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FAIT Rapport du Comité

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CHAPITRE 7 :
DÉVELOPPEMENT DURABLE ET ENVIRONNEMENT

Les préoccupations mercantiles des libre-échangistes ne sont rien à côté de la survie de la planète. Mais les libre-échangistes ont tous les outils nécessaires. [...] nous avons le pouvoir d'embarrasser, c'est tout. Le déséquilibre entre les règles efficaces [...] du commerce mondial et des accords environnementaux faibles ne seraient pas fatal si [le] commerce et l'environnement restaient dans des sphères séparées. Mais le monde n'est pas aussi rigoureux. Si les grandes compagnies ne réussissent pas à contrer un règlement national sur l'environnement, le GATT et l'ALENA leur offrent une autre façon d'attaquer. Le règlement sur l'environnement des uns est un obstacle commercial non tarifaire pour les autres. [Elizabeth May, 29:1555]

Le complexe économie-environnement

L'environnement constitue le système qui maintient en vie l'homme et les autres espèces sur terre; il fournit les ressources et assimile les déchets, en plus d'être une source de beauté. Ces fonctions s'effectuent dans ce qui correspond à un système économique fermé où tout ce qui est produit sert d'intrant à autre chose. Ce phénomène découle du premier principe de la thermodynamique qui affirme que l'énergie ne peut être créée ou détruite, seulement convertie ou dissipée sous une forme quelconque. Par conséquent, toute exploitation des ressources naturelles finit par produire des déchets qui aboutissent dans l'environnement et restent sous cette forme jusqu'à leur assimilation. Le stade du « développement durable » est atteint lorsque, en situation d'équilibre entre le taux d'utilisation et le taux de régénération naturelle des ressources renouvelables, le taux de production de déchets est inférieur aux capacités d'assimilation de l'environnement. Dans ces conditions, l'état naturel de l'environnement peut se maintenir indéfiniment pour les générations futures (qui, espérons-le, ne vont pas le dégrader).

Il est une chose de définir le développement durable en termes aussi généraux, le réaliser en est une autre. Ainsi, les systèmes de marché parviennent à un partage efficace des ressources naturelles ou transformées quand le prix de toutes les ressources correspond à leur valeur de rareté, dont les coûts reliés au droit d'utiliser notre système commun de survie. En d'autres mots, les coûts de la pollution causée par les activités économiques doivent entrer dans le prix des ressources, autrement il y a peu d'incitation à économiser et à corriger nos actions polluantes. En général, le libre-échange peut mieux rectifier le marché pour réaliser cet objectif de partage (à l'échelle du globe) que les barrières tarifaires et non tarifaires qui s'opposent à l'utilisation efficace des ressources. De toute évidence, une utilisation inefficace des ressources n'est avantageuse ni pour l'économie, ni pour l'environnement.

Depuis les débuts de l'activité économique, et la révolution industrielle en particulier, l'homme a pu exploiter à grande échelle la plupart des ressources naturelles sans payer directement le prix des fonctions de survie assumées par l'environnement. Cela parce que l'environnement est, dans la plupart des cas, un bien public gratuit. L'économie mondiale a donc profité d'une subvention environnementale qui a donné lieu à la surexploitation des ressources naturelles et entraîné dans bien des cas une grave pollution de l'air, de l'eau et des sols, la perturbation des écosystèmes, la destruction des habitats et l'extinction des espèces. En l'absence de freins, les systèmes de survie assurés par la nature vont se dégrader, parfois de façon irréversible, de notre vivant et pendant bien des générations encore.

Afin d'en arriver à un résultat plus écologique, les gouvernements de toute allégeance ont donc décidé d'intervenir et de parfaire les conditions des marchés de diverses façons, en utilisant des outils de coercition et de contrôle (prescription de technologies de dépollution, règlements sur les taux de déversement des effluents, règles sur l'élimination des substances toxiques et financement direct des programmes de recyclage) ainsi que des outils de marché (permis de pollution transférables, systèmes de quota et subventions fiscales). Sur le front international, les gouvernements se sont engagés à améliorer l'environnement par plusieurs ententes multilatérales récentes. Ainsi, afin de protéger l'environnement, la santé humaine et la vie sous toutes ses formes, les gouvernements sont intervenus sur le marché et ont remplacé, avec plus ou moins de succès, par leur jugement sur la rareté des ressources, celui du secteur privé.

