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FAIT Rapport du Comité

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PARTIE I : LES LIENS ÉCONOMIQUES TRANSATLANTIQUES ACTUELS

            Le commerce et l’investissement étranger direct sont deux des éléments essentiels de la relation économique transatlantique, même si la croissance des courants d’investissement a été de loin la plus forte. Or, on reconnaît maintenant que le commerce suit de plus en plus l’investissement. Aussi, semble-t-il acquis que les structures commerciales existantes entre l’Europe et le Canada pourront, avec le temps, être revigorées.

A. Le commerce

            Le commerce du Canada avec l’Union européenne continue d’augmenter en chiffres absolus. Les échanges de biens et services dans les deux sens ont atteint 73,8 milliards de dollars en 2000, une hausse d’un peu plus que 100 % depuis 1991. Selon Statistique Canada, notre pays a exporté pour 21 milliards de dollars de marchandises vers l’UE, soit 4,6 % du total de nos exportations de marchandises, alors qu’il importait pour 33,6 milliards de dollars, une hausse significative par rapport à 1991. En l’an 2000, les exportations de services, de l’ordre de 8,9 milliards de dollars (contre des importations de 10,3 milliards de dollars), ont également été importantes. Au fil des ans, les exportations de marchandises à destination de l’Europe ont affiché une croissance modérée : l’augmentation a été de 75 %, en chiffres absolus, au cours de la période 1993-2000.

            L’Europe est également la première destination des exportations canadiennes après les États-Unis. À l’exclusion de notre voisin du sud, l’UE a représenté 47 % de l’accroissement de nos exportations entre 1990 et 1998, soit le double des exportations à destination des tigres asiatiques au cours de la même période. Les exportations vers l’Europe ont augmenté d’au moins un milliard de dollars par année en moyenne au cours des six dernières années ¾  un montant qui n’est pas insignifiant, même si, comme l’a souligné Bertin Côté (sous-ministre adjoint, Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord, MAECI) devant le Sous-comité, une année d’accroissement des exportations à destination des États-Unis dépasserait le montant total des exportations canadiennes vers l’UE. Face à notre relation économique avec les États-Unis, l’importance de l’Europe pour le Canada, qu’il s’agisse du commerce ou de l’investissement, n’est pas toujours appréciée. Néanmoins, les résultats commerciaux ne doivent pas être pris à la légère, car ils engendrent de nombreux emplois pour nos concitoyens.

            Susan Cartwright (sous-ministre adjointe par intérim, Europe, Moyen-Orient et Afrique, MAECI) a informé le Sous-comité que six des dix premiers marchés d’exportation du Canada à part les États-Unis sont situés en Europe. Au sein de l’UE, les deux plus importants sont le Royaume-Uni (6,4 milliards de dollars d’exportations en 2000), et l’Allemagne (3,1 milliards de dollars); ces deux pays représentent également les deux premières provenances européennes d’importations au Canada.

GRAPHIQUE 1
Dix principaux marchés d’exportation du
Canada autres que les É.-U., 2000
données douanières

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Source : Statistique Canada

 

            À première vue, les données concernant le commerce semblent assez bonnes, mais plusieurs mises en garde s’imposent. D’abord, la part de l’UE dans les exportations totales canadiennes tant de biens que de services est en déclin, étant tombée de 13,2 % en 1980 à 6,3 % en 2000, car les entreprises canadiennes ont tendance à se concentrer sur le marché américain, par suite de la libéralisation des échanges. La part des États-Unis dans nos exportations s’est accrue régulièrement (20 points de pourcentage de 1980 à 2000). Si l’on fait abstraction des données concernant les États-Unis, la part de l’UE dans les exportations canadiennes a en fait été relativement stable au cours de cette période. La morosité de l’économie européenne (comparativement à la force de l’économie américaine) au cours de la majeure partie des années 1990 et l’appréciation du dollar canadien, qui suit le dollar américain face aux monnaies européennes, ont également contribué à l’évolution du commerce. Les obstacles au commerce érigés en Europe ont aussi contribué à ralentir les exportations canadiennes.

