Passer au contenu
;

NDVA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

CHAPITRE II
LA RÉMUNÉRATION ET LES INDEMNITÉS

INTRODUCTION

Les Canadiennes et les Canadiens sont tous d'accord avec le principe d'une juste rémunération pour le travail exécuté. De l'avis des membres des FC, ce principe ne s'applique plus à eux. Dans le monde civil, une rémunération équitable est, dans une large mesure, déterminée par les facteurs du marché et les conventions collectives négociées par l'employeur et les employés, mécanismes auxquels les militaires n'ont pas accès. Les niveaux de rémunération des militaires devraient être établis par le gouvernement, sous réserve d'une surveillance crédible et réelle par le CPDNAC.

Comment rémunérer équitablement ceux qui subissent les contraintes d'une responsabilité illimitée? Dans la mesure où l'on considère le service militaire comme une « vocation », une partie de la contribution apportée par les membres des FC constitue un service désintéressé - un don de soi pour lequel ils n'attendent aucune rémunération. Il doit toutefois y avoir des limites à cela. Les militaires déployés à la suite de la « tempête de verglas » ont travaillé de longues heures et reçu 12,77 $ (imposables) d'indemnité d'opération en campagne, montant total auquel ils avaient droit chaque jour pour 12 à 18 heures de travail. Leurs homologues civils et les agents de la GRC, pour leur part, ont été rémunérés pour leurs heures supplémentaires. Le personnel militaire était logé dans des gymnases, et les employés civils dans des hôtels.

Il ne faut pas non plus oublier que nombre des soldats déployés venaient juste de revenir de la Bosnie ou d'Haïti et avaient dû interrompre leur congé ou un stage de formation. Leur travail fait, beaucoup ont continué leur formation soit pour se préparer à une affectation outre-mer soit pour mettre à jour leurs compétences liées à leur mandat principal. Tous ont offert leur aide avec enthousiasme et sans récrimination. En même temps, ils ne pouvaient faire autrement que comparer leurs conditions de travail et de rémunération avec celles de leurs homologues civils.

Quand on envisage des changements à l'ensemble des dispositions régissant la rémunération et les avantages sociaux, il ne faut pas oublier que les Forces ont besoin de recrues très qualifiées. La nature de la guerre moderne évolue, et les compétences techniques sont très recherchées. Les nouvelles recrues ont de plus en plus souvent déjà une famille, et la solde à l'embauche ne suffit pas toujours à couvrir les besoins de celle-ci. De même, vu la nature de la vie militaire, il est très difficile aux conjoints d'exercer tous deux un emploi. Lorsqu'une nouvelle affectation force un militaire à déménager, son conjoint doit souvent abandonner un emploi bien rémunéré pour se retrouver pendant longtemps chômeur ou sous-employé à son nouveau lieu de résidence. Il est donc important de ne pas considérer chaque membre des FC comme une personne indépendante, mais comme quelqu'un qui fait, effectivement ou potentiellement, partie d'une unité sociale plus grande - la famille. C'est donc au bien-être de l'ensemble de cette unité que nous devons veiller.

ASSURER L'ÉQUITÉ

Un système de rémunération et d'avantages sociaux bien conçu doit également veiller à traiter équitablement tous les membres des FC, quel que soit leur lieu d'affectation. Le principe d'égalité stipule que tout le monde doit être traité de la même façon, mais, en ce qui concerne l'application des règles et des droits, l'équité met l'accent sur l'importance du résultat. Si on veut l'équité, il est acceptable, parfois même nécessaire, de ne pas traiter tous les gens de la même façon afin qu'ils se retrouvent tous dans une situation identique. Si nous voulons éliminer la myriade de frustrations que connaissent les militaires, il faut assurer une égalité de résultat. Les membres des FC et leurs familles qui vivent à un endroit, comme Victoria, où la vie est chère doivent pouvoir jouir du même niveau de vie que ceux qui habitent ailleurs. Le principe à respecter est que, une fois réglée la question du loyer et des autres nécessités, des ménages semblables vivant à des endroits différents doivent avoir plus ou moins le même revenu disponible.

L'égalité des résultats doit présider à la mise en place de dispositions équitables en matière de rémunération et d'avantages sociaux. Toutefois, pour ce faire, on ne peut pas traiter le personnel des FC de la même façon que celui du secteur civil, y compris les agents du service extérieur et les membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Les facteurs liés à l'obligation de service sont beaucoup plus stricts pour les FC que pour ces deux autres groupes. Il est essentiel que ce principe soit accepté par les organismes qui jouent un rôle clé dans la détermination du régime fiscal et des avantages sociaux des Forces canadiennes, c'est-à-dire Revenu Canada, le Conseil du Trésor et le gouvernement lui-même. Nous avons formulé nos recommandations en prenant pour hypothèse que le personnel des FC doit bénéficier d'un traitement particulier - hypothèse qui nous paraît être à la fois raisonnable et nécessaire.

