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FAIT Rapport du Comité

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PARTIE II : PRINCIPAUX ENJEUX DE L’AUGMENTATION DU COMMERCE ET DE L’INVESTISSEMENT AVEC L’EUROPE

A. Rectifier les problèmes d’image

1. Améliorer l’image du Canada en Europe

            Il devient de plus en plus évident que la perception qu’ont les Européens du Canada pose un obstacle sérieux à la promotion de l’industrie canadienne dans l’UE. Notre mission d’enquête en Europe confirme que le Canada jouit là-bas d’une image extrêmement favorable. À l’étranger, le Canada évoque des parcs et des réserves naturelles, des attractions touristiques comme les chutes Niagara, un peuple pacifique, démocratique et tolérant et une économie essentiellement dépendante des ressources naturelles. Même si la beauté de notre pays est bien réelle et digne d’être promue et qu’elle suscite une bonne volonté inestimable, elle fait oublier que, dans l’arène économique, le Canada ne dépend plus exclusivement de ses ressources naturelles. En fait, quelque 70 % de nos exportations sont aujourd’hui des produits industriels. Pour la première fois dans l’histoire, comme l’a fait remarquer au Sous-comité un haut fonctionnaire de l’ambassade du Canada à Paris, il y a un certain équilibre dans notre économie entre les industries à base de ressources et les autres secteurs industriels. Dans un certain nombre de domaines de haute technologie (p. ex. l’accès rapide à l’Internet, l’accès à large bande), le Canada est devenu un fer de lance.

            L’image surannée du Canada a pourtant la vie dure. En 1997, le Conference Board du Canada a constaté que le milieu des affaires des deux côtés de l’Atlantique souffrait d’un grave « déficit d’information » au sujet des marchés des uns et des autres. Une enquête privée menée auprès de cadres européens pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en 1998 a révélé des failles et des inexactitudes dans la connaissance qu’on a du Canada à l’étranger. En France, le Sous-comité a pris connaissance d’un sondage qui révèle qu’on a l’impression là-bas d’une absence totale d’«industries de pointe» au Canada. Les problèmes d’image discernés dans les années 1990 semblent donc subsister.

            Le fait est que les Européens ont une idée dépassée de l’économie canadienne et que le Canada ne figure pas sur la carte de la plupart des entreprises de l’UE. M. Keyes déclare : « Nous sommes perçus comme un satellite des États-Unis. L’attention est surtout centrée sur les États-Unis, dont nous constituons une sorte de prolongement vers le nord et qui de toutes façons peuvent servir de porte d’accès au Canada. Ils ne pouvaient pas identifier de produits, d’entreprises ou de services canadiens pouvant s’avérer indispensables dans le contexte européen. » En Europe, nous avons même constaté que nos grandes sociétés de haute technologie passaient pour appartenir à des Américains. Comme les Européens ont largement l’impression que nous sommes dominés par les États-Unis, le Canada aurait peut-être intérêt à se différencier de son voisin du sud.

            Pourquoi le Canada n’est-il toujours pas perçu à l’étranger comme un important fabricant de produits industriels et de haute technologie avancés? Faisons-nous le nécessaire pour que les entreprises européennes aient aisément accès à une information exacte à notre sujet? Le Sous-comité a entendu des opinions contradictoires à ce sujet. M. Keyes est convaincu qu’il ne manque pas d’information au sujet du Canada et qu’il y en a même trop. M. Clarke convient que, sans égard à la quantité d'information, les gens des deux côtés de l’Atlantique se connaissent assez mal. Pour sa part, Charles Barrett (vice-président, Recherches sur les entreprises, Conference Board du Canada) prétend qu’on manque des deux côtés d’informations à jour et ciblées sur les marchés de l’autre. En France, le Sous-comité a entendu dire que les entreprises françaises manquaient d’information sur le Canada et que même l’entreprise française bien connue Alcatel (qui a acheté Newbridge Networks de Kanata en 2000) n’avait pas d’abord perçu le Canada comme un marché de haute technologie.

            Le Sous-comité ne peut que conclure que l’image stéréotypée du Canada nuit à ses perspectives commerciales. Compte tenu de la concurrence farouche à l’échelle mondiale, il s’agit pour le Canada de tirer parti de son image « naturelle » positive et de son avantage comparatif sur le plan des ressources naturelles tout en promouvant de façon plus efficace ses produits, ses services et ses entreprises sur le marché européen. Il peut y arriver en modernisant son image comme société dynamique et ouverte dotée d’une technologie de pointe (p. ex. technologie de l’information, télécommunications, aérospatiale et électronique), une société capable de répondre aux besoins des entreprises européennes et d’être un partenaire clé pour les entreprises européennes dans le cadre de coentreprises en Europe et d’investissements au Canada comme porte d’accès à l’ALENA.

            Nous devons mieux faire connaître le Canada aux Européens et les sensibiliser davantage à la « marque Canada ». Nous devons rehausser le profil global du Canada en Europe comme moyen de faire valoir nos intérêts stratégiques. En vue de présenter un portrait plus exact et plus actuel du Canada aux Européens, nous recommandons :

Recommandation 2 :

Que le gouvernement fédéral déploie, dans le cadre d’une campagne d’information, des efforts mieux concertés pour faire savoir directement et efficacement aux décideurs européens que la structure de l’économie canadienne est en évolution rapide. Les Européens doivent savoir que le Canada est devenu, d’une économie essentiellement axée sur ses ressources naturelles, une économie comportant un grand nombre d’industries modernes à base de savoir.

Recommandation 3 :

Que cette stratégie de modernisation de la « marque Canada » visant à projeter à l’étranger l’image d’un leader mondial de la nouvelle économie table davantage sur les entreprises européennes qui ont du succès au Canada; les entreprises canadiennes qui ont une présence appréciable en Europe; les visites de journalistes, notamment ceux de journaux et de revues spécialisés; les échanges d’étudiants; la projection d’images de la nouvelle réalité canadienne dans les aéroports; et le drapeau canadien.

            Des témoins au Canada comme en Europe se demandaient si les efforts de promotion touristique axés sur la beauté naturelle du Canada n’allaient pas à l’encontre de l’image que nous souhaitons projeter d’un pays spécialisé dans la haute technologie, la fabrication de pointe et l’électronique. Il semblerait que nous ayons presque trop bien réussi à nous présenter comme un beau pays aux grands espaces au détriment de notre image de fournisseur de biens et de services de haute technologie. Il en résulte peut-être que les entreprises européennes évitent les fournisseurs canadiens et que de nombreux investisseurs européens préfèrent les États-Unis au Canada. Pour remédier à ce problème, le Sous-comité recommande :

Recommandation 4 :

Que, de concert avec les provinces, on réévalue et modifie au besoin les campagnes de promotion touristique en Europe en vue de diffuser de l’information sur la transformation rapide de la structure économique du Canada et sur le style de vie et la qualité de vie des travailleurs du savoir canadiens. On devrait envisager de mieux faire ressortir les villes canadiennes comme destination d’affaires et d’agrément.

  2. L’image de l’UE au Canada

            L’UE souffre d’un problème d’image analogue auprès des entreprises canadiennes, lesquelles ne s’intéressent guère à ce qui est pourtant la deuxième économie du monde. Les explications de cette attitude varient, mais il y a lieu de croire que l’effet d’entraînement des États-Unis sur le Canada (surtout dans le contexte du boom économique prolongé des années 1990) a toujours constitué pour les entreprises canadiennes une bonne raison de rester axées sur les États-Unis. Il se peut aussi que les commerçants et les investisseurs ne songent pas à l’Europe parce qu’ils ont depuis longtemps l’impression « que les marchés européens sont difficiles à pénétrer, vieux jeu, protectionnistes, bureaucratiques, hérissés d’obstacles ». Il ressort en tout cas des témoignages que le Sous-comité a reçus en Europe que les entreprises canadiennes perçoivent ces marchés comme difficiles à pénétrer.

            M. Keyes estime qu’il incombe au gouvernement canadien et à l’UE de contrer ces perceptions, faute de quoi les entreprises iront s’implanter ailleurs. En plus de se renseigner sur les divers marchés nationaux européens, les entreprises canadiennes devraient peut-être suivre de plus près les politiques et les pratiques de l’UE de manière à pouvoir dresser des stratégies axées sur un marché de plus en plus intégré. Il s’agirait donc de mieux faire connaître l’UE au Canada. Le Sous-comité a entendu dire que, si les grandes sociétés multinationales canadiennes semblaient comprendre l’UE et y être bien représentées, les petites entreprises, en revanche, en connaissaient mal la raison d’être et les politiques. Pour redresser la situation, nous recommandons :

Recommandation 5 :

Que le gouvernement fédéral examine les besoins des entreprises canadiennes, en particulier des petites et moyennes entreprises, en matière d’informations exactes et à jour sur les marchés individuels des pays membres de l’UE et sur les politiques et les pratiques de l’UE. Il faudrait prendre des mesures pour répondre aux besoins d’information constatés.

 

B. La promotion du commerce et de l’investissement avec l’Europe

            Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour ce qui est de fournir aux entreprises et aux investisseurs l’information dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions et d’encourager le commerce et l’investissement. Ces responsabilités revêtent une importance particulière en Europe où 55 % des clients des missions européennes du MAECI sont des nouveaux venus sur le marché. Il s’agit là du pourcentage le plus élevé de tous les marchés étrangers et c’est beaucoup plus que ce que le Ministère avait d’abord prévu. Le sondage mené pour le Ministère en 1999 auprès de 2 000 entreprises pour mesurer leur niveau de satisfaction à l’égard de nos délégués commerciaux a révélé que les répondantes étaient en majorité de petites et moyennes entreprises et qu’un grand nombre d’entre elles s’étaient taillé une place de choix sur le marché américain avant de s’intéresser à l’Europe, à l’Asie et à l’Amérique latine.

1. L’insuffisance des ressources

            Même si 81 % des entreprises sondées étaient satisfaites du Service des délégués commerciaux, certains témoins du Sous-comité ont déclaré que les ressources affectées par le gouvernement fédéral aux activités de promotion en Europe étaient peut-être devenues insuffisantes. M. Paterson, par exemple : « … certains représentants commerciaux en Europe ne savent plus où donner de la tête. Ils sont submergés par les demandes d’aide des entreprises. C’est un des problèmes auxquels le Ministère est confronté dans la gestion de ses ressources : répondre aux demandes de renseignements sur les possibilités de partenariats et la situation dans les marchés en pleine croissance ».

            Le budget européen du MAECI est malheureusement en nette régression depuis quelques années. Entre 1994-1995 et 2000-2001, le budget du Programme de développement du commerce international est passé de 5,4 à 1,9 million de dollars et celui du Programme de développement des marchés d’exportation de 1,7 à 1,0 million de dollars. Les compressions budgétaires du gouvernement fédéral au cours des années 1990 se sont soldées par une forte diminution des fonds consacrés par le Ministère à la promotion directe du commerce (foires commerciales, missions commerciales, appui aux entreprises canadiennes dans le cadre du Programme de développement des marchés d’exportation). Au dire de M. Keyes, cette réduction a nettement nui à la présence et à la visibilité du Canada ainsi qu'à la capacité des missions canadiennes à fournir de l’information et à faire connaître les débouchés commerciaux. En Europe, le message était à peu près le même, à savoir que les compressions budgétaires ont été contre-productives et qu’il fallait augmenter les ressources financières.

            En réponse aux compressions, le MAECI a élaboré une stratégie d’orientation de ses efforts de promotion du commerce et de l’investissement transatlantiques. M. Clarke fait remarquer que le nombre de délégués commerciaux en poste à l’étranger a baissé au cours des années 1990 et qu’ils ont été remplacés par des agents commerciaux engagés localement qui coûtent beaucoup moins cher. À l’échelle mondiale, le nombre des employés du MAECI affectés à la promotion du commerce et de l’investissement est donc demeuré à peu près constant. En Europe, le nombre d’employés s’est en fait accru, passant de 137 employés en 1990 à 175 en 2000. Le Comité a appris que 27 % des délégués commerciaux et des agents commerciaux engagés sur place étaient en poste en Europe. Selon M. Clarke, les ressources du Ministère en Europe correspondent à un « équilibre décent », la représentation étant excellente dans les centres commerciaux de l’Europe occidentale et bonne presque partout en Europe de l’Est.

