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ANNEXE 1
MONDIALISATION, RÉGIONALISME ET
STRATÉGIES COMMERCIALES CANADIENNES
Le scénario du commerce mondial s'est profondément transformé
au cours des 30 dernières années. L'émergence de blocs
commerciaux régionaux et tout un enchevêtrement d'ententes
commerciales entre toutes les combinaisons possibles de pays et régions
deviennent la norme plutôt que l'exception...Ce scénario compliqué
fait surgir quelques questions importantes. Sommes-nous en train de compliquer
le commerce ou de le faciliter?... La réponse... n'est pas encore
connue. Cependant si la ZLEA permet de regrouper certains des accords existants
au lieu d'ajouter une nouvelle couche, elle facilitera le commerce. [Annette
Hester, 31:1605-1615]
Mondialisation
On désigne par le terme de mondialisation l'intégration
et l'interdépendance économiques et politiques croissantes
des pays qui s'opèrent par l'entremise du commerce, de l'investissement,
des mouvements de main-d'oeuvre et de la communication des connaissances.
Depuis quelque temps, ce concept est intimement lié à l'essor
des flux de capitaux transfrontaliers ainsi que du commerce de biens et
services, et il coïncide avec les avancées technologiques et
la diffusion rapide des nouvelles techniques. Ces progrès d'ordre
technologique, qui se sont souvent assortis d'un recul des coûts
des communications et des transports, combinés aux changements effectués
à l'instigation des pouvoirs publics, lesquels ont mené à
une libéralisation accrue des marchés et à une moindre
participation des pouvoirs publics dans l'économie, ont abouti à
un rapprochement des économies et à une intensification de
la concurrence à l'échelle nationale et internationale.
Le Canada est au coeur de ce processus, à la fois par ses initiatives
et par sa rétroaction en matière de technologie et de politiques.
En raison de l'ouverture de son économie et de la proximité
géographique d'une économie américaine forte et concurrentielle,
le Canada a dû se maintenir à l'avant-garde à ces deux
chapitres. Il a joué un rôle actif dans la refonte des institutions
et la mise sur pied de nouvelles modalités régissant l'ordre
économique international et, tout dernièrement, en participant
aux négociations relatives au projet d'Accord multilatéral
sur l'investissement (AMI) menées sous l'égide de l'Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE),
mais dont se charge désormais l'Organisation mondiale du commerce
(OMC).
Le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) que représentent
les opérations transfrontalières sur obligations et sur titres,
qui, selon la Banque des règlements internationaux, est passé
au Canada de 3 p. 100 en 1975 à 65 p. 100 en 1990 puis à
358 p. 100 en 1997, atteste de l'amplification de l'interdépendance
financière. On peut observer des tendances analogues dans d'autres
pays développés.
Entre 1987 et 1997, le stock mondial d'investissements étrangers
directs (IED) a augmenté de 1 000 à 3 500 milliards de dollars
américains et a concerné quelque 53 000 multinationales,
dotées de près de 450 000 sociétés affiliées.
La montée des entrées mondiales d'investissements directs
a été nettement plus forte que celle du produit brut mondial
et du commerce international (pour ce qui est des exportations de biens
et de services non facteurs)1,
ce qui donne à penser que l'interdépendance de l'économie
mondiale est plus profonde que celle du commerce international pris isolément
du fait de l'essor de la production internationale. Le ratio des stocks
d'investissements directs en provenance et à destination de pays
étrangers au produit brut mondial se situe désormais à
21 p. 100; les exportations des sociétés affiliées
étrangères représentent un tiers des exportations
de la planète.
En 1997, ce sont, de loin, les entreprises américaines qui ont
investi le plus à l'étranger, soit 114,5 milliards de dollars
américains, ce qui représente 27 p. 100 des sorties de capitaux
mondiaux au titre de l'IED, et les États-Unis à eux seuls
ont absorbé 23 p. 100 de toutes les entrées à ce titre
(soit 90,7 milliards de dollars américains). Avec 45,3 milliards,
la Chine s'est classée seconde des pays bénéficiaires
d'IED, et le Royaume-Uni a occupé la même place pour ce qui
est de l'investissement à l'étranger, avec 58,2 milliards.