L'interaction de l'économie et de l'environnement, à la fois complexe et dynamique, est encore mal connue. Sa prise en main est en passe de devenir un sujet de préoccupation social constant. Tout ce qu'on peut dire avec une certaine assurance, c'est que les espèces, dont l'homme, ne sont pas seulement le résultat des habitats et de leur évolution; elles en sont aussi la cause. D'un point de vue économique, à défaut d'évaluation précise des coûts des dégâts infligés à l'environnement par notre comportement et plus particulièrement pas notre activité industrielle, et très certainement pas la conjugaison des deux, les dangers d'une défaillance du marché (accident de l'Exxon Valdez) ou du gouvernement (disparition de la pêche commerciale à la morue sur la côte Est) persisteront. Faute de connaissances plus poussées, il est difficile de savoir quelles institutions protègent le mieux l'environnement et sa capacité d'assimilation.

Politique commerciale et environnementale

Il n'y a pas de conflit fondamental entre l'objectif commercial d'un partage efficace des ressources mondiales et l'objectif environnemental du développement durable. Ils sont complémentaires à la fois en théorie et lorsqu'ils sont bien mis en pratique. En fait, à part l'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires qui créent une distorsion et nuisent à l'efficacité, les institutions financières ont cherché à réduire graduellement puis éliminer les subventions, en particulier à l'exportation. Cette action est généralisée dans les secteurs agricole et halieutique, où une capacité de production excessive a causé une détérioration des sols et des stocks de poisson.

La libéralisation du commerce des biens et services de l'environnement procure un autre arrimage positif entre commerce international et environnement, car une politique libre-échangiste réduit pour les gouvernements les coûts rattachés à l'amélioration de la qualité de l'infrastructure environnementale. La libéralisation de l'investissement permet également aux entreprises des pays développés d'exporter leurs procédés de production plus écologiques et leurs techniques de gestion d'avant-garde aux pays en développement qui n'en ont pas les moyens financiers.

Enfin, la libéralisation du commerce favorise la croissance économique tant des pays développés que des pays en développement. La prospérité produite par l'ouverture plus grande des marchés étrangers et une production plus efficace permet aux pays de mieux articuler et maintenir une politique de développement durable. Richesse et protection de l'environnement sont corrélés positivement, puisque les pays nantis ont démontré leur volonté de protéger la nature, comme ils ont appris à la connaître, pour des raisons tant de santé que d'esthétique, dans la perspective de l'essor que prend l'écotourisme.

Aucun témoin n'a contesté cette compatibilité, mais plusieurs estiment qu'il y a nivellement par le bas. Selon eux, les normes nationales en matière d'environnement seront abaissées ou flouées pour éviter que les compagnies déménagent production et emplois vers les pays aux normes moins sévères et moins rigoureusement appliquées; le Comité en doute. Selon une étude de Dun and Bradstreet, 80 p. 100 des compagnies canadiennes interrogées ont consacré entre 0 et 2 p. 100 de leur budget à la protection de l'environnement. Une étude analogue réalisée pour le compte du représentant commercial des États-Unis indique que les coûts de dépollution y sont d'environ 1,1 p. 100 de la valeur ajoutée pour toutes les entreprises et que 86 p. 100 d'entre elles ont des coûts de dépollution de 2 p. 100 ou moins1. Lorsqu'on tient compte du phénomène des grappes industrielles (nouvelles compagnies de haute technologie à Kanata, aciéries à Hamilton, Ontario et à Pittsburgh, Pennsylvanie, studios de cinéma à Hollywood, Californie), qui semble se produire là où les avantages économiques offerts par la collectivité compensent les coûts de la lutte antipollution, le Comité n'est pas surpris de constater que les détracteurs n'ont pu signaler aucun secteur économique qui aurait fui à l'étranger notre réglementation trop sévère.

En outre, alors que personne ne conteste la compatibilité entre le libre-échangisme et le développement durable, les critiques ne manquent pas sur la compétence des experts commerciaux à traiter des dossiers complexes touchant l'environnement. Même en présence d'informations suffisantes dans les dossiers où commerce et environnement se heurtent, les experts commerciaux font invariablement passer les priorités commerciales avant l'environnement. En fait, les nouveaux accords commerciaux ajoutent des munitions au secteur industriel pour contester les mesures environnementales existantes.