            La stratégie dont le gouvernement s’est doté pour augmenter le commerce et l’investissement avec l’UE se ramène essentiellement à un plan d’affaire conçu pour repérer les produits et les débouchés intéressants en Europe. On insiste de plus en plus dans les ambassades sur le partage des coûts avec le secteur privé et sur la concentration des efforts promotionnels sur les services essentiels à forte valeur ajoutée (p. ex. renseignements exacts sur les marchés locaux et les débouchés sérieux, avis et conseils sur la façon de faire des affaires sur les marchés européens et résolution de problèmes par opposition aux services de logistique). M. Paterson a informé le Sous-comité que, pour offrir la plus grande valeur ajoutée, il faut que le MAECI acquière une bonne connaissance de l’économie locale, en particulier les secteurs de haute technologie, et trouve des partenaires pour les nouveaux venus canadiens sur le marché européen. Il convient également de mentionner que, aux fins commerciales, 12 secteurs prioritaires ont été identifiés par les partenaires du MAECI au sein d’Équipe Canada Inc., dont font partie les ministères et les organismes qui s’intéressent au commerce. Le gros des fonds est maintenant affecté aux secteurs prioritaires sur les marchés prioritaires.

            Même si les représentants du MAECI cités estiment que leur ministère fonctionne bien en termes opérationnels, le Sous-comité craint que le déséquilibre entre les besoins et les ressources ne nuise à l’efficacité des activités de promotion de l’investissement et du commerce. En Europe, les fonctionnaires d’ambassade regrettaient de ne pas disposer des ressources humaines et(ou) financières nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel de la région en matière de commerce et d’investissement. Les fonctionnaires du Ministère à Ottawa ont également affirmé que des ressources supplémentaires seraient les bienvenues. L’ancien délégué commercial principal du gouvernement fédéral a même déclaré au Sous-comité qu’il serait bon que le gouvernement augmente la quantité de ressources consacrées à la promotion directe du commerce (en particulier dans les secteurs de forte croissance comme les technologies de l’information, la biotechnologie et l’environnement) comme il s’y est engagé dans le discours du Trône d’octobre 1999.

            La participation aux foires commerciales sectorielles en Europe et l’engagement d’agents chargés de solliciter des investissements étrangers directs en Europe (conseillers en investissement) sont deux activités dont le budget doit être augmenté en priorité. Le MAECI estime vital de participer à toutes les grandes activités et foires commerciales internationales en Europe puisque la majorité des échanges commerciaux européens ont lieu à ces endroits. Comme l’UE est un marché intégré, chaque ambassade devrait disposer de fonds suffisants pour participer aux foires commerciales; les fonds ne devraient pas être affectés exclusivement aux ambassades des pays où se tiennent la majorité des foires commerciales. Le Sous-comité a également entendu déclarer combien il importait que les fonctionnaires d’ambassade se rendent dans les régions des pays où ils sont affectés et rendent visite à un plus grand nombre de PME afin de susciter des investissements. Comme nous estimons avantageux d’augmenter sensiblement les ressources consacrées à la promotion commerciale directe et au développement des investissements, nous recommandons :

Recommandation 6 :

Que le gouvernement fédéral accroisse le budget du MAECI pour la promotion directe de l’investissement et du commerce en Europe. Ces ressources accrues devraient servir à élargir la participation canadienne aux foires commerciales européennes en vue d’améliorer l’image du Canada et de renforcer sa présence dans les milieux d’affaires européens ainsi qu’à élargir et à intensifier la recherche d’investissements partout en Europe.

   2. La promotion des exportations

            Un certain nombre de témoins en Europe ont parlé du peu d’intérêt des entreprises canadiennes, notamment des PME, à brasser des affaires en Europe. On nous a dit que, s’il était de mise que le gouvernement fédéral encourage les entreprises à faire leur entrée sur le marché européen, il l’était moins qu’il subventionne leur participation aux foires commerciales. Le Sous-comité a également appris que les normes de conception, les normes de qualité, les normes environnementales et diverses autres normes de produits et de services pouvaient être plus élevées outre-mer. Il faut donc s’attacher en priorité à renforcer la capacité des petites entreprises au Canada, en particulier, à commercer et à investir sur le marché européen. En Europe, on nous a dit craindre que les PME canadiennes ne soient trop souvent mal préparées pour le marché européen très concurrentiel et les nombreux créneaux commerciaux intéressants qu’il offre. Une fois là-bas, elles sont trop promptes à se replier sur l’Amérique du Nord dès que les résultats commencent à fléchir.

            Nous sommes d’avis que le gouvernement du Canada devrait faire mieux dans le domaine de la promotion des exportations. Les fonctionnaires d’ambassade nous ont dit, ce qui est révélateur, qu’ils perdaient souvent leur temps à la promotion des exportations et que, étant donné leurs ressources limitées, ils s’attachaient plutôt à attirer des investissements au Canada, activité souvent plus rentable. Il faut faire davantage au Canada pour stimuler l’intérêt des petites entreprises pour le marché européen, les préparer pleinement à la tâche et, une fois qu’elles sont établies outre-mer, suivre leur évolution. Le Sous-comité recommande donc :

Recommandation 7 :

Que le gouvernement du Canada se consacre à nouveau au pays à intéresser les petites et moyennes entreprises aux marchés européens, à mieux préparer les entreprises qui s’ouvrent à l’Europe aux possibilités d’exportations vers le vieux continent et à les suivre une fois qu’elles sont établies outre-mer. Il faudrait affecter plus de ressources humaines et financières à ces objectifs.

            Enfin, des témoins en Europe ont dit au Sous-comité que les services à l’exportation du gouvernement du Canada souffraient de double emploi avec ceux des provinces, d’un manque d’intégration avec les associations d’entreprises nationales (p. ex. Chambre de commerce, Alliance des manufacturiers et des exportateurs) et d’un manque de ressources humaines ayant des compétences du secteur privé. Pour remédier à ces déficiences perçues, nous recommandons :

Recommandation 8 :

Que le gouvernement fédéral examine et modifie ses activités et ses ressources de promotion des exportations afin de s’assurer que ses activités complémentent celles des provinces, que des liens plus étroits soient établis avec les associations d’entreprises canadiennes et que des agents étrangers ayant des compétences du secteur privé soient recrutés pour aider à ouvrir les marchés européens aux entreprises canadiennes.

3. La promotion de l’investissement

            Côté investissement, il peut être assez difficile d’attirer les investisseurs européens au Canada, étant donné la puissance et le potentiel de l’économie américaine ainsi que la concurrence farouche que se livrent certains États et municipalités américains pour appâter les investisseurs étrangers. Il importe de montrer que le marché canadien est dynamique et concurrentiel, qu’il constitue un environnement attrayant et prometteur pour l’investissement.

            Le MAECI a dit au Sous-comité qu’il attachait beaucoup d’importance à la promotion en Europe de la «marque Canada» en matière d’investissement. Le message destiné aux investisseurs européens en puissance est que le Canada est un lieu privilégié pour les entreprises désireuses d’accéder au marché de l’ALENA. Notre pays présente pour avantages des conditions macro-économiques favorables, des coûts souvent inférieurs aux coûts américains, un roulement de la main-d’œuvre moindre qu'aux États-Unis (loyauté des employés plus grande), des programmes sociaux intéressants pour les investisseurs européens et une société moins procédurière. Le message à communiquer aux investisseurs potentiels est certes positif. En Allemagne, on a mentionné au Sous-comité l’importance de garder en place les bonnes assises économiques afin de préserver ces avantages pour les investisseurs.

            Pour stimuler l’investissement européen au Canada, le MAECI a lancé en Europe un programme dynamique auquel participent conseillers en investissement, ambassadeurs du Canada, chefs de mission en Europe et délégués commerciaux. Au lieu de mener une vaste campagne d’information afin d’attirer chez nous des investissements, on préfère cibler certains investisseurs, par exemple, les entreprises qui s'approvisionnent à l'échelle internationale. Le nombre d’appels d’entreprises a plus que doublé au cours des cinq dernières années. Le Sous-comité a constaté que cette approche était appréciée en Europe.

            Le gouvernement fédéral mène également un programme de jumelage avec des pays prioritaires dans le cadre duquel les sous-ministres appellent des entreprises de tel ou tel pays une fois l’an et cherchent à régler leurs préoccupations en matière d’investissement à un niveau supérieur. Le programme, administré par Partenaires pour l’investissement Canada (initiative conjointe du MAECI et d’Industrie Canada), a été répété dans la plupart des pays qui sont de grands partenaires du Canada en matière d’investissement et a donné lieu à des résultats tangibles (plus de 2 milliards de dollars en nouveaux investissements d’entreprises suédoises comme Ericsson, Astra, et Stora).

            À Bruxelles, le Sous-comité s’est fait dire par un haut fonctionnaire du Haut-commissariat du Canada à Londres que les mandats du MAECI en matière de commerce et d’investissement sont de nature très différente et que le gouvernement fédéral avait essentiellement chargé le Service des délégués commerciaux d’un nouveau mandat de promotion des investissements. Cependant, aucun mécanisme global ne sous-tend la promotion des investissements. Le discours du Trône d’octobre 1999 faisait allusion au lancement possible d’Équipe Canada Investissement, initiative devant permettre à un large éventail de ministères et d’organismes fédéraux, à d’autres gouvernements au Canada et au secteur privé de stimuler et de promouvoir l’investissement étranger (remplaçant ainsi le programme Partenaires pour l’investissement au Canada).

            Nous croyons qu’Équipe Canada Inc. aurait dû depuis longtemps comporter un tel volet. Il importe de coordonner les efforts fédéraux et provinciaux pour attirer des investissements en Amérique du Nord, établissant ainsi une relation complémentaire entre les deux niveaux de gouvernement. En outre, le Sous-comité a entendu parler en Europe de la nécessité de consacrer des ressources du MAECI au Canada au service «après-investissement». Comme 60 % des investissements proviennent d’entreprises qui ont déjà investi au Canada, on estimait qu’il fallait faire davantage pour encourager et faciliter ces investissements supplémentaires. Nous recommandons donc :

Recommandation 9 :

Qu’une Équipe Canada Investissement, intégrant les ressources des ministères et organismes fédéraux concernés, d’autres gouvernements au Canada et du secteur privé, et chargée de promouvoir l’investissement étranger, soit établie le plus tôt possible. Il faudrait également élaborer une stratégie nationale visant à attirer des investissements d’Europe et d’ailleurs en veillant à éliminer les chevauchements et le double emploi entre les divers niveaux de gouvernement. Dans le cadre de cette stratégie, il faudrait s’attacher aussi à encourager les entreprises étrangères déjà établies à réinvestir au Canada et à leur faciliter la chose.

            Enfin, le projet d’envoyer une mission de promotion du commerce et de l’investissement d’Équipe Canada en Europe a avorté en faveur d’une mission de recherche de nouveaux débouchés en Chine. Nous déplorons cette décision et nous espérons que l’Europe pourra être de nouveau considérée comme une destination prioritaire d’Équipe Canada. À cette fin, nous sommes heureux de l’engagement du gouvernement dans le discours du Trône de janvier 2001 à envoyer en Europe une mission de promotion de l’investissement d’Équipe Canada. Il serait par ailleurs des plus avantageux que cette mission cherche en priorité à élargir les relations commerciales transatlantiques. Le Sous-comité recommande donc :

Recommandation 10 :

Que le gouvernement fédéral ne ménage aucun effort pour que l’Europe redevienne une destination prioritaire des missions d’Équipe Canada et pour que la promotion du commerce et la promotion de l’investissement soient conçues comme des objectifs clés de ces missions.

