FAIT Rapport du Comité
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PARTIE II
Développer les relations entre le Canada et les pays du Caucase méridional
Mes remarques liminaires ont pour seul but de vous sensibiliser à lextraordinaire complexité de cette région du monde et de vous convaincre que la plupart des événements qui sy déroulent tiennent à des facteurs internes et non à des influences de lextérieur
Quiconque affirme que cest la faute des Russes, ou des États-Unis ou de lOTAN ou que cest la Turquie qui tire les ficelles, ou que le véritable enjeu cest le pétrole ou le « grand jeu », nexplique que cinq pour cent du problème. Rien, dans le Caucase, ne se prête à des explications simples.
M. Patrick Armstrong
Mai
2000
Les défis et le règlement des conflits dans le Caucase méridional
Les problèmes apparemment inextricables du Caucase méridional présentent le paradoxe suivant : la grande complexité de cette région risque damener les gens, particulièrement les non-initiés, à baisser les bras. Or, si lon veut aider à instaurer enfin la sécurité, la démocratie et la prospérité dans les trois républiques transcaucasiennes ? la Géorgie, lAzerbaïdjan et lArménie , on na dautre choix que dexploiter les mécanismes existants.
Comme on le verra plus loin, le Comité a conclu que la politique canadienne envers le Caucase méridional doit sarticuler autour de trois principes : ces trois États, petits et pauvres, sont néanmoins très importants pour le Canada et dautres; chaque État a ses particularités, mais doit être abordé dans le contexte de son appartenance à une région unique; enfin, sil veut atteindre ses objectifs de politique étrangère, le Canada doit sintéresser de plus près à cette région et y accroître sensiblement sa présence.
On trouvera dans la section suivante un aperçu de lensemble de la région du point de vue de la sécurité, de léconomie et du gouvernement, suivi dune description de chacune des trois républiques. Depuis les cessez-le-feu, la situation dans les trois États est plus paisible quau début des années 1990, mais il reste encore à trouver des solutions permanentes aux conflits en suspens et à réparer les dommages matériels et autres que ceux-ci ont causés. Il faudra en outre sattaquer aux problèmes que posent les importantes populations de personnes déplacées pour que la région ait des chances davancer sur les plans économique et politique. Idéalement, le règlement des conflits et le développement économique et politique devraient évoluer en parallèle. Cependant, comme le Comité la constaté durant sa visite en mai 2000, dans la région même, les avis sont partagés, certains estimant que le règlement des conflits doit passer en premier quand dautres sont convaincus quen donnant la priorité au développement économique, on encouragerait les compromis et on contribuerait au règlement des différends. À ce chapitre, il est intéressant de rappeler lobservation dun analyste qui, en 1998, avait comparé lOssétie au cube de Rubik du fait quil semblait impossible de mener une seule étape à terme tant que toutes les autres nauraient pas abouti. Cette comparaison pourrait sappliquer tout aussi bien à lensemble de la région.
Si certains dans la région imputent la lenteur que mettent les conflits à se résoudre à linfluence pernicieuse des puissances régionales et à lindifférence de lOccident, la plupart des observateurs de lextérieur estiment que le problème tient à lexistence, dans la région, de groupes ayant tout intérêt à préserver le statu quo et à labsence de volonté politique de changement de la part des leaders régionaux. Labsence de conflits actifs durant les sept dernières années aura au moins permis aux leaders régionaux de saisir la nature des compromis nécessaires pour résoudre les conflits et den bien comprendre la nécessité comme préalable à la pleine intégration des États concernés à lEurope et à la communauté internationale. En tant que politiciens, les membres du Comité sont bien au fait de la difficulté dafficher une volonté politique soutenue. Ils espèrent que, avec laide bilatérale et multilatérale voulue, les chefs politiques et les législateurs quils ont rencontrés dans le Caucase méridional seront en mesure de le faire.
I. FACTEURS RÉGIONAUX À PRENDRE EN CONSIDÉRATION DANS LORIENTATION DE LA POLITIQUE CANADIENNE
Situé entre la mer Noire et la mer Caspienne, près du point de contact de lEurope et du Moyen-Orient, le Caucase (dont le nom vient dun mot persan qui fait allusion à léclat de la glace) est une région extrêmement complexe sur le plan ethnique, longtemps bordée par de grands empires. Comme la dit Patrick Armstrong au Comité :
Tous ces peuples, qui parlent des langues incompréhensibles les uns pour les autres, qui ont des histoires différentes, des ambitions différentes, une hostilité ancienne et des religions différentes, sont tous entassés dans une région dune superficie équivalente à celle du sud de l'Ontario. On ne retrouve une situation comparable nulle part ailleurs dans le monde.
