HUMA Rapport du Comité
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III. SÉLECTION ET RÉALISATION DES PROJETS
A. Fournir des ressources pour la dotation et la formation
Au cours des audiences, de nombreux témoins ont cité le nombre insuffisant demployés pour aider à expliquer les lacunes administratives du Ministère. On nous a dit que lExamen des programmes a contribué à créer une situation où les employés ont dû commencer à prendre des raccourcis. La direction se souciant surtout de « faire sortir largent », les agents de projet ont fini par gérer de manière négligente leurs dossiers. De plus, les compressions deffectif ont fait que les promoteurs de projet ne parvenaient plus à savoir où en étaient leurs dossiers. Une agente supérieure dune organisation nationale non gouvernementale, Mme Diane Richler, a déclaré :
Cela signifiait parfois quaprès avoir envoyé une demande, nous ne savions pas trop qui lavait, à quel bureau elle se trouvait ou bien où elle traînait. Nous navions aucune nouvelle. Nous ne savions pas si un projet avait été approuvé ou non. Il est même arrivé que nous recevions un chèque avant dêtre informés quun projet avait été approuvé. Par ailleurs, il nous arrivait aussi denvoyer une proposition et de ne jamais savoir si le projet avait été étudié ou non.
Nous reconnaissons limportance dun effectif bien formé mais, comme nous lavons souligné dans le rapport provisoire, la formation nest pas une panacée. De nouvelles compétences aideront sans doute les travailleurs à être plus productifs mais sil ny a pas assez demployés pour faire le travail convenablement, rien ny fera. De nombreux témoins ont suggéré que le Ministère augmente le nombre demployés affectés à ladministration de projet et à la gestion financière. Le Comité aussi pense quil est essentiel de disposer dun effectif suffisant pour pouvoir rétablir une saine administration au Ministère. Le rapport de vérification interne de 1999 a recommandé que le Ministère examine les compétences requises et la formation actuellement fournie au personnel. Le Ministère a répondu quil avait la ferme intention de sassurer de disposer dun nombre suffisant demployés compétents pour mieux gérer les subventions et les contributions.
Cependant, le Comité nest pas convaincu que les questions de dotation ont reçu toute lattention nécessaire. Bien que le Plan daction ait cerné plusieurs mesures visant le perfectionnement et laccroissement des employés affectés à ladministration des subventions et des contributions, ni le budget principal des dépenses de 2000-2001 du Ministère ni même le premier Rapport détape sur le Plan daction ne montre clairement que les ressources nécessaires ont été obtenues pour financer les interventions voulues afin que les ressources humaines puissent assurer une saine gestion.
Nous recommandons :
8. Que le Ministère traite ses besoins en dotation, notamment la formation, comme lune de ses priorités afin daméliorer ladministration des subventions et des contributions. De plus, il doit déterminer immédiatement les ressources financières additionnelles nécessaires pour répondre à ces besoins, les dégager à partir du budget actuel du Ministère et les récupérer ensuite au moyen dun budget supplémentaire des dépenses.
9. Que le Ministère fournisse aux agents de projet la formation nécessaire pour quils puissent informer et aider les tiers promoteurs de projet pour ce qui est des attentes du Ministère et des règles et directives des programmes.
B. Appliquer les critères dadmissibilité de façon uniforme et transparente
Les critères des programmes doivent absolument être appliqués de façon ouverte et équitable pour que le programme soit administré convenablement. Tous les programmes de subventions et de contributions du Ministère sont assortis de critères établis afin dassurer la réalisation des objectifs visés. Malheureusement, dans certains cas, ces critères dadmissibilité sont trop vagues ou alors les éventuels bénéficiaires ne les connaissent même pas.
