la bonne formation d'un personnel de qualité et de leurs capacités à entreprendre les tâches qui leur sont affectées. Les politiques sur le personnel peuvent alors se révéler un élément aussi important de l'état de préparation opérationnelle que l'équipement. Les modalités de service appliquées par les FC doivent établir un équilibre entre les besoins des individus (dans les Forces régulières et de réserve) et ceux de l'organisation et refléter ce qu'il y a de mieux dans la planification contemporaine des ressources humaines.

Le développement des ressources humaines comporte des difficultés importantes. L'intégration hommes-femmes, le recrutement des minorités visibles afin que les forces soient plus représentatives de la société en général, l'absence de promotion et les effets de la diversification des modes de prestation des services (DMPS) sur le personnel sont parmi les questions les plus évidentes. Comme c'est souvent le cas dans les grandes institutions bureaucratiques, les FC ont eu tendance à hésiter devant les changements plutôt que d'aller de l'avant avec enthousiasme. Le tempérament militaire penche plutôt vers le statu quo. Même si cela peut s'avérer souvent une force, ce n'est pas le cas dans le contexte actuel. Bon nombre des problèmes que connaissent actuellement le personnel des FC n'ont pas été imposés de l'extérieur. Tout ce qui va mal ne peut être attribué à des facteurs extérieurs, comme la diminution des budgets, l'augmentation des déploiements ou les réductions de personnel. Une bonne partie de la responsabilité réside dans le haut commandement des FC elles-mêmes. Le parc des logements ne s'est pas détérioré par la négligence des occupants, nos blessés auraient été heureux d'obtenir un traitement plus compatissant s'il avait existé et les besoins des familles n'ont pas surgi soudainement. Les erreurs de jugement sont parfois aussi décisives que les réductions budgétaires.

Mais nous ne sommes pas ici pour rechercher les responsabilités. Tel qu'indiqué plus tôt, un piètre leadership, les compressions budgétaires et des comportements problématiques ont contribué au déclin de la qualité de vie du personnel des FC. D'autre part, tout n'est pas aussi sombre que certains aimeraient nous le faire croire. Lorsque nous avons visité nos troupes en Bosnie et dans diverses bases, il nous est apparu évident qu'il existait encore une base de leadership solide sur laquelle construire l'avenir des FC. Un des critères importants en matière d'aptitude au commandement est le rendement sur le théâtre des opérations. En Bosnie, il nous a semblé évident que ce critère était satisfait. Il ne faisait guère de doute que les chefs, à tous les niveaux, étaient bien considérés et capables. Mais le leadership doit également être efficace sur le plan des activités quotidiennes de l'administration, du soutien au personnel, de la gestion de carrière, etc. Le leadership doit être constant tout au long de la chaîne de commandement et efficace en ce qui concerne toutes les responsabilités à assumer. Le personnel des FC avait l'impression que les dirigeants au-dessus du niveau des commandants d'unités ne comprenaient pas leurs besoins ni leurs aspirations véritables.

La discipline militaire exige l'obéissance aux ordres légitimes. Pourtant, sans remettre ce principe en question, il semble que des ordres fondés sur des raisons claires et compréhensibles seront plus efficaces que ceux dont les troupes sont simplement censées admettre le bien-fondé. Notre société n'accorde plus la même place au respect de l'autorité qu'auparavant et ceux qui entrent dans la vie militaire apportent avec eux le cynisme et la méfiance à l'égard de l'autorité qui sous-tendent une bonne partie de la culture civile d'aujourd'hui. C'est une réalité que les FC doivent finir par accepter.

L'annonce de la nouvelle politique sur l'alcool pour les troupes servant sur un théâtre d'opérations est un exemple banal d'une erreur de jugement. Cette politique a été présentée comme un décret venu d'en haut et ne nécessitant aucune explication. La réaction des troupes a été de dire : « Ne nous insultez pas et ne nous traitez pas comme des enfants. Pourquoi devrions-nous pâtir pour les transgressions de quelques-uns? ». En fait, beaucoup ont dit qu'ils n'étaient pas contre la politique mais plutôt contre la façon dont elle a été mise en place. Cette politique est un irritant important pour beaucoup. Par conséquent, nous recommandons :

74. Que les Forces canadiennes réexaminent la pertinence de la politique sur l'alcool et envisagent de l'abolir complètement.