La première fois, c'est le Venezuela qui a contesté des mesures relevant de la U.S. Clean Air Act afin de réduire les émissions relatives à l'essence nouvelle. C'est le gouvernement du Venezuela qui a été à l'origine de cette contestation, mais les véritables pressions pour modifier le règlement émanaient des filiales des multinationales pétrolières et gazières, celles-là mêmes qui n'avaient pas réussi à faire obstacle au règlement à Washington. La contestation à l'OMC était un autre moyen de s'y attaquer. La tactique a réussi, avec le résultat qu'aux États-Unis l'air est moins propre. [Elizabeth May, 29:1600]

Ces mesures poussent de nombreux témoins à conclure que les institutions commerciales existantes, surtout l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ne se préoccupent pas de l'environnement, contrairement à ce que d'autres prétendent.

Gestion des dossiers commerciaux et écologiques

Tout au long des audiences, les témoins ont souvent évoqué les jugements de tribunaux commerciaux dans des dossiers écologiques, sans ménagement parfois :

Depuis lors, à l'Organisation mondiale du commerce, il y a eu l'affaire thon-dauphin, l'affaire tortue-crevette, l'affaire de l'hormone de croissance bovine et, dans le contexte de l'ALENA, le cas de l'exportation des billes de bois brut. Le Canada ne peut prendre des mesures pour contrôler l'exportation de billes brutes afin de conserver des emplois au Canada et réduire le stress que subissent nos forêts. Aux termes de l'ALE, dans l'affaire saumon-hareng, il a aussi été déterminé que le Canada ne peut interdire l'exportation de saumon et de hareng non transformés, même si cela a une importance cruciale pour la préservation des stocks halieutiques et la protection des emplois. [Elizabeth May, 29:1600]

Pour l'essentiel, le Comité ne conteste pas les décisions des tribunaux commerciaux, mais il prend bonne note de ces critiques. Dans les dossiers de l'hormone de croissance bovine et de la pêche, on allègue une barrière non tarifaire potentielle, déguisée en mesure de protection de la santé ou de l'environnement, ce qui justifie l'action des tribunaux commerciaux. La cause des hormones de croissance bovine impliquait la nécessité de corroborer les faits scientifiques et d'appliquer le principe de précaution; à la fin, le tribunal a tranché en faveur du Canada et des États-Unis, contre l'Union européenne qui interdisait l'importation. Les poursuites concernant, dans un cas, le thon et le dauphin et, dans l'autre, la tortue et la crevette mettaient en cause un pays puissant, les États-Unis, qui interdisait des importations portant atteinte à la souveraineté d'un pays étranger d'édicter ses propres normes environnementales. Il faut se rappeler que l'enjeu, pour les tribunaux commerciaux, n'est pas l'effet néfaste sur l'environnement (les activités industrielles et l'exploitation des ressources nuisent presque toujours à l'environnement) mais les allégations de distorsion du commerce par les méthodes de pêche utilisées en contravention des normes environnementales qu'une partie a établies et s'est engagée à respecter. Le Comité reviendra à ces questions commerciales plus loin.

Par ailleurs, le Comité n'est pas du tout surpris que les tribunaux commerciaux aient donné tort au Canada dans les deux poursuites concernant ses ressources. Les politiques avaient été instaurées pour protéger au pays les emplois et le commerce à valeur ajoutée, objectif qu'on ne réfutait pas et qui rendait notre position intenable. Le fait d'interdire l'exportation des billes de bois et du poisson non transformé aurait pu être considéré comme une mesure acceptable de protection de l'environnement par le passé quand les pratiques forestières ne respectaient pas les possibilités de rendement équilibré et encore moins le développement durable, et que le total admissible des captures (TAC), ne reflétait pas de façon précise les estimations des stocks de poisson et de leur taux de renouvellement. Cependant, dans l'état actuel des outils et des pratiques de gestion des ressources, cette politique apparaît aux yeux des tribunaux comme strictement protectionniste, discriminatoire et contraire aux engagements du traitement national. On aurait pu trouver des moyens non discriminatoires, comme ailleurs au Canada et dans le monde, pour protéger ces environnements.