Le Fonds transitoire pour la création demplois (FTCE), qui nexiste dailleurs plus, constitue justement un exemple de programme mal défini et dépourvu de critères dadmissibilité clairs. Daprès linformation fournie par le Ministère, une proposition devait répondre à quatre critères essentiels pour être admissible à ce Fonds. Pour choisir et recommander des projets, les représentants régionaux et locaux donnaient la priorité aux régions dont le taux de chômage régional dAE/AC atteignait ou dépassait 12 %. Ils devaient également faire preuve de jugement lorsquils désignaient comme étant admissibles au financement des régions contenant des îlots de chômage élevé, des régions dont certains groupes présentaient des taux de chômage continuellement élevés et des régions offrant des possibilités dinvestissement stratégique aux retombées positives pour les secteurs environnants ayant aussi de forts taux de chômage. Fait étonnant, le FTCE ne définissait daucune façon le « chômage élevé ».
Les fonctionnaires du Ministère ont assuré au Comité que les bureaux régionaux informaient les députés de ces sous-critères de sélection. Le Comité ne saurait le confirmer puisque rien ne lui prouve que le Ministère était capable dappliquer équitablement partout au pays les critères dadmissibilité au Fonds transitoire pour la création demplois. Le public, et surtout les éventuels promoteurs de projet, nétait pas bien informés des critères du programme. Cela est particulièrement vrai pour la détermination des zones sous-régionales admissibles dans les régions économiques dAE/AC ayant un taux de chômage inférieur à 12 %.
Nous recommandons :
10. Que le Ministère veille à ce que les critères dadmissibilité régissant tous ses programmes soient clairement établis, diffusés largement et appliqués équitablement partout au pays.
C. Le rôle de la collectivité et des députés dans lapprobation des projets
Bien que certains observateurs critiques du gouvernement aient allégué que le Ministère a octroyé des subventions et des contributions à des fins politiques, le Comité, dont tous les membres sopposent à lutilisation de fonds publics à des fins partisanes, na été saisi daucun fait prouvant ces allégations.
Le Comité reconnaît quune participation politique directe dans le processus de sélection des projets pourrait créer un conflit pour les parlementaires, dont le rôle est de veiller à ce que le gouvernement rende des comptes. Or, la participation directe de députés à la sélection des projets, bien quelle soit actuellement limitée à un très petit nombre de programmes du Ministère, peut miner ce rôle. Par conséquent, nous estimons que cette participation des députés devrait rester de nature consultative.
Le Comité reconnaît quétant donné la nature des programmes quadministre le Ministère, il faut adopter diverses approches afin dobtenir le niveau de responsabilisation nécessaire pour bien administrer les subventions et contributions. Le Comité a par exemple envisagé lélargissement du processus décisionnel afin dinclure des groupes consultatifs de la collectivité. Une telle approche permet de susciter un plus grand intérêt au sein de la collectivité et doffrir plus de transparence, deux éléments importants pour accroître la responsabilisation. Le Regroupement des organisations nationales bénévoles nous a souligné quil existe une infrastructure énorme dont nous ne savons pas tirer parti et quil semble souvent y avoir confusion entre, dune part, le processus politique et la prise de décisions et, dautre part, ce qui fonctionne véritablement à léchelon local. Lors de sa table ronde sur le rôle des députés et dautres participants dans le processus de sélection, le Comité a entendu le message suivant : plus la représentativité est grande, meilleurs sont les résultats.
Les députés possèdent indéniablement une connaissance et une compréhension intimes des collectivités quils représentent. Le Comité voudrait que ces atouts soient mis à contribution lors de la création de groupes consultatifs de la collectivité pour la sélection des projets partout au pays. Ces groupes consultatifs seraient très représentatifs de la collectivité et concentreraient leurs efforts sur les projets à valeur élevée, particulièrement ceux que réalisent des promoteurs cherchant à faire des profits, où les risques semblent être les plus grands.
Bien entendu, les activités de ces groupes consultatifs doivent tenir compte des accords existants, par exemple les Ententes sur le développement du marché du travail et les accords bilatéraux régionaux avec des groupes autochtones.