Lorsque nous parlons de leadership, nous devons également garder à l'esprit le fait que les commandants ont moins d'options qu'auparavant en ce qui concerne la prise de décision. Étant donné la réduction des effectifs et des ressources, le haut commandement doit choisir entre des biens concurrents et pas seulement entre des moyens différents d'arriver à une fin souhaitée. Le choix à faire entre consacrer les ressources à l'infrastructure des bases plutôt qu'à la formation ou à l'équipement peut en fait n'être pas un choix du tout. L'état de préparation opérationnelle veut que le dernier choix vienne en premier même si l'autre peut s'avérer meilleur pour le moral.

Le leadership doit se fonder sur le respect mutuel entre les officiers et les militaires du rang. À tous les niveaux, le leadership doit prendre au sérieux les préoccupations et les aspirations du personnel. Un bon chef est celui qui écoute et qui fait avancer ses membres, tout au moins en partie, en fonction de ce qu'il a appris des niveaux subalternes. C'est un processus à deux sens.

COORDONNATEURS DE CARRIÈRE

Tout au long de nos audiences, on a nous a parlé des préoccupations au sujet du système de la gestion des carrières et plus particulièrement des coordonnateurs de carrière eux-mêmes. Beaucoup ont estimé que leurs aspirations et leurs besoins personnels ne se retrouvaient pas dans les décisions que prenaient les coordonnateurs de carrière. Tous les membres des FC se voient affecter un coordonnateur de carrière dont la responsabilité est de surveiller les progrès de chacun et de prendre des décisions sur les affectations. Afin d'être envisagé pour une promotion, chacun doit suivre la formation requise, servir pendant une durée minimum obligatoire et être évalué selon des critères fondés à la fois sur le rendement et le potentiel.

Pour rester compétitif en vue d'une promotion et d'un emploi, il faut être muté souvent dans différents endroits pour obtenir la formation et l'expérience nécessaires. Associé à une accélération du rythme opérationnel, cela signifie que même une forme limitée de stabilité peut être difficile à réaliser. Pour les couples qui sont tous les deux militaires et où chacun doit périodiquement être muté, les problèmes peuvent s'avérer particulièrement décourageants. Le personnel des FC admet que les mutations sont une réalité de la vie militaire, mais beaucoup croient également que les coordonnateurs de carrière n'essaient pas suffisamment de réduire la fréquence des mutations ni de prendre en compte les besoins personnels.

Mais ce n'est pas seulement la fréquence des mutations qui pose problème, c'est aussi la brièveté de l'avis officiel qui en est donné. Bien trop souvent, les membres ne reçoivent que quelques mois de préavis ou même moins avant une nouvelle affectation. On nous a fréquemment fait part de ce problème et pour y remédier, les FC doivent envisager d'adopter un cycle de planification plus long. On doit accorder aux coordonnateurs de carrière les outils nécessaires à la gestion.

En adoptant un cycle de planification plus long, on permettrait au personnel de recevoir un préavis de 6 à 12 mois avant la prochaine affectation. On allégerait ainsi considérablement le stress individuel et familial et on permettrait aux membres et à leurs familles de planifier convenablement leur arrivée dans l'endroit suivant. Il va sans dire que ce délai ne s'appliquerait pas pour les déploiements opérationnels. Actuellement, les FC fonctionnent selon un cycle de planification de 12 mois qui ne semble pas se prêter à un préavis plus long. L'adoption d'un plus long cycle de planification entraînera nécessairement le réexamen de certaines pratiques normalisées comme la fréquence des conseils de promotion. Ces pratiques peuvent être modifiées. Par conséquent, pour permettre au personnel des FC de mieux planifier les mutations et l'aider à alléger le stress individuel et familial causé par des déménagements fréquents à brève échéance, nous recommandons :

