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FAIT Rapport du Comité

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Rapport minoritaire du Nouveau Parti démocratique du Canada sur la zone de libre-échange des Amériques (ZLEA)

Bill Blaikie, député - Le 25 octobre 1999
Porte-parole du NPD concernant le commerce international

1. Le rapport majoritaire propose une approche face aux négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) qui est très semblable à l'approche franchement mercantile et élitiste en matière de libéralisation du commerce que les Canadiens ont rejetée dans l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), et qui, contrairement au titre du rapport, continue de saper les assises de l'intérêt public par le biais de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l'Accord de libre-échange nord-américain et l'Organisation mondiale du commerce. Cette approche élève systématiquement les droits des investisseurs au-dessus de ceux des citoyens et des gouvernements élus démocratiquement. Le NPD présente ce rapport minoritaire parce qu'il se fait le défenseur et le promoteur d'une approche alternative en matière de mondialisation au moyen de laquelle la planète pourra assurer l'établissement d'une économie mondiale stable et axée sur des règles qui protégera les droits des travailleurs et de l'environnement, garantira la diversité culturelle et veillera à ce que les gouvernements aient les moyens d'agir dans l'intérêt public.

2. Le déséquilibre fondamental entre les droits des investisseurs et des citoyens saute aux yeux lorsque le rapport majoritaire affirme qu'il est essentiel que l'accord sur la ZLEA dispose d'un processus efficace de règlement des différends. Les tenants du rapport majoritaire affirment que les accords de libéralisation du commerce risquent de ne demeurer qu'un «voeux pieux» s'ils ne sont pas soutenus par des mécanismes d'exécution ou de coercition qui comportent des pénalités liées au non-respect des accords. Conséquemment, il est suggéré dans le rapport d'inclure des mécanismes d'exécution efficaces pour composer avec les différends en matière de commerce et d'investissement. Et pourtant, lorsque le rapport majoritaire traite de la nécessité de protéger les normes fondamentales concernant le travail, les droits de la personne et l'environnement, il ne propose rien d'autre que des voeux pieux qui sont jugés inadéquats pour protéger les investisseurs et les grandes entreprises. Dans ces domaines fondamentalement importants, le rapport majoritaire n'offre que de vagues et creuses platitudes demandant au gouvernement d'examiner l'incidence de l'accord proposé sur les droits de la personne; d'encourager les partenaires commerciaux à respecter les droits de la personne; de continuer de promouvoir le respect des normes fondamentales en matière de travail; de s'efforcer à renforcer la présence de l'Organisation internationale du travail (OIT) dans l'initiative hémisphérique; de veiller à faire respecter les normes environnementales nationales; et de veiller à clarifier les règles concernant le respect et l'exécution des accords multilatéraux en matière environnementale. Si des mécanismes d'exécution pour protéger les droits de la personne doivent être inclus, le rapport majoritaire insiste qu'ils doivent être relativement peu coûteux, contrairement aux mécanismes concernant les différends en matière de commerce et d'investissement qui, le rapport le reconnaît, sont coûteux. L'incroyable hypocrisie du rapport sur la question des mécanismes d'exécution est le plus évident lorsqu'il rejette l'adoption de normes fondamentales concernant le travail qui seraient contraignantes et exécutoires, et ce, même si le rapport admet explicitement que l'OIT ne possède aucun pouvoir coercitif réel.

Le NPD rejette une approche qui procure aux investisseurs une protection blindée mais qui n'offre aux citoyens que des voeux pieux. Si le Canada doit signer la ZLEA, alors cet accord doit aborder la question des droits sociaux, environnementaux, du travail et de la personne d'une façon qui permettra d'assurer le respect de ces droits, ou alors les autres institutions et accords internationaux ou panaméricains devront être dotés des outils nécessaires pour pénaliser les comportements qui violent les normes convenues.
3. Pour protéger les droits des investisseurs, le rapport majoritaire appuie l'inclusion d'un mécanisme de règlement des différends entre l'état et l'investisseur semblable à celui que comporte le Chapitre 11 de l'ALENA et le projet de l'AMI. Les Canadiens ont déjà vu comment un tel mécanisme peut être utilisé par les investisseurs étrangers pour intimider et amener devant les tribunaux leurs gouvernements élus démocratiquement. L'année dernière, la Ethyl Corporation a eu recours avec succès à la procédure de règlements des différends entre l'investisseur et l'état pour obtenir des contribuables canadiens une indemnisation de 19 millions de dollars, et pour forcer le gouvernement canadien à retirer son interdiction pesant sur l'additif toxique de carburant MMT. Plus récemment, la Sun Belt Water Inc. de la Californie a entamé une poursuite contre le gouvernement canadien de 10,5 milliards de dollars américains car le Canada interdit les exportations en grand volume d'eau potable. Si la poursuite s'avère fructueuse, cela risque fort de saper la capacité du pays à protéger ses ressources en eau potable. Comme le NPD l'expliquait dans son rapport minoritaire sur l'AMI, le mécanisme de règlement des différends donne malheureusement aux sociétés multinationales le même statut qu'aux gouvernements démocratiques et un statut encore plus grand que celui des citoyens, et met en place un processus secret et exécutoire qui n'a pas seulement un effet légal mais aussi intimidant sur les gouvernements qui, par crainte d'une poursuite devant les tribunaux, se retiendront d'adopter des mesures législatives ou dans le domaine environnemental pour protéger l'intérêt public. De plus, comme seuls les investisseurs étrangers ont accès au mécanisme de règlement des différends, ce mécanisme procure à ces investisseurs plus de droits au Canada que les investisseurs canadiens. Tout comme le NPD a demandé le retrait de la procédure de règlement des différends de l'ALENA, nous rejetons l'inclusion dans la ZLEA de tout mécanisme semblable quelle que soit sa définition d'expropriation.

