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FAIT Rapport du Comité

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CHAPITRE 1 :
LES RELATIONS EXTÉRIEURES ET COMMERCIALES ENTRE LE CANADA ET LES AMÉRIQUES

On a constaté un changement remarquable [...] dans l'attitude des Canadiens à l'égard de l'hémisphère. Beaucoup plus de Canadiens voyagent aujourd'hui dans la région qu'auparavant. L'espagnol est la langue étrangère la plus en demande dans les universités canadiennes [...] Les contacts personnels ont connu une croissance exponentielle. De façon très concrète, [...] l'hémisphère est devenu notre région. Nous nous y sentons beaucoup plus à l'aise que jamais auparavant. [George Haynal, 25:1540]

Historique de nos relations avec le reste des Amériques

Comme l'on connaît et comprend déjà bien les liens qui unissent le Canada aux États-Unis, le Comité n'a pas eu à beaucoup approfondir la question. Pour résumer, disons que notre histoire anglo-saxonne commune et notre proximité signifient que nous partageons des institutions, une culture et des traditions similaires ainsi que la langue anglaise. Nous pouvons ainsi nous vanter d'avoir la plus longue frontière non défendue du monde; d'autre part, nos échanges et nos investissements bilatéraux sont les plus importants de la planète (les échanges s'étant chiffrés à 309,3 milliards de dollars américains en 1997 et les investissements directs transfrontaliers ayant dépassé les 273,4 milliards de dollars en 1998); enfin, sur tous les permis de travail, temporaires et autres, délivrés par le Canada, ce sont les Américains qui en détiennent le plus grand nombre, tandis que, parmi tous les bénéficiaires de visas délivrés par les États-Unis, le Canada arrive en seconde place. En bref, le Canada et les États-Unis constituent les économies les plus intégrées au monde.

Le Comité se sent obligé de fournir plus qu'un rappel statistique de nos relations avec les pays d'Amérique latine et les Caraïbes car celles-ci sont souvent méconnues. Si les relations officielles qu'entretiennent le Canada et les pays d'Amérique latine sont cordiales, elles n'en sont pas moins à leurs balbutiements; celles qui existent entre notre pays et les Caraïbes sont déjà plus établies et constituent des rapports de bon voisinage. Les échanges commerciaux entre le Canada et les Caraïbes - notamment les pays appartenant au Commonwealth britannique -, qui remontent à l'époque des colonies, sont substantiels. Ces relations ont pris diverses formes au fil du temps : implantation de missions religieuses (Église presbytérienne du Canada); relations étroites dans le domaine bancaire dès la création de la confédération canadienne; tourisme important; construction et financement de lieux de villégiature et arrivée au Canada, à partir des années 1950, d'immigrants et d'étudiants.

Plus précisément, tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, les régions atlantiques du Canada ont participé à ce qu'on a appelé le commerce triangulaire entre l'Amérique du Nord britannique, la Grande-Bretagne et les Antilles britanniques, en exportant du poisson, du bois d'oeuvre et d'autres matières de base à destination de ces deux dernières, en échange notamment de sucre, de mélasse et de rhum en provenance des Antilles. De fait, ce commerce a été à l'origine de l'un de nos tout premiers conflits avec les États-Unis, ces derniers contestant le monopole des compagnies britanniques et coloniales effectuant le transport des marchandises. À l'époque, les Britanniques et leurs colonies cherchaient à tirer parti du monopole qu'ils exerçaient sur deux des trois segments de ce commerce afin d'obtenir l'exclusivité sur le troisième (entre l'Amérique du Nord et les Antilles), en refusant aux Américains l'accès aux ports des Antilles britanniques. Par mesure de représailles, les Américains ont alors levé des droits sur les marchandises arrivant de ces ports à bord de navires britanniques. Après 12 années de représailles réciproques, en 1830, toutes les lois à cet effet ont été abrogées et le libre-échange s'est imposé dans le commerce maritime. C'est une leçon riche d'enseignements pour le projet qui nous occupe aujourd'hui.

Depuis cette époque, le Canada accorde un accès préférentiel à ses marchés à certains produits d'exportation provenant des Caraïbes. En 1898, il a abaissé ses tarifs douaniers de 25 p. 100 sur un certain nombre de biens, notamment les sucres brut et raffiné, mais le tarif préférentiel a par la suite été porté à 33,33 p. 100 et la liste des produits bénéficiant de ce traitement préférentiel a été allongée. Ces efforts ont abouti à la création de CARIBCAN qui assure depuis 1986 un accès exempt de droits tarifaires à une très large gamme de marchandises provenant des Caraïbes, notamment des produits agricoles (hormis les produits dont l'offre est réglementée ainsi que les textiles, l'habillement, les vêtements de cuir, les chaussures, les lubrifiants produits qui concurrenceraient la production nationale sensible à l'effet des importations). Nos relations économiques avec les Caraïbes s'expriment également par l'entremise de l'Agence canadienne de développement international et des tribunes multilatérales au sein desquelles le Canada est présent, comme la Banque de développement des Caraïbes et la Banque interaméricaine de développement, ainsi que par nos contributions financières.

