Passer au contenu
;

NDVA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

CHAPITRE III
LA CRISE DU LOGEMENT

INTRODUCTION

Dès le début de notre étude, il est apparu évident que les Forces canadiennes font face à une crise du logement. Le personnel militaire qui vit dans des logements pour célibataires ou des logements familiaux dans les bases doit habiter de vieux logements délabrés, parmi les pires qui se trouvent au pays. Il faudra des millions de dollars pour rénover ou remplacer ces logements, et reporter la solution du problème au lendemain ne fera qu'aggraver la situation. D'autres militaires trouvent des logements par leurs propres moyens à l'extérieur des bases mais, tout comme leurs collègues qui vivent dans des logements pour célibataires ou des logements familiaux, ils doivent faire face non seulement à une hausse constante des loyers, mais aussi à des écarts spectaculaires entre les loyers et les prix des maisons d'une région à l'autre. Leur revenu disponible, sans parler de la qualité de vie, peut être grandement réduit du seul fait qu'ils doivent s'installer dans une autre région.

On s'est efforcé ces dernières années de diminuer les coûts et de procurer plus de stabilité aux familles en réduisant le nombre de fois où les militaires doivent déménager dans leur carrière. Toutefois, en raison des besoins opérationnels et des besoins de l'entraînement que comporte la vie militaire, les militaires doivent encore déménager plus souvent que la plupart des Canadiens. D'ailleurs, contrairement à leurs concitoyens, les militaires ont peu de choix quant aux dates des déménagements et aux endroits où ils déménagent. Lorsqu'ils reçoivent une nouvelle affectation, ils doivent partir pour une nouvelle base, et refuser l'affectation a des répercussions importantes sur leur carrière. En résumé, des déménagements fréquents sont une réalité incontournable de la vie militaire, mais ils provoquent beaucoup de stress, surtout pour les jeunes familles sans cesse déracinées. En outre, les militaires et leur famille doivent vivre dans des logements décrépits dans les bases et payer des loyers élevés dans certaines régions et dans les bases isolées. Leur grande frustration n'est donc pas étonnante. Le présent rapport et d'autres initiatives ne régleront pas tous les problèmes de logement, mais les principaux problèmes, surtout dans les bases, ont été cernés très clairement et il faut désormais intervenir rapidement et de manière décisive.

LES AMÉLIORATIONS AUX LOGEMENTS POUR CÉLIBATAIRES

L'utilité de fournir des logements dans les bases fait l'objet d'un débat depuis de nombreuses années. Certains soutiennent que, parce que les militaires déménagent souvent d'une base à l'autre et peuvent être absents pendant de longues périodes lorsqu'ils participent à des missions de paix ou à des entraînements, il faut offrir des logements dans les bases à ceux qui ont peu de temps pour se trouver un logement dans la collectivité environnante ou qui ne peuvent se payer un tel logement. Beaucoup préfèrent vivre dans la base, avec d'autres militaires, dans une collectivité unie où les familles peuvent s'entraider au besoin. D'autres soutiennent que les militaires ne devraient pas s'isoler du reste de la société canadienne en vivant dans des bases et qu'ils devraient plutôt habiter dans la collectivité environnante. D'ailleurs, un grand nombre de militaires préfèrent trouver leur propre logement dans la collectivité et offrir un environnement différent à leur famille.

Mais il y aura toujours un besoin pour quelques logements dans une base, notamment des logements temporaires pour le personnel militaire durant des exercices d'entraînement de quelques semaines ou quelques mois. Il y a aussi des casernes ou des logements pour célibataires à l'intention des militaires célibataires qui doivent ou préfèrent habiter près de leur unité. Beaucoup de célibataires qui habitent ces logements sont de jeunes recrues, la plupart du temps à peine arrivés dans la région où ils ont été affectés. Ils ont parfois peu de temps pour trouver un logement à louer à l'extérieur de la base et peuvent avoir du mal à trouver un logement à prix abordable dans les régions où les coûts sont élevés. Les problèmes créés par l'absence de logements pour célibataires, surtout pour les militaires du rang, sont déjà évidents à des endroits comme Ottawa, où tous les logements pour célibataires ont été démolis, et à Toronto, où ils ne suffisent pas à la demande. Des militaires qui préféreraient vivre dans ces logements n'ont pas le choix de le faire ou non ou doivent se loger ailleurs en attendant que des logements se libèrent. Bref, il y a encore un besoin pour des logements pour célibataires dans les bases ou à proximité, mais dans une période de compression du budget de la défense, on peut l'oublier ou ne pas en tenir compte. Le Comité croit qu'il faut s'engager à fournir des logements pour célibataires. Nous recommandons donc :

21. Que le Ministère élabore et adopte une politique afin que le personnel dans toutes les bases et dans tous les grands établissements militaires ait accès à des logements pour célibataires bien entretenus. Un rapport d'étape annuel devrait être présenté au CPDNAC.

Il est essentiel de bien entretenir les logements pour célibataires parce que le mauvais état actuel de presque tous les logements s'explique du fait qu'ils ont été laissés à l'abandon dans le passé. Certaines lacunes ont déjà été comblées par la construction de logements neufs dans certaines bases, notamment à Edmonton et à Petawawa. Des problèmes persistent, mais les installations que nous avons visitées représentent une nette amélioration par rapport aux vieux logements pour célibataires qui existent encore à Kingston et à Esquimalt, que l'on ne peut que qualifier de délabrés par rapport aux normes actuelles. Le Comité a visité également les logements des cadets au Collège militaire royal de Kingston, où certaines rénovations ont été effectuées récemment. Il reste cependant encore beaucoup à faire, pas seulement au Collège, mais aussi dans les bases militaires de toutes les régions du Canada afin que les logements pour célibataires soient modernes, confortables et bien entretenus. Les remarques des militaires concernant des toits qui coulent et le manque d'espace confirment l'impression que certains logements pour célibataires ont été laissés à l'abandon pendant trop longtemps et nécessitent plus que des améliorations superficielles.

Il faudrait aussi éliminer les écarts quant à la qualité et à l'état des logements pour célibataires d'une base à l'autre afin que tous les membres des Forces aient des logements pour célibataires propres, bien conçus et administrés efficacement, qu'ils soient dans la Force navale, terrestre ou aérienne. D'ailleurs, les jours où seules des unités de l'armée tenaient garnison dans une base terrestre et seul du personnel naval servait dans les bases navales sont depuis longtemps révolus. Désormais, certains membres de la Force aérienne servent dans des bases de l'armée et des cuisiniers peuvent se retrouver dans une base navale une année et dans une base aérienne l'année suivante. Les militaires devraient être bien logés, quel que soit le type de base où ils sont affectés. Dans cet esprit, le Comité recommande :

22. Qu'une norme commune pour la conception et l'administration des logements modernes pour célibataires dans toutes les bases et stations des Forces canadiennes soit établie et que les installations qui ne répondent pas à cette norme soient rénovées ou remplacées le plus rapidement possible. Le CPDNAC devrait recevoir un rapport d'étape d'ici un an.

