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FAIT Rapport du Comité

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CHAPITRE 15 :
POLITIQUE ET DROIT DE LA CONCURRENCE

[Les] lois nationales sur la concurrence, si elles sont bien appliquées, complètent [...la] libéralisation du commerce en empêchant que des comportements anticoncurrentiels privés diminuent les avantages des accords. L'intégration de la politique de concurrence au sein de ces instances garantira aux exportateurs et investisseurs canadiens qui font des affaires à l'étranger de pouvoir compter sur une politique de concurrence objective et prévisible qui les protégera des pratiques anticoncurrentielles sur le marché local. [Patricia Smith, 31:1600]

Convergence entre la politique commerciale et la politique de la concurrence

La politique et le droit de la concurrence (antitrust) ne sont apparus que récemment dans les négociations commerciales, alors que des progrès importants ont été accomplis à l'échelon multilatéral dans les dossiers plus traditionnels. Il se pourrait en effet que le temps soit venu d'élargir le dossier du commerce et d'envisager une gamme plus large de comportements ayant un rapport avec la disputabilité des marchés. En effet, les efforts de libéralisation avanceraient sans doute plus vite si l'on prenait en compte la possibilité que, lorsque tombent les obstacles au commerce, les sociétés nationales bien implantées les remplacent par des obstacles à l'accès au marché. Si la politique commerciale règle la conduite des gouvernements, la politique de concurrence régit les personnes physiques et morales relevant de la compétence de ces pouvoirs publics en interdisant certaines conduites considérées comme anticoncurrentielles ou susceptibles de l'être. En conséquence, une instance interne chargée de la concurrence pourrait prendre des mesures préventives visant à instaurer les conditions préalables à l'exercice de la concurrence, ou à les maintenir lorsqu'elles sont menacées, ce qui, estime-t-on, assurera un plus grand bien-être aux consommateurs et à la société. Ainsi, la politique de concurrence et la politique commerciale ont un objectif commun, celui de rendre les marchés « disputables », selon la terminologie utilisée par les autorités chargées de la concurrence pour désigner l'accès au marché (voir l'encadré 15.1).

L'idée selon laquelle le libre-échange suffira à lui seul à créer des marchés efficients dans les économies de petite taille de cet hémisphère soulève quelques préoccupations pour le Bureau. À mon avis, la politique de libre-échange ne devrait pas être considérée comme un substitut à une politique de la concurrence. Par exemple, une politique de libre-échange ne pourrait pas à elle seule permettre de régler les cas où des entreprises très puissantes sur un marché donné exercent des activités anticoncurrentielles comme la collusion. [Patricia Smith, 31:1600]

Bien entendu, les responsables du commerce pourraient s'intéresser au droit et à la politique de la concurrence pour d'autres raisons. Citons le rare cas où un gouvernement voudrait, par principe ou par une application sélective, diverger de l'objectif initial de la politique de concurrence et utiliser celle-ci comme substitut de la politique commerciale ou de la politique industrielle et, ce faisant, annuler une partie des importantes richesses déjà acquises au moyen de la libéralisation du commerce et de l'investissement. Par exemple, une autorité indépendante chargée de la concurrence pourrait intenter des poursuites contre une entreprise étrangère, en alléguant disons la fixation de prix abusifs, pour le simple motif de harceler et d'ériger un obstacle bureaucratique contre l'accès au marché. Que ce soit par principe ou par application sélective, la politique de concurrence pourrait, dans certaines circonstances, remplacer les politiques commerciales restrictives qui sont interdites dans le cadre d'un régime commercial libéral.




Il existe au moins deux autres raisons pour internationaliser la politique de la concurrence. Premièrement, ce type de politique peut être utilisé comme protection exceptionnelle contre la fixation de prix inéquitables, comme le dumping qui, par définition, pourrait être assimilé à une fixation de prix abusifs ou à une discrimination par les prix, selon le cas. Un certain nombre d'éléments relatifs à l'efficacité des mesures antitrust comme substitut aux mesures antidumping méritent réflexion, à savoir les mécanismes de détermination du préjudice et de l'intention de la partie qui agit ainsi. Essentiellement toutefois, il s'agit là des deux faces (administratives) d'une même pièce, et ce sont en fait les objectifs des décideurs qui sont déterminants. Enfin, dans le contexte actuel de la mondialisation, les conduites anticoncurrentielles ont de plus en plus d'effets multiples sur les marchés, lesquels méritent qu'on s'y attaque par une meilleure coordination et une meilleure coopération entre autorités responsables de la concurrence. Certes, une politique de concurrence plus efficace est utile en elle-même, mais il faudrait que le bien-être du consommateur et de la société en demeure l'objectif ultime.