GRAPHIQUE 2
Parts des É.-U. et de l’UE dans les exportations canadiennes

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Source : Statistique Canada

 

            En second lieu, la part du Canada dans le marché européen a elle-même connu une diminution progressive. Le pourcentage des importations des pays membres de l’UE ayant leur origine dans les pays de l’UE eux-mêmes (c.-à-d. le commerce intra-UE) a augmenté depuis 1980, déplaçant ainsi les exportations provenant de pays comme le Canada, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Il semblerait que le principal événement à l’origine des tendances commerciales que nous venons d’évoquer réside dans les progrès de l’intégration régionale des deux côtés de l’Atlantique, à savoir l’ALENA et l’UE. Les Canadiens aussi bien que les Européens se sont davantage intéressés à leurs marchés régionaux respectifs, l’existence des deux zones de libre-échange ayant concentré le commerce à l’intérieur des deux régions (c’est donc dire que les échanges infra-UE et infra-ALENA ont augmenté). En outre, les gens d’affaires européens disposent également de nombreux débouchés autrefois inaccessibles (Chine, autres pays asiatiques, ex-Union soviétique).

            Troisièmement, même en tenant seulement compte des échanges de l’UE avec le reste du monde (c.-à-d. en faisant abstraction des importations provenant d’autres pays de l’UE), la part du Canada dans le marché net des importations de l’UE a également diminué, tombant d’un peu plus de 2,5 % en 1980 à un peu plus de 1,8 % en 1999. En d’autres termes, le Canada perd ses marchés à l’intérieur de l’UE au profit de pays non-membres de l’Union et son importance est aujourd’hui moindre, alors que le marché de l’Europe est sur le point de s’élargir par suite de l’augmentation des adhésions, de l’adoption d’une devise unique et de la mise en place de réformes économiques. Cette réduction de la présence économique relative du Canada a compliqué la défense des intérêts de notre pays dans toute une gamme de dossiers importants.

            En dépit de ce déclin, il existe quelques raisons de se réjouir : le Canada a considérablement diversifié la composition de ses exportations outre-mer. Depuis une vingtaine d’années, il a élargi l’éventail des produits destinés au marché européen, autrefois axé sur les matières premières. Certes, les pâtes et papier demeurent la première exportation vers l’UE, mais les ressources naturelles ont été de plus en plus déplacées par des produits manufacturés à haute valeur ajoutée, notamment les avions et les pièces pour avions, la machinerie industrielle (de haute précision surtout), le matériel de télécommunications et les ordinateurs. Les produits qui affichent la plus haute croissance récente (de 0,5 milliard de dollars en 1994 à 1,5 milliard de dollars en 1998) sont les avions et les pièces pour avions, et surtout les avions à réaction de portée régionale.

            Le passage à une proportion plus grande de produits à valeur ajoutée dans la composition de nos exportations a été en général bien accueilli par les témoins du Sous-comité. M. Paterson a insisté sur l’énorme potentiel que représente le secteur de la haute technologie, quand on songe que les échanges interentreprises à eux seuls devraient augmenter de 2 300 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Selon lui, les sociétés canadiennes de haute technologie axent leur stratégie de marketing presque exclusivement sur l’exportation, le marché américain étant considéré comme faisant virtuellement partie du marché intérieur5. Une fois que ces entreprises se sont établies au sud de la frontière, elles peuvent alors commencer à élargir leurs horizons, celles qui sont installées dans l’Est se tournent vers l’Europe, et celles qui se trouvent dans l’Ouest centrent leur attention sur le pourtour du Pacifique. De fait, l’avenir des relations commerciales Canada-UE pourrait être très prometteur, car le Sous-Comité a entendu dire que l’intérêt pour le commerce avec l’Europe augmentait chez les entreprises canadiennes, surtout dans les industries de la haute technologie, de l’informatique et des télécommunications.

            Selon M. Paterson, les entreprises de haute technologie canadiennes ont tendance à s’en tenir à l’une ou l’autre de deux stratégies lorsqu’il s’agit de pénétrer le marché européen : ou bien elles établissent un bureau de marketing et de vente dans le pays, ou bien elles négocient une alliance stratégique avec une société déjà établie, en vue peut-être d’acheter celle-ci après un certain temps. La deuxième option est moins coûteuse et par conséquent plus souvent retenue, le résultat étant qu’on insiste dorénavant beaucoup plus sur la création d’alliances avec des partenaires européens avant de chercher à exploiter les marchés sur ce continent. Entre autres avantages, ces liens commerciaux permettent aux sociétés canadiennes de ramener et de vendre des technologies européennes et des produits nouveaux sur le marché de l’ALENA. Une fois implantées en Europe, les entreprises canadiennes s’attachent généralement à investir dans des installations sur place, notamment dans le domaine de la fabrication.