Sur l'ensemble des pays développés, en 1997, le Canada était
douzième pour ce qui est des entrées d'investissements (8,2
milliards) et huitième pour ce qui est des investissements à
l'étranger (13,0 milliards).
L'investissement étranger revêt une importance croissante
pour le Canada, en sa qualité de pays bénéficiaire
et surtout d'investisseur à l'étranger. Au Canada entre 1980
et 1997, les investissements directs à l'étranger ont quintuplé,
passant de 22,6 à 137,7 milliards de dollars américains,
et les investissements provenant de l'étranger ont augmenté
de plus de deux fois et demie, soit de 54,2 à 137,1 milliards. Le
ratio des entrées aux sorties est passé de 41,7 à
100,4 p. 100, le Canada devenant en fait un exportateur net d'IED en 1997.
Si les investissements étrangers directs dont bénéficie
le Canada proviennent pour plus des deux tiers, soit à hauteur de
68 p. 100, des États-Unis, ceux que notre pays effectue à
l'étranger sont désormais plus diversifiés. Les IED
effectués aux États-Unis, qui représentaient 70 p.
100 de l'ensemble des IED du Canada en 1986, ne comptent plus que pour
53 p. 100. Les investissements canadiens se font désormais à
destination de l'Europe occidentale, Royaume-Uni et Irlande surtout, et
de l'Amérique latine et des Caraïbes, principalement Barbade,
Bahamas et Bermudes.
Les multinationales, ou transnationales comme on les appelle aujourd'hui,
sont au coeur de ce processus d'internationalisation. À la faveur
des avancées récentes dans le domaine des transports et des
communications, ces entreprises, en apparence dénationalisées
et décloisonnées, ont adopté des techniques de fabrication
souples, caractérisées par des systèmes de production,
de tenue de stocks et de livraison que l'on désigne parfois par
l'expression « au moment adéquat » ou « juste
à temps ». Ces nouveaux systèmes permettent aux gestionnaires
de ces sociétés de réorganiser la production, d'externaliser
la fabrication et l'assemblage de certaines composantes de leurs produits
pour les confier à des sociétés, affiliées
ou alliées d'un point de vue stratégique, à l'étranger
de manière à tirer parti du nouveau climat commercial qui
s'installe dans l'ensemble de la planète2.
Les étapes cruciales de fabrication et d'assemblage se produisent
là où l'intégralité du processus de production
permet d'exploiter au mieux les avantages concurrentiels , que ce soit
en raison d'économies d'échelle ou de gamme ou d'apprentissage
par la pratique ou encore par suite d'une spécialisation accrue
des facteurs de production, où que ceux-ci se trouvent. Dans la
plupart des pays développés, le milieu des affaires a donc
internationalisé ses activités et tissé un réseau
dense d'activités interreliées qui s'étend sur tout
le globe. Mais ces activités ne sont pas encore mondialisées
sur le plan du volume des ventes et de la production, celui-ci restant
dispersé un peu partout dans le monde par rapport à l'activité
nationale ou régionale.
Ces nouvelles stratégies mondiales ont des répercussions
économiques qui vont au-delà de la compétitivité
et de la rentabilité des entreprises. Les investissements directs
en provenance ou à destination de l'étranger présentent
des avantages d'ordre économique considérables tant pour
le pays d'origine que pour le pays destinataire : gains de productivité
provenant d'une spécialisation accrue, diffusion plus rapide des
nouvelles techniques dans les pays bénéficiaires et meilleure
compétitivité des entreprises nationales.