Préoccupations entourant la politique de la concurrence et le commerce

Bien évidemment, il existe de nombreuses raisons légitimes pour intégrer une politique de concurrence dans le programme d'action en matière de commerce, mais les explications présentées plus haut s'appliquent-elles au marché d'aujourd'hui ou sont-elles simplement hypothétiques? Considérons la politique de concurrence comme une politique commerciale de remplacement conçue pour contourner des engagements commerciaux existants. Des représentants du Bureau de la concurrence ont dit au Comité qu'ils n'ont pas été témoins ni informés par d'autres entités chargées de la politique de la concurrence, dans un passé récent, du moindre cas d'utilisation dans les Amériques, par les instances chargées de la politique de la concurrence, des règles relatives aux fusions ou à la concurrence comme moyen stratégique de restreindre le commerce. Le Comité accepte ce témoignage et, en conséquence, conclut que les raisons stratégiques d'inclure la politique de la concurrence dans les négociations commerciales ne méritent pas qu'on s'y arrête pour l'instant, et il entend plutôt s'attacher aux cas de conduite anticoncurrentielle sur plusieurs marchés pour le guider dans ses délibérations.

Deux affaires récentes illustrent les problèmes liés à l'établissement d'une limite : la fusion de Boeing Co. avec McDonnell Douglas Corp., et le cas Kodak-Fuji. La Commission européenne a menacé de bloquer la fusion des avionneries pour le motif que les sociétés avaient conclu des ententes exclusives d'approvisionnement avec certaines grandes lignes aériennes, ce qui risquait de porter préjudice aux fabricants européens d'un avion concurrent, l'Airbus. Les États-Unis, ne sachant pas si les poursuites avaient été intentées pour faciliter la concurrence ou pour mettre les fabricants de l'Airbus en meilleure position par rapport à la nouvelle avionnerie américaine, ont menacé d'exercer des représailles si la fusion était empêchée. Au Japon, certaines pratiques privées anticoncurrentielles entravant l'accès sur le marché ont été alléguées par Kodak dans une pétition en vertu de l'article 301, qui a été suivie de la présentation d'un mémoire à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à propos de la tentative de Kodak de vendre des pellicules sur le marché japonais. Le problème tenait aux mesures d'une société japonaise verticalement intégrée qui restreignaient la capacité de Kodak de vendre des pellicules photographiques au Japon. Au bout du compte, l'OMC s'est prononcée en faveur du Japon, mais c'est avant tout parce que les questions de concurrence ne font pas partie de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et qu'aucune obligation commerciale n'avait donc été violée. Néanmoins, cette affaire a mis en lumière l'incapacité de l'OMC d'obtenir les renseignements nécessaires pour résoudre le différend.

Les affaires prouvent certainement qu'il existe des problèmes de compétence et justifient en partie le plaidoyer du commissaire du Bureau de la concurrence :

[L]e commerce ignore de plus en plus les frontières et il en est de même des pratiques anticoncurrentielles. Nous devons donc veiller au maintien d'une bonne coopération entre les pouvoirs de réglementation de la concurrence. Cela est nécessaire au bon fonctionnement du système et est essentiel pour éviter les conflits de compétences, car il est important de ne pas se gêner les uns les autres lorsqu'il faut enquêter sur ces complots criminels. [Konrad von Finckenstein, 113:1120]

Au-delà de ces différends et de ces guerres de compétence, les autorités chargées de la politique de la concurrence ont aussi un rôle revendicateur à jouer :

Par exemple, avec la réduction de la protection à la frontière, qu'il s'agisse de barrières tarifaires ou non tarifaires, on craint de plus en plus que l'abolition des monopoles d'État ne laisse un vide que pourront rapidement combler des monopoles privés. Une politique et un droit de la concurrence sains et vigoureusement appliqués seront une protection contre ce phénomène. À cet égard, le rôle de défense des autorités chargées de la politique de la concurrence revêt une grande importance et elles doivent faire en sorte de s'engager dès le début dans la réforme de la réglementation. [Patricia Smith, 31:1600]

De l'avis du Comité, c'est là un argument qui s'applique particulièrement bien aux Amériques.