Pour parvenir à nos conclusions, nous avons envisagé la rémunération et les prestations diverses de façon holistique au lieu de traiter chaque élément séparément. Nous avons commencé par une question fondamentale : « Quelle est exactement la raison d'être des différentes indemnités et prestations accordées aux membres des FC? » En cherchant à y répondre, nous avons constaté l'existence d'un ensemble de mesures disparates mises en place pour répondre aux exigences du moment. Le système actuel ne semble pas reposer sur une planification à long terme et une idée claire des objectifs visés. Le Ministère devrait, à notre avis, se donner pour priorité de rationaliser les diverses indemnités et prestations pour établir de façon claire et transparente ce à quoi chacun a droit. Là encore, le système doit, dans son ensemble, assurer une égalité des résultats pour tous les membres des FC.

Les bonnes intentions n'ont que trop souvent des conséquences imprévues et malheureuses. Durant nos audiences, nous avons découvert que quelque chose qui paraît aussi insignifiant que l'indemnité d'affectation peut susciter de graves mécontentements. Elle est accordée aux membres des FC qui reçoivent une nouvelle affectation pour les compenser pour les perturbations résultant de celle-ci; les personnes mariées ont droit à un mois de solde, et les célibataires à un demi-mois. Le montant reçu dépend donc du statut matrimonial et du grade. Les dépenses d'un célibataire sont-elles à ce point inférieures à celles de quelqu'un qui est marié? Celles d'un colonel sont-elles beaucoup plus élevées que celles d'un caporal? Pourquoi le montant de cette indemnité varie-t-il selon le grade?

En outre, cette indemnité est imposable! Le fisc en prélève donc une grande partie. Elle est ajoutée à la rémunération de base de la personne concernée, qui, passant à une tranche d'imposition supérieure pour l'année correspondante, risque de perdre d'autres avantages sociaux. Durant nos audiences, on nous a exposé le cas de personnes qui, ayant touché l'indemnité d'affectation, n'avaient plus droit à la prestation pour enfants parce que leur revenu brut avait augmenté. Au lieu de contribuer à faciliter l'installation à un nouvel endroit, cette indemnité peut avoir indirectement pour effet d'accroître tout simplement le niveau de frustration.

LA RÉMUNÉRATION

Le principal facteur d'irritation pour les membres des FC est la question de la rémunération. En plus d'avoir l'impression que celle-ci est insuffisante pour le travail qu'ils font, ils sont spécialement fâchés par le retard mis à combler l'écart entre leur salaire et celui de leurs homologues de la fonction publique.

Depuis la fin des années 60, le régime de rémunération des FC repose sur la comparaison avec la fonction publique. C'est à cette époque que le droit de négocier des conventions collectives a été accordé aux fonctionnaires. Les militaires ne jouissant pas de ce droit, ils devaient recevoir une rémunération et des avantages sociaux comparables à ceux de la fonction publique. Le principe adopté était que leur rémunération et leurs avantages sociaux devaient être « comparables » et non pas « égaux » ou « identiques » à ceux de la fonction publique. Le système devait également prendre en considération certains facteurs uniques à la vie militaire. Ainsi, en ce qui concerne la comparabilité avec la fonction publique, on parle de comparabilité générale et non absolue.

Avant le gel des salaires imposé en 1991, les études sur la rémunération des FC ont montré que les militaires du rang et les officiers du service général (de sous-lieutenant à lieutenant-colonel) gagnaient respectivement 2,2 % et 0,9 % de moins que leurs homologues de la fonction publique. Il ressort d'une autre étude effectuée pendant la période de gel que le manque à gagner total des militaires du rang était, en fait, de 6,7 %, y compris les 2,2 % initiaux, et celui des officiers du service général de 14,7 %, y compris le montant initial de 0,9 %. Le Conseil du Trésor a accepté ces chiffres, et les rajustements progressifs suivants ont été apportés à partir d'avril 1996 :

Pour les militaires du rang

  • avril 1996 - 2 %;
  • avril 1997 - 1,5 %;
  • octobre 1997 - 0,6 %;
  • avril 1998 - 1,2 %.

