Passer au contenu
;

FAIT Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

CHAPITRE 11 :
LE SECTEUR DES SERVICES COMMERCIAUX

Les exportations canadiennes de services ont donc un formidable potentiel de croissance, sans parler de la création d'emplois spécialisés aux quatre coins du Canada, pour peu qu'on fasse une priorité des problèmes que rencontrent les exportateurs de services. [Dorothy Riddle, 121:905]
Les services commerciaux et le commerce

C'est dans les années 1940 qu'a vu le jour l'idée d'une économie divisée en trois secteurs : le primaire, le secondaire et le tertiaire. Groupés avec les activités de ce dernier secteur, les services étaient en quelque sorte traités comme « résiduels », en termes économiques, et l'on prenait rarement la peine d'y réfléchir d'un point de vue stratégique. Si cette façon de voir les services était assez peu flatteuse on la rencontre encore de nos jours, elle constituait néanmoins une nette amélioration par rapport à la conception qu'on s'en faisait aux XVIIIe et XIXe siècles, où on les considérait comme une activité tout à fait improductive. En fait, il est même assez difficile de trouver des définitions de l'époque de ce qu'on entendait par services. À l'époque, les services étaient généralement perçus comme intangibles, invisibles et périssables parce que c'était une activité à forte intensité de main-d'oeuvre qui exigeait une production et une consommation simultanées.

Il va sans dire que les choses ont bien changé. Depuis les années 1960, il s'est produit une nette transformation structurelle, d'une ampleur considérable, dans les économies développées et, dans une moindre mesure, dans les économies en développement, avec un déplacement d'intensité de la production primaire et de la fabrication au profit des services. Ceux-ci accaparent de nos jours la part du lion de la production intérieure. Au Canada, ils représentaient 67 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) et 73 p. 100 de l'emploi en 1997. On reconnaît maintenant que les services sont tout aussi diversifiés que les produits sur le plan de la forme et qu'ils peuvent être : à forte intensité de main-d'oeuvre (coupe de cheveux) ou de capital (télécommunications); périssables (nettoyage) ou durables (ouvrage de génie civil); produits et consommés simultanément (spectacle) ou stockables (films d'animation). Enfin, les services sont de plus en plus combinés avec des biens, ce qui pose un problème d'estimation de valeur. En effet, on pense généralement qu'on en sous-estime la valeur parce que celle-ci est inextricablement liée à celle du bien.

Les services sont aussi des produits exportables. En 1997, les échanges mondiaux de services commerciaux, sur une base de balance de paiements, ont compté pour environ le cinquième des exportations mondiales de biens et services, totalisant plus de 1 000 milliards de dollars américains. Sur ce chiffre, la part du Canada s'élevait à environ 40 milliards. Si les États-Unis sont le principal marché des services canadiens, comme c'est le cas pour les biens, il reste que les exportations canadiennes de services sont plus diversifiées. En 1996, le Brésil, la Suède, Taiwan, le Mexique, les Philippines, Singapour et la Thaïlande représentaient pour l'exportation de services canadiens des marchés en plein essor. Étant donné que la valeur totale des échanges nationaux et internationaux de services dans l'économie mondiale est estimée à 14 000 milliards de dollars américains, le potentiel économique d'une libéralisation accrue des échanges mondiaux de services est loin d'être négligeable.

Ce type de commerce doit cependant surmonter de nombreux obstacles, sans doute plus que le commerce des marchandises. En revanche, à la différence du commerce international des marchandises, les obstacles au commerce des services prennent rarement la forme de droits de douane ou de mesures à la frontière. Certaines barrières peuvent avoir pour but d'empêcher un prestataire de services étrangers d'accéder à un marché étranger ou de s'y développer. Il peut s'agir : de restrictions quant à l'aptitude d'une entreprise de s'établir sur un marché étranger; de réglementations imprécises, modifiées sans préavis ou appliquées de façon incohérente; de conditions d'admission qui limitent l'aptitude de personnes étrangères à entrer sur un marché pour y offrir des services. Par conséquent, dans le contexte des accords qui touchent le commerce des services, on entend par « accès aux marchés » l'aptitude des prestataires de services étrangers à livrer concurrence sans trop d'entraves aux entreprises nationales qui produisent des services similaires.

La réglementation nationale a beaucoup à voir avec l'aptitude des entreprises étrangères à offrir leurs services sur un marché d'exportation. Pour une bonne part, elle concerne les prescriptions et procédures en matière de qualification, les normes techniques et les prescriptions en matière de licences, et peut restreindre l'accès au marché si elle n'est pas appliquée de façon transparente et uniforme. Cette réglementation vise souvent la réalisation d'objectifs nationaux spécifiques, mais il est important de s'assurer qu'elle repose sur des critères objectifs et transparents et qu'elle n'est pas un fardeau plus lourd pour les fournisseurs étrangers ou discriminatoire envers eux.

