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FAIT Rapport du Comité

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Opinion dissidente du Parti réformiste
La position du Canada sur la ZLEA devrait refléter une vaste consultation
27 octobre 1999

Introduction

Dans le cadre de la rédaction de son rapport sur la position que le Canada adoptera au moment des négociations sur la zone de libre-échange entre les Amériques (ZLEA), le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a entendu des centaines de témoins. Le principal message transmis était que le Canada avait grandement profité du commerce accru et des investissements dans les biens et services découlant de l'Accord de libre-échange nord-américain et du cycle de l'Uruguay du GATT.

De façon similaire, le Comité s'est fait dire que l'expansion de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis au Mexique et la signature d'un accord de libre-échange avec le Chili étaient des étapes normales de la conclusion d'un accord de libre-échange hémisphérique, qui profiterait à l'économie canadienne tout en diversifiant le commerce canadien au delà de ses partenaires traditionnels.

En grande partie, les recommandations formulées dans le document La zone de libre-échange des Amériques : Pour un accord qui sert les intérêts des Canadiens, répondent à ces questions et, dans cette optique, le Parti réformiste approuve le rapport.

Consultation des Canadiens

Le texte du rapport majoritaire ne tient pas suffisamment compte de cette nécessité. On peut y lire :

Recommandation 1

Que, à la réunion ministérielle qui se tiendra à Toronto en novembre 1999, le ministre du Commerce international encourage et incite ses collègues des Amériques à inclure la société civile de leur pays à un processus de consultation effective.

La population canadienne peut se procurer de l'information exacte auprès de diverses sources et, par conséquent, participer aux décisions importantes. La population canadienne, diverse de bien des façons, représente une grande variété de perspectives qui doivent être représentées dans le cadre de négociations complexes, en particulier celles qui pourraient influencer tous les domaines de l'économie canadienne.

Cette diversité, de même que la nécessité de tenir de vastes consultations publiques dans le cadre des négociations, a été reconnue dans le mandat donné au Comité de représentants gouvernementaux sur la société civile :

Nous reconnaissons et accueillons l'intérêt et les préoccupations exprimés par les différents secteurs de la société en relation à la ZLEA. Le secteur des affaires et autres secteurs productifs, du travail, de l'environnement et des universités ont été particulièrement actifs dans ce domaine. Nous encourageons ces secteurs ainsi que les autres secteurs de la société civile, à présenter leurs points de vue sur les questions commerciales d'une manière constructive.
Ce texte a une grande portée, reconnaissant que la « société civile » est formée d'un certain nombre d'intervenants de toutes les facettes du spectre politique et de tous les secteurs de la société. Voilà l'approche que le gouvernement du Canada devrait adopter. Malheureusement, les consultations, même au Canada, n'ont pas été particulièrement vastes. Bien que le Comité ait entendu des représentants avançant diverses positions, ainsi que de nombreux groupes d'intérêts, le fait est que le Canadien moyen n'est pas vraiment informé du processus entourant cet accord de libre-échange, même s'il a commencé il y a près de cinq ans.

En outre, sur la scène internationale, l'Organisation des États américains (OEA) a formé un Comité du secteur civil sous-ministériel, basé à Washington, qui a invité des gens (en majeure partie des représentants d'intérêts spéciaux d'un type ou d'un autre) de tout l'hémisphère à faire part de leurs commentaires. Ainsi, le Comité de la société civile a mis en place un processus permettant à des personnes non élues et non responsables de contourner le processus de consultation national entrepris par les gouvernements démocratiquement élus des pays signataires, et de participer directement au processus au palier sous-ministériel. C'est là un processus de consultation à deux paliers, minimisant la valeur de vastes consultations multisectorielles entreprises par un gouvernement démocratique au palier purement national.

Une telle approche à deux paliers est contraire au premier paragraphe de la Déclaration de principes du Sommet des Amériques de 1994 :

Les chefs d'État et de gouvernement élus des États américains s'engagent à faire progresser la prospérité, les valeurs et les institutions démocratiques et la sécurité de notre hémisphère.
Si l'on défend réellement les valeurs démocratiques, les responsables élus ou les personnes choisies par un gouvernement élu doivent être présents à la table des négociations, et toutes les autres parties doivent pouvoir exprimer leur opinion uniquement par l'intermédiaire du gouvernement national élu approprié.

Finalement, si l'on utilise un processus qui n'est pas transparent, démocratique et inclusif, on risque d'être confronté aux mêmes obstacles nationaux qui, malheureusement, on menacé l'AMI.

À titre de fervents partisans de la ZLEA, nous recommandons ce qui suit :

Que le ministre du Commerce international encourage ses collègues des Amériques, notamment à la rencontre ministérielle qui sera tenue à Toronto en novembre 1999, à inviter les entreprises et d'autres groupes de production, du travail, environnementaux et intellectuels, ainsi que d'autres représentants de la société, à faire connaître leur point de vue sur les questions commerciales de façon constructive.
Que le ministre du Commerce international demande au Comité du secteur civil de ne pas tenir compte des propositions faites par des parties qui vivent ou sont basées dans des pays participant aux négociations sur la ZLEA où a eu lieu un processus de consultation national, pour plutôt demander que ces parties fassent part de leur point de vue par l'intermédiaire de leur gouvernement national démocratiquement élu.