À l'économie des années d'après-guerre,
caractérisée essentiellement par des opérations internationales
sur biens et services entre entreprises non liées ou entre résidents
de différents pays - sauf pour le commerce de matières premières,
d'équipement et de biens de luxe -, a succédé une
économie marquée par une intégration beaucoup plus
forte du commerce. De plus en plus sont échangées d'un pays
à l'autre entre des personnes morales avec lien de dépendance
des pièces et des composantes de produits complexes pour que
ceux-ci soient assemblés plus près de leur lieu de consommation.
Par suite de cette révolution et de la réduction des barrières
tarifaires, les distinctions entre le commerce et l'investissement comme
moyens d'accéder aux marchés se sont estompées au
cours des 20 dernières années et ont mis en lumière
la complémentarité de ces activités économiques
dont on croyait jadis qu'elles devaient se substituer l'une à l'autre.
De ce fait, la production de biens de remplacement des importations et
les politiques publiques connexes encourageant la production de biens destinés
à l'exportation ainsi que l'ouverture des politiques en matière
de commerce et d'investissement - ont enregistré un recul marqué,
les divers secteurs économiques axant de plus en plus leurs activités
sur la mondialisation, ce qui a pour effet de fusionner les économies
nationales.
L'abandon de l'État-nation qui pourrait en résulter fait
couler beaucoup d'encre, mais cette conclusion est par trop prématurée.
Le commerce de marchandises est 12 fois plus fort entre Canadiens qu'entre
Canadiens et Américains, une fois que l'on a tenu compte des disparités
en matière de richesse et de la distance, et ces deux pays sont
parmi les plus proches que l'on puisse trouver au monde. Cette situation,
conséquence probable d'un système social fondé sur
une nationalité, une culture et une langue communes, joue un rôle
encore plus grand dans la limitation des flux transfrontaliers de services,
de capitaux et d'émigrants. Il faut donc analyser de façon
plus approfondie la portée et l'impact de la mondialisation.
À la lumière de cette tendance à la mondialisation,
l'émergence d'accords fondés sur les règles (GATT,
AGCS, Accord sur les MIC, Accord sur les ADPIC, etc.) qu'administre l'OMC,
peut être considérée comme une manifestation ou une
extension de la souveraineté nationale, mais cela dépendra
en grande partie des règles adoptées3.
Le commerce international occupant une portion grandissante de l'activité
économique globale et les marchés nationaux intensifiant
leur intégration, les institutions supranationales et les accords
internationaux sont une occasion pour les pays d'étendre le champ
de leur gouvernance, du moins en matière de traitement national,
aux conditions dans lesquelles s'opère le commerce transfrontalier,
ce qui était impossible auparavant. Du point de vue de l'État-nation
donc, les accords internationaux permettent de mettre sur pied des institutions
supranationales oeuvrant dans les domaines du commerce et de l'investissement,
qui préservent et complètent les valeurs et croyances que
partagent les parties contractantes, maintenant et encourageant par le
fait même dans une certaine mesure les politiques et cultures nationales.
Réconciliation de la mondialisation et du régionalisme
La mondialisation n'est pas la seule force socio-économique à
l'oeuvre sur la scène internationale. Le régionalisme, concentration
des échanges commerciaux par région (comme l'Europe, l'Amérique
du Nord et l'Asie de l'Est) en vertu d'accords commerciaux régionaux,
est également une force dont les décideurs doivent tenir
compte. Les efforts déployés jusqu'ici pour forger des unions
douanières, des zones de libre-échange et des blocs commerciaux
régionaux (ou infrarégionaux) ont permis d'élargir
les avantages du commerce au-delà des frontières nationales.
Mais quel effet cela a-t-il eu sur la mondialisation et, surtout, sur le
bien-être collectif?
Par certains côtés, les forces du régionalisme entravent
la mondialisation et peuvent avoir des répercussions socio-économiques
défavorables. Le régionalisme a pour résultat direct
que le commerce et l'investissement sont détournés de sources
bon marché hors de la région de libre-échange pour
aller vers des sources internes plus onéreuses, au seul motif d'un
accès préférentiel dû à l'absence d'un
tarif douanier ou d'une entrave à l'investissement auxquels ils
feraient face autrement, ce qui est une violation du principe de la nation
la plus favorisée4.