Pour les officiers du service général

  • avril 1996 - 0 %;
  • avril 1997 - 2,4 %;
  • octobre 1997 - 1,1 %;
  • avril 1998 - 2,4 %.

La rémunération des militaires du rang est donc encore inférieure de 1,13 % à celle de leurs équivalents de la fonction publique, et celle des officiers du service général, de 8,2 %. Les rajustements accordés au titre de la comparabilité ne visent pas les officiers supérieurs (à partir du grade de colonel) et ne leur sont pas versés.

En date du 1er avril 1997, les militaires du rang et les officiers du service général ont reçu, respectivement, une augmentation conjoncturelle de 1,47 % et 1,15 %. Les augmentations conjoncturelles ne font pas partie du programme de comparabilité de la rémunération et sont censées refléter les augmentations accordées aux membres de la fonction publique. Le 1er avril 1998, les militaires du rang et les officiers du service général ont reçu une augmentation conjoncturelle de 2 %, et les indemnités d'environnement (indemnité d'opérations en campagne, indemnité de service en mer, etc.) ont été augmentées de 3,85 %. Ces indemnités sont offertes à titre de compensation financière aux membres des FC dont les tâches militaires comprennent une exposition occasionnelle ou continue à des conditions environnementales défavorables. Elles ont pour but de favoriser le recrutement et le maintien en poste de personnes possédant la motivation nécessaire pour travailler dans ces conditions.

En plus du gel général des salaires, la rémunération au rendement des militaires du rang et des officiers du service général a été gelée pendant deux ans (1994 et 1995). La rémunération au rendement des officiers supérieurs (colonel/capitaine de marine et grades supérieurs), de tous les avocats militaires et des officiers spécialistes (lieutenant- colonel/commander (Marine) et grades supérieurs) n'a pas été versée pendant quatre ans (1992-1995). Les hausses de la catégorie de prime de rendement sont normalement accordées chaque année aux militaires du rang et aux officiers du service général. Elles permettent aux militaires de progresser avec le temps jusqu'à l'échelon supérieur de solde prévu pour leur grade. Il n'existe aucune catégorie de prime de rendement pour les officiers supérieurs, qui, au lieu de cela, peuvent bénéficier de la rémunération au rendement; accordée annuellement, qui est le seul moyen dont ils disposent pour atteindre des échelons de solde plus élevés. La rémunération au rendement fait partie du régime salarial des officiers supérieurs et des officiers spécialistes, tout comme la prime de rendement fait partie intégrante du régime de solde des militaires du rang et des officiers du service général.

Le problème de la comparabilité de la rémunération est une source d'irritations pour les militaires de tous grades, mais l'est encore plus pour les militaires du rang, ce qui est bien compréhensible. Subissant déjà le contrecoup des compressions et du manque de possibilités de promotion - ce qui a des répercussions directes sur leur rémunération - ils ont vu leur solde gelée à un niveau nettement inférieur au salaire de leurs homologues de la fonction publique. Les petits rajustements progressifs effectués ultérieurement ne les ont pas non plus apaisés. Les militaires des grades les plus bas ont été touchés beaucoup plus durement que les autres par les difficultés financières résultant de leur faible rémunération, par l'augmentation du nombre des affectations et par l'obligation d'exécuter des tâches supplémentaires. Nous recommandons donc :

1. Que l'écart du salaire de base existant entre les militaires du rang et leurs homologues de la fonction publique soit comblé au plus tard le 1er avril 1999.

Nous recommandons en outre :

2. Que l'écart du salaire de base existant entre les officiers du service général et leurs homologues de la fonction publique soit comblé au plus tard le 31 décembre 1999.

Combler cet écart n'est toutefois qu'une solution partielle, encore que nécessaire, si on veut que leur rémunération soit équitable et suffisante. Si nous voulons conserver des techniciens qualifiés, recruter un personnel de bonne qualité et fournir aux membres des FC un niveau de vie acceptable, il faudra augmenter leur rémunération. Une telle augmentation est nécessaire de façon générale, mais nous sommes d'avis qu'il est particulièrement important qu'une forte augmentation soit accordée au niveau des grades « d'embauche ». Les nouvelles recrues ont de plus en plus souvent une jeune famille et ont du mal à joindre les deux bouts; ils ne doivent que trop souvent s'adresser aux banques d'alimentation. Nous recommandons donc :

3. Que, à compter du 1er avril 1999, la solde des simples soldats, des sous-lieutenants et des lieutenants, qui sont pour la plupart des nouvelles recrues, soit augmentée d'au moins 10 %.