C. Le libre-échange avec l’Europe

1. Canada-UE

            On est fondé à dire que, au niveau officiel, la relation transatlantique entre le Canada et l’Europe a cruellement besoin d’être relancée. Comme l’a déclaré au Sous-comité à Bruxelles Pascal Lamy (commissaire au commerce de l’UE), la bonne nouvelle au sujet de la relation, c’est qu’il ne semble pas y avoir de problème majeur, mais la mauvaise nouvelle, c’est que le potentiel de rapprochement n’a jamais été réalisé et qu’il reste beaucoup à faire. D’autres témoins à Bruxelles ont fait écho à ces observations. Rod Abbott (directeur général du commerce, Commission européenne) estime qu’il faudrait relancer les efforts pour améliorer les relations entre le Canada et l’UE, mais il n’est pas certain que le libre-échange soit la solution. Un député européen allemand a déclaré que le Canada était un pays important pour l’Europe et qu’il fallait redéfinir la relation bilatérale au cours des cinq à dix prochaines années. Pour sa part, James Bartleman (ambassadeur du Canada auprès de l’UE) a insisté sur le besoin d’une «potion magique» pour modifier la psychologie transatlantique actuelle.

            Nous croyons que cette « potion magique » pourrait bien prendre la forme d’un ou de plusieurs accords de libre-échange avec l’Europe. Depuis que le Canada a donné son appui en 1948 au concept d’une Communauté de l’Atlantique nord dans le cadre de l’OTAN, le libre-échange avec l’Europe est le Saint-Graal des relations commerciales transatlantiques. À l’automne de 1994, le ministre canadien du Commerce international a prononcé plusieurs discours en faveur d’un accord de libre-échange canado-européen. Reprenant cette idée dans le discours qu’il a prononcé au Sénat français en décembre 1994, le premier ministre a préconisé de joindre les régimes commerciaux de l’ALENA et de l’UE dans une Zone de libre-échange transatlantique. Il a réitéré cette proposition dans un discours qu’il a prononcé à Londres en octobre 1997.

            Depuis lors, le Canada a abandonné l’idée d’un accord UE-ALENA en faveur d’un accord bilatéral entre le Canada et l’UE. Pendant le sommet Canada-UE de décembre 1999, on a donné aux partisans d’un accord global de libre-échange entre le Canada et l’UE un certain espoir quant à la réalisation de ce projet. À ce sommet, le commissaire au commerce de l’UE, Pascal Lamy, a dit aux autorités canadiennes que, même si l’UE préférait conclure des accords de libre-échange avec des économies moins développées que le Canada9 et que certains États membres de l’UE (peut-être la France et l’Espagne) pouvaient avoir de fortes réserves, il serait prêt à étudier une solide analyse de rentabilité en faveur d’un accord de libre-échange.

            Plusieurs arguments militent en faveur d’un accord de libre-échange avec l’Europe. D’abord, selon les fonctionnaires du MAECI, le Canada compte parmi les huit entités géographiques (avec l’Australie, Hong Kong/Chine, le Japon, la République de Corée, la Nouvelle-Zélande, Singapour et les États-Unis) qui n’ont pas d’accord commercial préférentiel avec l’UE. L’absence d’un tel accord nuit sans aucun doute au Canada étant donné que le commerce tend à se faire avec des pays qui bénéficient du traitement favorable.

            Deuxième argument, le libre-échange entraîne l’abaissement des barrières tarifaires aussi bien que des barrières non tarifaires, lesquelles s’avèrent difficiles à supprimer. En modifiant la dynamique de notre relation, un accord de libre-échange permettrait de faire plus facilement des progrès en matière de barrières commerciales.

            Un troisième argument fait valoir l’élan psychologique qu’un accord de libre-échange donnerait à la relation commerciale transatlantique. Tout comme l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis a stimulé l’intérêt des milieux d’affaires canadiens pour les États-Unis, le Sous-comité a souvent entendu déclarer pendant son séjour en Europe qu’un accord entre le Canada et l’UE améliorerait sensiblement la visibilité du Canada en Europe et qu’il conduirait à une augmentation considérable des échanges avec les pays membres. En outre, les accords de libre-échange transforment habituellement la perspective des entreprises sur l’investissement. Lorsque le Sous-comité leur a demandé ce qu’ils pensaient d’un tel accord de libre-échange, un groupe de participants à une table ronde de l’industrie et du gouvernement allemands ont déclaré à l’unanimité qu’ils étaient en faveur.

            Pendant ses audiences, le Sous-comité a toutefois détecté un certain scepticisme sur les chances de réalisation d’un tel accord. On nous a informés que, mis à part les États nordiques plus libéraux de l’UE, l’idée d’un pacte de libre-échange suscitait peu d’enthousiasme en Europe. Le Canada n’est pas perçu dans certains milieux comme un pays assez important pour justifier la dépense de temps et d’argent nécessaire. Selon M. Abbott, par ailleurs, les bureaux de l’UE à Bruxelles n’ont pas la capacité administrative pour se charger de négociations bilatérales avec le Canada, surtout à un moment où l’attention est mobilisée par une nouvelle initiative multilatérale de libéralisation des échanges à l’OMC.

            En termes plus concrets, les vues initiales de la Commission européenne à ce sujet sont que, comme les droits de douane entre les pays développés sont déjà peu élevés, il n’y a peut-être pas beaucoup à gagner à un accord de libre-échange avec un pays comme le Canada. Il importe en revanche de travailler à l’élimination des obstacles non tarifaires, ce qui peut mieux se faire de toute façon dans un contexte multilatéral.

            Kathleen Macmillan (présidente, International Trade Policy Consultants Inc.) partage cette opinion. Selon elle, le libre-échange n’apporterait pas de grands avantages économiques et ne donnerait qu’une longueur d’avance temporaire sur les autres partenaires commerciaux non alignés de l’UE. Elle fait remarquer que les véritables obstacles au commerce transatlantique sont d’ordre réglementaire et que le Canada ne réussirait pas mieux que d’autres à les faire sauter. Enfin, elle soutient qu’il y aurait peu à gagner en matière d’investissements parce qu’il y a relativement peu d’obstacles de ce côté. Pour attirer davantage d’investissements, il faudrait des solutions canadiennes.

            Mesurer la réaction des milieux d’affaires européens à une éventuelle entente commerciale bilatérale est une autre histoire. Le Sous-comité a entendu dire que certains milieux n’y étaient pas favorables, mais il nous semble prématuré de considérer que ce sentiment reflète la position du monde des affaires. En tout cas, les participants à la table ronde de Berlin nous ont donné lieu de croire que les chefs d’entreprise et d’autres décideurs européens commençaient à jeter sur le libre-échange un regard plus favorable.

            Une grande question dans ce débat est de savoir si les Européens sont intéressés par des négociations de libre-échange (bilatérales ou plurilatérales) en agriculture. Le secteur agricole européen demeure très protégé et dépendant de subventions à l’exportation et de généreuses mesures de soutien. Il faudrait apporter à la politique agricole européenne des changements immédiats qui ne seraient pas politiquement populaires. Toute libéralisation du commerce agricole serait probablement modeste (si elle se fait de façon bilatérale) ou résulterait de négociations multilatérales qui pourraient obliger à des compromis dans d’autres domaines chers aux Européens. Cependant, un accord de libre-échange assorti d’un progrès modeste en agriculture vaudrait considérablement mieux que pas d’accord du tout, d’autant que l’agriculture compte pour moins de 10 % du commerce bilatéral total.

            Comme il a été dit, il semble que l’UE hésite à négocier des accords de libre-échange avec des pays développés extérieurs à l’Europe comme le Canada, préférant le faire avec d’autres pays pour des raisons stratégiques, géographiques. À la question de savoir pourquoi l’Europe a entrepris de négocier un accord de libre-échange avec le Mexique et non avec le Canada, M. Lamy a répondu que la part de l’UE dans le marché mexicain avait diminué sensiblement après la mise en œuvre de l’ALENA en 1995 et que, comme le commerce bilatéral intéresse les biens beaucoup plus que les services, c’était un accord relativement facile à conclure. En fait, les relations entre le Mexique et l’UE sont différentes des relations entre le Canada et l’UE dans la mesure où le niveau tarifaire moyen dans le commerce de l’UE avec le Mexique est considérablement plus élevé (environ cinq fois plus) que dans le commerce de l’UE avec le Canada et que les liens entre l’UE et le Canada en sont à un stade beaucoup plus avancé. En outre, les entreprises européennes voient dans le Mexique un tremplin pour accéder aux marchés d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud et il existe entre les secteurs agricoles mexicain et européen une certaine complémentarité qui n’existe tout simplement pas entre le Canada et l’UE. Enfin, M. Lamy se demande si, en négociant un accord sur les services, le Canada ne violerait pas les règles de l’ALENA sauf que, comme on l’a fait remarquer au Sous-comité, on ne le saura vraiment qu’une fois les négociations amorcées.

            Compte tenu de ces points de vue, pour que le Canada parvienne à conclure un accord commercial bilatéral, il faudra probablement que les Canadiens intéressent les Européens à la question et leur fassent la preuve que le libre-échange leur apporterait des avantages. Le MAECI achève une étude macro-économique sur les effets de l’élimination des droits de douane sur le commerce de marchandises entre le Canada et l’UE. Bien qu’il faille examiner plus à fond les impacts des barrières non tarifaires et d’autres questions comme l’investissement, le commerce des services et les règles d’origine, les résultats initiaux de l’étude sur l’élimination des droits de douane sont positifs10. Pour sa part, M. Lamy a noté qu’il lui fallait constater un avantage économique et politique clair au libre-échange avec le Canada avant d’aller de l’avant.

            Le Comité est d’avis que l’idée d’un accord de libre-échange mérite plus ample examen si cela pouvait améliorer l’accès aux marchés et accroître les échanges entre le Canada et l’Europe. L’étude que le MAECI achève doit être rendue publique aussitôt que possible, puis étendue aux effets d’une libéralisation des barrières non tarifaires. Les résultats de l’analyse de rentabilité complète devraient ensuite être publiés et discutés avec les Européens et les entreprises canadiennes à la moindre occasion. Pour sa part, M. Lamy a informé le Sous-comité que l’analyse de rentabilité canadienne offrirait à la Commission européenne un point de départ pour l’élaboration de la sienne. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 11 :

  2. Canada-AELE

            Le Canada entretient de solides relations commerciales avec les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), en l’occurrence la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. Le commerce bidirectionnel s’est élevé à environ 7,2 milliards de dollars en 2000, dont 1,3 milliard pour les exportations canadiennes. Il importe également de signaler que les entreprises des pays de l’AELE ont investi pour 4,6 milliards de dollars dans l’économie canadienne en 1999, notamment dans les secteurs des finances, de l’assurance, des produits chimiques, de la transformation du poisson et de l’exploitation gazière et pétrolière.

            Les négociations entreprises pour conclure un accord de libre-échange avec l’AELE — il s’agirait pour le Canada de sa première entente transatlantique — ont été entamées en octobre 1998. Trois faits regrettables se sont produits depuis. Premièrement, la couverture de l’accord a diminué par rapport aux intentions originales11. Le texte de l’accord encore en négociation porte principalement sur l’élimination des droits de douane industriels12, un peu sur la libéralisation de l’agriculture ainsi que sur une coopération nouvelle à l’égard de la facilitation du commerce et de la concurrence. Si un accord bilatéral est signé, il sera par conséquent de la « première génération », sans engagements nouveaux dans les domaines des services, de l’investissement, des marchés publics ou de la propriété intellectuelle13.

            Deuxièmement, bien que le cadre d’un accord continue d’exister, les négociations ont été rompues en mai 2000, principalement sur la question du traitement des navires et des produits marins industriels. Immédiatement avant cette séance de négociations, l’industrie canadienne de la construction navale avait décidé de retirer son appui au compromis consistant à éliminer graduellement le droit de douane canadien sur les produits susmentionnés en échange de la cessation immédiate du programme de subventions directes de 9 % de la Norvège. L’industrie canadienne prétendait à ce moment que cet arrangement penchait encore en faveur de la Norvège étant donné que les constructeurs de navires norvégiens disposeraient encore de certaines formes de protection en dehors du programme de subventions susmentionné. Depuis ce temps (décembre 2000), la Norvège a accepté d’éliminer ses subventions directes sauf que le Sous-comité a appris qu’elle avait également signé un certain nombre de contrats de construction navale bénéficiant de trois années de subventions (en vertu de l’ancien programme) tout juste avant la fin de l’année.