Consultation des provinces

Le Canada est un état fédéral et la Loi constitutionnelle partage les pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Quand les négociations sur un accord de libre-échange touchent directement des domaines de compétence provinciale, il faut consulter les provinces avant de conclure un accord final.

Le fait de ne pas vraiment consulter les provinces pendant les négociations sur l'ALENA a fait en sorte que les étendues d'eau libre situées entièrement à l'intérieur des frontières provinciales peuvent être visées par l'ALENA dans certaines circonstances. De récents développements en Colombie-Britannique, en Ontario et à Terre-Neuve indiquent que les consultations provinciales lors des négociations sur l'ALENA auraient pu permettre d'éviter, ou du moins de minimiser, ce problème.

De façon similaire, lors de la détermination des objectifs nationaux en matière d'émissions lors des négociations sur le protocole de Kyoto (Convention sur le changement climatique mondial), le gouvernement fédéral n'a pas consulté les provinces de façon adéquate, alors que leur coopération était essentielle au respect des engagements du Canada. Ainsi, le gouvernement fédéral ne peut pleinement respecter ses engagements.

De plus, dans les domaines liés aux normes du travail et aux pratiques agricoles, la coopération des provinces est essentielle si l'on veut introduire un traité, et c'est pourquoi il est vivement souhaitable de solliciter leur collaboration dès le départ.

L'Australie, tout comme le Canada, est une fédération prévoyant le partage des pouvoirs entre le gouvernement du Commonwealth (national) et les états et territoires. Tout comme au Canada, le pouvoir en matière d'affaires étrangères revient au fédéral. En 1996, après de vastes consultations publiques, l'Australie a formé un Conseil des traités afin de faciliter la consultation avec les états et les territoires. Le Conseil est formé du premier ministre national, et des premiers ministres des états et territoires. Il permet aux états et aux territoires d'attirer l'attention du gouvernement national sur les traités particulièrement délicats pour eux, et au gouvernement national de maintenir son engagement en matière de consultation. Le Conseil exerce des fonctions de consultation, et examine les traités et autres instruments internationaux particulièrement importants pour les états et les territoires.

Les négociations entourant la ZLEA risquent de durer quelques années. Nous pressons le gouvernement de collaborer avec les provinces afin de déterminer des façons sensées dont celles-ci pourraient participer à ces négociations et à d'autres négociations similaires, en veillant particulièrement à ce que les provinces puissent influencer les négociations internationales touchant les pouvoirs provinciaux.

Consultation du Parlement

Actuellement, le Parlement est consulté sur les traités internationaux uniquement quand il faut adopter une loi habilitante (par exemple, le récent traité interdisant les essais nucléaires). Cependant, dans d'autres cas, notamment l'Accord de Kyoto et l'ICC, le gouvernement prend des engagements beaucoup trop importants avant même de consulter le Parlement, les provinces et le grand public. Cette façon de faire irresponsable doit changer.

À tout le moins, la version des traités comme la ZLEA devrait être soumise au Parlement au moins 30 jours de session avant que le gouvernement ou un ministère prenne des mesures pour le mettre en vigueur ou adopte une loi habilitante.

Un Comité permanent conjoint spécial des traités devrait, pendant ce processus, examiner l'accord en question; tenir des audiences publiques; et répondre aux questions de tout député fédéral ou provincial, ou de tout sénateur.

Finalement, le traité doit être ratifié par le Parlement par un vote libre avant d'obliger le Canada. Ce principe est conforme à la promotion des « valeurs démocratiques », au coeur même de la ZLEA. Il est exigé par deux des principales fédérations démocratiques du monde, les États-Unis et l'Australie. Il figure même dans la Constitution française.

Article 53 de la Constitution de France :

Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés.
La population canadienne ne mérite rien de moins.

Conclusion

Pour conclure, il est clair que la libéralisation du commerce et de l'investissement a apporté des avantages considérables au Canada. Les négociations sur la ZLEA ont la possibilité d'accroître ces avantages, d'augmenter la diversification économique et de réduire notre dépendance trop forte envers nos partenaires commerciaux traditionnels.

Le Canada a beaucoup à gagner avec la ZLEA. Cependant, les Canadiens doivent avoir la possibilité d'influencer le processus et d'être informés des résultats. Les provinces doivent avoir l'assurance que l'accord n'empiète pas sur leurs pouvoirs ou, s'il le fait, elles doivent être prêtes à accepter ces limites en faveur d'une plus grande prospérité économique. Finalement, les Canadiens doivent être encouragés à ratifier l'accord final par un débat parlementaire complet et un vote libre à la Chambre des communes. Nous espérons qu'un tel processus permettra aux Canadiens non seulement d'accepter la ZLEA, mais d'adhérer avec enthousiasme à une entente qui sera profitable à tous.