Si cela a pour effet d'éloigner du libre-échange multilatéral
- que la plupart des économistes considèrent comme la politique
optimale - les rares ressources aptes à négocier en matière
politique et commerciale, et de faire en sorte que ces blocs régionaux
ne soient pas le tremplin qu'ils devraient être vers la multilatéralisation,
les avantages que présente la mondialisation pour ce qui est de
la promotion du commerce sont en partie escamotés. La réalisation
des principaux objectifs de la mondialisation que sont notamment la rationalisation
de la production et la création de richesses est ainsi contrecarrée
ou du moins retardée.
Ce point de vue risque d'être par trop simpliste ou à courte
vue. Le régionalisme, par l'entremise du libre-échange à
l'échelle régionale, continuera de permettre des gains importants,
grâce à l'intégration économique. Il pourrait
s'agir de la réalisation d'économies d'échelle et
de gamme au chapitre de la production, d'un accroissement de la concurrence
qui poussera les gestionnaires à rechercher de nouveaux gains d'efficience,
d'une amélioration des flux d'investissements étrangers et
d'une meilleure diffusion des innovations technologiques, dont les consommateurs,
les actionnaires et les employés seront les principaux bénéficiaires.
La hausse de revenu qui en résultera au sein de la zone commerciale
régionale devrait pouvoir se solder par une augmentation des importations
provenant de la région et de l'extérieur. Par ailleurs, une
intégration régionale de ce type permet d'étendre
les systèmes sociaux au-delà des frontières nationales
de manière à encourager un commerce qui n'existerait pas
autrement. Le régionalisme peut donc en fait compléter la
mondialisation; les accords régionaux et la création d'institutions
pouvant être une simple manifestation de la nécessité
d'instaurer des règles plus globales de manière à
régir correctement l'intégration économique élargie
qui s'opère à ce niveau5.
Certes, le régionalisme pourrait faciliter le passage à
la mondialisation, en permettant de dépasser un seuil donné
en matière de barrière commerciale (droit de douane de 10
à 20 p. 100 sur les marchandises). Il faut insister sur le fait
qu'il s'agit là d'une possibilité, car nous ne savons tout
simplement pas pour le moment si les accords commerciaux régionaux
encouragent ou découragent la libéralisation des échanges
à l'échelle planétaire. Selon certains, un nombre
plus restreint de participants à des négociations commerciales
(34 dans le cas de la ZLEA contre 134 dans le cas de l'OMC) facilite la
coopération et l'atteinte d'un consensus. De là, le concept
du « jeu de construction ». Que le mécanisme de règlement
des différends de l'OMC soit modelé sur celui de l'ALENA
illustre le bien-fondé de ce point de vue. Par ailleurs, l'élargissement
de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis
de manière à inclure le Mexique dans l'ALENA, puis la participation
de l'Amérique latine et des Caraïbes à l'amorce des
négociations relatives à la ZLEA, bien que ses objectifs
soient probablement moins globaux, peuvent être perçus comme
des signes qui pourraient dissiper l'impression que l'Accord de libre-échange
entre le Canada et les États-Unis et l'Union européenne constituaient
des « clubs de pays développés ». Certains prétendront
le contraire, c'est-à-dire que l'existence de partenaires régionaux
entrave la coopération et la formation d'un consensus à l'échelle
mondiale. C'est la théorie de la « pierre d'achoppement ».
Mais il est impossible de trouver quoi que ce soit pour appuyer ce point
de vue, à part certains faits anecdotiques.