En terminant ses observations à ce sujet, le Comité aimerait faire comprendre au public que lorsqu'un tribunal commercial décide d'invalider une mesure législative sur la protection de l'environnement ou de l'hygiène jugée discriminatoire ou contraire aux engagements internationaux, les choses ne s'arrêtent pas là. Quatre possibilités s'offrent au pays en faute : il peut remplacer la mesure par une autre qui n'est pas discriminatoire, négocier un compromis avec les parties lésées, révoquer simplement la mesure ou décider, sans rien faire, de la maintenir en acceptant des représailles ayant un « effet commercial équivalent ». Deux de ces quatre solutions ne comportent aucune conséquence apparente, directe ou indirecte, pour l'environnement ou l'hygiène; il n'y en a que si le pays négocie un compromis ou refuse d'adopter une nouvelle mesure, mais le gouvernement souverain qui prend une telle décision doit en répondre devant l'électorat. C'est là une question importante pour la protection de l'environnement à laquelle le Comité reviendra plus loin.

L'application cohérente des politiques exige évidemment de la coordination entre les organisations internationales du commerce et de l'environnement. Dans les cas cités, cette coordination semble avoir fait défaut mais on a avancé l'explication suivante :

Le problème que pose la présence de trois accords multilatéraux sur l'environnement qui semblent, à première vue, comporter des dispositions commerciales qui ne sont pas compatibles avec les dispositions du GATT, mais n'ont pas été éprouvées [...] c'est que les pays signataires ne disposent pas de mécanisme de règlement des différends. Je pense à l'Accord de Bâle, par exemple, qui n'a pas de mécanisme propre. C'est malheureux, parce que, si les pays sont en désaccord et doivent porter leur cause devant l'Organisation mondiale du commerce, ils ne seront pas nécessairement entendus par des experts de l'environnement, mais par des experts commerciaux. [Gordon Peeling, 30:1705]

Presque tous les environnementalistes qui ont comparu devant nous le confirment et se plaignent de la difficulté d'appliquer les accord multilatéraux sur l'environnement (AME).

Le sommet réunissant le plus grand nombre de dirigeants mondiaux a eu lieu en juin 1992 à Rio de Janeiro. À cette occasion, ces derniers ont pris l'engagement de protéger le climat de la planète d'une déstabilisation catastrophique causée par les gaz à effets de serre, de protéger la diversité des ressources génétiques, des espèces et des écosystèmes du monde et d'augmenter l'aide internationale aux pays en développement. Pour assurer la protection de la santé, le bien-être des êtres humains et le maintien des systèmes de survie, ils ont en outre adhéré au principe de prudence. Mais sept ans après Rio, ces accords multilatéraux sur l'environnement ou AME, [...] sont remarquables par le nombre de gouvernements qui n'ont pas honoré leurs engagements.

[D]epuis 1992, l'Organisation mondiale du commerce, qui n'existait même pas à l'époque de Rio, affiche un bilan impressionnant pour ce qui est de la mise en oeuvre de son régime commercial. Le nouvel organisme d'application du GATT, créé dans la foulée des négociations commerciales multilatérales du long cycle de l'Uruguay, a été respecté et chaque fois qu'une violation de ses conditions est soupçonnée, des litiges commerciaux et des sanctions commerciales efficaces, rapides et impitoyables s'ensuivent. [Elizabeth May, 29:1555]

Comme beaucoup de témoins l'ont indiqué, la volonté politique de régler les problèmes environnementaux au niveau international semble faire défaut. Les tribunaux commerciaux créés pour faire appliquer les ententes commerciales ne devraient donc pas servir de bouc émissaire lorsque des ententes environnementales multilatérales inapplicables échouent. Un moyen complémentaire, quoique moins efficace, est venu s'ajouter aux politiques depuis l'ALENA.

C'est la raison pour laquelle nous envisageons des accords parallèles [...] Nous pensons que beaucoup d'avantages peuvent découler de ces accords et de toute la promotion de la libéralisation des échanges. Nous pensons que le développement économique, l'expansion du commerce, la création d'emplois, la nouvelle richesse et la capacité des gouvernements d'obtenir de nouvelles rentes [...] Tout cela consolide les institutions qui peuvent obtenir de meilleurs résultats et mieux respecter les normes en matière d'environnement, de santé, de sécurité [...] et nous croyons que cela compense les coûts. [Gordon Peeling, 30:1705]

La promotion de normes relatives à l'environnement et au travail devrait être considérée comme une question distincte de l'accord de la ZLEA sur les investissements ou le commerce et traitée parallèlement, comme accord connexe. [Gordon Peeling, 30:1615]