Certaines ententes internationales comprennent des dispositions qui encouragent l'adoption d'accords de reconnaissance mutuelle entre des gouvernements et leurs organisations professionnelles au chapitre des permis et certificats, des titres de compétence ou de l'expérience des particuliers qui fournissent les services. Ces organisations peuvent être gouvernementales ou non gouvernementales selon le secteur de services. Les accords commerciaux comme l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) prévoient la conclusion d'accords de reconnaissance mutuelle entre les parties, mais exigent généralement que même des non-membres soient autorisés à être partie à ces accords de reconnaissance mutuelle s'ils sont prêts à en respecter les conditions. La question de savoir si l'AGCS devrait comporter des règles sur la conclusion d'accords de reconnaissance mutuelle sera probablement à l'ordre du jour de la prochaine série de négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

L'Accord général sur le commerce des services (AGCS)

L'AGCS est le premier accord multilatéral régissant le commerce des services et l'une des grandes réalisations du Cycle d'Uruguay. Avant l'AGCS, l'accès aux marchés des services n'était pas garanti par des engagements contractuels. L'AGCS fixe le cadre dans lequel s'inscrit le commerce des services autour du monde, impose des règles que doivent respecter tous les membres de l'OMC et établit la structure juridique du règlement des différends. Cet accord comporte trois éléments principaux : premièrement, il contient un cadre des obligations, règles et disciplines générales; deuxièmement, il énonce des conditions dans des annexes concernant des secteurs de services réglementés comme les télécommunications et les services financiers; et, troisièmement, il contient les listes d'engagements spécifiques en matière de libéralisation de l'accès aux marchés et des listes d'exemptions au principe de la nation la plus favorisée (NPF).

En règle générale, le cadre concerne tous les échanges internationaux de services, quel que soit le mode de prestation. On compte quatre modes de prestation :

Prestation outre-frontière - Le service est posté, envoyé par voie électronique ou transporté d'une autre manière au-delà d'une frontière.

Consommation à l'étranger - Un consommateur franchit une frontière pour consommer un service. On peut penser par exemple aux touristes ou aux étudiants.

Présence commerciale - Un prestataire de services crée à l'étranger une société, une coentreprise, une société en nom collectif ou un autre type d'établissement afin d'assurer des services à des étrangers.

Présence de personnes physiques - Une personne, agissant soit seule, soit à titre de salarié d'un prestataire de services, se rend dans un autre pays pour y livrer un service.

Ce cadre exige l'application du principe du traitement national et du principe de la nation la plus favorisée, oblige la transparence au niveau des lois, règlements, conditions de reconnaissance et décisions administratives relativement à l'offre de services et limite les restrictions sur les paiements internationaux concernant les transactions courantes aux termes de l'Accord. Les pays membres ont le droit de prévoir des exemptions d'application du principe NPF à l'égard d'un nombre limité de services. Par exemple, un accord bilatéral préférentiel peut continuer d'exister à la condition que l'exemption de l'application du principe NPF soit enregistrée.

Les annexes font partie intégrante de l'Accord. L'annexe portant sur le mouvement des personnes physiques autorise les gouvernements à négocier des engagements concernant les séjours temporaires en vue d'offrir des services. Elle ne couvre pas les employés permanents ou les résidents permanents. L'Accord sur les télécommunications de base libéralise largement les échanges de services de télécommunications de base par la voie d'un ensemble de principes couvrant des questions comme les sauvegardes en matière de concurrence ou d'interconnexions, la transparence des processus d'octroi de licences et l'indépendance des organes de réglementation. L'Accord sur les services financiers prévoit des engagements précis plutôt que des obligations générales, en tenant compte des caractéristiques des services financiers, la plus importante étant que la réglementation nationale ne doit pas interdire aux membres de prendre des mesures pour des raisons de prudence, notamment pour la protection des investisseurs, des déposants, des titulaires de police d'assurance ou des personnes envers lesquelles le fournisseur a un devoir fiduciaire ou pour garantir l'intégrité ou la stabilité du système financier. À l'exception des sauvegardes concernant la balance des paiements, l'AGCS ne permet pas aux membres d'imposer des restrictions aux paiements et transferts financiers internationaux relativement aux transactions courantes qui concernent leurs engagements spécifiques. Enfin, l'annexe sur les services de transport aérien couvre les services de réparation et d'entretien d'aéronefs, la commercialisation des services de transport aérien et les services de réservation informatisés.