4. Que, à compter du 1er avril 1999, la solde des militaires du rang soit augmentée d'environ 6 %; celle des grades de capitaine à lieutenant-colonel, d'environ 3 %; et celle des colonels et des officiers de grade supérieur, d'environ 2 %.

5. Que les augmentations de salaire accordées ensuite par les Forces canadiennes reflètent les augmentations conjoncturelles consenties dans la fonction publique et soient versées sans retard.

Ces pourcentages sont approximatifs, mais reflètent ce qui à notre avis répondra aux besoins. C'est au ministère de la Défense nationale de décider la meilleure façon de procéder. Par exemple, il sera peut-être préférable de réviser les pourcentages tout en augmentant les indemnités afin d'éviter un chevauchement entre la solde des divers rangs. Enfin, le but est d'augmenter sensiblement le revenu disponible des membres des FC, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. D'une manière ou d'une autre, il faut s'assurer que les militaires des grades les plus bas et au niveau des journaliers ont une rémunération équitable. C'est au Ministère de s'en occuper, mais il ne doit pas le faire aux dépens de l'entraînement et des besoins en matière d'équipement. Donc, il incombe au gouvernement d'allouer les fonds nécessaires afin que notre but soit atteint.

LA RÉSERVE

Ces augmentations doivent, bien entendu, être versées également aux membres de la Réserve, dont la solde est actuellement fixée à 85 % de celle de la Force régulière. Nous nous félicitons également de l'introduction de la gratification de retraite à l'intention de la Force de réserve. L'ajout de cette gratification à la solde des réservistes contribue fortement à refléter le rôle de plus en plus important qu'ils jouent. Toutefois, étant donné que certains membres de la Réserve participent aux côtés des membres de la Force régulière dans des opérations de maintien de la paix et qu'ils continueront de constituer un élément essentiel de la Force totale, nous recommandons :

6. Que le ministère de la Défense nationale prenne les mesures nécessaires pour mettre en place un véritable régime de pension pour la Réserve et qu'il rende compte chaque année au CPDNAC des progrès réalisés.

La gratification actuelle est un premier pas important, mais il faut aller plus loin si on veut tenir compte adéquatement de la contribution significative de la Réserve. Si les entreprises privées peuvent offrir un régime de pension à leurs employés à temps partiel, le ministère de la Défense nationale peut en faire autant.

La principale source d'irritations pour les réservistes s'est avérée être le problème que pose le retard avec lequel leur solde leur est versée. En fait, le Comité est au courant de ce problème depuis plusieurs années déjà, et, depuis plusieurs années également, le Ministère nous dit : « Nous sommes en train de régler le problème. » Or, il n'est pas encore réglé, et, tout en prenant note de l'intention d'intégrer le régime de rémunération de la Réserve avec celui de la Force régulière, nous recommandons :

7. Que, dans l'intervalle, le ministère de la Défense nationale remédie immédiatement aux problèmes que pose actuellement le régime de rémunération de la Réserve d'ici le 31 décembre 1999.

8. Que d'ici le 31 décembre 1999, un régime de rémunération commun soit adopté dès que possible pour la Force régulière et la Réserve.

Quel que soit le régime en vigueur, les réservistes doivent être payés à temps, tout le temps, et recevoir un talon de chèque de paie exact.

LE FACTEUR MILITAIRE

Le régime de rémunération des membres des FC inclut ce qu'on appelle le facteur militaire ou facteur X. Le montant de ce facteur a été fixé en 1974 à 4 % de la solde et, en 1981, il a été divisé en trois éléments distincts, système encore appliqué aujourd'hui. La compensation pour l'obligation de respecter un code de discipline militaire a été fixée à 0,5 % de la solde. Ce rajustement avait pour objet de compenser la perte de liberté résultant d'obligations telles que le respect uniforme des règles et la nécessité absolue d'obéir aux ordres. D'autres éléments pris en considération sont la fréquence des séparations avec le reste de la famille (1,5 % de la solde) et les perturbations de la vie familiale résultant des déménagements (2 %).