Ces accords parallèles peuvent pallier aux difficultés d'application des accords multilatéraux sur l'environnement et faire l'équilibre entre les objectifs commerciaux et écologiques. On a avancé quelques principes de base :

Le régime de l'ALENA permet effectivement d'assurer à la fois le développement durable et la libéralisation du commerce, de combattre le protectionnisme dans nos principaux marchés étrangers, et d'assurer la protection et l'amélioration de l'environnement [...] Tout d'abord, il faut insister sur les principes du préambule, les aspirations normatives du régime. Et j'aimerais signaler en passant que le texte de l'ALENA sur le commerce, le texte principal, affirme au début que l'objectif général de la libéralisation du commerce dans le cadre de l'ALENA est, entre autres, de promouvoir le développement durable et de renforcer les lois et la protection de l'environnement. La libéralisation du commerce est donc un moyen d'atteindre ces objectifs supérieurs, selon le texte principal de l'ALENA. Deuxièmement, le texte de base de l'ALENA affirme également la primauté des ententes multilatérales sur l'environnement, dont certaines prévoient des restrictions au commerce, sur la libéralisation du commerce assurée par l'ALENA même. Et ici, je pense que nous devons maintenir ce principe et examiner de plus près l'aspect multilatéral [...] Troisièmement, l'application des règles touchant l'environnement est un sujet complexe. Dans le cadre de l'ALENA, le Canada a convenu qu'il ne permettrait pas de restrictions commerciales générales pour assurer la concrétisation des objectifs environnementaux. Le Mexique et les États-Unis n'ont pas réussi à échapper à cette menace pour l'orientation fondamentale du régime de libéralisation du commerce. [John Kirton, 122:940-945]

Cependant, les environnementalistes ne sont pas impressionnés par les ententes parallèles dans leur formulation actuelle.

Même en essayant d'être aussi objective que possible, j'ai beaucoup de mal à trouver des avantages concrets à l'accord parallèle sur l'environnement. Depuis que la commission existe, elle a produit deux rapports qui ont permis de désigner les grandes régions polluantes en Amérique du Nord [...] À part cela, elle n'a pas réalisé grand chose. Je ne pense pas que c'est la voie à suivre; je répète que les dispositions de l'accord limitent la capacité du gouvernement d'établir des normes et que ce n'est pas un accord parallèle qui va arranger les choses. [Michelle Swenarchuk, 30:1730]

S'il y a incompatibilité entre commerce et environnement, comme cela est peut-être ressorti de l'affaire Venezuela c. US Clean Air Act et celle sur les hormones de croissance bovine, elle se trouve dans les instruments politiques et l'information scientifique sous-jacente. Le Comité recommande :

11. Que le gouvernement du Canada veille à faire respecter dans l'ensemble des Amériques des normes environnementales nationales appropriées et les normes établies dans les accords internationaux applicables. Que le gouvernement du Canada, lors de la négociation de l'accord sur la Zone de libre-échange des Amériques, cherche à faire clarifier les obligations découlant des accords multilatéraux sur l'environnement et prévoie de meilleures disciplines multilatérales pour régir les mesures écologiques et sanitaires à incidence commerciale.

et

12. Que le gouvernement du Canada veille à ce que ses représentants commerciaux aient accès aux données scientifiques les plus à jour sur l'environnement.

Les témoins nous ont donné des avis contradictoires sur les règles devant guider un accord sur l'environnement de la ZLEA. D'une part :

Nous recommandons que le Canada tente de préciser les règles existantes, et je pense ici à l'interface entre le commerce et l'environnement. Pour y parvenir, il faudrait élaborer et appliquer de façon transparente des normes environnementales et des mesures fondées sur des données scientifiques valables et refuser la discrimination injustifiée ou l'extraterritorialité unilatérale touchant les procédés de production. [...] [Nous favorisons] également le principe de la prudence lorsque des normes ou des règlements techniques internationaux n'existent pas ou sont insuffisants, dans la mesure où les normes ou règlements nationaux permettent l'évaluation du risque et dans la mesure où ce risque est fondé sur des données scientifiques et techniques sûres, recueillies dans un délai raisonnable. [Gordon Peeling, 30:1610-1615]

D'autre part :