Les trois républiques du Caucase méridional sont de petits pays relativement pauvres : lAzerbaïdjan est le plus grand; il compte une population de quelque 7,7 millions dhabitants sur un territoire de 86 600 km2. Viennent ensuite la Géorgie, avec 5 millions dhabitants et une superficie de 69 700 km2 et lArménie, avec un chiffre officiel de population de 3 millions dhabitants environ (que la plupart des gens pensent exagéré) et une superficie de 29 800 km2. Les dix dernières années ont été difficiles pour la population de ces États sur le plan économique et autrement. Ces pays demeurent proches du milieu de lindice du développement humain des Nations Unies la Géorgie venait au 70e rang sur 174 pays en 2000, lAzerbaïdjan au 90e rang et lArménie au 93e rang mais on note quand même une nette détérioration depuis lindépendance. Selon des chiffres fournis par la BERD, le revenu réel dans chaque pays en 2000 représentait moins de la moitié de ce quil était en 1989.
Tableau 1 |
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Commerce
bilatéral de marchandises 2000 Exportations/importations (total des échanges ) |
Aide bilatérale 2000-2001 ($CAN) |
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Arménie | 1 873/1 277 (3 150) |
524 397 |
Azerbaïdjan | 3 699/357 (4 056) |
394 618 |
Géorgie | 5 604/610 (6 214) |
406 936 |
Total | 11 176/2 244 (13 420) |
1 325 951 |
Sources : Statistique Canada; Agence canadienne de développement international
Règlement des conflits, coopération régionale et consolidation de la paix
La situation des trois républiques transcaucasiennes sur le plan de la sécurité est déterminée dabord par leurs conflits internes et ensuite par leurs rapports avec leurs voisins, en particulier avec les anciennes puissances impériales que sont la Russie et la Turquie.
LUnion soviétique a laissé à la région un héritage particulièrement empoisonné : des frontières arbitraires et lexistence, dans certaines républiques, dune forme désuète de nationalisme exclusif. Et les déportations forcées de populations dans dautres régions dURSS opérées à lépoque de Staline nont pas aidé. Au début des années 1990, cette combinaison a donné lieu à de graves affrontements en Abkhazie et en Ossétie du Sud, en Géorgie et dans lenclave arménienne du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan. Ces troubles ont fait des milliers de victimes et plus de 1,5 million de réfugiés et de personnes déplacées à lintérieur de leur propre pays : plus de 800 000 réfugiés et personnes déplacées en Azerbaïdjan, plus de 300 000 personnes déplacées en Géorgie et quelque 300 000 réfugiés en Arménie. Dans les trois cas, les résidents des territoires disputés ont conservé le contrôle, les cessez-le-feu étant surveillés par des forces de maintien de la paix dirigées par des Russes et par des organisations internationales.
Comme la noté un observateur, parmi les intervenants de lextérieur, cest la Russie qui a joué le rôle principal dans la suspension des conflits dans le Caucase méridional, tandis que les organisations occidentales et internationales sont venues en aide aux victimes de la guerre et ont encouragé les contacts et les négociations entre les parties aux conflits. Depuis la fin des hostilités, la communauté internationale sefforce dencourager le règlement des conflits. Les présidents du groupe de Minsk (États-Unis, Russie, Allemagne, France, République tchèque, Suède, Italie, Bélarus, Turquie, Azerbaïdjan et Arménie) ont été chargés par lOSCE de négocier un accord de paix sur le Haut-Karabakh, tandis que lOSCE travaille aussi en Ossétie du Sud et lONU en Abkhazie. Dans chaque cas, la communauté internationale cherche à obtenir des règlements qui respectent les frontières de lère soviétique et lintégrité territoriale des États concernés avec le plus haut degré possible dautonomie et de sécurité pour les populations minoritaires. Le conflit du Haut-Karabakh demeure à bien des égards la clé de la résolution des conflits dans la région. En effet, il concerne non seulement deux des trois républiques transcaucasiennes, mais aussi la Turquie voisine. En conséquence, sa résolution pourrait contribuer à assainir les relations entre les trois États voisins, ce qui aurait des retombées favorables, notamment sur le plan économique.