Les liens économiques qui unissent le Canada aux pays d'Amérique latine sont plus ténus (tant pour l'étendue que pour la profondeur) et l'on peut dire qu'ils n'ont pas été considérés comme prioritaires et qu'ils ont même été négligés jusqu'aux années 1990, après quoi la situation s'est renversée. Depuis les années 60, les gouvernements du Québec, de l'Alberta et de l'Ontario ont ouvert des bureaux en Amérique latine, pour y soutenir leurs relations commerciales. Pour sa part, le gouvernement du Québec a poussé cette initiative plus loin, en y englobant les relations politiques, sociales et culturelles. Les liens culturels entre le « Québec latin » et l'« Amérique hispanique » prennent appui sur quatre bureaux implantés dans la région et sur de nombreux accords et programmes intergouvernementaux, qui concernent notamment la coopération scientifique et universitaire. Le Québec a ainsi réussi à attirer des étudiants latino-américains dans ses universités.

Toutefois, c'est principalement la fin de la guerre froide qui a incité le Canada à se détourner des questions de sécurité nationale pour porter son attention vers les questions économiques internationales, surtout commerciales. À l'époque, l'une de ses premières décisions a été d'adhérer à l'Organisation des États américains (OEA) créée en 1948. Jusqu'à ce que le Canada en fasse partie, soit en 1990, cette institution avait délaissé les grandes questions intéressant l'hémisphère, les pays latino-américains n'acceptant pas qu'un organisme supranational vienne empiéter sur ce qu'ils considéraient comme relevant de la souveraineté nationale; mais cette attitude devait changer.

Comme le rapportait en 1982 le Comité permanent des affaires extérieures et de la défense nationale de la Chambre des communes, prédécesseur de notre Comité, une Organisation des États américains efficace pourrait devenir l'organisme régional indispensable à la formulation et à la coordination des politiques concernant l'ensemble des Amériques1. Elle pourrait être également un véhicule déterminant pour les politiques étrangères et commerciales adoptées par le Canada à l'égard des pays d'Amérique latine. Lorsque le Canada est passé d'observateur à membre à part entière, au moment où les pays d'Amérique latine remaniaient leurs politiques commerciales axées sur le remplacement des importations empreintes d'esprit protectionniste pour intensifier le libre-échange et les unions douanières, l'OEA est apparue comme un bon moyen d'assurer la gouvernance politique dans la région, rôle pour lequel elle avait été conçue au départ.

Le Canada a tout de suite manifesté sa présence et, en fait, a donné un second souffle à l'OEA en prenant l'initiative d'établir un Service pour l'encouragement de la démocratie auquel ont été confiées la surveillance des élections et la consolidation des principes et des institutions démocratiques. Quatre fois au cours des 10 dernières années (à Haïti, au Pérou, au Guatemala et au Paraguay), ce service a dû intervenir pour régler des situations qui risquaient, si l'on en juge par l'expérience récente, de dégénérer en crise politique, voire militaire. On peut voir avec le recul que cette évolution annonçait le projet de Sommet des Amériques mené sur l'initiative de l'OEA, lequel vise à établir et à améliorer la bonne gouvernance au sein de l'hémisphère, notamment en matière de libre-échange.

D'autre part, les entreprises canadiennes ont effectué des investissements considérables en Amérique latine depuis le début des années 1990. Au Chili, en particulier, des compagnies minières comme Falconbridge, Placer Dome, Rio Algom, Cominco, Teck Corp. et Barrick Gold Corp., ont mis sur pied, ou comptent le faire, des projets d'investissement représentant plus de 7 milliards de dollars américains. Selon la Société minière nationale du Chili (SONAMI), ces installations de production d'entreprises canadiennes, par ailleurs engagées dans des activités d'exploration (cuivre et or), sont à l'origine de plus de 40 p. 100 des exportations chiliennes de produits minéraux et métalliques.