            Du point de vue de la Norvège, cependant, un accord Canada-AELE sans libéralisation de la construction navale serait peu intéressant sur le plan économique. Pour faire avancer les négociations, la Norvège a déposé en mars une proposition destinée à donner plus de flexibilité au Canada pour éliminer graduellement les droits de douane applicables aux navires et aux produits marins industriels.

            Une dernière complication est survenue le 5 avril avec la publication du rapport d’un groupe de travail industriel sur la construction navale canadienne. Une des recommandations clés consistait à « résister aux demandes des autres pays de changer les dispositions de la politique canadienne de construction navale jusqu’à ce que l’industrie canadienne soit capable de surmonter les effets à long terme des politiques de subventionnement et des prix inéquitables des autres pays ». Ce rapport empêche maintenant de réaliser des progrès sur le front du libre-échange européen, mais les deux parties réfléchissent à la meilleure façon de faire avancer les négociations. Aucune date n’a encore été fixée pour la prochaine série de négociations.

            Le Sous-comité est déçu des rapports actuels du Canada avec l’AELE et espère que l’épineuse question de la construction navale pourra être réglée d’une manière ou d’une autre. Nous croyons que l’aboutissement des négociations revêtirait une grande valeur symbolique et comme l’a noté William Rossier (le secrétaire général de l’AELE), l’UE verrait cela d’un très bon œil. Nous sommes conscients que le libre-échange avec l’AELE est en soi digne d’intérêt, mais nous croyons qu’il pourrait en plus constituer un point d’entrée valable dans notre quête du libre-échange avec l’Europe. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 12 :

Que le gouvernement fédéral se voue de nouveau à la conclusion dès que possible d’une entente de libre-échange « de première génération » avec l’Association européenne de libre-échange, puis amorce d’autres négociations dans le but de conclure un accord plus large, « de seconde génération », d’ici la fin décembre 2002.

 

D. Avancer sur le front de l’OMC

   1. Les perspectives d’une nouvelle série de négociations

            Alors que le Canada met beaucoup l’accent sur la libéralisation du commerce bilatéral, tout en gardant une optique multilatérale, l’UE se concentre carrément sur le lancement d’un nouveau cycle global de libéralisation du commerce multilatéral à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève. Il ne fait aucun doute, comme M. Abbott l’a fait remarquer au Comité, que l’OMC mène à une « libéralisation commerciale avec effet maximal ». Bon nombre des problèmes qui entravent la relation bilatérale entre le Canada et l’UE pourraient se régler avec le lancement d’une nouvelle ronde de négociations. Bien que les négociations sur le « programme incorporé » aient commencé (c.-à-d. l’agriculture et les services), il faudra vraisemblablement élargir les négociations pour réaliser de véritables progrès dans ces deux domaines.

            Or, il n’est pas certain du tout en ce moment qu’un nouveau cycle sera entrepris cette année. Il reste des divergences d’opinion considérables entre les principaux acteurs et l’inefficacité de l’OMC à prendre des décisions est notoire. On ne s’entend donc pas encore sur un programme de négociation d’un cadre réaliste qui réponde aux besoins des membres de l’OMC14. Même si la décision d’aller de l’avant était acceptée officiellement à Doha au Qatar (le lieu de la Quatrième conférence ministérielle de l’OMC) en novembre, les négociations dureraient des années.

            Quels sont les principaux obstacles à la mise en marche de nouvelles négociations? Le premier écueil est l’absence d’une entente au sein des pays de la Quadrilatérale (le Canada, les États-Unis, l’UE et le Japon) sur un programme de base réaliste. L’installation de la nouvelle administration américaine a certes retardé les choses. L’absence d’une autorité de promotion du commerce pour le président américain (c.-à-d. la procédure accélérée) et le fait que le Congrès ne penche pas en faveur du libre-échange ont suscité de l’incertitude concernant la position précise des États-Unis en prévision de la nouvelle ronde. Comme M. Abbott l’a fait remarquer au Sous-comité, de nombreux pays s’engageraient dans une nouvelle série de négociations s’ils percevaient un signal positif de la part des Américains.

            La relation entre l’UE et les États-Unis est critique. À Genève, le Sous-comité a appris que même si les rapports personnels entre le représentant au commerce des États-Unis et le commissaire au commerce de l’UE étaient favorables, des divergences de vues persistaient quant à l’ampleur du programme de négociation. Les Européens continuent de réclamer un cycle de négociations complet, incorporant par exemple la concurrence, l’investissement et le développement durable. Comme l’a fait remarquer Carlo Trojan (ambassadeur de la Commission européenne auprès de l’OMC), un cycle de négociations complet est la meilleure formule pour réaliser l’accès au marché. Si l’OMC ne parvient pas à réaliser un cycle complet, a-t-il insisté, il perdra sa pertinence. Pour leur part, les Américains envisagent un programme de négociation limité mais d’une portée quand même assez vaste. Ils hésitent à inclure des questions comme la concurrence et l’investissement. Comme l’OMC souhaite prendre une décision au sujet de la nouvelle ronde d’ici le milieu de l’été, il est urgent d’encourager les deux parties à se rapprocher.

            L’accord des pays de la Quadrilatérale sur un programme de négociation de base pourrait amener d’autres pays développés et en développement à graviter autour de ce programme, mais pour lancer une nouvelle ronde avec réalisme, il faudra pouvoir bien répondre aux doléances des pays en développement. Le plan en quatre points de Mike Moore (directeur général de l’OMC) — à savoir amélioration de l’accès au marché, souplesse dans l’application des obligations de l’OMC, plus grande participation aux décisions de l’OMC, aide technique reliée au commerce — n’a pas suscité la confiance nécessaire, étant donné que la plupart des pays développés ne sont pas prêts à offrir de nouvelles ouvertures de marché importantes ni à faire preuve de souplesse sur la mise en œuvre en dehors des nouvelles négociations. Ils essaient plutôt de montrer que ces aspects seront réglés dans la prochaine ronde.

            Sergio Marchi (ambassadeur canadien à l’OMC) a dit aux membres du Sous-comité que les pays en développement ont maintenant « une voix puissante à la table » et qu’ils sont plus unis que les pays développés. Un grand nombre entretiennent toutes sortes de préoccupations au sujet de la mise en œuvre. Par exemple, ils n’ont pas encore fini de digérer les obligations découlant de l’ancienne ronde de l’OMC (l’Uruguay Round) et, d’un autre côté, ils n’ont pas encore réalisé l’accès au marché qui leur avait été promis (p. ex. dans les textiles). Le fait que leurs attentes vis-à-vis la ronde précédente de libéralisation du commerce n’ont pas été réalisées les fait hésiter à prendre de nouveaux engagements aujourd’hui.

            Mais tout n’est pas négatif sur ce front. Selon M. Lamy, la plupart des pays en développement ont compris que l’absence d’une nouvelle ronde serait pire que les inconvénients de celle-ci, étant donné que l’accélération prévue des arrangements régionaux ne tiendrait pas nécessairement compte d’eux et que le non-traitement des enjeux sur la table de l’OMC engendre des hostilités commerciales (comme en agriculture). Les pays en développement sont les plus grands bénéficiaires d’un système commercial multilatéral réglementé. Autre point positif : ces pays ne constituent pas un groupe tout à fait homogène; même le petit nombre de pays de ce groupe qui affichent une ligne dure ne sont pas opposés uniformément sur chaque point. Selon un fonctionnaire canadien haut placé à Genève, l’important sera d’intégrer la question de la mise en œuvre dans le Cadre du Qatar et de rendre la prochaine ronde déterminante pour le développement.

            Le Sous-comité est conscient qu’il faut éviter l’impression que l’OMC a de nouveau échoué dans sa tentative de lancer une nouvelle ronde (comme ce fut le cas durant les préparatifs de Seattle). Il conclut donc à l’urgence de mettre en branle un nouveau programme de négociation. Nous espérons que le Canada pourra contribuer à combler le fossé pour ce qui est des divergences de vues au sein de la Quadrilatérale et de la volonté des pays en développement de souscrire à un cadre de négociation. Nous recommandons par conséquent :

Recommandation 13 :

Que le gouvernement du Canada accélère ses efforts visant à obtenir un consensus, au sein du groupe de pays constituant la Quadrilatérale et entre pays développés et en développement, à propos d’un ordre du jour, élargi mais gérable, des prochaines négociations portant sur la libéralisation du commerce multilatéral organisées sous l’égide de l’OMC.

2. Autres préoccupations concernant l’OMC

            Trois autres préoccupations au sujet de l’OMC ont été portées à notre attention à Genève. La première est la nécessité de rendre la prise de décisions plus efficace dans cette organisation. En ce moment, les décisions sont prises par consensus entre les pays membres et sont ensuite ratifiées par les Parlements. Dans ce modèle de consensus, plusieurs témoins en Europe ont fait remarquer que la prise des décisions est incroyablement lente. Une fois une décision prise, toutefois, chacun est tenu de la respecter et il est presque impossible de la renverser ce qui donne aux décisions une forte légitimité. Comme l’a fait remarquer Andrew Stoler (directeur général adjoint de l’OMC), l’OMC est l’organisation internationale qui met le plus l’accent sur la souveraineté des pays. M. Moore a fait écho à ce sentiment, faisant observer que « l’OMC est emprisonnée par sa culture » et que « personne n’a le vote et tout le monde a le veto ».

            Selon M. Trojan, le consensus n’est pas une formule à privilégier pour rendre une organisation efficace. L’institution devrait être davantage motivée par l’urgence de la gestion et marier le besoin de transparence et d’inclusion avec celui d’une prise de décisions efficace. Conscient de la difficulté de changer le système, il s’est toutefois déclaré en faveur d’établir un petit organe de décision représentatif au sein de l’organisation. Une des raisons de l’échec des négociations de Seattle en novembre 1999 était le sentiment, pour de nombreux pays en développement, d’être exclus des négociations de fond. On pourrait simplifier le processus de décision en ayant un groupe de coordination représentatif comme le G-20 au sein de l’OMC qui communiquerait bien avec les autres pays. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 14 :

Que le Canada, en collaboration avec les pays ayant les mêmes visées que lui, comme ceux représentés par l’Union européenne, encourage les membres de l’Organisation mondiale du commerce à créer un mode de prise de décisions plus efficient au sein de l’OMC tout en respectant la souveraineté des divers pays, les impératifs de transparence et le besoin de créer un consensus au sein de l’institution.

            Deuxièmement, le besoin d’une meilleure coordination stratégique entre les institutions internationales comme l’OMC, la Banque mondiale, le FMI, l’OIT et d’autres organisations multilatérales et régionales sur le commerce international et le développement a été porté à notre attention. Les ambassadeurs des États-Unis et de l’Union européenne à l’OMC étaient tous deux d’avis que l’on n’essaie pas assez de coordonner ces organisations internationales. M. Moore a mis au défi les parlementaires d’être vigilants à l’égard des institutions mondiales et de réclamer leur restructuration. Plusieurs témoins ont remis en question l’utilité de certaines institutions, réclamant d’autres mesures pour rationaliser le réseau existant. Le Comité est d’accord avec ces deux points et recommande :

Recommandation 15 :

Que le Canada lance avec détermination une campagne mondiale visant à examiner en profondeur les organismes mondiaux œuvrant dans le domaine du commerce et du développement afin d’établir un réseau plus efficace, plus homogène et plus efficient. Lorsque ces institutions n’auront plus de raison d’être, elles devraient être démantelées.

            En dernier lieu, le Sous-comité a été frappé d’entendre un certain nombre d’ambassadeurs à l’OMC dire à quel point il est important de rationaliser le mécanisme de règlement des différends à Genève. Il faut redoubler d’efforts pour éviter les litiges et contrer la tendance, encore faible mais croissante, au non-respect des décisions de l’OMC (p. ex. l’affaire des hormones bovines du Canada contre l’UE). Il importe aussi d’examiner la possibilité de verser un dédommagement comme solution de rechange aux représailles. Nous recommandons par conséquent :

Recommandation 16 :

Que le gouvernement du Canada encourage les États membres de l’OMC à entreprendre un examen complet des possibilités d’accroître l’efficience du mécanisme actuel de règlement des conflits. Il faudrait notamment analyser avec soin la nécessité d’établir des limites de temps en matière de respect des règles de l’OMC et l’utilité d’accorder une priorité plus élevée au dédommagement, par opposition aux représailles, comme mode de règlement des conflits.