Les besoins, les attitudes et les modes de vie d'un grand nombre de ceux qui habitent dans les logements pour célibataires, en particulier les jeunes recrues, sont à bien des égards très différents de ceux des militaires qui ont commencé leur carrière il y a trois ou quatre décennies. Le nombre de femmes dans les FC a augmenté lui aussi au fil des années. Ces facteurs ont influencé la façon de concevoir et d'administrer les logements pour célibataires, mais il y a encore des améliorations à apporter. Même si la vie militaire implique des contraintes, les militaires s'attendent à une certaine protection de leur vie privée et à un certain niveau de sécurité personnelle, comme n'importe quel autre Canadien. La conception et l'administration des logements pour célibataires doivent en tenir compte. Le Comité recommande donc :

23. Que les planificateurs du Ministère et les entrepreneurs accordent une grande priorité à la protection de la dignité, de la vie privée, et de la sécurité des personnes dans la conception et l'administration des logements pour célibataires. Le CPDNAC devrait recevoir un rapport d'étape d'ici un an.

LE MAUVAIS ÉTAT DES LOGEMENTS FAMILIAUX (LF)

Les autres membres des Forces, surtout ceux qui ont une famille, ont le choix entre habiter des LF loués à la base ou encore des logements qu'ils louent ou achètent à l'extérieur. D'ailleurs, le Conseil des Forces armées a réaffirmé en 1996 le principe que les Forces canadiennes assureront un accès au logement pour toutes les familles des militaires. À l'heure actuelle, cependant, à peine le tiers environ de toutes les familles choisissent d'habiter des LF dans les bases. Le personnel affecté à des bases isolées n'a parfois pas d'autre choix que les LF, tandis qu'ailleurs, les coûts élevés de l'achat ou de la location d'un logement à l'extérieur de la base, les distances entre la base et les collectivités des environs, ou l'incertitude quant à la durée de l'affectation incitent certaines familles à opter pour les LF. Quels que soient les motifs du choix des LF, l'expérience est loin d'être agréable pour la plupart des résidents.

Les membres du Comité ont vu de leurs yeux le très mauvais état des LF lorsqu'ils se sont rendus dans des bases militaires de toutes les régions du Canada et ils ont entendu les innombrables histoires d'horreur racontées par ceux qui y habitent. Nous remercions beaucoup tous ceux qui nous ont accueillis dans leurs LF et qui ont bien voulu répondre à toutes nos questions. Nous n'avons visité qu'un petit échantillon de ces logements, mais la franchise des résidents durant nos visites et durant les réunions a fait ressortir très clairement l'ampleur du problème. Le mauvais état de certains logements familiaux est évident, à regarder simplement l'apparence extérieure, mais, comme nous l'ont fait remarquer de nombreux témoins, sous des dehors acceptables se cachent parfois des problèmes à l'intérieur. Nous avons entendu de nombreuses plaintes au sujet de la mauvaise qualité des fenêtres, parce qu'elles laissent entrer l'air et souvent la pluie et parce qu'elles offrent peu ou pas de protection contre le froid. Même lorsque les fenêtres et les portes sont remplacées, la mauvaise qualité des travaux et les problèmes bureaucratiques n'apportent souvent pas beaucoup d'amélioration.

La plupart des quelque 20 000 LF au pays ont été construits dans les années 40 et 50 et, à quelques exceptions près, les politiques du Conseil du Trésor n'ont pas permis la construction de nouveaux logements depuis les années 60. La plupart des logements familiaux ne répondent pas aux exigences modernes en ce qui concerne la taille, le câblage électrique et l'isolation. Certains sont très petits et offrent peu d'espace lorsque naissent des enfants. Parce qu'ils sont mal isolés, même les plus petits LF sont difficiles à chauffer, et les factures de chauffage sont élevées. Malgré un chauffage au maximum, de nombreuses familles ont du mal à se tenir au chaud. Dans d'autres LF, comme certains de Halifax, le chauffage est bon, mais il est difficile à éteindre à la fin de l'hiver. Les problèmes de chauffage sont très troublants, non seulement parce que les résidents ne vivent pas dans des maisons confortables, mais aussi en raison des conséquences écologiques d'une utilisation aussi inefficace du combustible.

L'absence d'isolation et la mauvaise qualité des fenêtres, conjuguées à des toits qui coulent et à des fondations qui se désagrègent, rendent les maisons humides au printemps et lors des orages. La moisissure et l'inondation des sous-sols endommagent les meubles et les autres possessions, créent un environnement malsain tout simplement inacceptable en 1998, surtout pour les familles qui ont de jeunes enfants. Les militaires affectés à de longues et dangereuses opérations à l'étranger ou à des exercices d'entraînement au Canada ont raison d'être en colère et frustrés lorsqu'ils rentrent à la maison et trouvent leur femme ou leur mari et leurs enfants dans des logements malsains et scandaleux. Même si seulement quelques logements familiaux étaient inondés tous les printemps ou si mal isolés qu'on peut y conserver les aliments dans les placards plutôt que dans le réfrigérateur en hiver, le problème resterait de taille. Mais compte tenu du nombre d'histoires semblables que nous avons entendues dans les bases canadiennes, il est évident que tout le portefeuille de logements du Ministère est en crise.

Le mauvais état des LF au pays résulte en grande partie de nombreuses années d'abandon. La priorité a été accordée aux besoins opérationnels des Forces terrestre, navale et aérienne et les fonds pour l'entretien des LF ont souvent été assez limités. D'autres pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ont fait la même erreur, mais le manque d'entretien, conjugué à notre climat, a entraîné une détérioration encore plus grande des logements militaires canadiens. Dans son rapport de 1994, le vérificateur général constatait le mauvais état des logements et recommandait une intervention d'urgence du ministère de la Défense nationale, afin de réduire les importantes pertes d'exploitation dues à la gestion des logements familiaux. Il s'interrogeait également sur l'utilité d'avoir cinq sections du Quartier général de la Défense nationale chargées de l'administration des LF. Le vérificateur général se réjouissait donc de la décision du Ministère de créer un organisme de service spécial, l'Agence de logement des Forces canadiennes (ALFC), et de lui déléguer la responsabilité des logements familiaux. Avant de faire des recommandations sur le logement, il convient d'examiner le rôle de l'Agence et les loyers exigés pour les logements familiaux.

LE RÔLE DE L'AGENCE DE LOGEMENT DES FORCES CANADIENNES (ALFC)

L'ALFC a commencé ses activités le 1er avril 1996. Elle assumait la responsabilité pour la gestion et l'entretien d'environ 8 000 des quelque 20 000 LF au Canada et elle a pris en main la gestion des autres l'année suivante. L'ALFC touche les loyers des logements familiaux et utilise ces revenus pour entretenir les logements tout en s'assurant qu'il n'y a pas de perte d'exploitation. Étant donné l'état de nombreux LF, la distinction entre l'entretien courant et le rafistolage d'urgence n'est pas toujours claire. L'Agence est aussi chargée de l'élaboration d'une stratégie du logement pour chaque base, encore que son mandat approuvé par le Conseil du Trésor limite actuellement sa marge de manoeuvre. La tâche de l'ALFC est titanesque.

