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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 3 :

PRIX D'ÉVICTION ET
PRATIQUES ABUSIVES

Il est de même souhaitable que les dispositions de la Loi sur les prix d'éviction soient décriminalisées. Il me semble que le droit civil permet plus facilement d'évaluer les effets concurrentiels d'un comportement audacieux de fixation des prix, dans la mesure où ces prix audacieux ne transgressent pas la norme et peuvent donc être bénéfiques aux consommateurs. [Tim Kennish, 44:9:30]

[J]'appuie la décriminalisation [de l’] article […] 50 […]. Je souscris également à la proposition de limiter [son] application aux situations dans lesquelles la concurrence pourrait être substantiellement diminuée. [Donald McFetridge, 44:9:10]

La définition des pratiques abusives et le critère du coût

Il y a pratique abusive lorsqu’une entreprise abaisse ses prix ou accroît sa production ou sa capacité temporairement à la seule fin de décourager de nouveaux concurrents de s’implanter sur le marché ou d’évincer ou de pénaliser des concurrents. Dans les trois cas, le prédateur encourt des pertes temporaires qu'il compte bien, au minimum, récupérer en augmentant ses prix plus tard. La plupart des économistes estiment que ce type de pratique était extrêmement rare avant les années 80 parce qu’ils considèrent que les obstacles à l'entrée sur la plupart des marchés étaient faibles. Par conséquent, l'accès au marché étant facile, il aurait été d’après eux difficile à une entreprise d’imposer les prix élevés nécessaires pour compenser les pertes subies. En outre, cette tactique est très coûteuse parce que la proie sait fort bien que le prédateur paie cher le financement de ses pertes. En fait, la perspective de gains futurs peut suffire à convaincre une proie d’essayer de tenir le coup (là où les marchés financiers fonctionnent bien), ne serait-ce que pour profiter de l'éventualité où le prédateur lui ferait une offre d'achat. Ce n'est que dans le cas, extrêmement rare, où le prédateur peut plus facilement que la proie se procurer des capitaux extérieurs qu'une campagne de prix d’éviction peut réussir. Cependant, si l'objectif visé est de prendre le monopole sur un marché, une prise de contrôle ou une fusion seraient des solutions encore plus efficaces. Or, des analyses économiques récentes permettent de douter de cette théorie qui a cours depuis longtemps et donnent à penser que les pratiques abusives sont en fait peut-être plus fréquentes qu’on le pensait jusqu’ici.

Je ne suis pas d'accord avec certains de mes collègues économistes. D’après moi, l'imposition de prix abusifs n’est pas un phénomène rare, ce qui était l'opinion générale des économistes spécialisés dans les affaires antitrust jusqu'à, disons, il y a cinq ou dix ans. À mon avis, l'imposition de prix abusifs est courante, même si elle n'est pas fréquente, dans le commerce. [Roger Ware, Université Queen’s, 52:9:45]

On a dit au Comité que, si la définition de comportement abusif et de prix d’éviction apparaît simple à première vue, ces pratiques sont difficiles à vérifier dans la pratique. Cet exemple récent en témoigne :

Un prix d'éviction, essentiellement, c'est vendre sous le coût de revient, dans des conditions où cela n'est financièrement justifiable pour le prédateur que si, un jour prochain, il peut augmenter ses prix et récupérer ses pertes. Les conditions nécessaires sont telles que le prédateur doit disposer d'un certain contrôle du marché, premièrement, et deuxièmement il doit y avoir des obstacles suffisamment élevés à l'entrée au marché, de telle sorte que le prédateur, ayant subséquemment terrassé son rival — soit en l'écartant du marché, soit en l'écrasant tout simplement — peut alors augmenter ses prix à l'avenir. S'il n'y a pas d'obstacle à l'entrée au marché, il ne peut pas augmenter ses prix, parce que s'il le fait, de nouveaux arrivants vont l'envahir et ramener les prix à un niveau concurrentiel.