Zone de libre-échange des Amériques et stratégies
commerciales du Canada
Faute de réponse précise en la matière, une stratégie
commerciale visant la poursuite simultanée du libre-échange
sur les plans mondial, régional et bilatéral semblerait optimale
surtout qu'il a été impossible, pour des motifs politiques,
d'abaisser unilatéralement les tarifs sous le seuil des 10 à
20 p. 100 pour les marchandises et qu'il a fallu 12 années pour
clore le cycle de l'Uruguay. Une approche tous azimuts pour les négociations
commerciales assurerait un accès certain sur les marchés
étrangers, ainsi que le traitement national, aux produits et services
des citoyens et des multinationales d'un pays, ce dans un contexte commercial
fondé sur des règles et de façon aussi généralisée
et rapide que possible. Comme l'a déclaré un témoin
au Comité :
Le Canada a toujours adopté un rôle relativement pragmatique,
surtout au milieu des années 80, quand il a entrepris ses négociations
avec les États-Unis. Il a décidé, en raison du coût
et de la longueur des négociations portant sur les accords bilatéraux,
qu'il était préférable de regarder ailleurs et d'essayer
de défendre ses priorités dans une tribune bilatérale
plutôt que multilatérale. Les partisans de l'Accord de libre-échange
entre le Canada et les États-Unis estimaient aussi que, si nous
pouvions réussir sur ce plan-là, nous pourrions faire la
même chose ailleurs et, si nous ouvrions notre marché aux
Américains, les entreprises canadiennes seraient plus compétitives
et pourraient soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.
... Il est bien possible que les accords de ce genre soient une étape
vers la négociation multilatérale... Il peut être intéressant,
sur le plan stratégique, que le Canada cherche à instaurer
une zone de libre-échange des Amériques, puisque cette région
commence à prendre une grande importance... Je dirai donc que le
Canada pourrait faire valoir ses priorités aux négociations
de l'OMC et à celles qui porteront sur la ZLEA, et que ce ne sont
pas des objectifs incompatibles... J'ajouterai... que le Canada devrait
continuer à travailler sur plusieurs fronts dans le domaine du commerce
et de l'investissement... [Eugene Beaulieu, 125:900]
En fait, l'OMC n'est pas la seule tribune, et la poursuite en parallèle
du libre-échange et de la libéralisation du commerce aux
trois niveaux permettrait de maximiser les avantages que présente
le commerce. En signant l'Accord de libre-échange avec les États-Unis
en 1988, l'Accord de libre-échange avec Israël en 1989, l'ALENA
en 1994, l'Accord de libre-échange avec le Chili en 1997, en participant
aux pourparlers sur le libre-échange avec l'Union européenne
(U.E.) l'Association européenne de libre-échange (AELE),
et le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC)
et à ceux sur la ZLEA avec les pays de l'Organisation des États
américains (OEA) et en prenant part aux négociations relatives
au cycle du millénaire, le Canada a montré qu'il était
bien engagé dans cette voie.
Il y a toutefois deux mises en garde à faire. Premièrement,
en raison des flux commerciaux et des flux d'investissement dans les Amériques,
les États-Unis sont devenus le premier noyau de l'hémisphère
occidental (le Brésil et le Canada sont des centres secondaires
pour ce qui est du commerce de marchandises et des investissements étrangers
directs, respectivement), tandis que tous les autres pays des Amériques
peuvent se comparer aux pointes de l'étoile que constitue l'hémisphère
(voir chapitre 2). Pour consolider ce réseau économique,
le Canada a tout intérêt à libéraliser encore
davantage ses échanges avec ses partenaires de l'Amérique
latine et des Caraïbes au sein d'une ZLEA avant de conclure isolément
d'autres accords de libre-échange bilatéraux avec des pays
latino-américains ou avec leurs institutions régionales,
tel que le MERCOSUR et la Communauté andine. Compte tenu de la domination
des États-Unis au sein de la région, une entente globale
pour tous les pays de l'hémisphère, regroupant un plus grand
nombre de participants aux négociations, sera garante d'une libéralisation
et d'une intégration économiques plus profondes qui profiteraient
davantage au Canada que le réseau existant d'ententes bilatérales6.