Malgré certaines plaintes concernant la façon dont certains travaux d'entretien courant sont effectués, notamment le remplacement des fenêtres, beaucoup de ceux qui habitent des LF s'inquiètent tout particulièrement de la réaction de l'Agence dans des situations d'urgence comme l'inondation d'un sous-sol, la présence de rongeurs et les problèmes de chauffage. Par le passé, les commandants des bases intervenaient du mieux qu'ils le pouvaient pour résoudre les problèmes qui se posaient, mais désormais la plupart des bases ont un bureau de l'ALFC qui répond aux appels durant les heures normales de bureau. Après 17 heures, il faut appeler un numéro 1-800 pour communiquer avec le bureau d'Ottawa. Une fois alerté, le bureau d'Ottawa demande à ses entrepreneurs ou à ceux qui se trouvent près des bases de régler le problème.

Le Comité a entendu des opinions contradictoires sur la réaction de l'Agence en cas d'urgence. Ainsi, des familles de militaires de la BFC Bagotville ont signalé peu de difficultés avec l'Agence, tandis que d'autres de la BFC Valcartier, à faible distance de là, ont exprimé leur frustration face au service fourni après les heures de bureau. (Une personne qui a appelé au numéro 1-800 s'est fait demander où était Valcartier.) Certains problèmes sont peut-être dus au rodage inévitable durant les premiers mois de l'ALFC, mais dans certains cas, l'Agence a peut-être sous-estimé le nombre ou la nature des situations d'urgence susceptibles de survenir. Afin que l'Agence tire pleinement leçon de ses premiers mois d'activité, le Comité recommande :

24. Que l'Agence de logement des Forces canadiennes examine ses politiques et ses ententes avec les entrepreneurs à toutes les bases pour s'assurer que les réparations efficaces et pertinentes sont effectuées dans les logements familiaux le plus tôt possible lorsque survient une situation d'urgence.

Dans quelques situations d'urgence, il y a eu un manque évident de communication entre le personnel de l'ALFC et les résidents des LF. Vu l'état de la plupart de ces logements, il n'est pas étonnant que certains locataires s'agitent lorsque le sous-sol est inondé ou qu'un plancher commence à s'effondrer. Les représentants de l'ALFC ont souvent essuyé la colère des résidents des logements familiaux et ont répondu avec professionnalisme. Dans d'autres cas, ils n'ont pas semblé réagir correctement face à la situation. Quelles que soient les raisons des délais à réparer les LF lorsque survient une situation d'urgence, il importe de s'assurer que les militaires et leur famille reçoivent un service rapide et courtois car, après tout, ils n'ont souvent pas d'autre choix que de vivre dans des LF. En outre, lorsque le conjoint est parti pendant des mois pour participer à une mission de paix ou d'entraînement, le mari ou la femme qui reste à la maison a déjà assez de s'occuper de la famille et devrait pouvoir obtenir de l'aide rapidement lorsque le LF a besoin de réparations. Dans cet esprit, le Comité recommande :

25. Que l'Agence de logement s'assure que son personnel dans toutes les bases est bien formé pour offrir un service rapide et courtois aux résidents des logements familiaux, surtout en cas d'urgence.

L'ALFC fait face à un dilemme dans de nombreuses bases que doivent quitter des unités militaires ou dans les établissements qui doivent fermer dans un avenir rapproché. L'Agence hésite peut-être à dépenser beaucoup d'argent pour réparer des LF lorsqu'elle sait que ces logements seront libérés, voire démolis dans quelques années. À Edmonton, par exemple, la Force terrestre s'installe à la base aérienne de Namao, au nord de la ville et elle quitte sa base de Griesbach, où les résidents des LF se sont beaucoup plaints de l'état de leurs logements. D'ailleurs, l'ALFC a annoncé en juin 1998 sa décision d'abandonner les 757 LF de Griesbach parce qu'il ne vaut plus la peine de les réparer et elle offre divers choix aux résidents qui devront quitter les lieux d'ici deux à cinq ans. En attendant toutefois, il ne faut pas laisser à eux-mêmes ceux qui vivent à Griesbach et ailleurs où il est prévu que des logements familiaux délabrés seront libérés ou remplacés. Le Comité recommande donc :

26. Que l'Agence de logement offre des services suffisants et efficaces, notamment des réparations d'urgence, pour les logements familiaux dont il est prévu ou probable qu'ils seront abandonnés au cours des prochaines années en raison notamment de la fermeture d'une base ou du transfert d'unités militaires, tant que d'autres logements de rechange ne sont pas disponibles.

Il serait décevant que des délais dans la réparation des LF résultent de la trop grande volonté d'éliminer les pertes d'exploitation annuelles et du peu d'attention accordé aux réparations et à l'entretien. Même si éviter des pertes d'exploitation va dans le sens de la volonté du gouvernement de comprimer les dépenses et d'assurer une saine gestion financière, il faut se rappeler que l'autre but de l'Agence consiste à améliorer la qualité du logement des militaires. Après tout, les militaires et leur famille paient un loyer pour leurs logements familiaux et ils ont le droit de s'attendre à un service et à des conditions de vie de niveau satisfaisant. Mais la façon dont le loyer des LF est fixé constitue une autre source d'insatisfaction.

LES LOYERS : POURQUOI VARIENT-ILS AUTANT?

Une grande partie des revenus que l'Agence de logement tire des loyers payés par les résidents des LF est consacrée à l'entretien et aux réparations, mais l'Agence ne détermine pas le montant des loyers en vase clos. Conformément aux politiques du Conseil du Trésor, les loyers des LF de l'Agence doivent être comparables à ceux du marché du logement à proximité de la base, tel que déterminés par la Société canadienne d'hypothèque et de logement (SCHL). La SCHL détermine la valeur de location des logements familiaux comme s'il s'agissait de logements à l'extérieur de la base loués par des propriétaires privés, mais puisqu'ils sont en si mauvais état, cette valeur et, par conséquent, les loyers exigés peuvent être légèrement inférieurs à ceux de logements semblables en meilleur état sur le marché privé. Cet écart favorable est toutefois une mince consolation pour ceux qui vivent dans des villes ou à proximité de villes comme Victoria, en Colombie-Britannique, où les coûts du logement comptent parmi les plus élevés au pays. Étant donné que les loyers des LF doivent refléter les prix locaux, ils sont donc beaucoup plus élevés à la BFC Esquimalt qu'à la BFC Halifax et qu'à de nombreuses autres bases. Comble de malchance, les loyers des logements familiaux montent chaque fois qu'augmentent les coûts du logement locaux. Par conséquent, de nombreuses familles de militaires sont confrontées non seulement à des loyers élevés, mais aussi à des hausses fréquentes, dont une autre en août 1998.