75. Que le ministère de la Défense nationale examine la possibilité d'adopter un cycle de planification plus long permettant aux membres d'être avertis plus longtemps à l'avance de leur prochaine affectation. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Une autre préoccupation exprimée par nos témoins avait trait aux rapports qu'entretiennent les membres des Forces et les coordonnateurs de carrière. Certains estimaient que les coordonnateurs de carrière n'étaient pas vraiment intéressés par leurs aspirations personnelles car leur poste était simplement un autre poste tournant. De même, plusieurs témoins se sont plaints que lorsqu'ils parlaient aux coordonnateurs de carrière, ils ne pouvaient pas le faire en privé. Finalement, beaucoup ont exprimé leur frustration au sujet du fait que les coordonnateurs de carrière se trouvaient à Ottawa et non dans les bases, ce qui en fait des bureaucrates anonymes. Il est important pour le personnel des FC d'avoir confiance dans le système de gestion de carrière. Il est particulièrement important qu'ils aient confiance en ceux qui administrent le système et leur carrière personnelle. Même de bons conseils, s'ils proviennent d'une source indigne de confiance, peuvent ne pas être écoutés.

Lorsqu'il le juge nécessaire, le personnel des FC devrait pouvoir parler avec le coordonnateur de carrière de façon privée et confidentielle. Il est également important qu'il y ait une certaine continuité et que le personnel puisse traiter toujours avec les mêmes coordonnateurs. Si ceux-ci changent trop fréquemment, il est difficile d'établir une confiance mutuelle.

Mais le rôle de coordonnateur de carrière n'est ni facile ni simple non plus. Ceux qui sont nommés à ce poste ont besoin de temps pour se familiariser avec une myriade de politiques sur le personnel, dont très peu sont évidentes. Il faut également du temps pour se sentir à l'aise et acquérir les connaissances et l'expérience requises dans un nouveau poste. Malheureusement, lorsque les coordonnateurs de carrière atteignent ce stade, il y a de bonnes chances qu'ils soient prêts à être affectés à un autre poste. La question est encore aggravée par l'importante réduction du nombre de ces postes, ce qui n'est d'ailleurs pas fini. Cette situation est loin de faciliter la gestion et l'explication des divers aspects de la réduction des effectifs et du changement.

Pour que le système de gestion de carrière fonctionne, il faut qu'il soit suffisamment doté avec des personnes qui ont une connaissance approfondie des politiques militaires et du personnel. Les membres des FC devront pouvoir faire confiance à ce système et être assurés d'un degré raisonnable de confidentialité. Par conséquent, nous recommandons :

76. Que le personnel des FC puisse accéder de façon raisonnable aux coordonnateurs de carrière pour les consulter directement et en privé. Que cette mesure tienne compte de la nécessité pour les militaires d'avoir accès à un service offert dans la langue officielle de leur choix.

Vu que la réduction du nombre des coordonnateurs de carrière est largement liée aux restrictions budgétaires, le Ministère aurait peut-être intérêt à rechercher d'autres options de dotation. Nous croyons qu'il est impératif de maintenir un niveau suffisant de dotation dans ce domaine. Si cela est impossible en utilisant le personnel normal des FC, on devrait dans ce cas envisager de privatiser partiellement la fonction de gestion de carrière. Nous n'entendons pas par là de la confier à un organisme privé. Nous proposons plutôt que des personnes qui ont une connaissance approfondie du système du personnel militaire soient engagées, sous contrat, pour aider à renforcer le contingent normal des coordonnateurs de carrière. Ces contrats seraient conclus pour une période relativement longue afin d'assurer la continuité et seraient offerts à temps partiel ou à temps plein. Mais le Ministère doit s'assurer que l'option contractuelle est rentable et moins onéreuse que l'utilisation du personnel normal des FC. Nous trouvons tout à fait incongru que pendant cette période de changement et de restructuration si dramatique, l'élément même de l'administration des FC qui peut le plus directement toucher la vie du personnel soit réduit à ce point. L'insuffisance des coordonnateurs de carrière ne fera qu'exacerber les frustrations déjà ressenties. Pour que la gestion de carrière soit un élément efficace du développement des ressources humaines, nous recommandons :

77. Que les Forces canadiennes maintiennent suffisamment de postes de coordonnateur de carrière dotés pour répondre tant aux besoins des ressources humaines qu'aux besoins opérationnels.

