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FAIT Rapport du Comité

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CHAPITRE 10 :
SECTEUR DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

[I]l est important d'élaborer la démarche canadienne en fonction d'une base multilatérale et régionale étant donné que cela reflète la réalité d'aujourd'hui sur les marchés. Dans le domaine agricole, certains objectifs et dossiers peuvent progresser dans la foulée de négociations régionales alors que d'autres exigent des solutions multilatérales. À mesure que se poursuit l'intégration des marchés et que davantage d'aliments et de composants d'aliments traversent les frontières, les accords commerciaux peuvent contribuer à faciliter l'ajustement à un nouvel environnement commercial. [William Miner, 29:1600]
Les développements et objectifs commerciaux

La propension à l'exportation pour l'ensemble du secteur agroalimentaire canadien, qui se situe à plus de 30 p. 100 de sa production, montre bien que les échanges commerciaux agricoles sont très importants pour le développement de ce secteur. Pour certains produits, notamment les oléagineux et les céréales qui dépendent à près de 90 p. 100 des marchés d'exportation, le commerce n'est pas seulement important, il est vital.

La part du Canada dans le commerce mondial des produits agricoles s'est située autour d'une moyenne de 3 p. 100 entre 1960 et 1996, avec des baisses sous ce seuil à la fin des années 1970, au cours des années 1980 et au début des années 1990. Ces fluctuations étaient directement liées aux conditions volatiles du marché des céréales. Mais le marché agricole mondial des années 1990 n'est plus celui des années 1970 et 1980 qui était alors dominé par les produits en vrac non transformés. Le commerce international est maintenant axé sur les produits transformés à haute valeur ajoutée dont le développement est plus que jamais dicté par les besoins des consommateurs. Les marchés pour les exportations agricoles du Canada ont aussi changé avec le démantèlement de l'Union soviétique, la montée de l'Union européenne comme puissance exportatrice en agriculture et, surtout, avec l'entrée en vigueur d'accords visant la libéralisation des marchés.

Dans le passé, l'agriculture a traditionnellement été laissée de côté dans les négociations commerciales multilatérales ou bilatérales, mais l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis de 1988 (ALECEU), l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) de 1994 et, surtout, les accords multilatéraux du Cycle d'Uruguay ont pavé la voie à un début de réforme majeure pour le commerce agricole. On ne peut certes pas encore parler d'un véritable libre-échange, mais le processus de libéralisation des marchés est à tout le moins bien enclenché.

Lorsque l'on se prépare pour d'autres négociations sur l'agriculture, il est important de reconnaître que les politiques nouvelles poussent les économies vers plus d'ouverture, vers l'intégration des circuits alimentaires et vers une plus grande concurrence. Les systèmes et les politiques doivent être souples afin de permettre la spécialisation régionale et les échanges bilatéraux ou les échanges au sein de l'hémisphère. (...) En d'autres termes, je crois que l'objectif de la ZLEA, comme celui de l'ALENA et de l'ALE avant lui, consiste à créer une zone de libre-échange le plus rapidement possible. [William Miner, 29:1605]
Il faut comprendre les intervenants agricoles d'être réticents à des négociations à deux niveaux. L'expérience passée a montré que les pays abordent souvent les négociations commerciales en agriculture, bilatérales ou multilatérales, en laissant de côté les principes fondamentaux de l'économie. Ce faisant, on en arrive à des accords qui créent plus d'iniquités pour certains secteurs et à des irritants commerciaux qui perdurent. Le cas de l'industrie sucrière canadienne est probant.

Le commerce agricole est maintenant mondial et même dans le cas de fortes intégrations économiques et commerciales entre deux pays, aucun pays producteur n'est à l'abri des politiques mis de l'avant par les autres pays. C'est précisément le cas de l'industrie canadienne du sucre qui est historiquement importante pour l'économie, concurrentielle, non subventionnée et dépend beaucoup de son principal marché d'exportation que sont les États-Unis. L'industrie canadienne du sucre doit affronter sur le marché mondial d'importants joueurs qui profitent largement de politiques sucrières préférentielles et qui protègent leurs marchés intérieurs, comme l'Union européenne et les États-Unis.