Les écarts entre les coûts du logement d'une région à l'autre sont une réalité de la vie au Canada. Mais pour les militaires, qui doivent déménager à plusieurs reprises d'une région à l'autre pour des raisons opérationnelles plutôt que par choix, des écarts importants entre les loyers des LF peuvent avoir des répercussions spectaculaires sur le bien-être financier de leur famille. Ainsi, la famille d'un caporal peut avoir un revenu disponible à Halifax, puis se retrouver en difficulté financière lorsque le caporal est affecté à Victoria, où les loyers sont deux fois plus élevés. Comme si cela ne suffisait pas, le LF dont le loyer coûte beaucoup plus cher est parfois plus délabré que celui que la famille vient de quitter. Dans une région où les coûts du logement sont élevés, la seule autre solution à prix abordable est un logement loué et relativement éloigné de la base. Les frais de transport entre la maison et la base, y compris l'usure de la voiture familiale et parfois l'achat d'une deuxième voiture, éliminent parfois largement les avantages d'un loyer moins élevé à l'extérieur de la base.

À un moment ou à un autre durant leur carrière, la plupart des militaires sont affectés dans une région où les coûts du logement sont nettement plus élevés qu'ailleurs. Ce n'est donc pas un problème qui touche seulement quelques personnes. D'ailleurs, le nombre de personnes visées est assez élevé quand on tient compte des familles. Mais les différences régionales entre les coûts du logement ont une incidence non seulement sur la qualité de vie des familles des militaires mais aussi sur les capacités militaires du Canada. Les militaires qui craignent sans cesse d'être affectés dans des régions où les coûts du logement sont nettement plus élevés ne sont pas dans le meilleur état d'esprit pour faire un travail dangereux et exigeant. D'autres se lassent tout simplement de voir leur famille éprouver des difficultés financières dans les régions où les coûts sont élevés et quittent les Forces à la première occasion. Les Forces et les contribuables ne profitent donc pas pleinement du temps et de l'argent investi pour former ces militaires.

La solution idéale consisterait à exiger des loyers identiques pour les LF dans toutes les bases du pays. Les militaires reçoivent la même solde et les mêmes avantages peu importe où ils se trouvent au pays et beaucoup d'entre eux ont demandé au Comité pourquoi les loyers des LF ne sont pas uniformes eux aussi. Il faut cependant procéder avec soin pour uniformiser les loyers, afin d'éviter de créer d'autres problèmes. Si l'Agence de logement devait uniformiser les loyers d'un bout à l'autre du pays, elle pourrait perdre des revenus dont elle a besoin pour entretenir et réparer les logements familiaux. De plus, si une moyenne nationale était utilisée comme référence pour uniformiser les loyers, il pourrait en résulter une baisse des loyers pour les militaires des régions où les coûts sont élevés, mais aussi des hausses de loyers pour ceux qui vivent dans des régions où les coûts sont bas et les loyers inférieurs à la moyenne nationale. Vu l'insatisfaction à l'égard de la solde et de l'état des LF, l'Agence de logement aurait peu avantage à uniformiser les loyers s'il en résultait des hausses de loyers pour certains locataires.

Quoi qu'il en soit, si elle percevait des loyers identiques pour les LF dans toutes les bases, l'Agence de logement enfreindrait la politique du Conseil du Trésor qui exige que les loyers payés par les fonctionnaires, les membres de la GRC et le personnel militaire soient comparables à ceux qui existent dans la région où ces personnes sont affectées. Il serait peut-être possible de convaincre le Conseil du Trésor de modifier sa politique, mais cela pourrait prendre des mois, voire des années et ainsi retarder l'aide apportée aux militaires et à leur famille. Il existe d'autres options, mais elles présentent toutefois des désavantages. Par exemple, au lieu de laisser l'Agence de logement uniformiser les loyers, le Ministère pourrait lui accorder une subvention de nature à uniformiser le barème des loyers dans toutes les bases. Cette subvention comblerait l'écart entre les loyers des LF fixés conformément aux coûts du logement dans la région et les loyers uniformisés, tels que déterminés par le Ministère. Elle permettrait à l'Agence de logement de maintenir le même barème des loyers et les mêmes revenus, mais il incomberait au Ministère de s'assurer que ses militaires paient les mêmes loyers, peu importe l'endroit où ils sont affectés.

Il serait toutefois injuste de fixer un loyer uniforme pour les LF et de livrer à eux-mêmes ceux qui se trouvent un logement à l'extérieur de la base. Après tout, seulement le tiers des familles des militaires habite dans les bases. Toute aide visant à uniformiser les loyers devrait être accordée à tous les militaires, qu'ils vivent dans la base ou non. Par conséquent, même si le Ministère pourrait facilement accorder une subvention à l'Agence de logement pour aider ceux qui habitent des LF, accorder une subvention semblable aux propriétaires privés qui louent des logements à des militaires à l'extérieur de la base créerait un casse-tête administratif. Bref, la façon la plus simple de s'assurer que les militaires paieront les mêmes loyers d'un océan à l'autre, qu'ils vivent dans la base ou non, consiste à leur accorder une indemnité de logement pour combler, s'il y a lieu, l'écart entre les loyers uniformisés qu'ils doivent payer et les loyers exigés dans la région où ils sont affectés.

Cette aide existe déjà. Il s'agit de l'indemnité d'aide au logement (IAL). Nous avons entendu de nombreuses plaintes au sujet de l'insuffisance de cette indemnité, qui ne compense qu'en partie les coûts plus élevés dans une région par rapport à une autre et qui, de surcroît, est un revenu imposable. Cette indemnité a été créée au début des années 80, précisément pour soulager les locataires confrontés aux écarts des coûts du logement d'une région à l'autre, mais l'admissibilité et les montants versés sont déterminés à l'aide d'une formule complexe reposant sur une moyenne nationale pondérée des coûts du logement, telle que déterminée par la SCHL, et sur d'autres facteurs, dont le rang. Rien n'illustre mieux les limites de cette formule que le fait qu'il arrive parfois que des militaires reçoivent une indemnité d'aide au logement moins élevée lorsque les loyers augmentent dans leur région. Autrement dit, cette indemnité était une bonne idée, mais son application a nettement émoussé son efficacité.