            Qu’en est-il des importations? Celles des biens et services en provenance de l’UE affichent une stabilité relative depuis 1980. En 2000, les importations représentaient environ 10 % des importations canadiennes totales. Si l’on fait abstraction des États-Unis, toutefois, nos importations de l’UE sont en fait passées de 30 % à 37 % du total non-É.-U. entre 1980 et 2000. Il s’agit surtout des produits suivants : machinerie industrielle, matériel et outillage, automobiles, tubes électroniques et semi-conducteurs, et pétrole brut. Ces dernières années, les importations d’avions (principalement des Airbus achetés en remplacement de la flotte nationale) ont affiché le taux le plus rapide de croissance, passant d’un niveau de 0,3 milliard de dollars en 1994 à 2,5 milliards de dollars en 1998.

GRAPHIQUE 3
Commerce de biens et services Canada-UE

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Source : Statistique Canada

 

            En 2000, la balance du commerce entre le Canada et l’UE a accusé un déficit d’un peu moins de 14 milliards de dollars6. Ce déséquilibre exportations-importations ne cesse de croître depuis le milieu des années 1990, ce qui traduit largement à la fois les disparités entre les taux de croissance économique du Canada et de l’Europe et le processus d’intégration sur le continent européen. Quant à la balance des échanges de services, elle demeure en position déficitaire.

 

GRAPHIQUE 4
Balance commerciale des biens et services avec l’UE
1980-2000
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Source : Statistique Canada

 

B. Les investissements

            Les exportations n’ont pas crû au même rythme que l'économie de l’Union européenne, mais l’investissement étranger direct (IED) est devenu l’élément le plus vigoureux des relations économiques transatlantiques. En 2000, le total cumulatif des investissements directs du Canada dans l’UE s’est élevé à 56,5 milliards de dollars, alors que les investissements effectués au Canada par l’UE totalisaient 77,9 milliards. Ce dernier chiffre comprend une hausse substantielle de 28,3 milliards7 par rapport aux résultats de 1999, qui est principalement attribuable à l’achat par la firme française Alcatel de Newbridge Networks, une société de Kanata, en Ontario, et à la vente de la compagnie Seagram à Vivendi SA, également de France. Cet accroissement des investissements français au Canada a fait en sorte que ce pays a supplanté en l’an 2000 notre tradionnelle deuxième source d’IED, le Royaume-Uni.

            Même si l’on reconnaît que cette hausse des IED en l’an 2000 peut être atypique, il demeure que le Canada a bénéficié d’une forte croissance des investissements en direction de l’Europe au cours de la dernière décennie. Entre 1990 et 2000, les investissements canadiens en Europe ont enregistré une poussée de 174 %, ce qui est plus qu’appréciable, alors que les investissements des États-Unis à destination de l’Europe n'ont progressé que de 157 %. En 2000, près de 19 % (contre 12 % en 1983) des investissements du Canada à l’étranger ont été effectués en Europe. Il reste à voir dans quelle mesure cette hausse des investissements sera atténuée par l’éclatement de la bulle technologique de la fin de 2000 et du début de 2001. À ce sujet, il faut souligner par exemple que Nortel a licencié un fort pourcentage de son personnel en France.

            Selon M. Clarke, cette montée des IED peut être attribuée aux entreprises de haute technologie canadiennes, dont les opérations viennent s’ajouter aux importantes activités et installations qu’ont implantées en Europe des investisseurs canadiens traditionnels tels que Bombardier, Nortel, Alcan, et CAE. Les principaux secteurs dans lesquels le Canada investit directement sont la finance et l’assurance, les métaux et les produits métalliques, les communications ainsi que l'alimentation, les boissons et le tabac.

            De nombreuses entreprises canadiennes ont fait des investissements stratégiques dans certains pays européens, qui deviennent autant de tremplins vers l'ensemble ou certains secteurs du marché européen. On constate qu’elles ont concentré leurs activités au Royaume-Uni — qui se classe bon premier pour nos investissements en Europe, puisque plus de 350 entreprises canadiennes s'y sont établies — et sur l’Irlande. Le Royaume-Uni, avec 25,3 milliards de dollars, et l’Irlande, avec 8,4 milliards de dollars, comptaient ensemble pour 60 % des investissements canadiens dans l’UE en l’an 2000. En outre, nos entreprises sont également très bien représentées dans de nombreuses villes d’Europe occidentale (comme Stockholm ou Copenhague, pour le marché du nord de l’Europe, et Amsterdam ou Bruxelles, pour le centre de l’Europe).

