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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 5 :

DISCRIMINATION PAR LES PRIX

La dépénalisation de ces questions réduirait également les énormes frais de conformité que ces dispositions imposent aux entreprises, ainsi que l'effet paralysant de ces prescriptions sur un vaste éventail de comportements proconcurrentiels. [Paul Crampton, 53:15:45]

Actuellement, la Loi cadre mal avec les pratiques en matière d’exécution. Il est très difficile de trouver une concordance entre l’approche qui sous-tend les lignes directrices relatives à l’exécution des dispositions sur la discrimination par les prix et la Loi… [Tim Kennish, 44:9:30]

Je pense qu’il faudrait dépénaliser la discrimination par les prix, mais il faudra pour cela tenir compte de considérations d’ordre politique — et évaluer la discrimination par les prix dans le contexte de son incidence sur la concurrence… [Tim Kennish, 44:9:30]

Analyse économique

Il y a discrimination par les prix lorsqu’un fournisseur de biens ou de services vend le même produit à des prix différents à différents consommateurs (qu’il s’agisse d’autres entreprises ou de consommateurs finals) à moins que cette différence de prix ne corresponde précisément aux coûts engagés pour servir les diverses catégories de consommateurs. Trois conditions doivent être réunies pour qu’on puisse parler de discrimination par les prix : 1) l’entreprise doit avoir la puissance commerciale qui lui permet de fixer les prix (autrement, les consommateurs peuvent choisir d'acheter auprès d’un concurrent); 2) l’entreprise doit pouvoir cerner différentes catégories de clients ayant différents niveaux de sensibilité aux prix; et 3) la possibilité pour les clients de faire de la revente entre eux doit être limitée (autrement, les consommateurs procéderont par arbitrage pour se procurer le produit au meilleur prix).

Bien que la discrimination par les prix signifie par définition traiter des particuliers ou des groupes de consommateurs de façon différente et puisse en désavantager certains lorsque le produit est un facteur de production, elle n'entre pas en soi dans les agissements anticoncurrentiels. En fait, elle peut souvent répondre à des impératifs concurrentiels lorsqu’il s’agit de demander des prix différents à différents consommateurs, lorsque des coûts différents sont engagés pour les servir (tout comme les ristournes consenties en fonction du volume et de la quantité, qui supposent des coûts différents et qui ne sont donc pas en soi et par elles-mêmes anticoncurrentielles). La discrimination par les prix peut également générer des ventes supplémentaires, par exemple, à des enfants et à des personnes âgées qui n’achèteraient pas le produit autrement. Dans la mesure où la consommation de biens ou de services augmente, on estime servir les impératifs d’efficience économique et d’intérêt du plus grand nombre.

Les professeurs VanDuzer et Paquet, s’appuyant sur un grand nombre d’exemples, ont relevé que la discrimination par les prix est une pratique courante. Une banque qui offre aux étudiants des services bancaires gratuits pour s’attacher leur loyauté ultérieure pratique la discrimination par les prix. D’ailleurs, si les recommandations du Livre blanc du gouvernement sur l’avenir du secteur des services financiers sont adoptées, les banques seront non seulement encouragées, mais aussi tenues d'offrir des comptes bancaires de base aux plus démunis.

Traitement légal de la discrimination par les prix

La discrimination par les prix constitue un acte criminel qui ne vise, aux termes de l’alinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence, que les articles (ce qui exclue donc les services et les baux) et, en vertu de l’article 51 de la même loi, que les remises à des fins de réclame ou de publicité. Ces dispositions ont été adoptées dans les années 30 pour répondre aux craintes manifestées par les petites entreprises, surtout des épiceries, devant la menace des grandes surfaces et des chaînes de magasins.

Les professeurs VanDuzer et Paquet taxent cette disposition d'imprécise et d'inopérante :

Je suppose que, en fin de compte, nous avons ressenti cela parce que l’article n’est pas conçu pour être un outil précis permettant d’éviter la discrimination par les prix anticoncurrentiels, mais plutôt pour avoir sur le marché l’effet de décourager les gens de s’engager dans une entreprise d’établissement de prix innovatrice et d’adopter des pratiques de vente à rabais et que ce n’était donc pas une disposition adéquate. Si l’on se penche sur l’application de cette disposition, nous constatons que, au cours des cinq années que nous avons examinées, il y a eu peu de plaintes, ce qui est assez étrange, étant donné que cette pratique est très répandue sur le marché. En moyenne, on a compté seulement quelque 12 plaintes par année… [ Anthony VanDuzer, 14:15:35]

Le commissaire à la concurrence semble du même avis, bien qu’il hésite à prôner tout changement à la Loi que n’appuient pas les petites entreprises.