Telles sont les conditions nécessaires pour que l'on puisse parler de prix d'éviction. C'est essentiellement ce dont il s'agit. Maintenant cela devient compliqué. Cela devient compliqué lorsque dans plusieurs industries tertiaires, et l'industrie aérienne est l'une d'entre elles, le coût marginal à très court terme est près de zéro. J'ai analysé cela. Si vous prenez l'exemple des vols transcontinentaux pour Air Canada ou les Lignes aériennes Canadien International, une fois qu'elles ont établi un horaire, comme c'est le cas à tous les trimestres, et qu'il y a un siège vacant, elles devraient accepter toute personne qui est disposée à payer plus de 40 $ ou 50 $, parce que ce montant couvre la manutention supplémentaire des bagages, la commission, un peu de carburant et un repas.

Cela dit, au tarif le plus bas, comme le dernier que j'ai eu, on demande, je crois, quelque chose comme 399 $. C'est très bas comparativement au plein tarif classe économique, qui dépasse de beaucoup les 2 000 $, mais cela dépasse encore largement le coût à très court terme. […] Cela signifie que lorsque vous avez ce genre de situation, le concurrent qui dispose des plus gros moyens... Comme je l'ai dit, s'il s'agit d'une épreuve d'endurance, c'est la personne qui a le plus de réserves qui va survivre, et l'autre s'effondrera, et tout sera fini. [William Stanbury, 47:16:05]

À cause de cette très grande latitude dans l’établissement des prix des services où le coût marginal peut tendre vers zéro, il est extrêmement difficile de distinguer des prix d’éviction d’une concurrence vigoureuse au niveau des prix. Dans le cas des biens périssables dont le coût marginal est souvent très proche de zéro, « la vente de stocks de biens périssables à des prix situés en deçà du coût de revient est parfaitement légitime. C’est pour cette raison qu’il est si difficile de se prononcer » [Roger Ware, 52:10:00]. En outre, la pensée moderne conteste même l’utilisation du concept du coût marginal, difficile à définir, pour déterminer l’existence de prix d’éviction.

L'établissement d'un prix d'éviction est rare et très difficile à repérer parce que les bas prix sont le secret de la concurrence. Qu'est-ce qui distingue un prix déraisonnablement bas au sens de l'alinéa 50(1)c) d'un prix compétitif? Une bonne façon de mesurer l'établissement d'un prix d'éviction est d'établir les coûts. Le professeur VanDuzer déclare que les économistes conviennent en général que les prix inférieurs au coût marginal imposés par une firme dominante tendent à être abusifs. La lecture des lignes directrices sur l'établissement d'un prix abusif semble confirmer cela. Je pense que c'est faux.

Je dirais qu'il y a des exemples d'établissement de prix abusifs, mais que le simple fait de pratiquer des prix inférieurs aux coûts marginaux ne suffit pas pour conclure à des prix d’éviction, même dans le cas d’une entreprise se trouvant dans une position dominante. Prenez un exemple, Amazon.com. Cette société a été fondée en 1995 et n'a encore jamais établi un prix supérieur à ses coûts. Elle est toutefois cotée à la Bourse à plus de 20 milliards de dollars. Les prix sont donc inférieurs aux coûts mais on ne considère pas cela comme l'établissement de prix abusifs. Grâce à ses faibles prix, elle investit dans une part de marché future sous le couvert de l'avant-gardisme. [Ralph Winter, Université de Toronto, 48:9:20]

L’établissement des prix présente donc un aspect temporel dont on ne tient peut-être pas suffisamment compte dans les critères de coût actuels dont on se sert pour déterminer l’existence de prix d’éviction. En outre, il existe d’autres exemples de prix inférieurs aux coûts qui ne constituent pas des prix d’éviction. On a mentionné par exemple des produits simples comme des rasoirs ou des lames de rasoir ou d’autres produits complémentaires. Apparemment, la vente de rasoirs à un prix inférieur à la mesure comptable de leur coût peut être financièrement logique si elle fait grimper les ventes et finit par accroître ainsi les bénéfices de l’entreprise. Dans un tel cas, ce qu’il importe de comparer au prix courant c’est le coût variable moyen moins la valeur actualisée de l’augmentation future prévue de la marge unitaire brute attribuable à la politique de faible prix. Est-il nécessaire de préciser que, lorsque les enquêteurs auront finalement obtenu cette dernière information, la « proie » aura déjà jeté la serviette. On voit donc que la théorie économique laisse quelque peu à désirer si l’on veut s’en servir comme guide pour les fins de l’application de la loi en matière de prix d’éviction.