La politique de la concurrence et la ZLEA

En prévision d'un éventuel accord sur une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), il serait bon au départ de recenser les pays des Amériques qui possèdent un droit de la concurrence et ceux qui n'en possèdent pas. Le Comité croit savoir que 12 des 34 pays qui envisagent d'adhérer à une ZLEA possèdent déjà une loi écrite sur la concurrence, tandis que 8 autres songent à en adopter une1. Le Comité est également conscient que des engagements relatifs à la politique de concurrence sont inclus dans l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili et dans le traité du Groupe des Trois entre le Mexique, la Colombie et le Venezuela. La décision 285 du Groupe andin et le protocole du MERCOSUR pour la défense de la concurrence portent aussi sur la concurrence, mais sont toujours en attente d'une ratification.

Ces lois ont des objectifs et une portée variables d'un pays à l'autre. En général, dans les Amériques, elles visent : la promotion et la défense de la concurrence; la promotion de l'efficience économique et du bien-être des consommateurs; la liberté d'initiative; l'ouverture des marchés assortie d'une participation juste et égale des petites et moyennes entreprises; la déconcentration du pouvoir économique et la prévention des monopoles et des abus d'une position dominante. Le champ d'application de ces lois est vaste, mais des exceptions y sont faites pour les monopoles d'État, les secteurs réservés des intérêts stratégiques ou de sécurité nationale et les droits de propriété intellectuelle. Les comportements généralement visés par ce genre de lois sont énumérés dans l'encadré 15.2.




Le Bureau de la concurrence a fait les commentaires suivants sur l'état général de la politique de concurrence et de son application dans les Amériques :

Des 12 pays de l'hémisphère qui ont une loi sur la concurrence en vigueur, plusieurs n'ont élaboré que récemment leur régime juridique en la matière. De surcroît, le niveau de l'application varie d'un pays à l'autre; même parmi ces derniers pays le niveau de la mise en application varie. [...] L'assistance technique aux pays qui ont un régime de concurrence inexistant ou relativement peu développé sera un élément essentiel pour la conclusion d'un accord-cadre sur la politique de la concurrence au sein de la ZLEA. Les pays qui fourniront l'assistance technique devront comprendre la nécessité d'adopter une stratégie graduelle qui commencera par l'établissement d'un consensus intellectuel, politique et social sur la valeur d'une politique de concurrence et qui aboutira à l'adoption d'une bonne loi et la mise en application efficace de cette loi. [Patricia Smith, 31:1555]

Le Comité est toutefois d'avis que les microéconomies du CARICOM constituent un cas particulier, car ils se buteront sans doute à un sérieux manque de moyens lorsqu'il s'agira d'élaborer et d'appliquer un droit national en matière de concurrence. De fait, à moins d'une aide concrète susceptible d'améliorer le rapport coûts-avantages de l'instauration d'un cadre formel en matière de concurrence, ces pays feront peut-être mieux de compter sur le seul régime gratuit qui soit à leur disposition, à savoir le libre-échange.

Il faut entreprendre d'autres analyses conceptuelles afin d'étudier les options pratiques pour les économies de très petite taille, comme celles des membres du CARICOM et des pays d'Amérique centrale dans les cas où le poids financier de la mise sur pied d'un organisme national pose un problème important. Toutefois, pour les économies de petite taille qui ont des positions et des objectifs compatibles en ce qui concerne le droit et la politique de la concurrence, l'adoption de règles - si possible fondées sur des dispositions types - et la création d'institutions régionales ou infrarégionales pourraient constituer une solution pratique. Cette méthode permettrait d'affecter les ressources de manière plus efficace et raisonnable. [Patricia Smith, 31:1600]

Le Comité a entendu divers avis sur la façon dont la politique de concurrence doit être envisagée à l'échelon multilatéral et au sein d'une ZLEA.

Sur un plan conceptuel, [...] nous avons besoin d'un accord fondé sur les mêmes principes que l'Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou ADPIC. Nous avons donc besoin d'un accord sur les aspects des pratiques anticoncurrentielles qui touchent au commerce, ce qui donnerait le sigle de TRAMS. [...] Que contiendrait un accord TRAMS? À notre avis il devrait en premier contenir une obligation d'adopter une loi ferme sur la concurrence ayant un champ d'application approprié et assurant l'indépendance des enquêtes et des prises de décisions. Les principales dispositions devraient traiter des aspects suivants : les cartels et les complots criminels, l'examen des fusionnements, l'abus de position dominante, le rôle de défense des droits de l'organisme de promotion de la concurrence, afin de veiller à ce que la concurrence soit prise en considération à toutes les instances nationales, la protection des renseignements confidentiels, sans laquelle il est impossible de faire fonctionner un régime de concurrence et, enfin, l'accès à des moyens de dissuasion efficaces, d'ordre monétaire ou pénal. Il faut également un engagement envers des principes de transparence, de traitement national, de non-discrimination et d'équité procédurale. Il est impossible autrement d'exploiter un régime de concurrence. Si le régime ne respecte pas le traitement national et la transparence, il ne sert vraiment à rien. [Konrad von Finckenstein, 113:1120]

et

[La] politique et le droit de la concurrence représentent un secteur extrêmement complexe, comme nous le savons tous. L'Alliance estime qu'il ne faut plus essayer de s'entendre sur le fond des règles sur la concurrence et les recours dans ce domaine, mais essayer plutôt d'élaborer une série de principes et de directives clairs qui permettront d'appliquer ces règles de façon transparente et équitable. [Pamela Fehr, 112:925]