La présence de fortes populations de réfugiés et de personnes déplacées constitue un problème sérieux pour les trois pays et particulièrement pour lAzerbaïdjan, à la fois du point de vue humanitaire et du point de vue du lourd fardeau économique et social quelles représentent. Jusquà présent, la communauté internationale est intervenue surtout sur le plan humanitaire, mais le manque de progrès dans la résolution des conflits incite maintenant le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et dautres à imaginer des démarches axées davantage sur des solutions. Le HCR a joué un rôle de premier plan dans les secours humanitaires. Cependant, le fait que les personnes déplacées dans leur propre pays ne soient pas techniquement des réfugiés force le HCR à lancer des appels spéciaux pour venir en aide à ces populations. Le financement des opérations daide est donc intermittent et insuffisant parce que les besoins demeurent élevés bien que les crises aient depuis longtemps cessé de faire la manchette. Comme les membres du Comité lont appris durant leur visite, lapport du Canada nest pas très grand, même sil reste que toute aide, aussi petite soit-elle, est la bienvenue. À Ganja, en Azerbaïdjan, un homme a tenu à remercier les membres du Comité pour un don de graines canadiennes qui avaient été distribuées par lAgence de développement et de secours adventiste (ADSA). Il avait ainsi pu faire pousser des fleurs qui lui rappelaient son coin de pays dans le Haut-Karabakh. Bien que modeste, la dernière contribution officielle du Canada avant la visite du Comité était très instructive : une contribution de 90 000 $ de lACDI en 1998 à un projet pilote du HCR et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour le rapatriement des personnes déplacées vers les régions dont sétaient retirées les forces militaires du Haut-Karabakh a libéré des fonds américains beaucoup plus importants de lordre de 2 millions de dollars, ce qui illustre un effet de levier que tous les donateurs, en particulier les petits donateurs, devraient chercher à faire jouer.
Au milieu de 2000, les perspectives de résolution de certains des conflits apparaissaient quelque peu meilleures. Dans le contexte de son admission au Conseil de lEurope en 1999, la Géorgie a accepté délaborer un cadre juridique garantissant lautonomie de lAbkhazie et de lOssétie du Sud dans les deux ans. Les présidents de lArménie et de lAzerbaïdjan ont eu de nombreuses rencontres bilatérales ces dernières années au sujet du Haut-Karabakh, et le Conseil de lEurope a reconnu les progrès réalisés à ce chapitre lorsquil a décidé, en janvier 2001, dadmettre les deux États en son sein.
Tous les États concernés se sont engagés publiquement à trouver des solutions pacifiques. Reste à savoir sil faut attendre la solution globale parfaite qui résoudra tous les problèmes en même temps ou sil vaudrait mieux opter pour une démarche progressive capable daccroître la confiance. Étant donné que des échanges de territoires ou une sécession acceptée semblent exclus pour le moment, la seconde voie paraît plus prometteuse. Dans le cas de lAbkhazie, par exemple, on a proposé le retour partiel de la population mengrélienne de Géorgie dans le district de Gali, avec en même temps un accroissement des forces internationales de contrôle, ce qui rassurerait à la fois les Abkhazes et les personnes rapatriées. Si la ligne de chemin de fer en provenance de la Russie qui traverse lAbkhazie pour aller vers le reste de la Géorgie était réouverte, ce sont les Abkhazes qui en profiteraient le plus directement, mais toutes les populations bénéficieraient de laugmentation du commerce régional qui en découlerait. De même, le retour des personnes déplacées dans les territoires situés entre le Haut-Karabakh et lIran combiné à une démilitarisation de la région surveillée par une présence internationale et à de laide internationale permettrait peut-être en échange la réouverture de la ligne de chemin de fer entre Bakou et Erevan; cela réduirait le fardeau que représentent des personnes déplacées pour lAzerbaïdjan et mettrait un terme à son blocus de lArménie. Quelle que soit la solution retenue, son succès exigera de laide internationale sous la forme non seulement de dons et dassistance technique, mais aussi probablement de troupes de maintien de la paix ou déquipes de surveillance.
