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INDU Rapport du Comité

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ANNEXE 1

LE RAPPORT VANDUZER

Le rapport intitulé Pratiques anticoncurrentielles en matière de prix et Loi sur la concurrence : Doctrine, droit et pratique, rédigé par les professeurs J. Anthony VanDuzer et Gilles Paquet de l’Université d’Ottawa fait suite à la demande formulée par le gouvernement du Canada de mener une étude sur les dispositions de la Loi sur la concurrence portant sur la fixation des prix. Il s’agit de la discrimination par les prix (alinéa 50(1)a)), de l’établissement de prix d'éviction (alinéa 50(1)c)), du maintien des prix (article 61) et, dans le contexte de la fixation des prix, de l’abus de position dominante (article 79). Ce rapport traite de la valeur, dans le contexte de l’économie contemporaine, de la Loi, des interprétations que donnent de cette dernière le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence ainsi que de la mise en application et de l'administration des dispositions de la Loi par le Bureau.

Les auteurs du rapport colligent, expliquent et scrutent les aspects de la pensée économique contemporaine, parfois conventionnels, parfois litigieux, relativement à ces pratiques en matière d’établissement des prix et examinent la façon dont elles sont traitées dans la Loi de même que par le Bureau et le Tribunal. La plus grande contribution et l'originalité du rapport résident peut-être dans l'analyse de la gestion par le Bureau de ces pratiques et des dispositions législatives à la lumière d'une raréfaction des ressources chargées de l’application de la Loi. Le Bureau a de toute évidence adapté ses lignes directrices et sa politique d’application afin de tenir compte de la théorie économique contemporaine lorsqu’il y a un vide juridique. Toutefois, le rapport critique dans une certaine mesure le Bureau pour l’absence de clarté et l’insuffisance de ses lignes directrices en matière de fixation des prix et relativement au suivi des critères retenus pour le traitement des plaintes.

De façon générale, les auteurs du rapport critiquent le traitement pénal dont font l'objet ces pratiques en matière de prix, car ils estiment que cela n'est pas justifié par la pensée contemporaine et, de toute façon, ne permet pas de cerner les agissements anticoncurrentiels. Ils ne mentionnent ni ne fournissent d'exemple de cas de comportement anticoncurrentiel étant demeuré impuni, mais ils font clairement état du fait que la Loi peut s'appliquer à de nombreux agissements favorisant la concurrence. Cela se traduit pour le monde des affaires par des dépenses excessives en activités d'observation et de suivi, et, partant par un manque d'innovation dans les stratégies d’établissement des prix.

Le rapport recommande les mesures suivantes : 1) modifier la Loi pour la rendre conforme à la pensée économique contemporaine; 2) plutôt que de les considérer comme des infractions pénales, soumettre à un examen civil la majeure partie de ces pratiques en matière de prix, en particulier dans le cadre de la disposition concernant l’abus de position dominante; 3) modifier en conséquence la disposition relative à l’abus de position dominante; 4) mettre à jour et clarifier en conséquence les lignes directrices du Bureau; 5) revoir les critères de mise en œuvre du Bureau en vue d’établir un meilleur équilibre; et 6) accroître les ressources internes du Bureau pour ce qui concerne les spécialistes internes.

Discrimination par les prix

Il y a discrimination par les prix lorsqu'un fournisseur de biens ou de services vend un même produit à des prix différents à différents clients (que ce soit d’autres entreprises ou des consommateurs finals), à moins que cette différence de prix ne corresponde précisément aux coûts engagés pour servir les diverses catégories de consommateurs. Trois conditions doivent être réunies pour qu'on puisse parler de discrimination par les prix :

L'entreprise doit avoir la puissance commerciale qui lui permet de fixer les prix (autrement, les consommateurs peuvent choisir de faire leurs achats auprès d'un fournisseur concurrent).

L'entreprise doit pouvoir « cerner » différentes catégories de clients ayant différents niveaux de sensibilité au prix (élasticité de la demande par rapport au prix).

La possibilité pour les clients de faire de la revente entre eux doit être limitée (autrement, les consommateurs procéderont par arbitrage pour se procurer le produit au meilleur prix).

La discrimination par les prix n'est pas en soi anticoncurrentielle; cela dépend en grande partie des circonstances propres à chaque cas. Souvent, une entreprise répondra simplement à des impératifs concurrentiels en exigeant des prix différents de différents consommateurs lorsqu'elle engage des coûts différents pour les servir (de telles pratiques sont à placer sur le même pied que les ristournes consenties en fonction du volume et de la quantité, qui supposent des coûts différents et qui ne sont pas, en soi et par elles-mêmes, anticoncurrentielles).