Au cours des années 1980, les États-Unis limitaient les importations canadiennes de sucre à environ 10 000 tonnes par année. Suite à la signature de l'ALECEU les expéditions canadiennes de sucre ont atteint près de 35 000 tonnes, mais lors de l'ALENA le commerce du sucre entre le Canada et les États-Unis a été mis de côté au profit d'une entente États-Unis-Mexico à qui une allocation préférentielle a été accordée. Puis, avec la mise en place du Cycle d'Uruguay, les États-Unis se sont servis des règles floues de l'Accord sur l'agriculture pour établir une allocation globale de 22 000 tonnes dont la part accordée au Canada était des plus incertaines. Il a fallu une entente bilatérale en octobre 1997 pour permettre un accès de 10 300 tonnes pour le sucre raffiné, soit 0,1 p. 100 du marché américain du sucre évalué à 10 millions de tonnes. Cette entente ne peut pas être considérée comme un gain puisqu'elle ne fait que stopper l'érosion de l'accès canadien. Même pour les produits contenant plus de 10 p.100 de sucre, les États-Unis invoquent diverses mesures, notamment la règle d'origine sur la distinction entre sucre brut et raffiné, pour restreindre l'entrée de produits canadiens dans leur territoire.

Le cas du sucre est un exemple parmi d'autres qui montre clairement qu'une suite d'accords sur la libéralisation du commerce peut conduire à des situations aberrantes qui entravent le commerce. Lorsque les témoins ont affirmé au Comité qu'il était préférable de donner préséance aux négociations commerciales multilatérales (NCM) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) plutôt qu'à celles de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), ils visaient à éviter que le cas du commerce du sucre ne se répète à nouveau. Toutefois, les agriculteurs canadiens reconnaissent que les accords commerciaux des dernières années ont créé des débouchés extérieurs intéressants pour la croissance de leur secteur et, dans cette perspective, endossent la stratégie du Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires (CCCPA) qui vise une part de 4 p. 100 du marché agricole mondial en l'an 2005, soit l'équivalent de 40 milliards de dollars d'exportation. Les agriculteurs canadiens demeurent toutefois préoccupés par les nombreuses iniquités qui persistent dans le domaine du commerce agricole, notamment en matière d'accès aux marchés et de subventions à l'exportation, et considèrent qu'il existe souvent un manque de coordination entre les accords commerciaux signés précédemment. C'est d'ailleurs le principal message que les agriculteurs canadiens ont fait valoir au Comité : ils considèrent les négociations agricoles de la ZLEA comme un exercice important qui doit cependant demeurer subordonné aux négociations commerciales multilatérales de l'OMC.

La position canadienne aux négociations commerciales multilatérales de l'OMC

Le Comité a déposé au mois de juin 1999 un rapport détaillé sur les prochaines NCM qui seront conduites par l'OMC. Au mois d'août, le gouvernement fédéral a annoncé sa position initiale en matière agricole en vue des NCM. Cette position initiale de négociation du Canada repose sur un certain consensus et est censée tenir compte des intérêts commerciaux généraux de l'ensemble du secteur agricole et agroalimentaire, mais certains groupes intéressés maintiennent que le Canada ne va pas assez loin, notamment en matière d'accès aux marchés et de réduction de tarifs pour les produits de la gestion de l'offre, et en ce qui concerne la réforme des entreprises commerciales d'État. Les principaux éléments de la position canadienne sont exposés dans les paragraphes suivants.