            On admet de plus en plus que l’investissement est devenu plus important que le commerce comme outil de pénétration des marchés. Habituellement, l’IED est utilisé soit pour servir plus facilement le marché cible8 ou, dans certains cas, pour contourner les obstacles au commerce en mettant des activités sur pied dans ce marché. Il est également reconnu qu’en règle générale, le commerce tend à suivre l’investissement.

            En ce qui concerne l’Europe, les investissements bilatéraux témoignent d’une forte croissance bien que les obstacles au commerce soient sur le déclin depuis quelques décennies. En d’autres termes, l’investissement n’est pas motivé par la présence d’obstacles à la pénétration des marchés. Plutôt, comme le Sous-comité l’a appris, des compagnies comme Bombardier ont investi en Europe parce qu’elles ont jugé qu’il est essentiel d’être présent sur ce marché pour pouvoir le servir. Robin Schweitzer (vice-président, Initiatives stratégiques, Bombardier Transport) a ainsi déclaré au Comité qu’une proportion importante du personnel de l’entreprise se trouvait dans l’UE, plus précisément en Allemagne. Si une entreprise investit pour agir comme une société locale, il y a moins de chances que cet investissement se traduise par un accroissement du commerce (même si bien sûr de fortes ventes dans l’UE amélioreront toujours le bilan). Ce qui est important pour le Canada, c’est la mesure dans laquelle les investissements canadiens en Europe facilitent l’exportation outre-mer de produits canadiens, y compris des pièces et des composants du processus de production, plutôt que de simplement contribuer à des échanges intraeuropéens.

            Les vues des témoins divergent sur ce point. Aux commentaires déjà mentionnés à propos de Bombardier, il faut ajouter les propos de M. Keyes : « Les investissements en provenance de l’Europe sont très importants, et nous espérons que les échanges commerciaux suivront la même tendance que ceux-ci. Toutefois, il est possible que ces investissements servent, du moins en partie, à favoriser les échanges intraeuropéens et non à accroître les exportations de produits en provenance du Canada. C’est difficile à dire. » Pour sa part, M. Clarke voit les choses de façon plus positive, soutenant que les investissements de nos entreprises (comme Bombardier) en Europe ont eu d’importantes retombées sur le plan des exportations, si bien que le gouvernement fédéral voit désormais d’un bon œil les investissements de nos entreprises à l’étranger.

            Les investissements du Canada dans l’UE et ceux effectués par cette dernière ici sont à peu près du même ordre. L’Union européenne se classe en deuxième position, après les États-Unis, comme source d’investissement étranger au Canada. De tous les investissements autres qu'américains faits au Canada, environ un tiers vient d’Europe; de plus, sept des dix principaux pays investissant au Canada sont européens. Les investissements de l’Union européenne au Canada sont concentrés dans la finance et l’assurance, l’alimentation, les boissons et le tabac, l’énergie, les produits chimiques et le textile. L’économie canadienne bénéficie grandement de ces investissements : en effet, 3 500 filiales européennes se sont établies dans notre pays, y créant des milliers d’emplois.

 GRAPHIQUE 5
Les dix investisseurs étrangers directs
les plus importants au Canada, 1999

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Source : Statistique Canada

 

            Les Européens qui investissent au Canada le font souvent pour se positionner sur le marché nord-américan. On a cité au Comité l’exemple des investissements réussis effectués par Alcatel et Vivendi et des entreprises suédoises comme Ericsson, Astra, et Stora. Pour les investisseurs étrangers, surtout les entreprises de petite taille, le Canada présente plusieurs avantages concurrentiels, notamment un taux de change faible, une main-d’œuvre loyale et de haut calibre, un système juridique et des services sociaux favorables et des coûts d’entreprise relativement faibles. Pourtant, si les investissements effectués au Canada ont augmenté en termes absolus (de près de 100 % entre 1988 et 2000), en termes relatifs, c’est-à-dire par comparaison aux investissements effectués à l’étranger, le volume des investissements provenant d'Europe a été jusqu’à très récemment plutôt décevant. On verra dans le prochain chapitre comment tenter de résoudre cette situation.

 

GRAPHIQUE 6
Investissements européens au Canada par secteur, 1998
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Source : MAECI