En second lieu, une approche tous azimuts en matière de négociations
commerciales ne peut qu'aggraver le problème des chevauchements
entre des accords qui confèrent et imposent des droits et des obligations
différents. Il règne déjà une certaine incertitude
et de la confusion. Il faudrait peut-être que les parties contractantes
envisagent de classer les accords et les rencontres par ordre d'importance.
1 Les
exportations de marchandises ont affiché une croissance de 6 p.
100 par an en termes réels entre 1948 et 1997, soit d'un facteur
de 17 pour cette période, tandis que le PIB a progressé en
moyenne de 3,7 p. 100 par an, soit d'un facteur de 6. Il n'existe malheureusement
aucune donnée portant sur l'IED pour toute cette période;
nous savons néanmoins que l'IED annuel a crû de 12 p. 100
en chiffres annuels ou, comme le commerce de marchandises, d'un facteur
voisin de 17, mais cela en moitié moins de temps, soit entre 1973
et 1997.
2 Dans
les multinationales, la prise de décisions en matière d'achat
et de vente semble décloisonnée, mais il semblerait, à
en juger par les données dont on dispose, surtout au Canada, que
cela ne soit pas le cas. Après correction des disparités
en matière de richesse et de la distance, il apparaît que
les Canadiens commerçaient entre eux 17 fois plus qu'avec les Américains
avant l'ALENA et commercent 12 fois plus depuis. Les frontières
ont donc une importance, qui est certes moindre aujourd'hui qu'hier et
qui le sera encore moins demain (voir McCallum, J. « National Borders
Matter: Canada-U.S. Regional Trade Patterns », American Economic
Review, vol. 85, 1995, p. 615-23 et Anderson, M. et S. Smith, «
Canadian Provinces in World Trade: Engagement and Detachment », Revue
canadienne d'Économique, vol. 31(1), 1999, p. 22-38). Quoi qu'il
en soit, c'est la tendance à un décloisonnement de la prise
de décisions des entreprises qui est pertinent en matière
de formulation de politiques.
3 L'adoption
de toutes les politiques étant fondée dans une certaine mesure
sur une analyse coûts-avantages qui tient compte notamment des différents
effets sur les entreprises nationales et étrangères, on peut
supposer qu'un pays souverain ne signera ces traités internationaux
que si les avantages nets sont plus importants que les inconvénients,
inconvénients qui comprendraient toute perte de souveraineté
nationale (ce qui suppose que la souveraineté porte davantage sur
la capacité de choisir que sur le choix effectué).
4 Au fil
des années, l'OMC/GATT a reçu notification de 144 accords
commerciaux régionaux, qu'elle a approuvés, et dont 80 sont
toujours en vigueur. Le Comité ne connaît toutefois pas la
rigueur des exigences de cet organisme international en matière
d'acceptation de ces accords.
5 Les
accords commerciaux régionaux comportent également des objectifs
politiques. Par exemple, le Canada a commencé ses négociations
en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange avec les États-Unis
en raison de l'optique protectionniste de la législature américaine;
le Mercado Común del Sur (MERCOSUR), accord politique plus
que document sur les barrières tarifaires et le commerce, répondait
aux mêmes préoccupations, et l'Accord de libre-échange
nord-américain (ALENA) est né, en partie, du désir
des États-Unis d'endiguer le flux d'immigrants illégaux traversant
le Rio Grande.
6 On compare
souvent à une roue dotée d'une bordure ce réseau en
forme d'étoile qui représente le commerce et l'investissement
régionaux. Dans cette analogie, les accords concernant les zones
commerciales régionales assurent à la roue sa forme parfaitement
ronde et, ainsi, son fonctionnement harmonieux (en favorisant au maximum
le commerce régional). Les ententes bilatérales ont pour
effet de rapprocher quelques rayons de la roue, ce qui risque de voiler
la bordure et d'entraver le fonctionnement de la roue tout entière
(détournement du commerce régional).