Ces arguments, le Comité en est bien conscient, ne signifient pas que les témoins sont en faveur d'une harmonisation de la politique de concurrence dans l'ensemble des Amériques. À l'étape où nous en sommes, le Comité est d'accord pour reconnaître qu'il n'est pas nécessaire que tous les intervenants aient les mêmes règles. Il vaudrait mieux attendre à plus tard pour le faire, si on le juge à propos.

Le Comité revient maintenant au problème de l'opportunité de remplacer la politique antidumping par une politique sur la concurrence, et plus précisément par des dispositions sur la fixation abusive des prix. À ce propos, le Comité a entendu une large gamme d'opinions. Voici un commentaire favorable typique :

[L]es règles antidumping et les dispositions des législations nationales sur la concurrence relatives aux pratiques de prix déraisonnablement bas poursuivent un objectif commun, soit le maintien de conditions de concurrence loyale. Aussi peut-on s'interroger sur la logique et la pertinence sur le plan de la politique publique de maintenir deux régimes juridiques distincts, l'un s'appliquant aux producteurs étrangers et centré sur l'administration des droits antidumping, l'autre qui police les opérateurs oeuvrant sur le marché interne et qui vise à contrer les politiques de fixation abusive des prix. Une telle dualité de régime m'apparaît artificielle; il m'apparaît difficile de cerner sa rationalité. Je pense donc que [...] le Canada devrait s'efforcer de promouvoir la convergence du régime antidumping, d'une part, et des règles sur la concurrence concernant les pratiques de prix déraisonnablement bas, d'autre part. [Vilaysoun Loungnarath, [10:1430]

Et voici maintenant un exemple caractéristique de commentaire défavorable :

[L]a pratique commerciale injuste qu'est le dumping est celle où des exportateurs étrangers vendent à des prix plus faibles que les prix au Canada, ce qui nuit aux producteurs canadiens. Une différenciation des prix non abusifs par un exportateur étranger qui n'a pas de pouvoir commercial sur le marché d'importation, en l'occurrence le Canada, ne peut pas être contrée par les lois traditionnelles sur la concurrence. [...] Cependant, le fait est que les lois sur la concurrence stipulent normalement qu'il y a abus si l'on peut constater et interdire la différenciation des prix et les prix abusifs. Il faut que celui qui fixe ces prix veuille nuire à son concurrent et ait le pouvoir commercial de le faire parce qu'il essaie effectivement d'abaisser ses prix et de chasser son concurrent pour pouvoir ensuite jouir des avantages du monopole qu'il aura établi. [...] Si j'abandonnais les mécanismes antidumping pour adopter les règles normales relatives aux prix abusifs dans les lois sur la concurrence, j'abandonnerais à toutes fins utiles mon droit de prendre des mesures antidumping. [É]changer des mesures antidumping pour des lois sur la concurrence ne serait pas vraiment un échange, mais une capitulation pure et simple. [Michael Flavell, 99:225]

Le Comité croit comprendre que les dispositions contre les prix abusifs et contre le dumping trouvent leur origine dans des nécessités et des intentions différentes. Les premières ont été conçues pour protéger les intérêts des consommateurs afin de préserver le processus concurrentiel à long terme. Quant aux dernières, elles ont pour objectif de protéger les producteurs nationaux contre un rival étranger précis, dont la situation particulière lui permet d'établir une différence entre les marchés. Cette situation particulière consiste souvent en un marché intérieur protégé.

En ce qui concerne les dispositions antidumping, donc, les intérêts des consommateurs sont subordonnés à ceux des producteurs nationaux. Dans cette perspective, le Comité est d'avis que la politique de concurrence et les autorités chargées de l'appliquer ne devraient jamais être forcées de subordonner les intérêts des consommateurs à ceux des producteurs. Toutefois, faute d'une disparition définitive de la capacité d'exercer une discrimination entre les marchés étrangers et les marchés intérieurs, il existe effectivement des circonstances dans lesquelles les intérêts des producteurs nationaux doivent prévaloir sur ceux des consommateurs, mais ce ne sont pas tous les cas. À condition que les pouvoirs administratifs exercent une discrétion appropriée dans l'application des dispositions antidumping, le Comité est d'avis qu'il n'existe aucune raison valable, ni non plus de désir de la part de la classe politique, de confondre les règles antidumping et les règles antitrust. Les politiques relatives à la concurrence et les politiques antidumping doivent donc, pour l'instant, demeurer séparées.