Les problèmes créés par les différences régionales entre les coûts du logement peuvent être corrigés rapidement et efficacement en créant simplement une nouvelle indemnité de logement, semblable à celle qui existe déjà, mais qui serait calculée à l'aide d'une nouvelle formule. Cette nouvelle indemnité comblerait l'écart entre les coûts du logement dans une région et les loyers uniformisés déterminés par le Ministère pour toutes les bases. Au lieu de se servir d'une moyenne nationale, on déterminerait les loyers uniformisés à l'aide des coûts du logement à quelques grandes bases comme Edmonton, Valcartier et Halifax. Le point de référence devrait être établi en tenant compte de la moyenne des coûts du logement à trois ou quatre bases. Ainsi, les militaires qui louent une maison de deux chambres à coucher à Halifax paieraient donc le même loyer pour une maison équivalente s'ils étaient affectés à une base comme Esquimalt, où les loyers sont plus élevés. La nouvelle indemnité pour dépenses de logement couvrirait simplement la différence entre le loyer uniformisé et le loyer plus élevé exigé sur le marché local. Le coût de cette nouvelle indemnité sera évidemment élevé. Mais le Ministère consacre déjà de fortes sommes à l'indemnité d'aide au logement et, à en juger par toutes les plaintes que nous avons entendues, il ne réussit qu'à fournir une aide insuffisante au personnel confronté à des loyers élevés et qu'à susciter de grandes frustrations. La nouvelle indemnité coûtera plus cher, mais elle réussira mieux à aplanir les disparités entre les coûts d'une région à l'autre et à aider les militaires à maintenir le même revenu disponible, peu importe où ils sont affectés. Elle pourrait être harmonisée à l'IAL recommandée au chapitre II afin d'offrir une indemnité globale de vie chère parce qu'après tout, les frais de logement comptent pour une part importante du coût de la vie. Le Ministère ne peut qu'en profiter, car la nouvelle indemnité améliorera le bien-être des familles des militaires et contribuera grandement à remonter le moral des troupes. Dans cet esprit, nous recommandons :

27. Qu'afin que les militaires paient les mêmes loyers, quelle que soit la base où ils sont affectés, l'indemnité d'aide au logement soit remplacée par une indemnité pour dépenses de logement qui comblera l'écart, le cas échéant, entre les coûts du logement dans une région et le loyer uniformisé déterminé à l'aide de la moyenne des coûts du logement dans un certain nombre de grandes bases.

La valeur de la nouvelle indemnité pour dépenses de logement serait grandement réduite si, comme celle qu'elle remplacerait, elle était imposable. La nouvelle indemnité vise seulement à combler l'écart entre le loyer uniformisé appliqué à toutes les bases et les loyers plus élevés constatés dans certaines régions, de sorte qu'elle ne servirait à rien si elle était imposable. Par conséquent, nous recommandons :

28. Que l'indemnité pour dépenses de logement ne soit pas considérée comme un revenu imposable.

Même si la plupart des militaires ont le choix d'habiter dans la base ou à l'extérieur, certains n'ont pas d'autre choix que de vivre à l'extérieur même si les coûts du logement sont élevés dans la région. C'est le cas du personnel affecté à Ottawa, où se trouve le Quartier général de la Défense nationale, mais où les logements pour célibataires ont été démolis et où il est prévu de vendre certains LF. Des militaires de Toronto, où les coûts du logement sont très élevés, font face à un problème semblable, parce que le nombre de LF et de chambres dans les logements pour célibataires est très limité. La nouvelle indemnité pour dépenses de logement aidera les familles des militaires à payer des loyers plus élevés, mais elle devrait aussi aider les célibataires, surtout les militaires du rang qui, malgré une solde limitée, doivent trouver un logement à louer dans des régions où les coûts du logement sont élevés et où il n'y a pas de logements pour célibataires. D'ailleurs, les problèmes des subalternes célibataires affectés dans une région où les coûts du logement sont élevés et où il n'existe aucun logement pour célibataires font ressortir la nécessité d'une indemnité de logement plus efficace que l'indemnité d'aide au logement. Si le Ministère ne peut pas offrir de logements pour célibataires ou suffisamment de chambres pour répondre à la demande, il doit pouvoir aider son personnel militaire à se loger.

LES LOGEMENTS FAMILIAUX : IL EST GRAND TEMPS D'AGIR

Les indemnités peuvent être modifiées ou remplacées assez rapidement, mais transformer les logements désuets et insalubres qui se trouvent dans les bases en des LF sûrs, confortables et économes en énergie exigera beaucoup plus de temps et d'argent. Certains logements familiaux sont en cours de réparation, parfois par suite des plaintes que nous avons entendues lorsque nous nous sommes rendus sur place. Mais il y a eu trop de rafistolage par le passé et l'occasion se présente maintenant de trouver une solution à long terme au problème des logements familiaux.

D'ailleurs, puisque de nombreux LF sont en si mauvais état, on peut se demander s'il serait utile de dépenser des millions de dollars pour les rénover et n'obtenir que des LF un peu plus jolis mais toujours aussi petits et désuets. Dans certains cas, il pourrait donc être plus rentable de démolir la plupart d'entre eux et d'en construire de nouveaux. Si les vieux logements familiaux sont abandonnés, l'Agence de logement peut choisir diverses solutions, allant de la construction de LF là où se trouvaient les anciens jusqu'à la construction ou la location de logements ailleurs, à l'extérieur de la base. Comme nous l'avons déjà indiqué, l'Agence de logement a déjà décidé d'abandonner les LF de Griesbach à la BFC Edmonton parce qu'il ne serait pas économique de les rénover et elle envisage d'autres solutions, notamment construire ou louer des maisons dans la collectivité environnante. Des mesures semblables pourraient être prises dans un grand nombre d'autres bases.

Établir les LF à l'extérieur de la base dans une nouvelle collectivité ou une collectivité existante présenterait certains avantages, dont un environnement plus plaisant et plus tranquille pour les résidents. Le coût de la réparation ou de la modernisation des égouts et des autres services que nécessitent actuellement les logements familiaux pourrait être évité si des maisons étaient construites ou louées à l'extérieur de la base, dans un quartier déjà doté de services municipaux modernes. L'Agence de logement aurait plus de latitude, étant donné qu'elle pourrait concentrer les nouveaux LF dans un quartier ou acheter ou louer des logements ici et là et offrir au personnel militaire un plus grand choix d'emplacements et de types de maisons. Les militaires devraient peut-être passer plus de temps à se déplacer entre la maison et la base, mais les membres de leur famille seraient plus près des écoles et des centres de santé de la collectivité. D'ailleurs, certains de ceux qui vivent dans des LF nous ont indiqué que quelques bases sont trop éloignées des collectivités des environs et que cet éloignement empêche souvent les jeunes enfants et les adolescents de participer à des activités scolaires, sportives ou autres. En résumé, construire ou louer des LF neufs à l'extérieur des bases et les intégrer dans les collectivités des environs ne réglerait peut-être pas seulement les problèmes de logement.

Il existe évidemment des bases où il ne serait pas logique de se débarrasser des LF existants. Les bases des régions isolées doivent offrir des logements familiaux parce que les collectivités les plus proches sont éloignées ou ne peuvent pas accueillir un grand lotissement. Ailleurs, certains des LF peuvent être réparés et modernisés à un coût raisonnable, tandis que les logements relativement récents n'ont probablement besoin que d'un entretien courant. Quoi qu'il en soit, il peut s'avérer nécessaire de maintenir quelques LF dans les bases pour le personnel qui ne peut pas vivre trop loin à cause de ses fonctions ou pour d'autres raisons. Ce serait peut-être aussi une bonne idée d'utiliser certains LF comme logements temporaires loués à des familles qui ne restent pas longtemps dans la base ou qui ont besoin d'hébergement temporaire pour une raison ou une autre.