Compte tenu de leurs caractéristiques géographiques et de leur histoire, les trois républiques transcaucasiennes ne peuvent aspirer à une véritable sécurité que dans un contexte de coopération. Lors du sommet de lOSCE de novembre 1999 à Istanbul, lArménie et lAzerbaïdjan avaient publiquement demandé que les États de lOSCE créent un système de sécurité pour le Caucase méridional. Selon un analyste, « à lépoque cependant, la communauté internationale, craignant que la guerre de Tchétchénie ne gagne la Géorgie ou lAzerbaïdjan, avait accueilli avec tiédeur la proposition délargissement du système de sécurité, mais lidée nest cependant pas morte pour autant ». Dans les mois qui ont suivi, le président de la Turquie, Suleyman Demirel, a chaudement défendu lidée dun « pacte de stabilité du Caucase » et a dit aux membres du Comité à Ankara en mai 2000 quil nexistait pas dautre façon dassurer la sécurité et la stabilité dans la région. En mars 2000, lArménie a proposé un projet de pacte fondé sur la formule dite du 3+3+2, lequel reposerait sur une entente entre les trois États du Caucase méridional, à savoir la Géorgie, lArménie et lAzerbaïdjan, avec les trois États voisins, Russie, Iran et Turquie comme garants, et deux parrains de lextérieur, les États-Unis et lUnion européenne (UE).
LAzerbaïdjan a par la suite pris ses distances par rapport à ce projet préférant attendre la résolution du conflit au Haut-Karabakh, mais on continue quand même de développer cette approche régionale. Par exemple, en juin 2000, le Centre pour létude des politiques publiques européennes de Bruxelles (lequel a joué un grand rôle dans lélaboration du pacte de stabilité des Balkans de lUE) a dévoilé un projet de « pacte de stabilité du Caucase » dont M. Robert Cutler avait discuté précédemment avec le Comité. Le projet prévoit une « communauté du Caucase méridional » modelée soit sur lUE soit sur dautres groupes régionaux comme lAssociation des Nations de lAsie du Sud-Est (ANASE), laquelle aurait son propre parlement (une assemblée parlementaire) et un exécutif (un conseil des ministres).
En dernière analyse, cest dabord aux États concernés quil incombe de résoudre les conflits et de renforcer les relations dans le Caucase méridional, mais la communauté internationale peut à coup sûr contribuer de façon utile à la sécurité dans la région par le biais des mécanismes existants comme lOSCE, les Nations Unies et même le Partenariat pour la paix de lOTAN.
Comme on la mentionné ci-dessus, malgré le manque de financement et labsence de consensus au sujet de son rôle, lOSCE a contribué à améliorer la sécurité du Caucase méridional et pourrait continuer dy contribuer dans lavenir. Comme M. MacFarlane la dit au Comité :
Si je devais évaluer les succès et les échecs relatifs, je dirais que l'OSCE, en Géorgie, remporte un certain succès. Son rôle principal consiste à surveiller et à observer le conflit en Ossétie du Sud, ainsi qu'à jouer le rôle plus global de surveillance des droits humains en Géorgie en général.
L'Ossétie du Sud connaît une certaine stabilité depuis des années, et il est généralement reconnu que la présence de l'OSCE a joué un rôle important à deux égards au moins. Premièrement, elle atténue la prédominance russe. Deuxièmement, la présence d'étrangers, aussi curieux que cela puisse paraître, inspire confiance à la population locale. Elle crée un milieu plus rassurant dans lequel ils peuvent recommencer à tisser des liens économiques entre collectivités.
Ceci étant dit, de toutes les organisations internationales, c'est évidemment l'OSCE qui dispose du moins de ressources. Il suffit de comparer le bureau de l'OSCE au bureau des Nations Unies à Tbilissi pour s'apercevoir de toute la différence. Dans ce contexte, l'OSCE a réussi à trouver une façon novatrice de coopérer avec des gens, comme les représentants du PNUD, afin d'obtenir des ressources du PNUD pour certains projets axés sur la résolution de conflits que l'OSCE veut mettre sur pied en Ossétie du Sud. L'OSCE a assez bien réussi dans ce domaine.
Le sommet de lOSCE de novembre 1999 à Istanbul a permis de finaliser des changements longtemps attendus au Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe qui a réduit les forces armées conventionnelles en Europe, et la Russie a accepté de démanteler deux de ses quatre bases militaires de Géorgie. Par ailleurs, lors de la reprise du conflit en Tchétchénie en 1999, la Russie a accusé la Géorgie de mal surveiller sa frontière avec la Tchétchénie et de laisser un bon nombre de rebelles tchétchènes faire des allers-retours dans les montagnes en toute impunité. La Géorgie a réfuté ces allégations et a demandé à lOSCE de venir vérifier les mouvements à la frontière. Quand ils étaient en Géorgie en mai 2000, les membres du Comité ont discuté du travail de lOSCE avec lambassadeur Jean-Michel Lacombe et le personnel international de la mission de lOSCE en Géorgie. Ils ont été particulièrement impressionnés de cet exemple récent et réussi de la manière dont on peut désamorcer les tensions, prévenir des affrontements et protéger les réfugiés.