En outre, la discrimination par les prix pourrait bien générer un certain nombre de ventes auprès de consommateurs qui n'achèteraient pas le produit s'ils ne bénéficiaient pas de réductions (on pense ici, surtout, aux prix réduits pour les enfants et pour les personnes âgées).

Les auteurs du rapport désapprouvent le fait que les dispositions de droit civil portant sur la pratique discriminatoire ultime, à savoir le refus de vendre, et sur tout comportement équivalant à une discrimination par les prix, comme les ventes liées, exigent que soit examinée l’incidence du comportement sur la concurrence, mais non l’article 50, qui porte sur la discrimination par les prix et les prix d'éviction. Il n'y a eu que de très rares poursuites pénales fondées sur cet article, en fait seulement trois depuis 1984. Dans chaque cas, l’accusé a plaidé coupable. Comme pour tout procès pénal, il faut prouver la culpabilité de l’accusé au-delà de tout doute raisonnable et les condamnations sont donc rares. Étant donné le caractère inopérant de cette disposition, aucune décision judiciaire n'a été rendue qui pourrait permettre de l’interpréter. Il y a donc eu un « effet paralysant », même sur les fournisseurs qui envisageaient d'adopter des stratégies novatrices en matière d’établissement des prix ne nuisant d'aucune manière à la concurrence.

En considérant la discrimination par les prix comme une forme d’abus de position dominante en vertu de l’article 79, il serait possible de combler plusieurs lacunes de l'actuelle disposition à caractère pénal. En faire une question relevant du droit civil serait compatible avec la façon dont la Loi régit les autres types d'intégration verticale. La disposition sur l’abus de position dominante tient compte de la puissance commerciale, qui, selon la théorie économique, constitue une condition préalable à la discrimination, et stipule que l’effet de la discrimination sur la concurrence doit être évalué. Cependant, l’application de l’article 79 aux plaintes relatives à la discrimination par les prix présente plusieurs difficultés. Il sera peut-être nécessaire d’adapter aux cas de discrimination par les prix l’approche suivie à l’égard de la puissance commerciale. Il faudra également tenir compte des autres sources d'approvisionnement, comme dans les cas de refus de vendre, pour évaluer les effets du comportement incriminé sur la concurrence.

Prix d’éviction

Il y a vente à des prix d’éviction lorsqu’une entreprise abaisse temporairement ses prix pour essayer d’empêcher des concurrents de s’implanter sur le marché, pour tenter d’évincer les concurrents ou pour pénaliser un concurrent. Dans les trois cas, le prédateur encourt des pertes temporaires qu’il compte bien, au minimum, récupérer en augmentant ses prix plus tard. Selon la plupart des économistes, ce type de pratique était extrêmement rare avant les années 80, parce que les obstacles à l’entrée sur la plupart des marchés étaient faibles. Par conséquent, les prix élevés qu’une entreprise devra exiger par la suite pour compenser les pertes subies lorsqu’elle aura pratiqué des prix d’éviction ne seront pas applicables si de nouveaux venus arrivent. De plus, un comportement de prédateur peut être une tactique très coûteuse, la proie sachant fort bien que le prédateur paie cher le financement de ses pertes. En fait, la perspective de gains futurs peut suffire à convaincre une proie d’essayer de tenir le coup (là où les marchés financiers fonctionnent bien), ne serait-ce que pour profiter de l’éventualité où le prédateur lui ferait une offre d’achat. Ce n’est que dans le cas, extrêmement rare, où le prédateur peut plus facilement que la proie se procurer des capitaux externes qu’une campagne de prix d’éviction peut réussir; cependant, si l’objectif visé est de prendre le monopole sur un marché, une prise de contrôle ou une fusion seraient des solutions encore moins coûteuses.

Il faut établir plusieurs éléments avant qu’on puisse prouver une infraction. Le prédateur supposé doit être en affaires et avoir adopté une politique de vente de ses produits à des prix déraisonnablement bas. Or, les termes « politique » et « déraisonnablement bas » soulèvent des questions d’interprétation difficiles. Une politique doit répondre à l’une des quatre conditions suivantes : 1) elle doit avoir pour effet ou tendance de réduire sensiblement la concurrence; 2) elle doit avoir pour effet ou tendance d’éliminer un concurrent; 3) elle doit être conçue pour réduire sensiblement la concurrence ou 4) elle doit être conçue pour éliminer un concurrent.