Le traitement légal des prix d’éviction

La pratique de prix d’éviction est un acte criminel aux termes de l’alinéa 50(1)c) de la Loi sur la concurrence. La preuve de l’infraction repose sur plusieurs éléments. Le prédateur présumé doit exploiter une entreprise et se livrer à une politique de vente à des prix déraisonnablement bas. Or, les termes « politique » et « déraisonnablement bas » posent d’épineux problèmes d’interprétation. En ce qui concerne la politique, elle doit répondre à l’une des quatre conditions suivantes : 1) elle a pour effet ou tendance de réduire sensiblement la concurrence; 2) elle a pour effet ou tendance d’éliminer un concurrent; 3) elle est conçue pour réduire sensiblement la concurrence; 4) elle est conçue pour éliminer un concurrent.

Les professeurs VanDuzer et Paquet attestent les nombreux problèmes que pose la disposition actuelle sur les prix d’éviction :

[L]a pratique de prix d'éviction […] est, de loin, le comportement anticoncurrentiel le plus difficile à cerner avec des règles appropriées. La disposition de base de la Loi prévoit que c'est un acte criminel que de se livrer à une politique de vente de produits à des prix déraisonnablement bas […] Je pense que le principal problème que pose cette disposition, c'est qu'elle est très vague. Rien n'indique clairement ce qu'est un prix déraisonnablement bas. Nous avons eu très peu de cas d'interprétation de cette disposition. C'est donc difficile pour nous d'en comprendre le sens exact. En conséquence, il est très difficile d'utiliser cette disposition comme un guide fiable nous permettant de distinguer la concurrence agressive qui entraîne une réduction des prix de la pratique de prix d'éviction. [Anthony VanDuzer, 14:15:40]

On a par conséquent des raisons de s’interroger sur son application et son efficacité :

L'un des problèmes, c'est qu'elles [les lignes directrices] fixent des conditions très exigeantes. Pour prouver que des prix sont déraisonnablement bas en vertu des lignes directrices, il faut être en mesure d'établir que le présumé prédateur, celui qui est à l'origine de cette campagne de prix très bas, a une puissance commerciale suffisante pour que, à la fin de sa campagne, après soit avoir conduit un concurrent à la faillite, soit lui avoir servi une dure leçon ou l'avoir découragé de se lancer dans ce marché, il puisse porter unilatéralement ses prix à un niveau supérieur à celui qui aurait cours sur un marché concurrentiel pour récupérer toutes les pertes encourues au cours de la campagne de prix d'éviction, avec, évidemment, un profit additionnel. La difficulté que pose ce type de condition, dans la plupart des circonstances, c'est qu'il faut prédire comment le marché réagira. […] Comme nous le savons tous, […] il est extrêmement difficile de prouver hors de tout doute raisonnable — c'est la norme en droit criminel — que ces conditions seront remplies. [Anthony VanDuzer, 14:15:40]

D’après la plupart des témoins entendus par le Comité, les dispositions actuelles de la Loi sur les prix d’éviction sont désuètes. Le commentaire suivant est représentatif :

Le fait est que la Loi, telle qu'elle est libellée maintenant, remonte à 1935. Elle visait essentiellement à régler le problème des grandes surfaces et des dépanneurs, parlons franchement, et il s'agissait d'alimentation. Eh bien, nous vivons dans un monde aujourd'hui où le gros des ventes et de la production se situe dans le secteur tertiaire, et certaines de ces industries présentent les caractéristiques que j'ai mentionnées, auquel cas cette loi est parfaitement inutile. Il nous faut une nouvelle loi sur les prix d'éviction. [William Stanbury, 47:16:05]

En outre, les dispositions en question ont des effets contraires aux buts recherchés :

[J]’ai déclaré au sujet de notre loi que certaines de ses dispositions faisaient de l'ombre à celles qui étaient les mieux conçues. Les articles 78 et 79 qui ont trait à l'abus de position dominante donnent de bons résultats, mais les vieilles dispositions des articles 50 et 51 concernant les infractions relatives aux prix, qui n'ont jamais été appliquées, font croire aux gens que tel est l'état du droit dans ce domaine et non les articles 78 et 79. On met donc l'accent […] sur ces vieilles dispositions verbeuses impossibles à appliquer qu'il conviendrait selon moi d'abroger parce que les gens se rabattraient alors à mon avis sur les dispositions des articles 78 et 79. [Warren Grover, Blake, Cassels & Graydon, 46:10:50]