[V]ous vous souviendrez que, lors de l’examen du projet de loi C-20, nous avions proposé au départ d’abroger les dispositions de la Loi portant sur la discrimination par les prix. Ces propositions avaient cependant suscité une vive opposition de la part des petites entreprises, et nous estimons que ces dispositions ne doivent pas être abrogées sans leur accord. [Konrad von Finckenstein, 9:9:15]

Le Comité a entendu des arguments contraires de la Chambre de commerce, qui regroupe de nombreuses petites entreprises canadiennes. La Chambre conteste en fait l’utilité de la disposition sur la discrimination par les prix :

[L]a disposition en matière de discrimination par les prix, à l’alinéa 50(1)a) de la Loi, ne met pas les petites et moyennes entreprises à l’abri de la discrimination et s’est avérée très peu utile depuis son adoption en 1935. [Paul Crampton, 53:15:45]

Compte tenu de ces critiques, le Comité n’a pas été surpris d’entendre les déclarations suivantes provenant de juristes :

Je gagne très bien ma vie en donnant aux gens des conseils sur la façon d’éviter de commettre une discrimination par les prix. Je n’ai jamais connu de situation m’amenant à penser qu’un préjudice avait été commis sur le plan économique, sauf pour ce qui est du versement de mes honoraires. Toutes ces modifications feront la joie des avocats. Elles vont beaucoup me profiter. Toutefois je ne pense pas qu’elles vont profiter à notre économie. La discrimination par les prix revient essentiellement au même que le versement d’allocations discriminatoires… [C]es dispositions ne profitent en rien à l’économie, sauf pour ce qui est des honoraires d'avocat. [ James Musgrove, 46:10:45]

Cette déclaration confirme les commentaires du professeur VanDuzer selon lesquels les Lignes directrices en matière de discrimination par les prix du Bureau de la concurrence ne réussissent qu’en partie à dissiper l’effet paralysant de cette disposition sur le monde des affaires. De nombreux témoins sont allés encore plus loin dans leur critique de la disposition en vigueur :

Si j’avais le choix, je supprimerais purement et simplement les dispositions traitant de la discrimination par les prix et je me référerais uniquement à l’avis de position dominante si quelqu’un y avait recours pour imposer une discrimination par les prix. Les dispositions portant sur la discrimination par les prix n’ont pas été très efficaces jusqu’à présent, mais c’est peut-être mieux comme ça. Les Américains, aux termes de la Loi Robinson-Patman, se sont vu parfois forcer la main par de petits acheteurs s’efforçant d’obtenir des rabais auxquels ils n’avaient même pas particulièrement droit en vertu des dispositions s’appliquant à la justification des coûts. Je ne pense pas vraiment que ce soit pour nous une bonne chose. [ Tom Ross, 46:9:20]

Ce que propose le professeur VanDuzer, et ce qu’appuient de nombreux témoins entendus par le Comité, est de cesser de traiter la discrimination par les prix comme une infraction criminelle et d’en faire une pratique visée par une disposition de droit civil, surtout en tant que forme d’abus de position dominante visée par l’article 79. Cela cadrerait également avec la façon dont sont traités les autres types d’intégration verticale, notamment le refus de vendre (article 75) et les ventes liées (article 77).

Le Comité conclut que le moment est venu de modifier la Loi sur la concurrence et, selon lui, il y aurait lieu :

13. Que le gouvernement du Canada, après consultation avec les parties intéressées, notamment les représentants des petites entreprises, envisage d'abroger l'alinéa 50(1)a) et l'article 51 de la Loi sur la concurrence et intègre cette interdiction aux dispositions de la Loi relevant du droit civil qui concernent les affaires que le Tribunal peut examiner, interdiction qui pourrait éventuellement figurer à l’article 79 portant sur l’abus de position dominante. Il devra veiller à en subordonner l'application à la fois au fait que la personne incriminée jouit d’une « puissance commerciale » et au fait que la pratique incriminée a pour effet de « réduire sensiblement la concurrence ». La disposition devra régir tous les produits, y compris les articles et les services, et toutes les transactions, donc ne pas se limiter aux ventes. Il faudrait également envisager d'adopter, dans le contexte de la disposition sur l’abus de position dominante, des lignes directrices en matière d’exécution des mesures concernant la discrimination par les prix.