Ces évaluations sont, cela va sans dire, éminemment subjectives. Toutefois, vu la situation actuelle, on devrait accorder un poids plus important à la séparation avec le reste de la famille et, en particulier, aux perturbations résultant des affectations. Au cours de nos audiences, les témoins ont régulièrement fait état du stress qui en découle. Notre Comité estime toutefois ne pas posséder l'expertise requise pour déterminer exactement le niveau de pondération approprié. C'est quelque chose qui doit rester du ressort du Ministère. Étant donné l'évolution des déploiements et l'augmentation correspondante des risques, d'autres facteurs supplémentaires, ou des facteurs plus appropriés, devraient également être pris en considération dans la détermination globale du facteur militaire. Nous recommandons donc :

9. Que le ministère de la Défense nationale examine immédiatement le facteur militaire pour faire en sorte que les critères et la pondération utilisés reflètent de façon appropriée la nature spécifique du service militaire, et que le CPDNAC en examine les résultats chaque année.

HEURES SUPPLÉMENTAIRES

D'après la formule utilisée actuellement pour déterminer la rémunération globale, la compensation pour les heures supplémentaires est fixée à 4 % du salaire pour les officiers jusqu'au grade de lieutenant-colonel et à 6 % pour les militaires du rang. Comme dans le cas du facteur militaire, ces chiffres sont essentiellement subjectifs et ne reflètent pas véritablement le nombre d'heures de travail qu'on demande souvent aux membres des FC d'effectuer en plus de leur horaire normal. L'obligation de faire des heures supplémentaires est une réalité du service militaire, mais les effets des compressions, de l'accomplissement de plusieurs tâches et des déploiements sont tels qu'un réexamen de ce facteur paraît nécessaire. Nous recommandons donc :

10. Que le ministère de la Défense nationale, en reconnaissance du fait que les heures supplémentaires sont une réalité du service militaire, réexamine l'évaluation des heures supplémentaires afin de refléter correctement la charge de travail du personnel des FC et rende compte chaque année au CPDNAC. Le calcul des heures supplémentaires devrait continuer à faire partie intégrante de la formule utilisée pour déterminer la rémunération globale.

CONGÉ ANNUEL

Le congé annuel constitue un élément important de tout régime de rémunération et d'avantages sociaux. Il a pour objet de permettre aux employés de récupérer et de consacrer un temps précieux à la vie familiale. Les membres des FC ont droit à 20 jours par an pendant les 5 premières années et à 25 jours par an ensuite, mais des problèmes se posent dans la pratique. Actuellement, ils sont censés utiliser la totalité de leurs congés pendant l'année pour laquelle ils les obtiennent. Ils ne sont autorisés à accumuler et reporter que 5 jours par an jusqu'à un maximum de 25 jours pour l'ensemble de leur carrière. Si le nombre de jours accumulés au cours d'une année est supérieur à cinq, les journées excédentaires doivent être payées par les commandants des Commandements.

Ce système a pour effet que les membres sont forcés de prendre des congés à des moments où cela ne leur convient pas ou bien quand ils ne le souhaitent pas, ce qui est contraire à la raison d'être du congé annuel. Les commandants, au lieu de verser un montant compensatoire, décident quand les congés doivent être pris, si bien que de nombreux militaires doivent se résigner à prendre des vacances sans leur famille ou pendant des périodes où ils ne souhaitent tout simplement pas le faire. Nous recommandons donc :

11. Que le ministère de la Défense nationale mette au point des pratiques de gestion permettant aux membres des FC de prendre des congés afin de pouvoir répondre à leurs attentes et à celles de leur famille. Sous réserve des besoins opérationnels des périodes de congé désignées devraient être mutuellement acceptables aux commandants et aux demandeurs de congé. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

La solution pourrait consister simplement à accorder aux commandants plus de souplesse quant aux reports de congé; mais, quel que soit le système adopté, il doit permettre aux membres du personnel des FC d'utiliser une partie importante de leur congé annuel au moment qu'ils jugent approprié.

RÉMUNÉRATION PROVISOIRE

Les Forces canadiennes ne possèdent aucun programme concernant la rémunération de leurs membres qui occupent un « poste intérimaire », c'est-à-dire un poste dont le titulaire devrait être un individu d'un grade supérieur au leur et dont ils doivent remplir les tâches de façon permanente. Il s'agit, en fait, de postes vacants pour lesquels aucune personne du grade désigné n'est disponible. On ne parle toutefois pas de poste intérimaire dans le cas du commandant adjoint d'une base, qui doit, de temps à autre, remplacer le commandant de la base quand celui-ci est absent, ni dans le cas où quelqu'un occupe un poste d'un grade supérieur seulement pendant une brève période. Par exemple, une personne occupant un poste de niveau supérieur parce que son titulaire normal suit un cours de formation ne serait pas considérée comme exerçant ces fonctions par intérim. Par contre, un caporal affecté à un poste devant normalement être occupé par quelqu'un du grade immédiatement supérieur agirait bien à titre intérimaire.