E. Renforcer les liens transatlantiques officiels

            Le Canada entretient avec l’Union européenne des liens divers, comprenant à la fois des initiatives gouvernementales et un projet du secteur privé financé par le gouvernement. Le principal instrument bilatéral régissant les relations économiques est l’Accord cadre de coopération commerciale et économique de 1976, qui a donné naissance à un certain nombre de comités consultatifs. En 1990, une Déclaration transatlantique a également été signée. Plus récemment, la Déclaration politique et le Plan d’action communs de 1996 ont établi des objectifs d’élargissement des relations bilatérales, et des ententes sont intervenues dans divers domaines : la coopération douanière, l’équivalence vétérinaire, le droit de la concurrence et la reconnaissance mutuelle des vérifications de conformité des produits réglementés. Les liens officiels permanents consistent en un sommet semestriel auquel participent le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international, ainsi qu’en un comité mixte de coopération qui se réunit une fois par année. Ce comité comprend un sous-comité du commerce et de l’investissement qui se réunit une fois ou deux par année.

Des témoins ont dit au Comité que les efforts visant à resserrer les liens commerciaux entre l’UE et le Canada n’avaient pas toujours été couronnés de succès dans le passé, mais certaines initiatives bilatérales récentes semblent plus prometteuses. Il s’agit notamment de l’Initiative commerciale Canada-Union européenne (ICCUE), de la mise sur pied d’une table ronde Canada-Europe (TRCE) et du programme Traverser l’Atlantique.

  1. Initiative commerciale Canada-Union européene (ICCUE)

            L’ICCUE a été lancée en décembre 1998 pour officialiser le volet commercial du Plan d’action commun, l’objectif premier étant d’accroître l’accès aux marchés (à savoir l’accès des sociétés canadiennes au marché de l’UE) et la coopération économique bilatérale. Ses objectifs concernent un certain nombre de domaines, dont la coopération en matière de réglementation, les services, les marchés publics, la propriété intellectuelle, la concurrence, la coopération culturelle, les contacts entre entreprises, et le commerce électronique. Elle encourage aussi les consultations régulières sur les questions traitant du commerce multilatéral. Mais étant donné les obligations de la nation la plus favorisée auxquelles le Canada et l’UE sont assujettis — par exemple, nous ne pouvons pas négocier bilatéralement des concessions tarifaires avec l’UE sans accorder les mêmes conditions à tous les membres de l’OMC —, l’ICCUE ne saurait servir d’instrument de libéralisation accrue du commerce15. Par son envergure, l’ICCUE ressemble à l’initiative de commerce bilatéral conclue entre l’UE et les États-Unis (le partenariat économique translantique).

            Mais l’ICCUE a quand même donné des résultats, bien que limités. L’Accord Canada-UE sur l’application de la législation de la concurrence a été signé en juin 1999. La TRCE, formée d’entreprises canadiennes et européennes, s’est réunie deux fois, et elle poursuit ses efforts pour recruter plus de membres. Les discussions bilatérales sur les exportations de vins et d’alcools ont donné des débouchés européens pour les vins de glace et les autres vins de qualité certifiée canadiens. La mise en œuvre de l’Accord de reconnaissance mutuelle Canada-UE sur la vérification de la conformité16 se poursuit, même si les progrès sont lents. La création du Groupe de travail sur l’avancement des équivalences pourrait mener à l’harmonisation des normes dans certains domaines. Et si le dossier de l’accord de reconnaissance mutuelle sur les services professionnels progressait, cela serait certainement utile, de même que la poursuite du dialogue sur les enjeux biotechnologiques.

            La principale critique contre l’ICCUE que le Sous-comité a entendue en Europe est qu’elle n’est active que dans certains secteurs. Et selon Claude Carrière (directeur général, Politique commerciale générale, MAECI), les questions examinées par l’ICCUE sont complexes et nécessitent un dialogue transatlantique continu. Par exemple, la mise en œuvre des accords sectoriels de reconnaissance mutuelle (ARM) peut mobiliser beaucoup de ressources et prendre du temps. Souvent, le problème tient au fait que les systèmes de réglementation des deux côtés de l’Atlantique sont différents. C'est ainsi, comme le note M. Carrière, que les résultats se feront attendre au début. Par ailleurs, une collaboration plus étroite devrait prévenir les irritants dans les relations commerciales bilatérales.

            Nous croyons que des efforts devraient être faits pour réduire les obstacles et faciliter l’accès aux marchés européens, tout en continuant de rechercher un accord de libre-échange. Il faut poursuivre la négociation d’ARM au niveau Canada-UE, pour élargir l’application des normes de reconnaissance mutuelle. Il y aurait lieu de trouver d’autres mécanismes pour la facilitation des formalités douanières et de meilleurs mécanismes bilatéraux devraient être établis pour régler les problèmes commerciaux. Selon M. Keyes, les obstacles non tarifaires (comme les exigences et normes techniques complexes) doivent être examinés en permanence puisqu’ils sont plus cruciaux pour le commerce que les droits de douane. Le Sous-comité recommande donc :

Recommandation 17 :

Que le gouvernement fédéral redouble d’efforts pour élargir les relations bilatérales Canada-UE. Dans le cadre de l’Initiative commerciale Canada-Union européenne, diverses mesures pourraient être prises : négocier des accords de reconnaissance mutuelle dans un plus grand nombre de secteurs industriels, poursuivre les efforts de facilitation du commerce, établir de meilleurs mécanismes bilatéraux pour prévenir les irritants commerciaux. Il y aurait lieu d’envisager la création d’un groupe bilatéral dépendant de l’ICCUE qui serait chargé d’examiner systématiquement les obstacles au commerce Canada-UE découlant des normes réglementaires.

   2. Table ronde Canada-Europe (TRCE)

            La table ronde Canada-Europe est un autre lien bilatéral récent. Elle a été créée en juin 1999 avec l’aide du MAECI et de la Commission de l’UE. Il s’agit essentiellement d’un groupe consultatif de gens d’affaires des deux côtés de l’Atlantique désireux de développer et resserrer les liens transatlantiques et de faire profiter tant l’UE que le Canada de leurs vues sur le commerce et l’investissement. À long terme, la TRCE espère devenir le principal promoteur de la libéralisation du commerce entre le Canada et l’UE.

            La table ronde est née de l’initiative de plusieurs entreprises canadiennes et européennes installées à Bruxelles, dont l’intention était de favoriser un dialogue d’entreprise à entreprise entre le Canada et l’UE, à la suite de l’échec des discussions en vue de « trilatéraliser » le Transatlantic Business Dialogue EU-UE. Roy MacLaren, ancien ministre du Commerce international, vient d’accepter la coprésidence canadienne de la TRCE, qui compte maintenant un directeur exécutif canadien à temps partiel (André Bouchard).

            Jusqu’ici, la table ronde a été une réplique assez modeste du Transatlantic Business Dialogue entre les EU et l'UE. Deux réunions ont été tenues depuis les débuts, mais les progrès ont été plutôt lents et les participants tant canadiens qu’européens commencent à peine à s’attaquer aux défis du recrutement et du financement. Cela est regrettable, car les commentaires entendus en Europe vont dans le sens que des pressions accrues doivent être exercées par les entreprises sur les décideurs pour que les dossiers progressent, qu’il s’agisse des ARM, de la facilitation du commerce, et ainsi de suite.

            Pour que la table ronde réussisse à promouvoir les intérêts stratégiques et, au bout du compte, la libéralisation du commerce, il faut absolument encourager une plus grande participation du secteur privé des deux côtés de l’Atlantique. Jayson Myers (premier vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et exportateurs du Canada) croit qu'il vaudrait la peine que la table ronde tente d’établir une relation officielle entre entreprises canadiennes faisant des affaires en Europe et entreprises européennes faisant des affaires au Canada, pour discuter des problèmes et des possibilités de commerce et d’investissement et pour établir des contacts personnels.

            Jusqu’à présent, la table ronde s’est surtout adressée aux grandes entreprises. Mais il est important que les PME puissent y participer activement, étant donné leur rôle de plus en plus important dans les relations économiques transatlantiques. On pourrait ainsi envisager d’abaisser les frais d’adhésion de 6 000 dollars américains, qui risquent de décourager les petites entreprises.

            Enfin, dans le mémoire remis au Sous-comité en mai 2001, la TRCE réclame un financement accru de ses activités en 2002 et en 2003. Nous croyons que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle utile pour maintenir la table ronde sur sa lancée. Le Sous-comité recommande donc :

Recommandation 18 :

Que le gouvernement fédéral augmente sa contribution financière et encourage activement les entrepreneurs à participer à la table ronde Canada-Europe (TRCE). Il devrait également recommander à la TRCE de revoir sa formule de droits d’adhésion afin de favoriser une plus grande participation des petites et moyennes entreprises.

  3. Traverser l’Atlantique

            Le programme Traverser l’Atlantique est un autre mécanisme bilatéral qui tente de créer des débouchés commerciaux pour les petites entreprises. Cette initiative englobe une série de programmes conçus pour aider les exportateurs novices, particulièrement dans le secteur de la haute technologie, à pénétrer le marché européen. L’idée est d’amener les gens d’affaires qui ont réussi à percer le marché à communiquer leurs connaissances aux nouveaux exportateurs au chapitre de la préparation de l’entreprise, au moyen d’une formule appelée « café-carrefour ».

  4. Liens divers

            Divers mécanismes bilatéraux lient le Canada à certains pays européens (plans d’action avec la France, le Royaume-Uni, l’Italie), en plus de commissions économiques avec des pays non membres de l’UE, comme la Russie et l’Ukraine. Ces dernières amènent les hauts fonctionnaires et ministres du Commerce à se réunir régulièrement.

            En conclusion, les déclarations d’intention entre le Canada et l’UE ont souvent donné peu de résultats concrets dans le passé. À notre avis, l’ICCUE est une version améliorée de ces mécanismes bilatéraux, mais son rythme de travail doit s’accélérer. Les témoignages reçus par le Sous-comité indiquent une volonté de voir le gouvernement fédéral relancer les relations commerciales entre le Canada et l’UE.

F. Réduire les barrières commerciales européennes

            Dans l’ensemble, le Canada jouit d’une relation commerciale fort acceptable, sans être spectaculaire, avec l’UE. Le commerce bilatéral des biens et services entre le Canada et l’Union européenne dépasse les 60 milliards de dollars. Malgré un accès relativement favorable au marché européen, comme dans toute relation commerciale d’envergure la nôtre est ponctuée de difficultés. Ainsi, avec les obstacles tarifaires et non tarifaires de l’UE, il est parfois difficile de faire des affaires en Europe.

            Si la plupart des échanges se font librement, il ne fait aucun doute que les entreprises canadiennes se sont heurtées à de véritables barrières en Europe, notamment pour le calcul des droits de douane, les règles douanières, l’étiquetage, l’homologation, les règles sanitaires et phytosanitaires, la réglementation, la structure des réseaux de distribution. Ces obstacles peuvent freiner l’entrée de nos entreprises sur le marché européen et même en dissuader certaines de tenter leur chance. Le Sous-comité a déjà recommandé que le gouvernement fédéral accorde une priorité à l’examen de ces obstacles.

            Nos relations économiques bilatérales sont d’une telle ampleur qu’il ne faut pas s’étonner de l’existence de certains irritants. Ces dernières années, les relations commerciales Canada-UE ont continué d’être marquées par des frictions de longue date, mineures certes, mais néanmoins importantes, concernant les barrières tarifaires et non tarifaires qui frappent des produits comme le vin, le bois d’œuvre, le poisson et les fruits de mer, le bœuf élevé aux hormones de croissance, le blé, les produits transgéniques comme le canola. D’autres différends, concernant des produits comme l’amiante, les produits pharmaceutiques et l’automobile, ont été réglés récemment dans le cadre de l’OMC.