Le Conseil de partenariat euro-atlantique et le Partenariat pour la paix de lOTAN
Certains disent que ladhésion de la Géorgie et de lAzerbaïdjan à lOTAN améliorerait la sécurité dans la région. Cependant, lélargissement de lOTAN aux pays de cette région ou dautres régions de lex-URSS serait extrêmement délicat vis-à-vis de la Russie, si bien que, à court terme, cette solution ne ferait rien pour accroître la sécurité dans la région. LOTAN pourrait néanmoins avoir un apport par le biais de son Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) et de son Partenariat pour la paix (PPP). Le PPP est conçu pour stimuler la coopération et les liens sur le plan de la défense entre lOTAN et des pays pris individuellement. Le CPEA est une tribune multilatérale permettant des consultations régulières entre les membres de lOTAN et quelque 27 pays partenaires dont la Géorgie, lAzerbaïdjan, lArménie et la Russie. La crise au Kosovo a permis dillustrer lutilité du CPEA en tant quorgane de consultation. Le CPEA a contribué de façon plus directe encore à la sécurité dans le Caucase méridional par la voie dun colloque sur la coopération régionale qui a eu lieu en Géorgie en octobre 1998. Il ne sera pas facile daccroître les programmes de sécurité et de coopération avec les États transcaucasiens et entre eux sans que la Russie ny voie une menace pour ses propres intérêts. Le PPP et le CPEA offrent à cet égard des structures permettant au Canada et à dautres pays dessayer.
On sest rendu compte ces dernières années que, au-delà de la prévention et du règlement des conflits, la sécurité et la stabilité exigeaient aussi que lon « répare » les institutions des États déchirés par des conflits. Ces programmes de « consolidation de la paix » occupent une place de plus en plus importante dans la politique étrangère du Canada. Comme Stephen Wallace, de lACDI, la dit au Comité : « L'expérience nous a aussi appris que, bien que la coopération régionale soit précieuse comme telle en tant qu'instrument de développement, elle peut aussi avoir une grande influence sur la consolidation de la paix. C'est pourquoi la plupart de nos initiatives dans le Caucase engagent la participation d'au moins deux pays». Certains projets du gouvernement du Canada réalisés dans cette région ont des répercussions sur la consolidation de la paix, mais très peu visent cet objectif en particulier. Or, étant donné que ce type dactivité encourage aussi le développement régional, le Comité estime que ce serait-là un secteur dactivité prometteur pour le Canada.
Les organisations duniversitaires et les ONG participent de plus en plus à des activités de consolidation de la paix dans le Caucase méridional, bien que la majeure partie soient généralement exécutées en dehors de la région elle-même ou dans un seul des pays concernés. Un projet soumis au gouvernement du Canada repose sur le principe dune approche mixte de la coopération régionale et doit être réalisé en deux temps. Dans un premier temps, des équipes duniversitaires et dexperts en politique publique de chacun des États transcaucasiens rédigeront un document décrivant en détail le point de vue du pays sur la question de la coopération régionale. Dans un deuxième temps, après étude et discussion de chacun des documents, un document mixte résumera les points communs en matière de coopération régionale et énoncera des propositions concrètes de mesures. Le coût total de ce projet devait sélever à 160 000 $US, mais comme la moitié consistait en fonds de contrepartie, il na fallu que 80 000 $ environ. Il y a eu des retards dans le financement, mais on sattend maintenant que le projet commence à lautomne de 2001.
Les États de Transcaucasie figuraient parmi les régions les plus pauvres de lUnion soviétique, et leur situation économique est loin de sêtre améliorée depuis dix ans, du fait des conflits, des fermetures de frontières et des difficultés de la transition à une économie de marché, lesquelles ont été exacerbées par le crash de léconomie russe de 1998. Comme on le signale dans le rapport dune conférence dexperts sur les perspectives politiques et économiques de la région de la Caspienne qui a eu lieu en mars 2000 à Wilton Park en Grande-Bretagne :
Les États indépendants apparus dans le Caucase méridional et en Asie centrale après 1991 nont pas réussi à se donner des stratégies viables de développement économique à long terme, en particulier relativement à lexploitation des réserves énergétiques de la région. Leur avenir politique est hypothéqué par les incertitudes qui planent du fait des problèmes de succession et de conflits séparatistes non résolus.