D'autre part, la relation entre la politique de la concurrence et le règlement des différends constitue un autre sujet de controverse possible. Les comités spéciaux constitués pour examiner la façon d'intégrer la politique de la concurrence dans le régime commercial ont déjà conclu que la capacité d'un gouvernement étranger de contester les décisions des autorités compétentes en matière de concurrence d'un autre pays constituerait un empiétement excessif sur la souveraineté nationale. Les experts du commerce et de la politique de concurrence ont plutôt axé leurs efforts sur la mise en place d'un mécanisme de révision des politiques de concurrence et d'un conseil chargé de surveiller la façon dont les autorités compétentes respectent leurs obligations en matière d'équité et de transparence des procédures.

Il faudrait que les négociations portent sur la question de savoir s'il est possible d'utiliser des procédures de règlement des différends pour déterminer si les pays membres respectent leurs obligations d'application et de maintien de leurs lois sur la concurrence, conformément à un accord-cadre sur la concurrence. [...] Nous estimons qu'un accord sur la concurrence, intégré à l'accord sur la ZLEA, serait plus efficace si l'on créait un mécanisme d'examen des politiques en matière de concurrence sur le modèle du mécanisme d'examen des politiques commerciales de l'OMC. Un conseil serait chargé de dresser régulièrement un rapport sur les dispositions de fond du droit de la concurrence d'un pays et sur les actes de l'organisme chargé de l'application des lois. Tant le mécanisme d'examen des politiques de concurrence que le conseil feraient la promotion de la transparence et constitueraient les antécédents de l'autorité responsable en matière d'équité procédurale. Nous croyons que ceci constituerait une solution de remplacement acceptable pour traiter des questions de conformité. [Patricia Smith, 31:1555]

D'après ce que comprend le Comité, le mécanisme d'examen de la politique de la concurrence dans l'accord sur la ZLEA, d'une part, et le comité consultatif sur la politique de concurrence dans la ZLEA, d'autre part, ne seraient pas habilités à étudier ou à commenter les décisions individuelles prises par les autorités en matière de concurrence. Ils pourraient toutefois faire la lumière sur la politique de concurrence et le régime d'application de différents pays de l'hémisphère et formuler des recommandations en vue de moderniser ces pratiques. Ainsi, en l'absence de recours pour faire examiner les cas a posteriori, une information préalable serait diffusée en guise de mise en garde auprès des éventuels négociants et investisseurs étrangers de l'hémisphère, au profit desquels cette méthode servirait à préciser et à rendre plus prévisibles certains aspects de la concurrence. Un mécanisme d'examen par les pairs devrait également créer la possibilité d'infléchir, au besoin, les réformes visant ces politiques, sans porter atteinte à la souveraineté nationale.

Compte tenu de ces facteurs, le Comité recommande donc :

28. Que le gouvernement du Canada : a) favorise la mise en place de politiques et de régimes juridiques en matière de concurrence, ainsi que d'efficaces dispositions d'application de ces lois, dans les pays des Amériques qui n'en possèdent pas encore; b) s'oppose aux pays d'une Zone de libre-échange des Amériques qui voudraient fusionner leur législation antidumping avec les dispositions contre les prix d'éviction de la politique et de la législation sur la concurrence; c) examine l'opportunité d'établir un processus d'examen des politiques de la concurrence qui prévoirait, au minimum, une surveillance et la présentation régulière de rapports sur la politique de concurrence du pays membre et sur la façon dont son autorité en matière de concurrence respecte les règles concernant l'équité et la transparence procédurale; et d) prévoie un examen périodique en vue de l'élargissement du renforcement de la politique de concurrence.


1 Les 12 pays qui possèdent des lois en matière de concurrence sont les suivants : Argentine (1919), Brésil (1962), Canada (1889), Colombie (1959), Costa Rica (1994), Chili (1959), États-Unis (1890), Jamaïque (1993), Mexique (1934), Panama (1996), Pérou (1991) et Venezuela (1991). Quant aux huit pays qui sont en train de débattre, de concevoir ou de rédiger des lois sur la concurrence, ce sont la Bolivie, l'Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, la République dominicaine, le Salvador et Trinité-et-Tobago.