            Bon nombre de ces dossiers progressent lentement parce qu’on ne parvient pas à lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales et que les progrès bilatéraux souffrent à la fois d’un manque de volonté politique et des réalités politiques du secteur agricole de l’UE (voir plus loin). Le malheur, c’est que certains de ces dossiers commerciaux sont restés en plan pendant longtemps et que les efforts déployés pour trouver des solutions ont sans doute empêché les responsables gouvernementaux de se consacrer à un objectif plus noble, à savoir l’amélioration des relations commerciales dans leur ensemble.

            L’attention accordée à ces différends relativement mineurs occulte les relations économiques généralement positives que nous entretenons avec l’UE. Dans certains cas, cependant, il faut dire que ces irritants font ou ont fait l’objet d’un examen rigoureux. Dans plusieurs cas — on peut penser aux normes réglementaires —, le Canada et l’UE travaillent de concert à régler ces problèmes. Le système de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est un autre moyen pour supprimer ces irritants. En bout de ligne, il est essentiel d’explorer les deux options : se doter de mécanismes bilatéraux efficaces pour régler les différends ou recourir à ceux de l’OMC.

            Le Sous-comité pense comme M. Paterson qu’il serait de loin préférable que la question des barrières commerciales ne nuise pas à l’exploitation de débouchés en matière de commerce et d’investissement. Celui-ci estime qu’il faut mettre davantage l’accent sur le commerce et l’investissement dans la nouvelle économie, à savoir le secteur des technologies de pointe, où il existe peu de barrières au commerce, sauf peut-être pour les normes du matériel de télécommunications dont on souhaite la normalisation à l’échelle de l’Europe. Les politiques européennes dans des domaines comme le commerce électronique, le commerce des services, la déréglementation et la privatisation, la propriété intellectuelle et les règles de concurrence sont déterminantes pour les perspectives de croissance des entreprises canadiennes de haute technologie sur le marché de l’UE.

  1. Obstacles au commerce agricole

            Il n’y a rien d’étonnant à ce que le secteur agricole et agroalimentaire ait donné lieu à un nombre disproportionné de différends commerciaux entre le Canada et l’UE. Depuis une bonne quarantaine d’années, l’agriculture est une pomme de discorde dans les négociations commerciales. Par exemple, les négociations multilatérales du cycle d’Uruguay qui ont donné naissance à l’OMC contenaient relativement moins de concessions sur l’agriculture que dans les autres secteurs.

            Néanmoins, le Canada a connu plusieurs succès en UE. Seuls trois pays, dont le Canada, ont un accord sur les normes vétérinaires avec l’UE, qui réglemente le commerce des animaux, du poisson et des produits du poisson. L’accord prévoit des mécanismes permettant la reconnaissance de mesures sanitaires équivalentes entre le Canada et l’UE en vue de faciliter les échanges commerciaux. En outre, le Canada exporte de fortes quantités de viande de bison et de cheval en UE, ainsi que des légumes, comme les graines de lentille et de moutarde (dont celles qui entre dans la fabrication de la moutarde de Dijon).

            Dans les relations Canada-UE, les irritants du commerce agricole ont essentiellement trois sources : la politique agricole commune (PAC) de l’UE, la préoccupation de longue date des Européens en matière de sécurité alimentaire (due à une série de catastrophes sanitaires), ainsi que les irritants commerciaux habituels.

  a) La politique agricole commune de l’UE

            La politique agricole commune (PAC) de l’UE et la protection qu’elle assure aux producteurs agricoles européens constituent pour le Canada une préoccupation capitale en matière de commerce bilatéral. En subventionnant la production agricole, la PAC a permis à l’Europe, autrefois un importateur net d’aliments, de devenir un important exportateur net17. Le droit de douane agricole moyen de l’UE est quatre fois plus élevé que celui du Canada, et les prix de soutien élevés et le réseau de subventions font des agriculteurs de l’UE les plus subventionnés du monde.

            La PAC, par son utilisation de subventions liées à la production, entraîne une surproduction des produits agricoles de base. Cette production excédentaire est achetée au prix d’intervention de l’UE, qui est beaucoup plus élevé que les prix mondiaux. L’UE subventionne ensuite l’exportation de ces produits, ce qui permet de les vendre à des prix compétitifs sur les marchés mondiaux. Cela tend à faire baisser les prix mondiaux et à restreindre l’accès des producteurs canadiens aux tiers marchés. Selon Mike Gifford (conseiller commercial spécial auprès du sous-ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada), l’UE versait au moins 85 % des subventions à l’exportation des produits agricoles dans le monde. Les barrières tarifaires conventionnelles, ainsi que les mesures de soutien internes et la réglementation adoptée, restreignent l’accès du Canada au marché agricole européen. De point de vue du Sous-comité, la PAC est une barrière commerciale coûteuse.

            Déjà, l’Agenda 2000 de l’UE a fait diminuer légèrement les mesures de soutien des prix agricoles et n’a pas éliminé les subventions directes liées à la production18. Le gouvernement canadien est d’avis qu’il faut continuer de presser l’UE à réformer la PAC, mais des témoins de l’UE et d’ailleurs, dont le commissaire au commerce de l’UE, Pascal Lamy, ont dit au Sous-comité que l’UE elle-même subissait déjà des pressions de l’extérieur et de l’intérieur pour qu’elle réforme la PAC, et que cette réforme — sans doute substantielle — est inévitable.

            Le Sous-comité a appris que bien des Européens se demandent pourquoi les agriculteurs — et non d’autres groupes — devraient être subventionnés à ce point. Toutefois, les plus fortes pressions viendront probablement de l’élargissement prévu de l’UE. Ainsi, quelque 15 à 20 % du PIB de la Pologne est généré par le secteur agricole qui emploie aussi 25 % de la population (contre 3 % en Allemagne). Si la PAC est étendue sans changement au reste de l’Europe orientale qui est relativement peu développée, comme certains candidats à l’élargissement l’exigent, elle fera monter le pourcentage de la population dans le secteur agricole. Cela aura ensuite pour effet de gruger plus de la moitié du budget que l’UE consacre actuellement à la PAC, une contrainte inadmissible pour elle. De plus, les finances de la France, qui est le pays le plus favorable à la PAC, sont serrées. Il est donc peu probable que celle-ci, ou tout autre membre de l’UE à ce compte, appuie une augmentation du budget de la PAC.

            De l’extérieur, l’OMC et la perspective d’une nouvelle ronde continueront d’exercer de fortes pressions sur la PAC. En 2003, la « disposition de paix » prévue dans l’Accord de l’OMC sur l’agriculture sera échue et les subventions de l’UE pourront être contestées. Toutefois, des témoins ont dit au Sous-comité qu’un tel stimulant pourrait être utile, mais que la lourdeur du mécanisme de règlement des différends de l’OMC en limitait l’utilité.

            La PAC sera modifiée. L’Agenda 2000 doit être revu en 2002. Le commissaire à l’agriculture, Franz Fischler, a indiqué qu’il s’attend que d’autres modifications devront être apportées aux niveaux de soutien, après cet examen à mi-terme, à moins d’une remontée importante des prix. Le commissaire au commerce de l’UE, Pascal Lamy, a dit au Sous-comité qu’il ne prévoit aucune difficulté à engager l’UE à réduire ses subventions à l’exportation et son soutien intérieur et à améliorer l’accès à son marché. Au cours des audiences qu’il a tenues en Europe, le Sous-comité s’est souvent fait dire que le scénario le plus probable ne prévoit aucun changement net dans le financement, mais un soutien du revenu des agriculteurs plutôt que des prix, donc un « découplage » des subventions à la production qui faussera moins les échanges commerciaux.

            Cela s’inscrit dans l’optique de l’UE qui s’est faite le champion de la multifonctionnalité. Cette approche met l’accent sur les avantages non économiques de l’agriculture (p. ex. les loisirs, la préservation d’un paysage rural agréable, le tourisme, le maintien du mode de vie rural, l’écologie), ce qui permettrait à l’UE de changer ses subventions en soutien à l’environnement, à la préservation des paysages et aux régions. Les témoins de la Commission de l’UE ont dit au Sous-comité que ce changement devrait fausser moins les échanges commerciaux, mais la multifonctionnalité est considérée par certains comme un moyen pour l’Europe de continuer à justifier des mesures importantes de protection et de subvention à l’exportation. Le Sous-comité est d’avis que le Canada, par l’entremise de l’OMC, devrait continuer d’exercer des pressions sur l’UE pour s’assurer que la multifonctionnalité n’est pas un prétexte au protectionnisme. Nous recommandons par conséquent :

Recommandation 19 :

Que le gouvernement du Canada veille à ce que toute aide assurée par l’UE pour préserver la multifonctionnalité de l’agriculture ne soit pas de nature à fausser les échanges commerciaux. Le gouvernement devrait, de concert avec l’UE, élaborer une définition internationale du principe de la multifonctionnalité.

            Il faut donc se demander à quel rythme se produira la prochaine réforme de la PAC puisque le contexte politique régissant l’agriculture en Europe est extrêmement sensible et complexe. Selon M. Gifford, il est raisonnable d’envisager l’horizon de 2002-2003. Entre-temps, il ne faut pas s’attendre à d’autres interventions, des élections étant prévues en France et en Allemagne, les deux principaux membres de l’UE.

            Le simple jeu de l’économie et les pressions de l’extérieur sont des facteurs importants, mais on est loin d’une réforme en profondeur de la PAC. Même si elle est souvent considérée en termes purement économiques, la PAC est d’une importance vitale, sur les plans tant économique que culturel, pour l’UE (surtout pour la France qui, avec l’Allemagne, constitue le noyau de l’UE). Le Sous-comité a appris que, dans la structure actuelle de la PAC, la France reçoit plus d’argent de Bruxelles qu’elle n’en donne. L’ambassadrice des É.-U. à l’OMC, Rita Hayes, a indiqué qu’il vaut mieux s’attacher à pousser l’UE à changer de cap.

            Le Sous-comité est d’accord avec cette évaluation : la réforme de la PAC est inévitable, mais le Canada devrait faire pression pour s’assurer que la réforme répond autant que possible à ses préoccupations. La conjoncture actuelle est très favorable pour le Canada (et l’UE). Comme M. Lamy l’a dit au Sous-comité, la réflexion en cours sur la PAC en Europe et l’élargissement de l’UE lui permettra d’opérer plus facilement des changements, vraisemblablement dans le cadre de négociations multilatérales sur le commerce.

            D’après les témoignages recueillis au Canada et en Europe, le Sous-comité est d’avis que les négociations permanentes de l’OMC sur l’agriculture, jumelées à une nouvelle ronde de pourparlers de l’OMC, constituent pour le Canada le meilleur moyen d’influencer positivement la réforme de la PAC. Plusieurs témoins ont répété que la meilleure façon de progresser en matière d’agriculture, c’était sans doute de tenir une ronde de négociations multipartite qui, en multipliant les possibilités d’ententes, facilitera la conclusion d’un accord sur l’agriculture. Malgré cette perspective favorable la réforme agricole prendra du temps et nécessitera une grande diligence.