Enfin, le libellé actuel de la disposition sur les prix d’éviction contrevient à l’esprit général de la Loi sur la concurrence dont l’objet est de protéger la concurrence, pas les concurrents :

Dernier point à ce sujet. Si je ne peux vous convaincre que d’une chose, puisse-t-elle être celle-ci. Il faudrait supprimer quatre mots dans cet article, à savoir les mots « ou éliminer un concurrent ». La politique concernant la concurrence doit protéger la concurrence et non pas protéger les entreprises contre la concurrence […] Aucune société ne devrait être obligée de vendre à un prix suffisamment élevé pour protéger ses rivaux. Le critère selon lequel le prix incriminé doit avoir pour effet de réduire sensiblement la concurrence est suffisant. La protection des sociétés rivales ne devrait pas être un critère. C'est en fait pourtant ce que sous-entendent les mots « ou éliminer un concurrent ».

Cette disposition amène certaines entreprises qui n'ont pas pu soutenir la concurrence à croire qu'elles peuvent se dire victimes de prix d'éviction et porter plainte. Cela mène à des causes frivoles du point de vue économique qui seront finalement rejetées parce que les tribunaux ont de bons exemples d'établissement de prix d'éviction — tout au moins dans le droit américain. Le libellé de la Loi est très trompeur, et je suis d’avis qu'il coûte très cher en incitant les sociétés à porter plainte. [Ralph Winter, 48:9:20]

Certains témoins sont d’avis que le problème n’est pas imputable à la Loi elle-même, mais à la réticence du commissaire à la concurrence à donner suite aux plaintes légitimes pour prix d’éviction.

Je tiens à insister sur le fait que ce n'est pas en raison du laxisme de la Loi qu'à mon avis on n'a pas intenté avec succès des poursuites au Canada en matière de prix abusifs. Je pense qu'en vertu des dispositions de l'alinéa 50(1)c) ou encore de l'article 79, nombre d'affaires auraient pu être intentées avec succès au cours des 20 ou 25 dernières années. S'il n'y a pas eu de répression, c'est en réalité parce que la majorité des économistes, qui exercent une influence sur le Bureau de la concurrence, n'avaient pas le sentiment que les prix abusifs posaient un gros problème. On estimait que les cas étaient extrêmement rares et même pratiquement inexistants. Lisez un manuel d'organisation industrielle d'il y a une dizaine d'années et vous verrez que c'est exactement ce que l'on vous dit. Les conceptions des économistes ont quelque peu changé ces dix dernières années. Il est indéniable qu'un nombre non négligeable d'économistes considèrent aujourd'hui que l'imposition de prix abusifs est tout à fait possible. Je le répète, c'est une pratique qui a cours, mais qui n'est pas fréquente. Toutefois, la montée des activités répressives ne va pas de pair avec l'évolution de l'analyse économique en la matière. [Roger Ware, 52:9:50]

Un bon nombre des experts qui ont comparu devant le Comité recommandent de faire passer les dispositions sur les prix d’éviction de la section de la Loi relevant du droit pénal à la section qui relève du droit civil. Le commentaire qui suit est un exemple parmi d’autres :

Quant aux dispositions s'appliquant aux prix abusifs, j'aime le principe qui consiste à ne plus les faire figurer dans le droit criminel. On pourrait soit les laisser à l'article 79, soit établir une nouvelle disposition civile s'appliquant aux prix abusifs. [Tom Ross, 46:9:20]

Un témoin a fait remarquer que le Tribunal de la concurrence avait déjà confirmé ce fait :

Je préférerais en fait que l'on supprime purement et simplement l'alinéa 50(1)c) et que l'on ait recours à l'article 79 de la Loi sur l'abus de position dominante pour réprimer les prix abusifs, parce que je considère de manière générale que les dispositions civiles sont un meilleur moyen, plus efficace, de traiter de la plupart des pratiques contraires à la concurrence, celles qui consistent à pratiquer des prix abusifs étant visées par l'article 79 sur l'abus de position dominante. Dans l'affaire NutraSweet […], où NutraSweet était accusé de pratiquer des prix d’éviction, le Tribunal de la concurrence a rejeté l’allégation tout en reconnaissant qu'il était possible d'intenter un recours pour prix d’éviction en vertu des dispositions de l'article 79 de la Loi. [Roger Ware, 52:9:50]

Toutefois, le commissaire à la concurrence, l’Association du barreau canadien et certains membres de la Chambre de commerce du Canada s’opposent à ce projet de changement; ils estiment que le caractère pénal de la disposition décourage davantage les agissements anticoncurrentiels et privilégient l’augmentation des ressources consacrées à l’exécution de la loi. Selon eux, il demeure préférable de disposer de deux niveaux de protection contre les prix d’éviction (l’alinéa 50(1)c) et l’article 79).