DIVERSIFICATION DES MODES DE PRESTATION DES SERVICES

Bien que notre étude visait naturellement le personnel des FC, nous en sommes arrivés, au cours de nos audiences, à la constatation que la diversification des modes de prestation des services avait une importante incidence sur les employés civils. C'est pourquoi nous avons jugé bon d'aborder cette question.

Parmi tous les programmes récemment adoptés par le ministère de la Défense nationale, celui de la diversification des modes de prestation des services (DMPS) est celui qui a soulevé le plus de préoccupations. Cela n'a rien de surprenant parce que la vie d'un grand nombre d'employés des FC et d'employés civils du MDN a déjà été et continuera d'être touchée par la DMPS. Certains de nos témoins étaient très contrariés par le fait que, bien qu'ils aient fait la preuve de leur très grande efficacité dans un travail hautement technique, leur domaine était malgré tout sous-traité. D'autres étaient déçus que leur soumission interne, longuement préparée, n'avait pas été acceptée. Certains ont dit s'être sentis particulièrement désavantagés car ils ont dû préparer leur soumission sur leur propre temps, après les heures et en fin de semaine. Bien qu'ils aient reçu de l'aide et des encouragements de leurs commandants, ils ont estimé que les règles du jeu n'étaient pas équitables car ils ont entrepris ce processus de façon totalement amateur.

Le Ministère a institué le programme de la DMPS en juillet 1995 en raison des importantes réductions budgétaires et de la nécessité d'améliorer l'efficacité des opérations tout en conservant les capacités militaires. C'est dans le budget fédéral de 1996 qu'a été annoncé le plan de la DMPS, qui définissait les premières activités envisagées à cette fin, comme le soutien aux bases et aux unités à Goose Bay et à Kingston, les services d'alimentation, la maintenance au deuxième et troisième échelons (comme le centre d'essais techniques (Aérospatiale) à Cold Lake) et l'entraînement en vol de l'OTAN. Bon nombre de ces activités ont déjà été confiées à des entrepreneurs ou en sont déjà à des étapes avancées du processus. En octobre et novembre 1997, le comité de gestion de la Défense (CGD) a décidé que l'on devrait entreprendre l'examen du système d'approvisionnement et de distribution à l'échelle du Ministère ainsi que les services de soutien sur place dans sept endroits. On a alors identifié un certain nombre de bases à cet effet. Dans le cadre de ces examens, on organise des consultations pour confirmer si la sous-traitance permet effectivement de faire des économies et offre d'autres avantages pour le Ministère. Par la suite, des équipes internes et de l'industrie se verront accorder du temps pour soumettre des propositions. Les examens prendront environ deux ans.

Le Ministère croit que la DMPS est un élément nécessaire de la restructuration et permettra de faire des économies considérables. Par exemple, on prétend que le contrat accordé à Serco Facilities Management Inc. pour les services de soutien à la BFC de Goose Bay permettra d'économiser environ 22 millions de dollars en 1998 et autant les années suivantes. On prétend également qu'en raison des réductions des coûts, les militaires étrangers auront plus tendance à utiliser les installations comme celles de la BFC de Goose Bay et celles de Moose Jaw.