En ce qui concerne les listes d'engagements, chaque gouvernement présente une liste initiale d'engagements et de limitations à l'égard des 11 grands secteurs de services. Ces engagements concernent les modes de prestation et les conditions d'accès au marché. Une fois qu'un pays a pris un engagement spécifique dans un secteur ou un sous-secteur de services, le pays n'est plus simplement lié par les obligations générales concernant le principe NPF énoncé dans l'AGCS, mais aussi par l'obligation relative au « traitement national », laquelle signifie que l'accès au marché doit être accordé dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les fournisseurs nationaux. L'obligation de traitement national ne s'applique qu'aux engagements figurant dans les listes d'engagements et seulement en l'absence d'exemptions. C'est un puissant mécanisme de libéralisation des échanges dans la mesure où une fois ce principe accepté, le membre est obligé de traiter les services et les fournisseurs de services étrangers d'une manière aussi favorable que les services et fournisseurs nationaux. Le traitement accordé n'est pas forcément identique mais ne doit pas aggraver les conditions de concurrence des services et fournisseurs de services étrangers. Les restrictions quant à l'accès aux marchés sont définies de façon générale : limites quant au nombre de fournisseurs ou d'entreprises de services; limites quant à la valeur des opérations ou de l'actif des sociétés étrangères; limites quant au nombre de personnes qui peuvent être employées soit dans un secteur donné soit par une entreprise donnée; restrictions quant à la forme juridique de prestation du service (p. ex. coentreprise seulement); limites quant aux investissements étrangers.

Les services commerciaux et la ZLEA

Les spécialistes s'entendent pour dire que les services ne sont pas différents des biens dans la mesure où leur potentiel commercial peut en partie être déterminé par les avantages comparatifs et les ressources en facteurs, en tenant compte du fait que les facteurs de production critiques peuvent être du capital physique, du capital humain ou les deux. En conséquence, plus le capital est abondant, plus l'industrie nationale peut être compétitive et plus il est avantageux pour le pays en question d'exporter les services qui font une utilisation intensive de ces facteurs. Il semblerait aussi que dans certains secteurs d'activité (banques, assurance, télécommunications) des économies d'échelle peuvent influer sur la compétitivité relative de l'industrie nationale là où il existe des marchés mondiaux.

Plusieurs témoins ont signalé au Comité la sous-représentation du Canada dans le commerce mondial des services et estiment que les choses pourraient être améliorées.

Le Canada affiche l'un des plus importants secteurs des services en proportion du PIB, de telle sorte qu'il est bien placé pour profiter de cette tendance [au niveau des échanges de services]. Il possède des atouts reconnus dans un certain nombre de secteurs importants - les télécommunications, les services informatiques, les transports, certains aspects du secteur de la culture et du divertissement, les finances, le génie, les services professionnels, de même que l'éducation et la santé. [Gerry L. Lambert, mémoire]
Outre ces avantages comparatifs et les branches d'activité précitées, le vaste territoire du Canada où la population est relativement peu nombreuse et dispersée donne à penser au Comité que les services à distance dans l'éducation et la santé pourraient constituer de bonnes industries d'exportation pour notre pays. Certains témoins ont signalé d'autres industries qu'ils considèrent comme importantes pour nos intérêts dans le contexte des Amériques.

Il est également important de tabler sur l'étendue et la sécurité de l'accès du Canada aux marchés de ses partenaires de l'ALENA. Je pense que nous pouvons arriver au même résultat grâce à la ZLEA. Les questions qui intéressent tout particulièrement nos membres se rattachent notamment à l'élargissement de l'ALENA, ou à l'élargissement du libre-échange à l'intérieur de la zone de l'ALENA, pour englober les services financiers, les services de télécommunications et les services d'expédition, de même que l'entrée plus libre des professionnels et les achats infranationaux. [Jayson Myers, 30:1615]
Le Comité a appris que le gouvernement a déjà lancé un processus visant à définir les intérêts prioritaires du Canada sur les marchés d'exportation en termes de pays, de types de services, de méthodes de prestation, de mouvement des personnes et d'entraves au commerce (privé ou public). Le Comité estime que les Amériques doivent être considérées comme étant d'une importance stratégique pour notre secteur des services et, en conséquence, il recommande :

22. Que le gouvernement du Canada cible ses intérêts prioritaires en matière de marchés d'exportation de services, tout en reconnaissant l'importance de la région des Amériques.

Le Comité considère l'AGCS comme une première tentative pour amener le commerce des services sous le parapluie des règles et disciplines du commerce international. C'est un petit pas en avant qui nécessitera des améliorations graduelles substantielles avant qu'on s'approche de la qualité et de la portée de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Si l'AGCS évolue comme l'a fait le GATT de 1947, les attentes ne devraient pas être déçues. En ce qui concerne la ZLEA, cependant, il ne devrait pas être difficile de trouver des façons d'améliorer l'AGCS, ce qu'il faudrait faire sans tarder. Le Comité recommande :

23. Que le gouvernement du Canada concentre ses négociations sur les services de l'accord sur la Zone de libre-échange des Amériques sur l'élargissement et l'approfondissement des engagements en ce qui concerne la nation la plus favorisée et le traitement national au-delà de ce qui a été obtenu dans l'Accord général sur le commerce des services, en adoptant éventuellement une approche sectorielle.