En résumé, la situation varie tellement d'une base à l'autre que nous ne pouvons pas recommander arbitrairement de reconstruire ou de remplacer tous les LF par des logements neufs à l'extérieur des bases. Dans certaines bases, il sera plus rentable de réparer les LF existants, tandis que dans d'autres, surtout celles qui se trouvent près de grands centres urbains, toutes les options devraient être envisagées, y compris conclure des ententes avec des promoteurs pour construire des LF ou pour louer des maisons déjà construites. Évidemment, il serait peut-être possible également dans certaines bases de démolir les vieux LF et de ne pas les remplacer du tout, ce qui laisserait au personnel le soin de se trouver un logement sur le marché privé, moyennant une aide quelconque de l'Agence de logement. Après tout, les deux tiers des familles des militaires trouvent déjà leur logement par elles-mêmes et si une nouvelle indemnité de logement est établie ou si l'achat d'une maison est encouragé, il ne serait peut-être pas nécessaire d'avoir des LF à certains endroits. On a demandé au Comité, entre autres, si le Ministère doit continuer à offrir des logements à prix abordable aux familles des militaires et s'il doit continuer à offrir à ces familles des logements dans la base ou à proximité de celle-ci. Étant donné la nature de la vie militaire et les déménagements fréquents qu'elle comporte, il importe pour le Ministère de s'assurer qu'il existe des logements à prix abordable, mais il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir des LF dans une base ou à proximité pour y parvenir. Au fil des années toutefois, les logements disponibles dans la région qui entoure une base peuvent varier tellement, à cause des hauts et des bas de l'économie locale et d'autres facteurs, qu'il est peut-être prudent de maintenir un certain nombre de LF au lieu de compter uniquement sur le marché du logement local.

À cause de toutes ces variables, il faut élaborer avec soin une stratégie du logement pour chaque base. L'Agence de logement a déjà un mandat en ce sens et elle possède les compétences nécessaires pour déterminer les besoins de chaque base, la nature du marché du logement local et l'état des logements familiaux. Il devrait lui incomber de déterminer s'il faut rénover les vieux LF ou en mettre de nouveaux à la disposition du personnel militaire dans la base ou à l'extérieur de la base. Nous recommandons donc :

29. Que l'Agence de logement détermine la meilleure façon de fournir des logements familiaux modernes et économes en énergie, de concert avec les commandants de base et le Ministère qui devrait faire rapport chaque année au CPDNAC. L'Agence devrait se rappeler la nécessité :

a. d'adapter le logement aux besoins particuliers de chaque base;

b. de choisir la solution la plus efficace par rapport aux coûts, même si cela veut dire construire ou louer des maisons à l'extérieur des bases et conclure des ententes avec des promoteurs privés; et

c. de s'assurer que les logements continuent de répondre aux besoins et d'être abordables, quelle que soit la solution retenue.

S'il incombe à l'Agence de logement de trouver la meilleure solution en ce qui concerne les LF dans chaque base, nous devons nous assurer qu'elle possède les outils nécessaires pour ce faire. L'Agence doit donc avoir le mandat de prendre toutes les mesures nécessaires pour construire, acheter ou louer des LF si c'est ainsi qu'il faut procéder dans certaines bases. Afin de trouver la solution la plus efficace par rapport aux coûts, elle doit pouvoir envisager toutes les solutions. S'il existe des contraintes quant aux types de solutions qu'elle peut envisager, notamment des restrictions concernant la construction ou l'achat de LF à l'extérieur des bases militaires, elle sera paralysée et les résidents des logements familiaux ainsi que les contribuables rateront une occasion de régler cet aspect du problème du logement. L'Agence de logement a été un peu entravée dès le départ, lorsque le mandat approuvé par le Conseil du Trésor s'est révélé plus limité que ce qui avait été proposé. Nous recommandons donc :

30. Que le mandat de l'Agence de logement soit élargi afin qu'elle puisse adopter toute solution qu'elle juge la plus efficace par rapport aux coûts pour fournir des logements et des services de logement aux bases militaires.

Si l'Agence de logement détermine qu'à certains endroits, il faut construire ou louer un grand nombre de LF neufs, tandis qu'à d'autres, des rénovations importantes des logements familiaux existants s'imposent, il faudra trouver les capitaux nécessaires ou conclure des ententes de financement avec des promoteurs privés. Une partie des mécanismes de financement pourrait comporter des échanges ou la location à long terme de terrains appartenant au Ministère contre des terrains ou des services offerts par les promoteurs pour la construction de LF. Les politiques actuelles du Conseil du Trésor interdisent au ministère de la Défense nationale d'utiliser le produit de la vente de terrains. La Société immobilière du Canada s'occupe de la vente de terrains et le produit de ces ventes est versé au Trésor. Vu l'urgence de régler rapidement le problème des LF, il est essentiel que le ministère de la Défense nationale puisse utiliser le produit de la vente de terrains et d'installations pour financer la construction ou la location de logements familiaux. À la séance du 19 mars 1998, les fonctionnaires du Conseil du Trésor ont indiqué que le Conseil du Trésor reconnaît que la Défense nationale était aux prises avec un grave problème de logement et qu'il était déterminé à travailler avec le Ministère pour trouver des solutions ingénieuses. Nous ne saurions trop insister sur l'importance, pour le Ministère, de régler ses problèmes de logement et nous nous réjouissons du désir du Conseil du Trésor d'apporter toute l'aide possible. Nous nous attendons cependant à ce que des mesures soient prises rapidement pour régler les problèmes, surtout lorsque la proposition de l'Agence de logement, appuyée par de solides arguments économiques, sera acceptée. D'ailleurs, un précédent important a été établi quand le ministère des Affaires étrangères a obtenu l'autorisation de vendre certains de ses biens immobiliers à l'étranger et de conserver le produit de la vente dans son budget plutôt que de le verser au Trésor. Nous recommandons donc :

31. Que le ministère de la Défense nationale soit autorisé à utiliser le produit de la vente ou la location à long terme de terrains et d'installations qui lui appartiennent ou à échanger des terrains avec des promoteurs privés surtout pour aider l'Agence de logement des Forces canadiennes à financer la construction ou la location de logements familiaux.

32. Que le Ministère soit autorisé à utiliser le produit de la vente des immobilisations surtout pour aider l'Agence de logement des Forces canadiennes à financer la construction ou la location de logements familiaux. Nous recommandons même en outre que le Ministère conserve le produit de la vente des immobilisations en vue de répondre à d'autres besoins.

L'Agence de logement doit avoir les reins solides pour exécuter ses tâches efficacement. Les revenus tirés des loyers servent à entretenir et à réparer les LF et une partie de ces sommes peut servir au financement de la construction ou de la location de logements familiaux. Mais ces revenus ne suffiront peut-être pas pour couvrir tous les coûts que l'Agence de logement devra assumer lorsqu'elle élaborera une stratégie de logement pour chaque base. Afin que l'Agence soit en bonne santé financière pour planifier la réparation ou le remplacement des LF et la négociation de mécanismes de financement pour la construction ou la location de LF, elle devrait disposer du budget nécessaire pour faire son travail. Dans cet esprit, nous recommandons :

33. Que le gouvernement accorde à l'Agence de logement un prêt remboursable à taux de faveur pour l'aider à exercer ses activités. L'Agence devrait obtenir d'autres revenus en concluant des ententes de location à long terme avec des entrepreneurs.