Du point de vue des personnes directement intéressées, les résultats ont été plus mitigés. Au début, le contrat Serco à Goose Bay a donné lieu à de nombreuses réductions de salaire et soulevé des préoccupations sur l'avenir à long terme. Le contrat prévoyait que l'entrepreneur offrirait des emplois à 225 membres du personnel civil touché, soit plus de 70 % du nouvel effectif, et que le Ministère offrirait d'autres options à ceux qui ne recevaient pas d'offre d'emploi. Mais en raison des plaintes concernant la façon dont le contrat a été mis en oeuvre - réduction des salaires, affectations différentes, réduction des avantages sociaux, etc. - les ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants ont annoncé le 13 mars 1998 un certain nombre de mesures pour répondre aux préoccupations des employés. Il s'agissait notamment d'accorder une indemnité de transition à certains des employés touchés, de demander à Serco de revoir les salaires qu'il offrait aux employés et de prolonger la période pendant laquelle les employés pouvaient rester dans les logements familiaux. Il y a cependant des exemples positifs de DMPS. À la BCF Trenton, les services alimentaires se sont améliorés lorsqu'une soumission interne d'employés a obtenu le contrat à la fin de 1997. Lorsque nous avons visité Trenton, il y avait un malentendu sur la politique d'établissement des prix, mais le problème a finalement été réglé. Il faut toujours faire en sorte que la DMPS ne soit pas mise en oeuvre au détriment de la qualité de vie des membres des Forces.

En fin de compte, la chose qui s'est révélée la plus déconcertante pour le personnel a été l'incertitude. Si le ministère de la Défense nationale veut que la DMPS se poursuive, il doit répondre aux besoins en ressources humaines de ses membres. Le personnel touché doit être informé le plus tôt possible afin de pouvoir préparer des soumissions internes et le faire de manière à ne pas être indûment désavantagé. Le Ministère doit accorder le temps et les ressources nécessaires pour se préparer. En cas de perte d'emploi ou de mutation obligatoire, une conséquence inévitable de toute grande restructuration, le programme de rémunération et d'avantages sociaux et l'aide à la transition, qu'il s'agisse de nouveaux lieux de travail ou de nouvelles carrières, doivent être équitables. Par conséquent, nous recommandons :

78. Que dès que l'on envisage un programme de DMPS, les personnes touchées en soient informées et consultées.

79. Que l'on accorde à ceux qui souhaitent faire une soumission interne suffisamment de temps et de ressources pour que leur soumission soit professionnelle et concurrentielle. On devrait accorder aux employés une chance réaliste de préparer les soumissions.

80. Que lorsque des suppressions de poste ou des mutations obligatoires sont une conséquence inévitable de l'adoption de la DMPS, les personnes touchées reçoivent une rémunération et des prestations.

PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL

Si les Forces canadiennes veulent rester une profession de choix, elles devront prendre des engagements fermes à l'égard d'un apprentissage tout au long de la vie. Les plus qualifiés seront davantage prêts à entrer dans les Forces s'ils estiment qu'on les aidera à acquérir les compétences nécessaires pour faciliter la transition vers la vie civile. Les recrues ne voudront pas toutes s'engager pour toute la vie et, même celles qui le voudront pourraient voir leur carrière militaire prendre fin lorsqu'elles ont encore de nombreuses années de travail productives à donner. Compte tenu de la nature du service et de la nécessité de recruter de jeunes talents de façon permanente, de nombreuses jeunes recrues auront des carrières relativement brèves dans les FC. Pour renforcer le professionnalisme, il faut aider un plus grand nombre de personnes à obtenir des qualifications professionnelles et techniques. Il est également important que les compétences acquises pendant la période militaire soient reconnues et transférables au secteur privé.

Les FC se sont dotées d'un Service de préparation à une seconde carrière (SPSC) et d'un Programme de perfectionnement des connaissances. Elles offrent au personnel, y compris les réservistes des classes B et C, comptant un minimum de trois ans de service, des services de transition professionnels et personnels. Ces services sont offerts par l'intermédiaire du SPSC et assurés par les agents de sélection du personnel dans chaque base et escadre. L'objet du programme est d'aider le personnel militaire à planifier, préparer et réussir la transition personnelle et professionnelle à l'environnement civil. Les services de transition comprennent notamment : l'orientation individuelle (professionnelle, éducative, personnelle), des séminaires et des ateliers, une évaluation professionnelle, des tests d'aptitude, l'aide à la préparation du curriculum vitae, la recherche d'emploi et les techniques d'entrevue, l'orientation vers les emplois, la planification financière ainsi que des publications et des ouvrages de référence. Le programme semble assez complet, mais il n'est offert que pendant les cinq dernières années de service. La planification de la transition ne devrait pas être reléguée à la toute fin d'une carrière militaire, mais devrait être envisagée plus tôt. Par conséquent nous recommandons :