Les poursuites intentées aux termes des dispositions de droit pénal s'appliquant aux pratiques prédatoires sont rares et aucun tribunal n’a pu être saisi d’un tel dossier. Il semblerait, à la lumière du grand nombre de plaintes déposées concernant ce type de pratiques et des fortes inquiétudes que nourrissent certaines entreprises indépendantes interviewées, qu’une réponse plus complète doit être fournie. Par ailleurs, il faudrait s'inquiéter du peu d’importance relative accordée aux cas d’éviction dans le cadre des critères de sélection appliqués par le Bureau, lequel semble déterminé à ne pas y donner suite.

De toutes les pratiques de fixation des prix contraires à la Loi de la concurrence, ce sont les agissements prédatoires qui sont les plus difficiles à établir. Décrire un comportement abusif est une chose, en distinguer les effets dévastateurs des effets d’une concurrence dynamique en est une autre, même lorsque des ressources importantes y sont consacrées. Une chose est claire cependant, c'est que les dispositions pénales existantes présentent de graves lacunes comme recours. On peut toutefois résoudre le problème, entre autres, en considérant la pratique de prix d’éviction dans le cadre de l’article 79. En vertu de cet article, la puissance commerciale constitue un seuil pour l’obtention d’une mesure corrective et il réduit le fardeau de la preuve en matière civile, ce qui peut être important compte tenu de la nature intrinsèquement contestable des allégations de prix d’éviction.

Le maintien des prix

On parle de maintien des prix lorsqu’une entreprise essaie d’établir un prix minimum auquel une autre entreprise en aval dans la chaîne de distribution fabricant-grossiste-détaillant peut vendre son produit. L’une des pratiques restrictives les plus répandues sur le marché, le maintien du prix de revente peut se manifester verticalement, c’est-à-dire entre un grossiste et un détaillant qui revend les produits du fournisseur, ou horizontalement, par exemple entre concurrents qui conviennent d’imposer un prix de revente de leurs produits.

La raison économique de l’interdiction en vertu du droit de la concurrence du maintien des prix de revente dans l’axe horizontal est plus évidente : lorsque des fournisseurs conviennent entre eux de fixer le prix de revente de leurs produits, ils amoindrissent la concurrence, sur le plan des prix, entre concurrents situés en aval de la chaîne. Il se peut que le prix de revente soit plus visible pour les fournisseurs que leurs propres prix, ce qui suppose que le maintien des prix de revente peut faciliter la collusion entre fournisseurs. Il est donc justifié d’interdire les ententes de maintien des prix selon l’axe horizontal en vertu de l’article 61.

La raison économique de l’interdiction en vertu du droit de la concurrence du maintien des prix de revente dans l’axe vertical est que cette pratique amoindrit la concurrence en restreignant la capacité du détaillant d'être concurrentiel en matière de prix. Elle conduit à des prix plus élevés pour les consommateurs, accroît les marges du détaillant et, en fin de compte, protège les détaillants inefficaces qui ne prospéreraient pas dans un environnement véritablement concurrentiel. En revanche, le maintien des prix sur l’axe vertical peut aussi être favorable à la concurrence. Le maintien des prix de revente peut améliorer l’efficience économique, lorsqu’il devient nécessaire, par exemple, de fournir des services avant et après la vente et qu’il y a un problème de « parasites ». Dans ce cas, on estime que les ventes supplémentaires qu’a permises l’amélioration du service dédommagent le fournisseur du coût que cette dernière représente pour lui. Cependant, les magasins de détail à rabais peuvent détruire le marché des services de vente améliorés en attirant des clients qui ont bénéficié de ces services avant la vente que leur auront fournis des détaillants offrant toute la gamme de services.

Les modalités actuelles traitant du maintien des prix présentent les mêmes lacunes que celles relevées au chapitre de la discrimination par les prix. Elles ne permettent pas de contrer les seules démarches anticoncurrentielles répondant aux critères que suggèrent les analystes économiques contemporains. Par conséquent, elles ne constituent pas un outil se prêtant adéquatement aux mesures coercitives et imposent souvent au monde des affaires des coûts de conformité et des coûts de suivi excessifs. Cet effet paralysant est exacerbé chaque fois que le maintien des prix est considéré comme une infraction de droit pénal. Si l’on analysait le maintien des prix sur l’axe vertical à la lumière de l’article 79, qui traite de l’abus de position dominante, il serait plus facile d’incorporer des moyens de défense légitimes de cette pratique, car la puissance du marché et l’incidence de la pratique sur la concurrence seraient prises en compte.