Échanges commerciaux et investissements du Canada dans le reste des Amériques

Les échanges de biens et services auxquels le Canada procède avec le reste des Amériques sont essentiels à son niveau de vie puisqu'ils se sont chiffrés en 1997 à 322,3 milliards de dollars américains et ont représenté plus de 79 p. 100 de l'ensemble de ses échanges avec le reste du monde. Le gros de ce commerce vise toutefois les États-Unis (309,3 milliards de dollars américains), les transactions commerciales du Canada avec les pays d'Amérique latine et des Caraïbes étant au mieux modestes puisqu'elles ont totalisé 13 milliards de dollars américains en 1997 et n'ont compté que pour 3,2 p. 100 de l'ensemble de notre commerce avec le reste du monde (voir le tableau 1.1). Elles croissent néanmoins à un rythme très rapide. Depuis 1991, elles ont en effet progressé de 88,6 p. 100, soit 9,5 p. 100 par an en moyenne, et donc plus rapidement que nos échanges avec les États-Unis (81,3 p. 100) avec lesquels nous avons conclu un accord de libre-échange il y a plus de 10 ans. Les marchés d'exportation les plus importants pour le Canada en Amérique latine et aux Caraïbes sont le Brésil (1 milliard de dollars américains), le Mexique (916 millions) et le Venezuela (621 millions). Le Canada, de son côté, est un marché de taille pour le Mexique (5 milliards de dollars américains), le Brésil (940 millions) et le Venezuela (701 millions).

L'investissement étranger direct (IED) entre le Canada et les Amériques est également substantiel. En 1997, le Canada a investi dans les Amériques 169,5 milliards de dollars, soit plus de 70 p. 100 de ses investissements à l'étranger (239,8 milliards). La plupart de ces investissements étaient destinés aux États-Unis mais ceux effectués dans les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont tout de même représenté 43,5 milliards de dollars, soit 18,2 p. 100 de l'ensemble. Plus précisément, la Barbade (14,3 milliards de dollars), les Bahamas (6,1 milliards) et les Bermudes (4,7 milliards) se sont classées troisième, cinquième et sixième respectivement parmi les pays bénéficiaires de l'IED canadien.

Le Canada dépend également, dans une très large mesure, des investissements directs provenant des Amériques, soit un montant de 150,6 milliards de dollars ou 70 p. 100 environ des 217,1 milliards de dollars qui sont investis par des pays étrangers au Canada. Les États-Unis se taillent la part du lion, avec 147,3 milliards de dollars, tandis que les investissements des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, qui s'élèvent à 3,2 milliards de dollars, ne représentent que 1,5 p. 100 de l'ensemble.

Tableau 1.1
Commerce de biens et de services pour 1991-1997 et investissements étrangers
directs entre le Canada et les Amériques pour 1990-1998





    -- données non disponibles

- Comprend les échanges avec les Malouines et Saint-Pierre-et-Miquelon.
{ Comprend le Mexique, le MCAC, le Pacte andin, le MERCOSUR, le Chili et Panama.}

Comprend parfois des pays plus petits du CARICOM.

Source : Fonds monétaire international, Direction of Trade Statistics Yearbook.

Les échanges commerciaux et les investissements qui s'effectuent entre le Canada et le reste des Amériques s'appuient essentiellement sur des ententes bilatérales de commerce et de protection des investissements. Le Canada a signé trois accords de libre-échange avec certains pays de la région : l'Accord de libre-échange avec les États-Unis en 1988, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec les États-Unis et le Mexique en 1994 et l'Accord de libre-échange avec le Chili en 1997. Il a également signé, depuis 1998, deux ententes non contraignantes de coopération en matière de commerce et d'investissement (ECCI) avec le MERCOSUR et la Communauté andine ainsi qu'un protocole d'entente sur le commerce et l'investissement avec le Costa Rica, le Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua. De plus, le Canada a signé 8 accords bilatéraux sur la protection des investissements étrangers (APIE) avec des pays du continent américain, en plus d'avoir adhéré aux modalités sur les investissements de l'ALENA et de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, et il est en pourparlers à propos de 13 autres APIE bilatéraux (voir document 1.1). Les APIE, ou traités bilatéraux d'investissement (TBI) comme on les appelle parfois, visent à promouvoir l'investissement étranger en réduisant les risques politiques que prennent les investisseurs étrangers. Ce type d'accord permet de consentir, entre autres choses, le traitement national aux investisseurs étrangers dans le pays d'accueil, d'éliminer les restrictions portant sur les capitaux et les exigences en matière de remise des profits et prévoit un arbitrage en cas de différend.

Document 1.1
Accords de protection de l'investissement étranger conclus par le Canada et les
pays d'Amérique latine et des Caraïbes





Source : Affaires étrangères et commerce international Canada


1 Rapport final à la Chambre des communes du Comité permanent des affaires extérieures et de la défense nationale, Les relations du Canada avec l'Amérique latine et les Antilles, 78:21.