81. Que le Service de préparation à une seconde carrière soit mis à la disposition du personnel des FC plus tôt dans le cours de la carrière et que le financement soit maintenu pour en assurer l'efficacité. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

En ce qui concerne la préparation à une seconde carrière et le perfectionnement scolaire, disponibles tout au long des années de service, le personnel des FC, y compris les réservistes des classes B et C, ont droit au remboursement de 50 % des frais de scolarité et des ouvrages scolaires lorsqu'ils suivent des cours, dans la mesure où ils réussissent. La formation peut aller de cours au niveau secondaire jusqu'au niveau postuniversitaire. Il s'agit d'une prestation annuelle calculée en fonction de l'année scolaire au cours de laquelle le cours ou la formation a commencé. Le personnel militaire a également droit à un remboursement de 50 % pour la formation à la préparation à une seconde carrière. Cette formation peut comprendre des cours de qualification et un certificat ainsi que les examens requis pour que les militaires obtiennent la reconnaissance professionnelle en vue d'un emploi dans un environnement non militaire.

Ces avantages sont importants, mais là encore, il est possible d'améliorer la situation. Par exemple, le Programme de perfectionnement scolaire comprend le Programme de formation universitaire pour les officiers (PFUO). Le PFUO est un programme commandité par le MDN à l'intention des officiers commissionnés, sous le grade de lieutenant-colonel, qui sont en mesure de terminer leur premier diplôme de baccalauréat dans environ 16 mois. Un officier choisi pour suivre le PFUO doit recevoir « son salaire et ses indemnités normales et autres prestations financières, notamment celles relatives au mouvement des personnes à charge, des meubles et des effets tels qu'ils sont autorisés par le Quartier général de la Défense nationale ». Les cours donnés dans le cadre de ce programme doivent être suivis soit au Collège militaire royal ou dans une université canadienne reconnue. Les membres peuvent également demander de suivre ces cours lorsqu'ils sont en congé sans solde.

On nous a dit qu'en 1997, seulement 10 candidats ont obtenu un poste dans le cadre du PFUO alors que 50 postes ont été financés au niveau postuniversitaire. En 1998, il y avait 110 candidats pour 10 postes du PFUO, une augmentation importante par rapport à l'année précédente où il n'y avait que 57 candidats. Compte tenu de l'intérêt croissant manifesté pour l'éducation postsecondaire, il est important que nous essayons d'en améliorer l'accès. Lors de notre visite au Collège militaire royal, nous avons été particulièrement impressionnés par le Programme d'enseignement à distance et croyons que c'est un élément positif qu'il faut encourager. Dans la mesure où les études supérieures sont importantes tant pour l'acquisition de compétences en leadership que pour faciliter la transition à la vie civile, nous recommandons :

82. Que les Forces canadiennes envisagent d'augmenter le nombre des postes dans le cadre du PFUO offerts chaque année et d'élargir le Programme d'enseignement à distance du Collège militaire royal. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Nous croyons également que les études supérieures ne devraient pas être limitées à l'élite. Les militaires du rang peuvent également avoir des responsabilités de leadership importantes et peuvent vouloir suivre des cours universitaires tout en restant à leur niveau ou dans l'espoir d'une promotion future. Les études universitaires pour les militaires du rang ne devraient pas nécessairement être considérées comme un programme de perfectionnement des officiers, comme c'est le cas du Programme de formation universitaire pour les officiers, mais plutôt comme un aspect de l'expérience d'apprentissage pendant toute la vie.

Par conséquent, nous recommandons :

83. Que les Forces canadiennes facilitent l'accès aux études universitaires pour les militaires du rang afin de répondre à leurs exigences personnelles autant que militaires.