            Lors des négociations sur l’agriculture, le Canada s’est associé à des pays comme les États-Unis et des membres du Groupe de Cairns des pays exportateurs de produits agricoles pour exhorter les Européens à apporter des changements substantiels dans trois domaines fondamentaux : éliminer les subventions à l’exportation, améliorer considérablement les conditions d’accès à leur marché, et réduire sensiblement ou éliminer les mesures internes de soutien de la production qui faussent les échanges (les subventions à la production). Le Canada a aussi réclamé le plafonnement de toutes les formes de soutien interne19. Le Sous-comité appuie sans réserve ces grands objectifs de négociation. Nous espérons que les changements qui seront négociés contribueront à uniformiser les règles du jeu pour les producteurs agricoles canadiens et qu’ils leur seront utiles. Le Sous-comité recommande par conséquent :

Recommandation 20 :

Que, dans le cadre des négociations de l’OMC relatives à l’agriculture, le Canada ne s’écarte pas trop, sur le fond, de son objectif premier à ces négociations, qui consiste a) à obtenir que l’UE cesse de subventionner ses exportations de produits agricoles; b) à accroître considérablement l’accès des producteurs agricoles du Canada au marché européen et c) à obtenir que les subventions à la production pratiquées par l’UE ne soient pas de nature à fausser les échanges commerciaux.

  b) La sécurité alimentaire

            Les craintes que suscite la sécurité des aliments constituent l’un des plus importants défis que doivent relever les producteurs canadiens cherchant à vendre des produits sur le marché de l’UE . Pour les Européens, les catastrophes dans ce secteur se sont suivies les unes après les autres au cours de la dernière décennie. À la suite des échecs du système réglementaire de l’UE, de la maladie de la vache folle (EBS) à la récente épidémie de fièvre aphteuse, les citoyens sont dorénavant extrêmement craintifs et ne font plus confiance au système de réglementation de leur propre pays. Comme le directeur général de l’OMC, Mike Moore, l’a précisé en toute franchise aux membres du Sous-comité (ainsi que beaucoup d’autres témoins), les consommateurs européens ont tout simplement perdu toute confiance en leur gouvernement pour tout ce qui touche la sécurité des aliments. En raison de cela et de la très grande inquiétude des citoyens européens à l’égard de leur approvisionnement alimentaire, tous les produits, du bœuf aux hormones aux aliments génétiquement modifiés (OGM), sont vus du même oeil.

            Pour tenter de corriger d’éventuelles lacunes dans le contrôle de la sécurité alimentaire, rétablir la confiance et protéger la santé du public, l’UE applique de plus en plus le principe de précaution dans la formulation des décisions réglementaires de l’Union20. Du point de vue de notre pays, le « principe de précaution », en vertu duquel on devrait interdire un produit risquant d’être nocif (même si les données scientifiques ne sont pas concluantes), devient un obstacle au commerce. Le Canada est plutôt en faveur d’une évaluation des produits à chaque étape de leur utilisation, mais au moyen d’un processus davantage axé sur des données scientifiques.

            Bien que le Sous-comité reconnaisse que le principe de précaution s’impose à chaque étape de processus d’analyse du risque, il convient que les décisions réglementaires dans ce domaine doivent demeurer fondées sur une évaluation scientifique du risque. L’approche de précaution ne devrait pas être appliquée à l’étape de l’évaluation du risque comme mesure de protection supplémentaire et sans nécessairement chercher à obtenir d’abord une évaluation scientifique. On craint que l’emploi indu de cette approche n’ait contribué à paralyser l’approbation des produits alimentaires transgéniques en Europe.

            Toutefois, après des entretiens avec des représentants et des gens d’affaires de l’UE ainsi qu’avec nos ambassadeurs à l’étranger, le Sous-comité est pessimiste quant à nos chances de faire progresser le dossier de la sécurité alimentaire. On a répété à de nombreuses reprises au Sous-comité que la réalité politique imposée par un public craintif avait rendu presque impossible la modification du processus d’approbation afin de le fonder sur les études scientifiques requises.

  (i) Exemple 1 : Le canola

            Le fait que le public lie dorénavant sécurité alimentaire et les OGM a considérablement nui aux exportations canadiennes de produits alimentaires dans plusieurs secteurs, le plus notable étant le canola génétiquement modifié21. Les exportations canadiennes de ce produit en Europe, qui avaient été approuvées par la Commission européenne, sont maintenant victimes de l’inquiétude du public, de la forte résistance des consommateurs et des producteurs, et de la capacité d’une minorité de membres de l’UE de bloquer l’approbation réglementaire de nouvelles variétés génétiquement améliorées de produits agricoles. Ces facteurs ont imposé un moratoire de fait sur l’approbation d’OGM dans la zone UE.

            Dans un effort pour débloquer le processus d’approbation et rétablir la confiance du public à l’égard des OGM, la Commission européenne a proposé en juillet 2000 une stratégie qui prévoyait une nouvelle loi sur l’approbation des OGM pour l’UE. Cette mesure a été officiellement approuvée par le Parlement européen le 14 février 2001, puis renvoyée aux États membres qui ont 18 mois pour transformer cette directive en loi nationale. Toutefois, dans les 24 heures suivant son approbation, les États membres récalcitrants ont exigé de nouvelles concessions comme des modifications au régime d’étiquetage des OGM de l’UE et un système de traçabilité des OGM qui nécessiterait des documents spéciaux pour les expéditions vers l’UE de céréales et oléagineux GM. Au mieux, le régime d’approbation des OGM de l’UE ne sera pas approuvé avant l’automne 2002.

            En 1995, les exportations canadiennes de canola génétiquement modifié ont culminé à 425 millions de dollars. Vu la situation actuelle de la réglementation en Europe, les exportations canadiennes de canola vers l’UE sont effectivement éliminées depuis 1997. Le gouvernement fédéral est évidemment sensible aux pertes subies par les producteurs canadiens de canola.

            La position du gouvernement du Canada, corroborée par plusieurs rapports scientifiques de la Commission européenne, est que le canola produit au Canada ne présente aucun risque pour la santé ou l’environnement. Toutefois, comme un témoin l’a signalé, les décisions prises sont actuellement fondées pour 80% sur les perceptions et pour 20% sur des données scientifiques, ce qui fait qu’il est on ne peut plus difficile de défendre l’excellente position du Canada dans ce dossier. Par conséquent, comme M. Lamy l’a signalé au Sous-comité, le problème des OGM est davantage politique que technique.

            Des progrès en matière d’étiquetage pourraient ultérieurement contribuer beaucoup à la solution de ces problèmes. Toutefois, même cette question se révélera litigieuse. En raison de la mauvaise réputation des OGM, les producteurs européens craignent que l’étiquetage de leurs produits n’entraîne chez les consommateurs un mouvement de ressac qui ruinerait leurs marques. Des groupes comme Greenpeace, qui combattent les OGM, ont plus de crédibilité que les gouvernements européens sur les questions écologiques et pourraient donc renforcer l’opposition aux OGM. De plus, dans plusieurs régions de l’Europe, les gens s’opposent pour des raisons idéologiques aux OGM, par exemple aux plantes résistantes aux herbicides.

            Le Canada a engagé un dialogue sur cette question avec la Commission européenne au niveau technique et réglementaire (entre scientifiques et spécialistes), dans le but ultime d’améliorer la compatibilité de nos systèmes d’approbation respectifs. Le gouvernement fédéral continuera de chercher à ouvrir le marché d’exportation pour le canola GM canadien, bien que M. Carrière ait laissé entendre qu’il faudra du temps pour y arriver. Quant aux aspects positifs, on a bien souligné au Sous-comité que les Européens commencent à discuter des OGM : des attitudes plus réceptives commencent à émerger au Parlement européen et certains groupes de la société européenne, comme les milieux d’affaires allemands, sont favorables à une modification du processus d’approbation des aliments pour le rendre davantage scientifique.

            À propos de cette question, Don Knoerr (coprésident du Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur — agriculture, aliments et boissons) a signalé qu’il fallait harmoniser la réaction internationale (c.-à-d. ce que font les autre pays) et la réaction nationale, qui est en train de se développer. Il faut établir des définitions des produits génétiquement modifiés (GM) ou produits de la biotechnologie, des règles en matière d’étiquetage et une procédure réaliste, efficace et scientifique pour déterminer les risques liés à l’utilisation de la biotechnologie moderne.

            Comme un témoin du secteur agroalimentaire de l’UE l’a souligné, les progrès dans ce secteur seraient certainement facilités si l’UE ne connaissait pas une autre catastrophe alimentaire au cours de la prochaine décennie. Cependant, le Canada devrait continuer à militer en faveur de l’adoption de normes internationales dans ce domaine. À long terme, la solution logique consiste à fixer des normes scientifiques que tous les pays peuvent accepter. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 21 :

Que le gouvernement du Canada œuvre avec diligence au sein de la communauté internationale pour parvenir à une entente sur les définitions des produits génétiquement modifiés (GM) ou transgéniques, sur des normes scientifiques de production de ces produits acceptables par tous les pays et sur les règles d’étiquetage requises.

            Le Sous-comité reconnaît que ce qui distingue surtout le Canada et l’UE concernant le principe de précaution tient à l’échec du régime réglementaire de cette dernière. Comme M. Lamy l’a indiqué au Sous-comité, les Européens sont notamment contre les OGM, contrairement au Canada. Pourtant, ils ont eu tendance à dénigrer nos méthodes de production dans certains cas et à justifier ainsi l’imposition de restrictions au commerce. Le défaut de reconnaître les normes canadiennes est un problème tant politique que scientifique; il demeure toutefois vital que le Canada et l’UE poursuivent le dialogue. Afin de favoriser la compréhension, ce dialogue devrait comporter des échanges réguliers entre des représentants des ministères qui ne s’occupent pas de commerce, tels ceux de l’Environnement, du Travail et de l’Industrie. Le Sous-comité est d’accord avec Mme Macmillan : Le Canada doit mieux défendre ses excellentes normes en matière de santé, de sécurité et d’environnement et dans les domaines techniques auprès des décideurs européens.

Recommandation 22 :

Que le gouvernement du Canada, en concertation avec les provinces, saisisse toutes les occasions d’élargir la coopération entre le Canada et l’UE aux fins de l’élaboration de la politique régissant la réglementation dans les domaines de la santé, de la sécurité et de l’environnement ainsi que dans les domaines techniques, et d’informer les décideurs européens et, au besoin, le grand public de l’expérience du Canada en matière de réglementation. Ces efforts devraient passer par les missions du Canada à l’étranger, les associations industrielles actives en Europe et la participation du Canada aux organisations internationales chargées de l’étude, de l’établissement et du contrôle des normes.

            Comme il a été signalé, le Canada et l’Europe ne partagent pas le même point de vue sur la biotechnologie et l’application de l’approche de précaution. Il semble y avoir des différences dans leurs façons d’interpréter cette approche. La récente publication par l’UE d’un document sur la question (« Communication de la Commission sur le recours aux principes de précaution »), sans jeter de lumière sur certains aspects importants (p. ex. assurer un niveau zéro de risque et déterminer le niveau adéquat de protection), donne néanmoins aux deux camps l’occasion de préciser le sens et l’application de l’approche de précaution et de chercher à s’entendre sur ces points. Cela s’avèrera particulièrement important alors que les deux parties se préparent pour le Sommet de l’OMC au Qatar, où on s’attend que le principe de précaution soit vivement débattu22. Nous recommandons :

Recommandation 23 :

Que le Canada et l’Union européenne cherchent à convenir du sens à donner à l’approche de précaution et de la façon de l’appliquer à la réglementation. Fondamentalement, il faudrait en convenir dans un contexte multilatéral.

   (ii) Exemple 2 : Hormones de croissance du boeuf

            En 1989, l’UE a pris une décision fort contestée : elle a interdit le traitement du bétail aux hormones de croissance ainsi que l’importation du bœuf ainsi traité, dénotant ainsi le peu de confiance que les Européens portent à leur régime de réglementation. Le Canada, comme les États-Unis, s’est toujours opposé à cette interdiction, parce qu’il ne croit pas qu’elle soit fondée scientifiquement. Le gouvernement fédéral croit que cette interdiction constitue ainsi une barrière non tarifaire injustifiée au commerce. En outre, l’organisme international qui établit les normes de sécurité alimentaire (Codex Alimentarius) a souscrit à l’innocuité des hormones de croissance.

            Le Canada et les États-Unis ont contesté l’interdiction des importations du bœuf hormoné et obtenu gain de cause auprès de l’OMC. Après que des consultations directes avec l’Union européenne aient échoué, le Canada a demandé que le différend soit soumis à un groupe spécial de l’OMC en 1996. Les rapports présentés par le groupe spécial (août 1997) et par l’organe d’appel de l’OMC (janvier 1998), mis sur pied pour instruire l’appel de la décision du groupe spécial, étaient favorables aux intérêts canadiens. Toutefois, l’Union européenne n’ayant pas respecté la décision de l’OMC par la modification de ses règlements, le gouvernement du Canada a été forcé de prendre des mesures de représailles contre elle. Ces mesures — des tarifs de 11,3 millions de dollars sur le bœuf, le porc, les concombres et les marinades d’Europe — ont été approuvées par l’OMC en juillet 1999. L’Union européenne continue de prétendre que son interdiction est fondée en science et n’est pas une mesure protectionniste, vu que, selon elle, partage l’OMC dont la décision faisait une critique de son processus d’évaluation et indiquait que sa position était fondée en science.