Accès aux marchés : Afin d'améliorer les accès aux marchés pour les produits agroalimentaires canadiens, le Canada visera l'option zéro-zéro, soit l'élimination totale des tarifs et des subventions à l'exportation pour les secteurs comme les oléagineux et les céréales pour lesquels une telle stratégie apparaît souhaitable. On visera également à clarifier les règles des contingents tarifaires notamment en exigeant un véritable accès minimum équivalent à 5 p. 100 de la consommation courante et ce, pour chaque produit et non pas par catégorie de produits. De plus, la position canadienne stipule que les allocations par pays pour les accès minimums devraient être éliminées parce qu'elles sont souvent utilisées comme entrave au commerce. Toujours dans le but de faciliter l'accès aux marchés, les tarifs intracontingent devraient être éliminés lorsque des tarifs prohibitifs extracontingent limitent l'accès au volume intracontingent.

Subventions à l'exportation : L'autre principal cheval de bataille du Canada lors des prochaines NCM sera l'élimination de toutes les subventions à l'exportation de produits agricoles, tout en s'assurant que les programmes gouvernementaux de crédits et de garanties à l'exportation, les activités de promotion et certains programmes d'aide alimentaire ne viennent pas fausser les échanges agricoles.

Le soutien intérieur : Le Canada demandera à ses partenaires commerciaux de l'OMC l'imposition d'un plafond pour l'ensemble des types de soutien, tandis qu'il exigera la réduction maximale, voire même l'élimination, des mesures de soutien de la production qui perturbent le plus les échanges, comme celles de la catégorie bleue (voir « Subventions agricoles » dans le glossaire). Le Canada tentera de faire clarifier les critères de la catégorie verte afin de s'assurer que les mesures de soutien qu'elle englobe ont des effets neutres sur la production et les échanges, tout en poursuivant l'objectif de faire reconnaître une fois pour toutes par l'ensemble des pays participants que les mesures « vertes » ne doivent pas être assujetties aux droits compensateurs. Enfin, le Canada visera l'élimination de certains éléments de la « clause de paix », soit l'article 13 de l'Accord sur l'agriculture, qui restreignent le droit de faire appel au mécanisme de règlement des différends dans les cas où des mesures de soutien intérieur et des subventions à l'exportation faussent le jeu de la libre concurrence et annulent ou entravent ainsi les accès aux marchés.

Restrictions et taxes à l'exportation : Le Canada visera à conclure un accord pour assujettir les taxes et les restrictions à l'exportation de produits agricoles à des règles de discipline efficaces. Par exemple, le Canada proposera d'interdire l'inclusion des produits agroalimentaires dans les embargos commerciaux et l'utilisation des restrictions à l'exportation qui ont pour effet de réduire la proportion de produits agricoles qui peuvent être exportés sur la base d'une période de référence type.

Mesures sanitaires et phytosanitaires : Le Canada ne désire pas que l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires soit ouvert. Son approche visera plutôt à ce que les pays membres reconnaissent le bien-fondé de cet Accord qui repose sur la reconnaissance des principes scientifiques et sur l'utilisation de standards internationaux.

Biotechnologie : Conscient de l'émergence de la biotechnologie en agriculture et soucieux de l'intérêt des agriculteurs et des consommateurs, le Canada demandera la création d'un groupe de travail de l'OMC qui sera chargé d'examiner les différents aspects liés au commerce de produits issus de la biotechnologie et de communiquer aux négociateurs, si besoin est, certains de ces aspects qui mériteraient une place dans les NCM.

Entreprises commerciales d'État : La position initiale canadienne comprend comme objectif que les activités des monopoles d'importation de produits agricoles respectent des règles strictes afin que ces monopoles ne court-circuitent pas les engagements d'accès aux marchés. Quant aux monopoles d'exportation comme la Commission canadienne du blé, le Canada est disposé à discuter de nouvelles règles de discipline mais exigera que ces dernières s'appliquent autant aux monopoles publics que privés.

Le marché agricole des Amériques

Le Canada et les États-Unis ont des relations privilégiées en matière de commerce agricole qui ont peu d'équivalents à travers le monde. Au cours de la période de référence 1995-1998, les États-Unis ont été le principal marché pour les expéditions agroalimentaires canadiennes en accaparant 52 p. 100 des exportations agroalimentaires totales. Le Canada n'est pas en reste puisque 60 p. 100 de ses importations agroalimentaires provenaient des États-Unis au cours de la même période.