Le personnel des FC reçoit une formation technique et acquiert des compétences tout au long de la carrière. Au cours de nos audiences, on nous a parlé des frustrations ressenties par beaucoup au sujet du fait que la formation, même lorsqu'elle est offerte dans des établissements civils, n'est pas ensuite reconnue par les employeurs des secteurs civil ou public. Il est important de reconnaître les équivalences entre la formation militaire et civile. Il faut reconnaître la formation civile des membres des FC et le secteur civil doit reconnaître la formation militaire. Par conséquent, nous recommandons :

84. Que le ministère de la Défense nationale fasse davantage d'efforts pour que le secteur civil reconnaisse dûment la formation militaire du personnel, ainsi que sa formation civile.

Les militaires canadiens possèdent beaucoup de compétences et de talents qui sont pertinents à bien des secteurs de travail privé et public. Certains employeurs le savent et d'autres non. Pour veiller au bien-être à long terme du personnel, il est important que les FC établissent de nouvelles relations avec les membres des secteurs privé et public qui peuvent se révéler des employeurs éventuels.

En général, un programme de perfectionnement professionnel bien établi devrait offrir :

  • un haut degré de compétence dans les aptitudes clés;
  • l'occasion d'acquérir des qualifications reconnues et transférables;
  • un financement pour les activités d'apprentissage;
  • l'accès à l'information, à des conseils et à des installations modernes d'apprentissage, quel que soit le rang ou l'âge;
  • la capacité de retourner à la vie civile en bénéficiant d'un atout supplémentaire.

ÉGALITÉ DES CHANCES

Avec le temps, la composition des FC va inévitablement changer à mesure qu'elles recruteront plus de femmes et de membres des groupes des minorités visibles. À cet égard, elles deviendront plus représentatives de la nouvelle société canadienne dans son ensemble. Ces transitions ne sont jamais faciles.

Le nombre de femmes dans les Forces canadiennes a augmenté d'un maximum de 1 500 en 1971 à environ 6 800 aujourd'hui, c'est-à-dire plus de 10,8 % de la Force régulière. Les femmes représentent environ 20 % de l'effectif de la Première réserve. Aujourd'hui, les femmes peuvent servir dans toutes les professions des FC, sauf dans les sous-marins.

Les Forces ont récemment entamé une campagne active de recrutement visant à attirer davantage de femmes dans les armes de combat. L'armée a demandé que 25 % des recrues dans les armes de combat soit des femmes afin d'obtenir une masse critique pour la formation et l'emploi dans diverses unités. Les hommes et les femmes subissent le même entraînement intégré, doivent respecter les mêmes normes scolaires et sont admissibles aux mêmes possibilités de carrière.

Le fait que les femmes aient maintenant la « garantie » de l'égalité d'accès et de traitement est en soi la conséquence des nouvelles normes sociétales. À cet égard, les militaires ont répondu de façon positive aux normes fixées par d'autres organismes. Le plafonnement de 1 500 a été éliminé en 1971 à la suite des recommandations énoncées par la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme. L'examen que le Ministère a fait des résultats de la Commission a également mené à un élargissement progressif des possibilités d'emploi des femmes dans des professions non traditionnelles comme chauffeur de véhicule et mécanicien, mécanicien d'aéronef, contrôleur de la circulation aérienne, police militaire et pompier.

Les politiques sur le personnel ont été à nouveau examinées en 1978 et 1985 après l'adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne et l'enchâssement dans la Constitution de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est ainsi que les femmes ont obtenu le droit de servir en mer sur les navires ravitailleurs et les bâtiments-base pour plongeurs, dans les bataillons de l'intendance, les pelotons de police militaire et les ambulances de campagne ainsi que dans tous les escadrons aériens. Finalement, en 1989, une décision du Tribunal des droits de la personne a ordonné aux Forces canadiennes d'éliminer toutes les restrictions d'emploi qui restaient fondées sur le sexe. La seule exception étant le service dans les sous-marins.

Tout en nous réjouissant de l'intégration complète des femmes dans les FC, nous savons également que cette transition n'a pas été facile. Les histoires de harcèlement sexuel et autres formes de comportement inacceptables et d'abus de pouvoir, dont on a beaucoup parlé, le confirment. Lors de nos audiences, on nous a beaucoup parlé des femmes qui ne se sont pas toujours senties les bienvenues ni des participantes à part entière.