Le Comité a des réserves quant à cette position, estimant qu’une disposition inutilisée est vouée à la disparition. La jurisprudence n’atteste pas suffisamment l’effet dissuasif de l’alinéa 50(1)c). Il faut cependant admettre que le commissaire n’a sans doute pas tort de contester la validité de l’argument voulant que le faible nombre des procès soit une indication du manque d’efficacité de la Loi.

Je vous déconseille de mesurer l'efficacité du Bureau en fonction du nombre de causes portées en justice ou devant le Tribunal de la concurrence. Les causes en bonne et due forme ne sont qu’un élément parmi une série d’instruments utilisés pour encourager le respect de la Loi. Le succès se mesure au niveau de la concurrence dans l'économie et non par le nombre d’affaires portées devant les tribunaux. [Konrad von Finckenstein, 9:9:20]

Le Comité ne peut cependant pas faire fi du fait que les dispositions de la Loi relatives aux prix d’éviction manquent d’efficacité et ne sont pratiquement pas utilisées (elles ont donné lieu à seulement deux cas non contestés vieux de plus de vingt ans). Il ne peut pas non plus négliger le fait que « [l]a décriminalisation […] de l’établissement de prix d’éviction […] faciliterait la mise en application de ces dispositions, puisque la Couronne ne serait plus tenue de se conformer à la charge de la preuve criminelle, laquelle exige que les allégations soient prouvées hors de tout doute raisonnable » [Paul Crampton, 53:15:45]. Le Comité considère que le statu quo est inquiétant.

En fait, la théorie économique relative aux prix d’éviction est truffée de textes complexes et parfois sibyllins que seuls les plus grands spécialistes de la concurrence peuvent démêler. Comme l’a dit un témoin : « Il est si difficile d’établir s’il y a ou non établissement de prix d'éviction que la décision devrait être prise par un tribunal spécialisé et non pas par un simple tribunal » [Ralph Winter, 48:9:20].

Pour toutes ces raisons, le Comité estime nécessaire d’apporter des modifications substantielles au traitement légal des prix d’éviction. Il privilégie une démarche double où la Couronne intenterait des poursuites pour pratiques abusives patentes aux termes des dispositions pénales de la Loi et où tous les autres actes abusifs relèveraient des dispositions de la Loi portant sur les affaires que le Tribunal peut examiner qui relèvent du droit civil. Selon le Comité, il y aurait lieu :

Qu’après consultation avec les intéressés, le gouvernement du Canada envisage de modifier les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) de la Loi sur la concurrence par la substitution des termes « et étant destinée à avoir un semblable effet » aux termes « ou étant destinée à avoir un semblable effet ». Ainsi, la preuve de l’acte criminel exigerait à la fois la démonstration de la « pratique de prix inférieurs » au coût de revient et de l’intention de « réduire la concurrence ou de pénaliser ou d’éliminer un concurrent ».

Et

Qu’après consultation avec les intéressés, le gouvernement du Canada envisage la possibilité d’insérer une nouvelle disposition sur les prix d’éviction dans la partie de la Loi sur la concurrence portant sur les affaires de droit civil, éventuellement à l’article 79 sur l’abus de position dominante. Il serait bon que la disposition en question précise que l’auteur de l’acte incriminé doit jouir d’une « puissance commerciale » et que l’acte doit avoir pour effet de « réduire sensiblement la concurrence ». Il faudrait envisager l’adoption de nouvelles lignes directrices sur les prix d’éviction afférentes à la disposition sur l’abus de position dominante.

Et

Que le gouvernement du Canada étudie les conséquences qu’aurait le fait de modifier le paragraphe 78(i) afin qu’il se lise ainsi : « le fait de vendre des articles à un prix inférieur au coût variable moyen dans le but de discipliner ou d'éliminer un concurrent ».