Réparer ou remplacer les logements familiaux réglera la plupart des problèmes de logement, mais il y a une question connexe que le Ministère et l'Agence de logement devront examiner de concert avec les autorités municipales et autres. Quelle que soit l'ampleur des rénovations effectuées dans les vieux LF ou la qualité des LF neufs, les résidents auront raison de se plaindre si l'eau qui coule du robinet a encore une odeur et une couleur étranges. On nous a donné des échantillons d'une eau loin d'être limpide provenant des logements familiaux de la BFC Valcartier, et nous avons entendu des plaintes sur la qualité de l'eau dans quelques autres bases. À certains endroits, l'eau est peut-être potable, mais elle tache les vêtements au lavage. Les vieilles infrastructures de certaines bases y compris les conduites, qui entraînent souvent la contamination de l'eau en sont parfois la cause, tandis qu'ailleurs, le problème résulte de l'approvisionnement en eau de la région. Bref, il n'y a pas de solution aisée, parce que la situation varie d'une base à l'autre. Il s'agit néanmoins d'un problème qu'il faut corriger rapidement, et nous recommandons :

34. Que le Ministère et l'Agence de logement, de concert avec les autorités municipales, au besoin, coordonnent leurs efforts afin d'améliorer le plus rapidement possible la qualité de l'eau fournie dans les logements familiaux des bases lorsque des problèmes de couleur et d'odeur ont été démontrés.

ENCOURAGER LA PROPRIÉTÉ

Les militaires qui achètent une maison au lieu de louer un logement dans la base ou à l'extérieur de celle-ci ont de nombreux problèmes eux aussi. Tout comme les autres propriétaires canadiens, ils doivent jongler avec les besoins de familles qui grandissent, les répercussions financières à long terme de la propriété et les complications du marché immobilier. Mais, contrairement à la plupart des Canadiens, ils doivent aussi déménager plus souvent, vendre et acheter une maison plus souvent et, sans en avoir le choix, faire face à d'importants écarts de prix des maisons d'une région à l'autre. Si les prix immobiliers dans leur région sont à la baisse quand arrive une nouvelle affectation, ils peuvent être forcés de vendre leur maison à perte. S'ils déménagent dans une région où les maisons coûtent beaucoup plus cher, ils devront peut-être se contenter d'une maison plus petite que celle qu'ils viennent de quitter. Certains renoncent même à leur rêve de devenir propriétaires, parce qu'ils ont trop perdu à la vente de leur maison.

Encourager la propriété peut être avantageux, non seulement pour le personnel militaire mais aussi pour le Ministère. Si plus de gens achètent une maison, le Ministère devra construire et entretenir moins de LF et aider un plus petit nombre de locataires devant affronter des écarts de coûts du logement. La qualité de vie sera rehaussée, parce que la propriété restera une solution viable, malgré les déménagements fréquents et parce que, grâce à une saine planification financière, les militaires auront un toit bien à eux lorsqu'ils prendront leur retraite. Des mesures sont déjà en place pour aider les propriétaires et des améliorations peuvent être apportées pour les rendre plus efficaces.

Le Programme de garantie de vente d'habitation est un projet pilote approuvé par le Conseil du Trésor et qui a été adopté par quelques ministères fédéraux, dont la Défense nationale, il y a quelques années. Le Comité a entendu quelques plaintes concernant l'application de ce programme, mais aussi des témoignages selon lesquels ce programme a été très utile à de nombreux militaires qui ont dû vendre leur maison à court préavis, lorsqu'ils ont été affectés ailleurs. La plupart des fonctionnaires n'ont pas à déménager et à subir les caprices du marché immobilier comme doit souvent le faire le personnel militaire, de sorte que les exigences particulières des militaires doivent être prises en considération. Il est prévu que le projet pilote prendra fin en mars 1999, mais il faudrait qu'il continue et peut-être qu'il devienne permanent pour les militaires, étant donné l'aide importante qu'il leur procure. Nous recommandons donc :

35. Que le Programme de garantie de vente d'habitation se poursuive après mars 1999, pour le personnel militaire tout au moins.

Le Plan de garantie de remboursement des pertes immobilières a été établi pour aider les propriétaires qui doivent quitter une région lorsque le marché immobilier est à la baisse. Les propriétaires peuvent se faire rembourser jusqu'à 90 % de l'écart entre le prix de vente de leur maison et le prix d'achat rajusté, qui comprend la valeur de certaines améliorations apportées à la maison ainsi que le prix d'achat à l'origine. Pour être admissibles, les propriétaires doivent démontrer que le prix des maisons dans la région a décliné d'au moins 10 % entre la date d'achat et la date de vente. Ce n'est pas toujours facile, à cause de renseignements contradictoires et d'autres facteurs. Les délais avant que ne soit déterminée l'admissibilité à l'aide ont aussi posé problème et des procédures de demande révisées ont été mises en oeuvre en 1996 pour corriger la situation.

Mais vu le nombre de plaintes que nous avons entendues, la façon dont l'admissibilité est déterminée pose encore problème. Certains ont essuyé des pertes financières importantes lorsqu'ils ont vendu leur maison dans un marché immobilier léthargique, mais ils n'ont pas pu obtenir d'aide parce que le prix des maisons dans leur région n'avait diminué que de 8 ou 9 % ou à cause de la façon dont le prix d'achat rajusté a été déterminé. Ne pas avoir droit à une aide, à cause d'un ou deux points de pourcentage, est évidemment décevant, mais c'est encore plus difficile à accepter lorsqu'on doute que l'admissibilité a été déterminée équitablement. Certaines questions ont été soulevées quant à la façon dont les évaluations ont été réalisées pour déterminer le prix d'achat rajusté. Il y a habituellement deux évaluations de la maison, mais le Ministère en demande parfois une troisième lorsqu'il y a un écart important entre les deux premières. La manière d'effectuer les évaluations devrait être examinée, mais d'autres facteurs de l'admissibilité exigent aussi une attention. Il devrait suffire de démontrer que le marché immobilier local est léthargique, au lieu d'essayer de déterminer également si le prix des maisons a diminué de 10 % ou non. Bref, les procédures devraient être simplifiées et la règle de 10 % devrait être éliminée. Nous recommandons donc :

36. Que le Plan de garantie de remboursement des pertes immobilières soit révisé, notamment en éliminant la règle de 10 %, afin que les propriétaires aient accès à une aide juste et équitable à cause d'une nouvelle affectation, lorsqu'ils doivent vendre leur maison à un moment où le marché immobilier local est léthargique.