            En mai 2000, la Commission européenne annonçait son intention que, d’ici un an, elle rendrait permanente l’interdiction temporaire sur une hormone de croissance du bœuf; elle maintiendrait également une interdiction provisoire sur cinq autres hormones. Cette décision a été prise après qu’un comité scientifique consultatif de l’UE ait réaffirmé son opinion de l’an dernier. Selon M. Lamy, l’interdiction n’a rien à voir avec le protectionnisme, mais est plutôt liée à la crainte du risque de l’UE. En Europe, plusieurs témoins ont dit au Sous-comité que, dans l’esprit de la population, la question des hormones bovines est liée à l’image négative qui est associée à la maladie de la vache folle. Par conséquent, l’UE préfère se voir imposer des tarifs plutôt que de lever l’interdiction.

2. Accès aux marchés

            Dans ses relations avec l’UE, le Canada est aussi confronté à plusieurs problèmes plus traditionnels d’accès au marché européen, dont certains ont déjà été mentionnés. Parmi les plus litigieux, deux ont trait, selon le Canada, aux barrières non tarifaires sur le vin et le bois d’œuvre résineux.

   a) Le vin

            Jusqu’à très récemment, l’accès des vins canadiens au marché européen a été très limité. Les échanges ont été extrêmement inégaux, le Canada important pour 545 millions de dollars de vins européens en 2000 et nos exportations se limitant à 350 000 $ à peine. Historiquement, il a été difficile de faire entrer les vins de qualité canadiens sur le marché européen, alors que l’UE a eu facilement accès au marché canadien sans avoir eu à négocier d’ententes spéciales. Dans la recherche d’une solution à ce différend bilatéral, le Canada s’est toujours fixé comme objectif principal d’obtenir un accès sûr et prévisible au marché européen pour ses vins de qualité. Roger Rangolph (président du Canadian Wine Institute) a dit au Sous-comité, au printemps 2000, que les producteurs de vins canadiens pourraient exporter quelque 20 millions de dollars de produits du vin par an en Europe si le marché était ouvert; les recettes proviendraient en grande partie de la vente du vin de glace.

            Heureusement, l’accès au marché européen du vin s’est beaucoup amélioré. En avril 2001, le Canada a atteint son objectif de longue date : convaincre l’Union européenne de permettre (par la voie d’une dérogation ou d’une exemption) la vente du vin de glace canadien, joyau et principal produit d’exportation de l’industrie canadienne du vin, sur le marché européen. (Le Canada est le premier producteur mondial de vin de glace.) Selon les déclarations faites par des représentants du MAECI dans le National Post, il a été convenu de lever l’interdiction de 20 ans après que le Canada eût pris une série de mesures de contrôle de la qualité relativement au taux de sucre et d’acidité du vin23.

            La dérogation de l’UE vise également les importations de vins de qualité certifiée de deux provinces canadiennes (Ontario et Colombie-Britannique) dont les processus de certification (et la législation s’y rapportant) respectent ou dépassent les normes de l’UE. Aujourd’hui, les vins canadiens désignés de qualité peuvent entrer sur le marché européen, n’étant limité que par la demande pour ces produits.

            En échange, le Canada a aussi accepté de discuter avec l’UE de tous les points de litige concernant les vins et les spiritueux, y compris la question de l’utilisation d’indicateurs géographiques (l’UE veut que le Canada impose à ses producteurs de vins de ne plus utiliser certaines appellations d’origine de l’UE, tels le champagne, le porto et le sherry, ce que l’industrie canadienne a maintenant accepté de faire), des appellations descriptives et de la structure des sociétés des alcools provinciales. Ces discussions se poursuivent.

  b) Le bois d’œuvre résineux (Nématode du pin)

            Pour empêcher l’introduction en Europe du nématode du pin, l’UE insiste, depuis juillet 1993, pour que tout le bois d’œuvre résineux exporté du Canada, à l’exception du cèdre, soit traité à la chaleur. Ce règlement a éliminé dans les faits les exportations canadiennes de ce produit en augmentant considérablement les coûts de production des entreprises canadiennes. Avant 1993, le Canada exportait pour environ 400 millions de dollars par an de bois non traité en Europe. À compter du 1er octobre 2001, cette interdiction a été élargie aux matériaux d’emballage en bois (du Canada, des États-Unis, de la Chine et du Japon); comme la plupart des produits manufacturés peuvent être emballés dans des produits du bois, les estimations indiquent que la mesure pourrait toucher jusqu’à 70 % des exportations canadiennes vers l’UE. La Commission s’est engagée sur son honneur à appliquer l’interdiction de manière proportionnelle et avec prudence, en échange de rapports canadiens sur la progression vers la conformité du Canada. Le MAECI attend une réponse à sa lettre dans laquelle il explique ce qu’il comprend de cet engagement et il propose un échange officiel de lettres pour préciser comment les mesures seront progressivement appliquées.

            Le Canada a tenu des consultations poussées avec l’Union européenne à cet égard. Selon Claudio Valle, (directeur, Obstacles techniques et Réglementation, MAECI), le Canada a fait valoir que, après une très longue période d’essai — 350 ans d’échanges commerciaux —, on a relevé peu d’effet, si ce n’est aucun, dans les forêts européennes, démontrant ainsi clairement que cette petite bestiole ne se déplace pas à moins d’être transportée dans des conditions essentiellement idéales de chaleur élevée, etc. On assiste jusqu’à maintenant à une bataille de scientifiques.

            Le Canada continue de croire qu’il est devenu victime d’une réglementation trop exigeante du bois d’œuvre résineux non traité visant à contrôler le nématode du pin. Le gouvernement canadien s’est constamment opposé à cette réglementation, en soutenant que le risque de transmission du parasite aux forêts européennes est minuscule.

            Le Canada songe actuellement à contester l’interdiction européenne. Selon M. Valle, le Canada a averti les Européens qu’il souhaitait un règlement à l’amiable, mais que si une entente n’est pas possible, il est convaincu que la science est en sa faveur. Les pourparlers se poursuivent mais rien ne semble progresser. Il se peut que le Canada doive s’adresser à l’OMC pour obtenir essentiellement un règlement à cet égard.

G. Composer avec l’élargissement de l’UE

            Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’élargissement de l’UE dans cette décennie pourra faire passer à 30 le nombre de pays membres. Outre les 15 membres actuels, il y a maintenant au moins une douzaine de candidats possibles.

            Malgré les contraintes déjà mentionnées que cela exercera sur le budget de l’Union européenne (à cause de la politique agricole commune), l’élargissement de l’UE pour englober des pays de l’Europe centrale et orientale devrait ouvrir certains débouchés aux entreprises canadiennes et rendre plus prévisible et stable l’environnement commercial de ces pays. Ainsi, le Canada a commencé à faire du commerce avec certains pays de la région et, comme l’a fait observer Martin Rice (directeur exécutif du Conseil canadien du porc), certains secteurs (dont celui du porc) croient que ce commerce peut s’intensifier. Ces pays auront aussi besoin d’aide pour rendre leurs économies conformes aux critères de l’UE, ce qui créera, pour les entreprises canadiennes des débouchés en investissement et en technologie de l’environnement. En outre, les taux consolidés des tarifs extérieurs communs de l’UE sont dans bien des cas plus faibles que ceux que doivent payer ces nouveaux adhérents. Dans ces cas, l’accession des pays à l’UE pourrait ouvrir plus grand le marché aux entreprises canadiennes.

            En outre, l’élargissement offre aux pays d’Europe centrale et orientale la possibilité d’augmenter le revenu de la population, faisant ainsi de la région un marché plus intéressant pour les investisseurs et les exportateurs canadiens. Comme John Murray (conseiller, Banque du Canada) l’indiquait au Sous-comité, « il se peut qu’on assiste à de légers détournements commerciaux au fur et à mesure que les nouveaux adhérents intégreront l’Union européenne, mais cela encouragera peut-être ces derniers à se développer plus rapidement… Or cela est à l’avantage de tout le monde, car si ces pays s’enrichissent, ils seront en mesure d’acheter davantage de nos produits. Encore une fois, cette nouvelle donne pourrait être à l’avantage de tout le monde».

            La croissance escomptée de l’UE par l’adhésion de ces pays pourrait aussi avoir des conséquences économiques nuisibles pour le Canada. Alors que le Canada a toujours appuyé le processus d’intégration européenne comme moyen de favoriser la stabilité et la prospérité économique, des élargissements antérieurs ont malheureusement eu pour résultat d’écarter certaines exportations canadiennes destinées à l’Europe. Autrement dit, l’élargissement de l’UE a privé le Canada de certains échanges et entraîné un déplacement de l’activité économique, l’accès bilatéral dont le Canada jouissait auparavant se modifiant.

            Il pourrait en être de même de tout nouvel élargissement de l’UE : les tarifs sur certaines de nos exportations seront augmentés, ce qui réduira l’accès aux marchés dont jouissaient nos produits. Dans ces cas, le Canada est autorisé à négocier une compensation pour la perte de ces marchés. Cela se fait selon les règles actuelles de l’OMC d’après les niveaux d’échange de produits donnés au cours des trois ans précédant l’accession d’un pays. Mais la négociation d’une compensation pour cause d’élargissement s’est avérée longue et ardue par le passé. En outre, une compensation sous forme d’un accès accru peut concerner un autre produit, ou même un secteur entièrement différent de celui où le déplacement des échanges s’est produit.

            Il est extrêmement important que le Canada veille à ce que l’élargissement ne nuise pas de façon générale à ses intérêts économiques. On espère que l’expansion de l’UE ne se soldera pas par une diminution nette de l’accès du marché européen aux produits canadiens.

            Le gouvernement du Canada étudie actuellement les répercussions économiques possibles de l’élargissement de l’UE sur les intérêts du pays en matière de commerce et d’investissement. De l’opinion du Sous-comité, les fonctionnaires fédéraux devraient analyser les élargissements antérieurs pour voir quelles leçons en tirer. Le gouvernement devrait aussi élaborer une stratégie efficace face à l’élargissement prochain de l’UE, stratégie qui comprendrait d’éventuelles mesures propres à resserrer les liens commerciaux avec les pays d’Europe centrale afin de compenser la réorientation des échanges occasionnée par l’élargissement. Nous recommandons donc :

Recommandation 24 :

Que le gouvernement fédéral rende public toute évaluation éventuelle des effets probables de l’élargissement de l’UE sur l’économie canadienne. À la lumière de cette évaluation, le gouvernement devrait formuler une stratégie initiale efficace pour faire face à l’élargissement à venir. Il devrait aussi étudier la question d’une éventuelle indemnisation de l’accès perdu et fournir aux entreprises canadiennes de l’information à jour et ciblée sur le marché européen élargi.

            Réagir aux coûts possibles de l’élargissement demeure la considération politique officielle la plus cruciale, mais le Sous-comité aimerait s’arrêter à une autre préoccupation qui a été soulevée au cours des audiences. Selon M. Paterson, il faut voir à renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle dans les pays de l’Europe centrale et orientale car la question peut opposer un grand obstacle au commerce avec ces pays. Les droits de propriété intellectuelle n’existent pas ou ne sont pas respectés dans nombre des pays en question, pourtant les entreprises qui y font affaire ne veulent pas simplement donner les idées qui leur ont permis d’élaborer leurs produits. Pour aider à renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle dans cette région du monde, le Sous-comité recommande :

Recommandation 25 :

Afin de contribuer efficacement à renforcer les relations économiques bilatérales entre les pays de l’Europe centrale et orientale et le Canada tout en aidant notre secteur de haute technologie, que le gouvernement fédéral, par des organismes multilatéraux, encourage et aide ces pays à établir et surtout à appliquer des droits de propriété intellectuelle dans la région.