Nous recommandons :
11. Que le Comité permanent étudie la valeur pratique de la création de groupes consultatifs pour la sélection de projets dans les collectivités partout au pays.
D. Nouveaux mécanismes de régie et rôle des tiers
Au fil des ans, le Ministère sen est de plus en plus remis à des tiers pour réaliser les programmes de subventions et de contributions, un modèle jugé efficace pour offrir une kyrielle de mesures à une clientèle aussi diverse que celle du Ministère, puisquil mobilise lintérêt des intervenants dans la collectivité. Cette approche favorise en outre des investissements plus importants dans la population canadienne, mais elle exige également de nouvelles structures de responsabilisation pour quil soit possible de veiller à la bonne administration des deniers publics. Des observateurs respectés du gouvernement ont déclaré au Comité que nous nous trouvons dans une ère de répartition de la gestion des affaires publiques qui oblige à accepter ce que le professeur Gilles Paquet de lUniversité dOttawa appelle la « responsabilité souple ». Il faut modifier les anciennes structures de responsabilisation, et le gouvernement en général, de même que le Ministère en particulier, doit accepter quil ny a pas quune façon de rendre des comptes. Bref, le Ministère doit faire place à la responsabilisation à divers niveaux. Nous reconnaissons par ailleurs que bon nombre des partenaires du Ministère ¾ des organisations bénévoles, des entreprises et dautres niveaux de gouvernement ¾ ont aussi des comptes à rendre. Dans la très grande majorité des cas, les subventions et contributions du Ministère sont administrées et dépensées convenablement. Cest à cela que sattend la population canadienne en bout de ligne, et le Comité doit faire en sorte que le Ministère ait en place les structures nécessaires pour répondre à cette attente.
Lors dune récente vérification des nouveaux mécanismes de régie, le vérificateur général du Canada sest dit inquiet que le gouvernement nutilise pas un cadre uniforme de responsabilisation. Le rapport souligne diverses lacunes et signale quil faut des responsabilités plus claires, davantage de transparence, des mécanismes plus stricts de protection de lintérêt public et de meilleurs rapports. Lors de sa comparution devant le Comité, le vérificateur général a affirmé que de meilleures ententes peuvent favoriser une amélioration de la gestion et de la reddition de comptes : « Jestime que si les accords conclus avec les partenaires sont bien pensés et quon consacre suffisamment defforts à ces accords, on peut obtenir un résultat tout à fait satisfaisant. Si on ne fait pas bien les choses, les risques sont bien plus élevés quils ne le seraient si le Ministère gérait lui-même le programme ».
Le Comité estime quil faut recourir à tout un éventail de structures de responsabilisation pour faire en sorte que les fonds octroyés par le Ministère soient dépensés convenablement. Chaque structure de responsabilisation pourrait dépendre par exemple du type de mesure financée, du partenariat visé et des résultats à obtenir. Il faut élaborer de meilleures structures décisionnelles, comme celle examinée dans la section précédente. Dans le cas des partenariats entre gouvernements, il serait possible daméliorer la reddition de comptes grâce à de meilleurs rapports et à des exigences en matière de vérification.
Nous recommandons :
12. Que le Ministère mette en place des accords de contribution plus exhaustifs qui précisent les attentes en matière de rendement, les règles financières et les sanctions en cas de non-conformité
13. Que le Ministère utilise lexpertise financière nécessaire, quelle soit interne ou externe, pour évaluer et approuver les propositions financières et les plans dactivités.
14. Que le personnel du Ministère informe tous les promoteurs de projet de limportance de respecter les objectifs et datteindre les résultats visés par les subventions et les contributions, de leur obligation en vertu des accords de contribution, et des conséquences du non-respect de ces obligations.
15. Que le Ministère envisage dimposer un moratoire sur le financement des projets dont les promoteurs ne se conforment pas aux conditions des ententes de financement.