Certains militaires n'auraient pas besoin de faire appel au Programme de garantie de vente d'habitation ni au Plan de garantie de remboursement des pertes immobilières s'ils ne devaient pas vendre leur maison chaque fois qu'ils sont mutés ailleurs. Ils aimeraient peut-être garder une maison à un endroit pendant qu'ils sont en affectation ailleurs parce que c'est un bon investissement ou parce qu'ils souhaitent y retourner plus tard, à leur retraite, par exemple. Si l'Agence de logement opte pour la construction ou la location de logements familiaux à l'extérieur des bases à certains endroits, elle pourrait aider ces militaires en louant ou en administrant leur maison et en les louant comme logements familiaux. L'Agence de logement obtiendrait des logements supplémentaires pour son parc de logements familiaux et elle offrirait un choix de logements sans devoir construire de nouvelles maisons. En attendant, les propriétaires pourraient garder leur maison préférée ou éviter le stress de la vente d'une maison en catastrophe ou dans une conjoncture défavorable lorsqu'ils sont affectés ailleurs. Évidemment, l'Agence de logement serait libre de refuser de louer une maison à cause de son état ou pour d'autres raisons, et le nombre de maisons qui pourraient être louées ainsi à l'Agence serait limité. Permettre ce type de location donnerait toutefois un autre choix aux propriétaires tout en aidant l'Agence de logement et les militaires à trouver des logements locatifs acceptables à proximité de la base. Vu qu'une telle mesure aiderait les résidents des LF et les propriétaires, nous recommandons :

37. Qu'un programme soit mis sur pied pour faciliter la location, par l'Agence de logement, de maisons appartenant aux militaires et qui serviront de logements familiaux lorsque les propriétaires sont affectés dans une autre région du pays ou à l'étranger. L'Agence devrait rendre compte chaque année au CPDNAC de l'état d'avancement du programme.

LES DÉMÉNAGEURS

Les militaires et leur famille déménagent souvent et ont donc souvent affaire à des entreprises de déménagement. Vu les nombreuses plaintes que nous avons entendues, l'expérience n'est pas toujours agréable. Nombre de plaintes portaient sur les dommages causés aux biens durant les déménagements et sur la difficulté d'obtenir une indemnisation, mais les gens avaient aussi l'impression d'avoir été plus ou moins abandonnés par le ministère de la Défense nationale. D'ailleurs, des modifications apportées récemment à la gestion des déménagements ont simplifié les choses pour le Ministère, mais elles ont aussi compliqué la vie de nombreux militaires et des membres de leur famille.

Par le passé, le Ministère déménageait une famille et ses biens en faisant appel à une entreprise de déménagement engagée à contrat. Chaque étape du processus était surveillée et le Ministère présentait toutes les demandes de remboursement des dommages à la société de déménagement. Désormais, la famille fait affaire directement avec l'entreprise de déménagement et c'est à elle de demander une indemnisation. Ce changement explique peut-être en partie les récits concernant des déménageurs indifférents qui prennent apparemment peu de soin des biens d'une famille pendant le déménagement et l'installation dans la nouvelle maison. Une autre complication est le fait que ceux qui déménagent doivent signaler les dommages dans les 24 heures qui suivent l'arrivée à leur nouveau domicile.

Dans l'atmosphère chaotique de la première journée dans un nouveau domicile, il n'est pas toujours facile de faire cette évaluation rapidement et en détail, surtout pour des familles qui ont de jeunes enfants. Il arrive d'ailleurs parfois que le père ou la mère et les enfants doivent s'occuper du déménagement pendant que l'autre parent est parti en mission de paix ou d'entraînement. Les déménagements sont des événements traumatisants pour tout le monde, mais les familles des militaires ne devraient pas avoir à endurer en plus des tracasseries administratives et des discussions interminables avec les déménageurs pour obtenir une indemnisation. Ils ont clairement besoin de plus de temps pour signaler les dommages résultant d'un déménagement. En outre, le Ministère ou, s'il le faut, un autre agent comme l'Agence de logement par exemple, devrait participer au processus d'indemnisation afin que les militaires soient indemnisés équitablement et rapidement en cas de dommages. Nous recommandons donc :

38. Que les contrats avec les entreprises de déménagement soient modifiés afin de donner plus de temps à ceux qui déménagent de signaler et de démontrer les dommages à leurs biens résultant d'un déménagement. Ces contrats devraient être revus chaque année.

39. Que le ministère de la Défense nationale ou un autre agent comme l'Agence de logement des Forces canadiennes aide les membres des Forces à obtenir une indemnisation en cas de dommages causés par les déménageurs. Un rapport à cet effet devrait être présenté chaque année.

40. Qu'on prolonge la période de prise de possession ou de libération d'un domicile.

INDEMNITÉ D'AFFECTATION

Étant donné que les militaires doivent déménager souvent à cause des besoins opérationnels ou des besoins de l'entraînement, le Ministère ne ménage aucun effort pour faciliter les déménagements, notamment en accordant une indemnité d'affectation. Mais comme nous l'avons indiqué dans le chapitre sur la rémunération, l'indemnité d'affectation a suscité des frustrations considérables chez les militaires. Cette indemnité compense le personnel pour les perturbations résultant des affectations, y compris les déménagements dans de nouvelles régions et le déracinement des familles, dans bien des cas, à peine deux ans après le déménagement précédent. Elle aide aussi les familles qui perdent un deuxième salaire lorsque l'époux ou l'épouse doit quitter leur emploi dans un endroit et éprouve de la difficulté à trouver un emploi une fois déménagé. L'indemnité d'affectation est actuellement l'équivalent d'un mois de solde pour les militaires mariés et d'un demi-mois de solde pour les célibataires. Étant donné qu'elle dépend de la solde, l'indemnité d'un officier supérieur est nettement plus élevée que celle d'un caporal. Nous avons entendu de nombreuses plaintes à propos de cette situation, qui a été sans aucun doute aggravée par le fait que l'indemnité est imposable.

Bref, l'indemnité d'affectation ne réussit pas très bien à atteindre l'objectif visé, soit d'aider le personnel à se réinstaller et le compenser pour les perturbations résultant des affectations. Dans certains cas, le montant après impôt est trop faible pour couvrir toutes les dépenses liées à la nouvelle affectation, tandis que pour d'autres, il est assez élevé pour faire passer le militaire à une tranche d'imposition supérieure. Il faut donc une nouvelle indemnité qui donnera à tous les militaires un montant adéquat qui compense pour tous les bouleversements qu'implique une nouvelle affectation. Afin d'assurer que l'indemnité est adéquate, elle ne devrait pas être imposable. Tout le personnel bénéficiera des recommandations concernant la rémunération et l'uniformisation des loyers grâce à la nouvelle indemnité pour dépenses de logement. Cependant, étant donné qu'ils doivent déménager assez fréquemment et faire face à tout ce que ceci implique, les militaires méritent une compensation additionnelle sous forme d'une nouvelle indemnité d'affectation. Ainsi, nous recommandons :

41. Que l'indemnité d'affectation soit remplacée par une nouvelle indemnité d'affectation non imposable qui compensera de façon adéquate tous les militaires pour les perturbations résultant des nouvelles affectations. L'indemnité devrait être uniforme et non liée au grade.