Les FC ont adopté une politique de tolérance zéro en ce qui concerne le harcèlement sexuel et le racisme. Pour en assurer l'efficacité, on a mis en place une procédure de plainte. Un membre qui est victime de toute forme de harcèlement, notamment de harcèlement racial, est encouragé à en rendre compte à la chaîne de commandement. Si la personne hésite à passer par cette voie, d'autres mécanismes sont possibles. Il s'agit notamment du numéro 1-800-harcèlement, le Service national des enquêtes ou le bureau de l'Ombudsman. De même, chaque membre doit suivre un cours de sensibilisation au harcèlement (norme relative à la prévention du harcèlement et du racisme).

En fin de compte, ceux qui se joignent aux Forces canadiennes doivent être sûrs que la sécurité et l'intégrité de leur personne seront respectées. Nous ne pouvons tolérer un milieu où les femmes et les minorités visibles ne se sentent pas des participants à part entière. Nous avons été frappés par la gravité des exemples que l'on nous a donnés et, par conséquent, nous recommandons :

85. Que les Forces canadiennes intensifient leurs efforts pour que tous les militaires soient sensibilisés à ce que constitue un environnement de travail empoisonné pour les femmes et les minorités visibles et à ce qu'est le harcèlement. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

86. Que les Forces canadiennes continuent d'insister auprès de tous ses membres sur la gravité et les conséquences de ne pas respecter les politiques sur le harcèlement et la discrimination. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

La mise en place de mécanismes est une première étape importante. Mais à moins que leur efficacité ne soit clairement démontrée, les victimes n'auront pas suffisamment confiance pour y avoir recours.

VÊTEMENTS

De bons vêtements ont toujours été un élément important de la vie du soldat. Des uniformes confortables et qui tombent bien de même que des vêtements adaptés sont une nécessité. Nous avons entendu de nombreux témoignages sur des vêtements qui tombent mal et qui sont inconfortables : des bottes qui ne sont pas de la bonne pointure ou qui ne conviennent pas aux activités, le manque de certains articles et les longs retards dans leur acquisition.

Le programme Vêtir le soldat répond à bon nombre de ces préoccupations puisque les uniformes des femmes sont adaptés afin de mieux répondre aux besoins des femmes. Mais nous ne devons pas à nouveau nous retrouver dans une situation où le manque de fournitures crée des frustrations indues. La conception et l'acquisition de nouveaux vêtements prennent du temps et il y aura des situations, comme les nouveaux vêtements pour l'infanterie, où des retards seront inévitables. Mais cela devrait être rare. Par conséquent, nous recommandons :

87. Que le ministère de la Défense nationale fasse son possible pour qu'à l'avenir, il n'y ait plus de problème d'approvisionnement concernant l'ajustement et l'attribution des vêtements et des uniformes appropriés. Les uniformes, les vêtements et l'équipement spécialisé, telles les bottes pour équipage de char, doivent être adaptés au travail et à l'entraînement et être livrés au besoin. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

L'AVENIR

Afin d'établir le cadre nécessaire pour aborder les divers problèmes et les changements auxquels sont confrontés les FC, nous devrons élaborer une politique globale des ressources humaines. Cette politique doit :

  • faire toujours en sorte que les exigences opérationnelles soient satisfaites;
  • intégrer ce qu'il y a de mieux dans les pratiques courantes;
  • offrir des emplois qui sont valorisants et stimulants;
  • permettre aux FC de recruter, maintenir et motiver des gens de qualité en leur offrant une rémunération et des avantages sociaux justes et équitables qui tiennent compte des exigences de la vie militaire;
  • permettre aux individus de réaliser leur potentiel et leur offrir des possibilités égales, quelle que soit leur race et leur sexe;
  • aider les membres à se préparer à d'autres carrières;
  • tenir compte des besoins et des aspirations individuels et familiaux, au moment des affectations et dans l'élaboration des politiques.

La politique des ressources humaines qui est mise en place doit être intégrée, globale, transparente et facilement compréhensible pour tous les membres.