Dans la fonction publique, la rémunération provisoire peut être accordée après un nombre déterminé de jours à quelqu'un qui n'occupe un poste de niveau plus élevé que pendant une brève période. Les dispositions en vigueur sont donc considérablement plus généreuses à la fonction publique que dans les FC. Un des principes que nous avons établis au départ est que les membres des FC devraient recevoir une rémunération équitable pour le travail qu'ils exercent. Nous recommandons donc :

12. Que, quand un membre des Forces canadiennes est affecté à un poste normalement occupé par quelqu'un d'un grade plus élevé, une rémunération provisoire correspondant à celle de ce grade plus élevé lui soit versée immédiatement.

COTISATIONS DE MESS

Une question qui nous a été signalée à plusieurs reprises est celle de l'obligation d'acquitter des cotisations de mess, qui sont directement déduites de la solde. Beaucoup se sont plaints de devoir être membres du mess, et, d'après d'autres, cette institution elle-même est devenue un anachronisme. Ces cotisations n'étant pas reconnues comme des cotisations professionnelles, elles ne peuvent pas être déduites de l'impôt, et certains préféreraient éviter cette dépense, pour aussi faible qu'elle soit.

Les mess constituent traditionnellement une partie importante de la culture militaire. Les commandants de base et d'unité ont traditionellement le pouvoir de favoriser la cohésion et l'esprit de corps au sein de leurs unités. Les mess militaires servent à familiariser les nouveaux membres avec les traditions de la vie militaire et offrent au personnel des FC la possibilité de s'adonner à diverses activités de loisir. Toutefois, les membres les plus jeunes ne les trouvent plus autant à leur goût que les générations précédentes et disent parfois qu'un mess n'est pas grand chose de plus qu'un « club privé pour amateurs de boisson ». Si les FC veulent que les mess militaires restent viables, leurs dirigeants doivent prouver leur utilité en tant qu'institution clé aux nouveaux membres des FC, qu'ils soient officiers ou militaires du rang. Nous recommandons donc :

13. Que les Forces canadiennes réexaminent d'ici un an le rôle joué par les mess militaires afin d'en démontrer l'utilité, en particulier à leurs jeunes membres. Les cotisations de mess devraient être déductibles du revenu imposable. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

SFC ALERT

Les déploiements outre-mer ne sont pas nécessairement les seules affectations dans le cadre desquelles les membres des FC se trouvent placés dans des conditions difficiles; il en va de même quand ils sont affectés à la SFC Alert. Nous constatons donc avec joie que le ministère de la Défense nationale prévoie maintenant l'octroi de 21 jours de congé, temps de déplacement compris, aux personnes détachées pendant plus de 4 mois à cette station. Une telle affectation est désormais traitée un peu comme un déploiement opérationnel en Bosnie, même si le facteur de risque ne s'applique alors pas. Actuellement, une indemnité spéciale est versée lorsque la durée cumulative des séjours à la SFC Alert atteint six mois, mais elle est légèrement moins généreuse que l'indemnité de service à l'étranger. Compte tenu de l'isolement imposé, des conditions de vie difficiles et du fait que le Ministère lui-même a maintenant décidé de considérer une affectation à Alert comme un déploiement opérationnel, nous recommandons :

14. Que l'indemnité spéciale-SFC Alert soit remplacée par une indemnité semblable à l'indemnité de service à l'étranger et qu'elle soit versée à partir de la date d'arrivée à Alert.

15. Que le montant de la nouvelle indemnité versée pour une affectation à la SFC Alert soit haussé et qu'il soit donc fixé au niveau IV de l'indemnité différentielle de mission.

CONGÉ DE MATERNITÉ ET INDEMNITÉ DE DÉPART

Étant donné que les femmes jouent un rôle de plus en plus important à tous égards dans les FC, nous avons été surpris de découvrir que le congé de maternité ne compte pas comme période de service pour le calcul de l'indemnité de départ. Les employées de la fonction publique bénéficient de cette possibilité, mais, pour on ne sait quelle raison, pas celles des FC, ce qui nous paraît injustifié et discriminatoire. En fait, les employées civiles du Ministère jouissent déjà de cet avantage. Nous recommandons donc :

16. Que le ministère de la Défense nationale commence immédiatement à compter le congé de maternité comme période donnant droit à l'indemnité de départ.