4. Le rapport propose de réintroduire plusieurs autres dispositions en matière d'investissement qui avaient aussi été proposées dans l'AMI. Le NPD s'oppose tout particulièrement à la proposition visant à enchâsser le droit des investisseurs de transférer leurs capitaux d'un pays à un autre sans aucune restriction. La circulation sans entraves de nature spéculative des capitaux qui serait favorisée par cette proposition est la cause même de l'extrême instabilité financière qui afflige l'économie mondiale depuis quelques années. Bien que le rapport soulève des préoccupations au sujet des crises financières mondiales possibles, cette proposition empêcherait l'utilisation d'outils d'intervention économique qui ont permis au Chili de traverser la crise financière mondiale de 1997 au moment où la circulation folle de capitaux ravageait l'économie du pays voisin, le Brésil. Au lieu de promouvoir la circulation de capitaux de nature spéculative, le NPD croit que le Canada devrait à la place négocier des règles internationales pour contrôler le casino financier mondial et endiguer le pouvoir des spéculateurs de devises qui déstabilisent les économies mondiales et exercent une forme de chantage sur les gouvernements nationaux.

5. Le rapport majoritaire reconnaît que l'ALE et l'ALENA n'ont pas permis de protéger les politiques culturelles canadiennes, malgré les propos rassurants du gouvernement à l'effet contraire. Pour assurer à l'avenir une meilleure protection de la culture, le rapport propose un nouvel instrument international à l'extérieur du cadre de la ZLEA. Bien que le NPD n'est pas opposé en principe à un tel instrument, il ne doit pas être utilisé pour détourner les critiques légitimes sans véritablement atteindre la protection désirée - tout comme les accords parallèles inefficaces dans le domaine du travail et de l'environnement ont été utilisés durant les négociations concernant l'ALENA. Un instrument autonome n'est acceptable que si la culture et les industries culturelles ne sont aucunement visées par la ZLEA et l'OMC. Cela doit signifier que les politiques culturelles canadiennes ne seront pas soumises à la menace de droits compensateurs comme cela a été le cas dans le différend sur les magasines à tirage dédoublé. La capitulation du gouvernement dans ce dossier face aux Américains a clairement montré qu'une exemption comme celle que contient l'ALENA est totalement inadéquate pour protéger la culture canadienne. Un instrument autonome devrait aussi aborder le problème de plus en plus fréquent de la concentration de propriété, de la participation croisée et des prises de contrôle par des intérêts étrangers de secteurs stratégiques comme l'industrie cinématographique, l'édition, la télédiffusion et les médias écrits. Il devrait aussi permettre de réglementer les nouveaux médias dans l'intérêt de la culture nationale.

6. Bien que le rapport majoritaire recommande que le gouvernement et ses partenaires de la ZLEA redouble d'efforts pour susciter la participation de la société civile à un véritable processus de consultation, le NPD constate que plusieurs groupes participant remettent en question l'intégrité de ce processus de consultation jusqu'à maintenant. Plus particulièrement, certains ONG et organismes du mouvement syndical ont expliqué au Comité que leur apport n'a pas reçu le même appui financier et politique que celui que le secteur des affaires a obtenu du Business Forum of the America. Le NPD rejette la décision d'accorder un traitement de faveur au secteur des affaires au détriment de tous les autres secteurs, et demande au gouvernement de trouver des moyens de mettre à contribution réellement tous les segments de la société civile d'une manière équitable.

7. Les Canadiens connaissent déjà depuis plus d'une décennie les méfaits de la libéralisation du commerce mal gérée que le présent gouvernement poursuit et les conservateurs avant eux. Ils ont vu les politiques publiques qui ont fait du Canada un pays bienveillant être démantelées pour que notre pays puisse se conformer à l'idéologie étroite des forces du marché qui est enchâssée dans l'ALE, l'ALENA et l'OMC. Ayant déjà été forcés d'abandonner les efforts de conservation dans le secteur des pêches, l'accès aux médicaments génériques moins coûteux, l'appui à l'industrie canadienne de l'édition, les incitatifs du Pacte de l'automobile à l'investissement dans l'emploi et les communautés canadiennes, les normes relatives aux additifs toxiques de carburant, l'appui à la recherche et au développement dans les secteurs de la haute technologie, les Canadiens sont maintenant disposés à revoir leur politique commerciale. Les négociations concernant la ZLEA donnent la possibilité au Canada d'adopter une nouvelle approche qui place la justice sociale, économique et écologique au-dessus des profits des sociétés multinationales. Malheureusement, le rapport majoritaire refuse de relever ce défi. Voilà pourquoi, le NPD présente ce rapport minoritaire.