16. Pour la négociation dententes en vertu de ce que le vérificateur général du Canada appelle des « mécanismes de collaboration », que le ministère du Développement des ressources humaines (et dautres ministères) veille à ce que chaque partie qui touche des fonds fédéraux soit assujettie à des exigences clairement définies et applicables permettant dévaluer et de vérifier les dépenses et de faire rapport à ce sujet.
E. Un juste équilibre entre la décentralisation, la souplesse et le contrôle
Le Comité saisit limportance den venir à un équilibre entre les exigences dune saine administration financière et la nécessité de sadapter aux conditions locales. Le vérificateur général a souligné la nécessité de faire preuve de prudence à cet égard quand il a parlé du danger dalourdir les formalités administratives. Lors de son témoignage, M. Arthur Kroeger, ex-haut fonctionnaire, a insisté sur limportance de ne pas pécher par excès contraire pour rétablir la saine administration des subventions et des contributions. Il met en garde contre une réaction excessive qui risque « daugmenter considérablement le fardeau dun grand nombre dorganisations bénévoles qui ont pour la plupart très peu de ressources. [ S]i la réaction politique est excessive, on risque de se trouver avec un fardeau administratif trop lourd; les formalités administratives et les frais généraux vont absorber une trop grande partie des fonds, au détriment de lorganisation bénéficiaire ». Il a aussi souligné la valeur de la collaboration à léchelon local pour garantir le bon fonctionnement des programmes au profit de la collectivité. M. Al Hatton et Mme Diane Richler, représentants dassociations bénévoles nationales, ont parlé des difficultés vécues par le secteur bénévole et causées par la multiplication des demandes dinformation, lesquelles retardent les paiements et grugent le temps des employés. Selon Mme Gillian Kerr, lorsque les bailleurs de fonds paniquent, ils serrent la vis et posent beaucoup plus de questions aux organismes, paralysant le système.
Le Ministère a transféré une grande partie de son travail de ladministration centrale aux régions, de sorte que les agents de programme et les gestionnaires locaux disposent dune plus grande marge de manuvre et dun plus grand pouvoir discrétionnaire. Le but de cette mesure était de pouvoir adapter davantage ladministration des subventions et contributions aux conditions locales. Cependant, elle risque également de fragmenter la gestion des programmes et de rendre difficile une supervision uniforme. On a récemment reconnu quil fallait prendre des mesures supplémentaires pour gérer ce changement quand la Direction générale de linvestissement dans les ressources humaines a été scindée en deux ¾ une pour soccuper des subventions et des contributions régies par ladministration centrale et une autre pour gérer celles des régions. Le Comité estime que léquilibre na pas encore été atteint entre ces deux pôles. Par ailleurs, il sinterroge quant à savoir si la décentralisation na pas en fait entraîné un regroupement des programmes pour quils soient administrés dans les bureaux régionaux, plutôt quà léchelon local (c.-à-d. les centres des ressources humaines du Canada).
Nous recommandons :
17. Que le Ministère ne fasse pas marche arrière en matière de décentralisation des programmes de subventions et contributions vers les bureaux régionaux. La saine administration, la transparence et la responsabilisation constituent des objectifs qui peuvent et qui doivent être poursuivis dans les services régionaux et locaux, qui sont les plus aptes à répondre aux besoins locaux.
18. Que le Ministère veille à ce que les organisations reçoivent rapidement les fonds consentis dans le cadre dun accord de subvention ou de contribution. Il doit éviter de réagir de manière excessive aux lacunes révélées par la vérification interne de 1999, en augmentant les formalités administratives.
19. Que le Ministère renforce ses structures internes de rapports et de supervision afin que la délégation de ladministration aux bureaux régionaux et à ladministration centrale soit assortie de mesures appropriées garantissant la reddition de comptes.
20. Que dici le 1er juin 2001, le Ministère fasse rapport au Comité permanent des mesures prises pour atteindre un juste équilibre entre la décentralisation, la souplesse et le contrôle.