[Je] vais me contenter d'attirer l'attention sur deux questions mettant en cause l'environnement et le commerce. La première concerne les procédés de fabrication et les méthodes de production, dont il y aurait lieu, à notre avis, de délibérer à l'OMC à titre de « nouvelles questions». À l'heure actuelle, l'OMC ne tient aucun compte des procédés et des méthodes. Autrement dit, un pays importateur ne peut pas faire de discrimination à l'égard de biens qui sont fabriqués d'une manière qui nuit à l'environnement. Nous croyons qu'en s'attachant presque exclusivement aux caractéristiques physiques d'un bien, l'OMC contrarie les efforts visant à mettre en place des règles du commerce international qui encouragent la production et la consommation durables. L'interprétation que donne actuellement l'OMC des procédés et méthodes semble protéger plutôt les producteurs que le grand public. Nous croyons que les procédés de fabrication et méthodes de production sont une préoccupation environnementale clé qui, dans certaines circonstances bien définies, devraient être un motif valable de restriction des importations. [Simon Rosenblum, 122:1215]

Les environnementalistes rejetteront d'emblée, il va de soi, la première proposition qui, en plus de viser à maintenir le fardeau de la preuve scientifique sur les épaules de ceux qui établissent les normes sanitaires et environnementales, retient l'évaluation des conséquences environnementales fondée sur les caractéristiques des produits plutôt que sur la notion, beaucoup moins étroite, du cycle complet de la production et de la consommation. Le Comité est toutefois convaincu que, en prenant du recul par rapport au foisonnement de détails pour examiner les grands enjeux, on arrivera à la conclusion que cette approche offre plus de souplesse administrative aux pays qui poursuivent leurs propres objectifs environnementaux, lesquels peuvent différer de ceux d'autres pays. Considérons le cas suivant, peut être précurseur des futures décisions en matière de développement durable :

On se butte rapidement à un problème quand on veut prendre une décision au nom de l'Organisation mondiale du commerce pour interdire, par exemple, la présence de plomb dans l'essence [...] Cette décision entraîne des coûts pour certains grands pays de l'Asie du Sud-Est [...] L'alimentation en eau potable de la population est un problème de santé pour eux en raison des nombreuses pertes de vie enregistrées chaque année. C'est leur priorité en ce domaine. Pour ce qui est de la qualité de l'air, la présence de plomb dans l'essence vient bien loin sur la liste de leurs priorités. [...] Comment pourraient-ils lui donner plus d'importance? Ils n'ont pas les ressources financières nécessaires et ils le feraient au détriment d'autres questions plus importantes. [Gordon Peeling, 30:1715]

Certains témoins ont bien reconnu la supériorité de cette approche.

Pour ce qui est du rapport entre le commerce et la responsabilité nationale sur le plan de l'environnement, nous sommes convaincus que la position du Canada lors des prochaines négociations de l'OMC ne doit d'aucune façon mettre en péril le pouvoir souverain des nations de gérer leurs ressources naturelles et d'imposer une réglementation environnementale visant à les protéger. [...] En cette matière, un équilibre délicat s'impose. D'une part, le souci de protéger l'environnement ne doit pas être prétexte à des mesures protectionnistes entravant le libre-échange ou contournant des dispositions à cet égard. D'autre part, l'harmonisation des objectifs nationaux par des accords multilatéraux sur l'environnement doit s'effectuer d'une manière qui tienne compte de la pratique du commerce international et qui y soit intégrée. [Colin Isaacs, 110:915]

Le Comité convient qu'une plus grande souplesse dans l'établissement des priorités nationales fera plus qu'empêcher le recours aux mesures écologiques pour dissimuler le protectionnisme commercial : il permettra d'établir des normes environnementales plus élevées. Nous recommandons donc :

13. Que le gouvernement du Canada fasse en sorte que les règles régissant un accord sur la Zone de libre-échange des Amériques ne réduisent en rien le droit souverain qu'il a de prendre des règlements dans l'intérêt public.

À défaut de la volonté politique de faire respecter les AME, il semble que ces mesures atténueront les conflits entre objectifs commerciaux et écologiques.


1 Comité d'examen environnemental de l'ALENA, Accord de libre-échange nord-américain : Examen de l'environnement au Canada, Gouvernement du Canada, Ottawa, octobre 1992, p. 62; Office of the United States Trade Representative, Review of U.S.-Mexico Environmental Issues, Washington, D.C., 25 février 1992.