VERSEMENT DE LA RÉMUNÉRATION À LA QUINZAINE

De nombreux membres des FC s'irritent de ne pas recevoir leur rémunération chaque quinzaine comme les employés de la fonction publique. Il en résulte qu'il leur est parfois difficile de gérer leur budget à la fin du mois. Si la solde était versée toutes les quinzaines, cela ne signifierait pas un revenu supplémentaire pour les militaires, mais entraînerait initialement des frais administratifs importants pour le Ministère, surtout compte tenu du « problème de l'an 2000 ». Nous recommandons néanmoins :

17. Que le ministère de la Défense nationale commence d'ici le31 décembre 1999 à verser la rémunération toutes les deux semaines.

INDEMNITÉ DE VIE CHÈRE

Un de nos principaux objectifs est de faire en sorte que les membres des FC puissent s'attendre à avoir un niveau de vie identique quel que soit le lieu de leur affectation. Il est donc nécessaire de stabiliser la façon de prendre en considération le coût de la vie dans toutes les régions. Par exemple, le coût du logement sur la côte Ouest est deux fois plus élévé que dans les provinces de l'Atlantique. Bien que les militaires bénéficient présentement d'une indemnité de vie chère, elle n'est pas suffisante. Lors d'une réunion à Yellowknife, nos interlocuteurs nous ont donné un exemple détaillé de la myriade d'indemnités offertes aux militaires en poste dans cette ville. Leurs plus grandes sources de frustration se sont avérées être l'impossibilité de prévoir à quoi ils avaient droit, principalement à cause de la fiscalité, ainsi que la complexité du système.

Le personnel des FC en poste à Yellowknife a, par exemple, droit à une indemnité d'isolement composée de trois éléments : une indemnité d'environnement, une indemnité de vie chère et une indemnité de combustible et services publics. Les postes isolés sont désignés par le Conseil du Trésor en fonction de la population, du climat, des liaisons routières, de l'accès à des lignes aériennes commerciales et de la topographie. Une indemnité de vie chère est versée quand les prix des aliments et d'autres produits et services sont anormalement élevés par rapport à ceux de l'endroit désigné comme principale source d'approvisionnement de la région. Le montant de cette indemnité varie selon le taux différentiel du coût de la vie, mesuré par Statistique Canada, entre le poste isolé et sa source principale d'approvisionnement. Statistique Canada effectue régulièrement des enquêtes dans les postes isolés pour établir ces coûts. Une indemnité de combustible et de services publics est versée aux employés des postes isolés désignés pour les aider à assumer le prix anormalement élevé du combustible et des services publics dû aux frais de transport et aux taux de consommation imposés par l'emplacement du poste isolé. La principale source d'approvisionnement de Yellowknife est Edmonton, en Alberta. Les membres des FC qui vivent dans un logement privé à Yellowknife ont droit à 302 $ par mois d'indemnité pour le combustible et les services publics (cette somme est imposable).

Les personnes résidant dans un poste isolé bénéficient également de trois indemnités concernant le logement : l'indemnité putative de logement pour la région du Nord, la déduction pour les résidents du Nord et l'allocation spéciale de logement pour la région du Nord. La première est une prestation imposable que l'employeur indique comme revenu sur le formulaire T4 de l'employé. Pour tenir compte de la valeur de toute forme éventuelle d'aide au logement, le montant est basé sur la différence entre la « juste valeur marchande » d'un logement familial (LF) gouvernemental et la « valeur de base du gîte » pour le logement occupé (la « valeur de base du gîte » est généralement égale au montant du loyer payé par le membres des FC). À Yellowknife, le montant de l'indemnité putative de logement varie entre 600 $ et 1 400 $ selon le type d'habitation.

La déduction pour les résidents du Nord est une déduction spéciale du revenu net accordée aux résidents du Nord du fait de l'inclusion de l'indemnité putative de logement dans leur revenu. Les résidents de Yellowknife peuvent déduire 450 $ de leur revenu net sur leur déclaration d'impôt (jusqu'à un maximum de 20 % du revenu net). L'allocation spéciale de logement de la région du Nord est une allocation forfaitaire imposable de 450 $ par mois. Elle est entrée en vigueur en 1988 pour compenser partiellement l'impact négatif de l'indemnité putative de logement. Les occupants de Yellowknife étaient confrontés à une situation où la déduction pour les résidents du Nord de 450 $ par mois était plus que compensée par l'indemnité putative de logement qui peut varier entre 800 $ et 1 200 $ par mois. En 1988, le Conseil du Trésor a approuvé le versement d'une allocation mensuelle imposable de 450 $ par mois pour tout le personnel en poste à Yellowknife. Ni la déduction ni l'allocation ne sont indexées sur l'inflation du marché, si bien qu'une augmentation des loyers sur le marché de Yellowknife réduira inévitablement la valeur de l'une et de l'autre.