En comparaison, la part des exportations agroalimentaires canadiennes vers le Mexique a atteint une moyenne de 2,2 p. 100 au cours de la même période, alors que la part des importations agroalimentaires en provenance du Mexique représentait 2,4 p. 100. Le Brésil ne représente que 1,3 p. 100 de nos exportations totales et 2,4 p. 100 de nos importations. Quant au commerce agroalimentaire Canada-Chili, la part respective des exportations et des importations canadiennes sont à peu près équivalentes et s'établissent autour de 1 p. 100.

Même entre les deux importants partenaires commerciaux que sont le Canada et les États-Unis, l'agriculture demeure un terrain d'exceptions qui est une source continuelle de frictions. Commentant le déroulement des préparatifs des différents pays pour les prochaines NMC de l'OMC, le Secrétaire américain à l'agriculture affirmait « qu'il ne fallait pas être à ce point naïf et croire que nous aurons des marchés parfaitement libres ». Alors, en dépit de son nom, on peut douter que la création d'une ZLEA puisse conduire à un véritable libre-échange en agriculture, même s'il demeure souhaitable de favoriser une plus grande ouverture des marchés agricoles entre les Amériques afin de contrebalancer l'énorme marché européen qui ne cesse de croître. Pour le Canada, une plus grande libéralisation du commerce entre les Amériques pourrait surtout signifier entrer en concurrence directe non pas avec des partenaires commerciaux qui ont d'importants débouchés à offrir mais avec des concurrents qui viseront eux aussi à avoir leur part de l'énorme marché agroalimentaire des États-Unis.

Devenir plus concurrentiel constitue l'un des enjeux de la libéralisation des marchés. Or, si certains secteurs agricoles voient dans la ZLEA une stratégie pour accroître leurs capacités concurrentielles, il pourrait alors être intéressant de voir les possibilités qu'offrent de telles négociations, même limitées sur une base sectorielle ou produit par produit. Le rapport de l'OMC de décembre 1998 sur les politiques et pratiques du Canada dans le domaine du commerce international conclut que la stratégie canadienne axée sur les exportations, jumelée à de saines politiques macro-économiques, a contribué pour beaucoup à la solide performance économique du Canada. Le rapport mentionne toutefois que la trop grande dépendance du Canada envers le marché des États-Unis peut constituer un problème à long terme. Même en donnant priorité aux NMC de l'OMC pour accroître davantage la libéralisation du commerce agricole mondial, les négociations sur la ZLEA peuvent être vues comme une stratégie commerciale qui forcera l'industrie agroalimentaire canadienne, ou du moins certains secteurs, à devenir plus concurrentielle, ce qui lui permettra en retour de diversifier ses marchés d'exportation encore plus rapidement que d'autres pays exportateurs. Dans cette perspective, le Canada devrait profiter de ces négociations régionales pour donner la chance à certains secteurs d'améliorer leurs capacités concurrentielles au-delà de ce que les NMC de l'OMC auront à offrir.

Les témoins ont tous mentionné que les principaux éléments de négociation en agriculture pour les NMC de l'OMC seront les mêmes pour les négociations portant sur la ZLEA. Pour une grande majorité des témoins, les négociations de l'OMC sont une priorité incontournable tandis qu'une très faible minorité a mentionné que les négociations dans le cadre de la ZLEA devraient être utilisées pour faire avancer davantage certains dossiers, notamment en ce qui concerne les pratiques de prix discriminatoires et les subventions.

Le Comité ne tient pas à se placer dans une impasse en favorisant les négociations sur la ZLEA plutôt que celles de l'OMC. Comme le gouvernement a développé une position pour les négociations multilatérales de l'OMC, le Comité recommande :

21. Que le gouvernement du Canada négocie une plus large libéralisation du commerce des produits agricoles dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et cherche à obtenir plus de concessions, plus rapidement, dans le contexte de la Zone de libre-échange des Amériques.