Enfin, les militaires à Yellowknife ont également droit à l'indemnité d'aide au logement (IAL), destinée à atténuer l'impact du montant élevé des loyers dans les zones chères. Elle est versée quand les loyers locaux sont de 12,5 % ou plus supérieurs à la moyenne nationale. Tel est le cas à Yellowknife, mais de nombreux membres des FC paient des loyers inférieurs à ceux en fonction desquels est calculée l'IAL. Le montant de l'indemnité à laquelle ils ont droit doit donc être réduit à la différence entre leur loyer effectif et le loyer national moyen payé pour un logement familial par un employé ayant le même grade et une famille de la même taille. Cette indemnité n'est pas versée aux occupants d'un logement familial dont le loyer ne dépasse pas la moyenne nationale.

Les questions que nous pourrions poser sont tout simplement les suivantes : pourquoi y a-t-il tant d'allocations et d'indemnités concernant le logement? Pourquoi ne les a-t-on pas simplifiées pour que leur montant soit prévisible et uniforme? Le chapitre suivant porte sur la question du logement et contient des recommandations qui, à notre avis, répondront de façon appropriée aux besoins des membres des FC à cet égard.

Il reste toutefois le problème de la variation du coût de la vie d'un endroit à l'autre. Là encore, les membres des FC demandaient que ce à quoi ils ont droit soit simple et facile à comprendre pour pouvoir prévoir exactement quel sera leur revenu disponible. L'imposition de ces indemnités fait de cela une tâche difficile pour beaucoup d'entre eux. Après un déménagement, on pourrait s'attendre à ce que, une fois les dépenses de base couvertes, le revenu disponible soit le même, quel que soit le lieu d'affectation.

À notre avis, la meilleure façon d'y parvenir est d'instaurer une indemnité de vie chère qui s'appliquerait aux différents endroits où le personnel des FC est affecté au Canada. Cette méthode a donné d'excellents résultats aux États-Unis. Elle regrouperait les indemnités et allocations actuelles pour en faire une prestation globale unique de compensation pour la cherté de la vie. Nous sommes également d'avis qu'elle devrait être appliquée équitablement à tous les membres des FC et que son montant ne devrait donc pas dépendre du grade. Après tout, un colonel doit-il dépenser plus qu'un caporal pour vêtir et nourrir ses enfants à Yellowknife? Cette indemnité constituerait une subvention en espèces non imposable d'un montant forfaitaire, ce qui garantirait qu'elle soit équitable, transparente et prévisible. Pour en calculer la valeur monétaire, on pourrait constituer un panier de biens approprié. Nous recommandons donc :

18. Que le ministère de la Défense nationale instaure une indemnité globale de vie chère non imposable versée au personnel des FC en poste au Canada.

Nous sommes également d'avis que, vu la nouvelle indemnité dont nous proposons la création pour les membres des FC au Canada, il pourrait être utile que le Ministère réexamine les allocations et indemnités qu'il verse à ceux qui sont en poste à l'étranger afin de les harmoniser avec l'indemnité de vie chère. Nous recommandons donc :

19. Que le ministère de la Défense nationale adopte, pour déterminer le montant des indemnités de vie chère versées aux membres des FC en poste outre-mer, une méthode analogue à celle utilisée pour l'indemnité correspondante versée au Canada. Le Ministère devrait faire rapport au CPDNAC d'ici un an.

EXAMEN DE LA RÉMUNÉRATION

Pour finir, nous signalons simplement qu'il est important de ne pas laisser la rémunération et les avantages sociaux des FC sombrer à nouveau dans la confusion. Pour faire en sorte que la rémunération des FC reste juste et équitable, nous recommandons :

20. Que le gouvernement constitue, au moins une fois tous les cinq ans, un groupe indépendant chargé d'examiner dans quelle mesure la rémunération et les avantages sociaux fournis aux Forces canadiennes sont appropriés et de présenter des recommandations à cet égard. Le groupe devrait faire rapport au CPDNAC.

Nous sommes tout à fait conscients que plusieurs de nos recommandations forceront le Conseil du Trésor et Revenu Canada à modifier certaines de leurs pratiques. Toutefois, les membres des Forces ont dû eux aussi s'adapter à de nouvelles réalités et à de nouveaux défis. Il est important de ne pas sacrifier le bien-être de notre personnel militaire sur l'autel de l'inertie bureaucratique.