Pourtant, outre les abondantes ressources pétrolières de lAzerbaïdjan, les trois pays ont une main-duvre très instruite et un certain nombre dindustries prometteuses. Sils arrivaient à résoudre leurs conflits et ainsi à ouvrir leurs frontières, et à lutter contre la corruption, leurs perspectives économiques seraient bien plus encourageantes et les investissements étrangers augmenteraient.
Comme on la dit plus haut, les États du Caucase ont relativement bien réussi à instituer le cadre dune transition économique la Géorgie est devenue le 137e membre de lOrganisation mondiale du commerce en juin 2000 lequel est soutenu au moins en partie par des programmes de renforcement des capacités exécutés par le Canada et dautres pays. Sur le plan de linvestissement direct étranger (IDE) net, lAzerbaïdjan venait en tête en 2000 avec des prévisions de 274 millions de dollars américains, suivi de lArménie (150 millions) et de la Géorgie (109 millions). Cependant, la corruption continue de soulever dimportants problèmes dans ces pays. Selon la BERD, sur toutes les entreprises auxquelles on a demandé sil était courant de verser des pots-de-vin pour arriver à ses fins, 59,3 % des entreprises actives en Azerbaïdjan, 40,3 % des entreprises actives en Arménie et 36,8 % des entreprises actives en Géorgie ont répondu quelles le faisaient souvent. (La moyenne dans certains des pays dits en transition se situe à 30,3 %.)
Le développement économique est certes crucial, mais sagissant de venir en aide aux républiques transcaucasiennes, il importe de se souvenir des fins que doivent servir les ressources croissantes mises à la disposition de ces pays et de ne pas se contenter de mettre laccent sur le développement en soi. Comme lont dit au Comité Janet Hatcher Roberts de la Société canadienne de santé internationale et dautres témoins, dans les États du Caucase méridional, le développement doit en dernière analyse permettre de remédier à de graves problèmes de santé, à des problèmes sociaux et à dautres problèmes encore, observation qui a des répercussions sur la politique canadienne. Pour reprendre les propos de Mme Hatcher Roberts :
Ce qui nous préoccupe surtout, c'est que le Canada ne devrait pas se fier au seul développement commercial et économique pour résoudre les graves problèmes rencontrés dans le sud du Caucase. Le Canada devrait envisager un investissement stratégique à long terme dans le développement social de la région, notamment dans la promotion de la santé et la protection de l'environnement.
Beaucoup se sont réjouis de la fin de la domination soviétique dans le Caucase au début des années 1990; hélas, on a assisté à une régression radicale de l'état de santé dans ces pays [ ] L'espérance de vie des hommes a diminué dans le Caucase. Il y a un taux élevé de mortalité infantile et maternelle. Bon nombre de gens qui avaient naguère accès à des soins médicaux gratuits ne peuvent plus se permettre de payer le prix des nouveaux régimes de rémunération à l'acte. La qualité de la nutrition a aussi baissé.
Elle a ajouté :
La croissance économique peut engendrer un meilleur revenu, une meilleure tolérance sociale et un meilleur bien-être, et enfin une meilleure santé, mais ces progrès ne sont pas automatiques. Les préalables à la santé peuvent même souffrir de la croissance économique si des politiques sociales appropriées ne sont pas mises en place.
Gestion des ressources énergétiques et autres
Le différend juridique au sujet de la division des ressources de la mer Caspienne nest toujours pas réglé, mais le temps passant, le problème perd de son acuité, les pays concernés acceptant de plus en plus lidée dune division de celles-ci entre eux, chacun jouissant dune zone dexclusivité. Lampleur précise des ressources pétrolières et gazières de lAzerbaïdjan reste à déterminer, mais celles-ci sont à coup sûr importantes et, mises en valeur de manière avisée, elles pourraient contribuer à la prospérité du pays, voire de lensemble de la région. Il reste que, si la Géorgie a des chances de profiter de plus en plus des droits de transit associés aux oléoducs y compris loléoduc principal dexportation Bakou-Tbilissi-Ceyhan , lArménie sera en reste tant que lAzerbaïdjan et la Turquie refuseront douvrir leurs frontières à cause du conflit au Haut-Karabakh.
Lexploitation de vastes quantités de pétrole à des cours élevés pourrait être suffisamment rentable pour persuader des sociétés occidentales de prendre en charge le financement du pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan, dont le coût, très élevé, pourrait se situer entre 2 et 6 milliards de dollars américains, et dautres pipelines, même si des considérations de sécurité et de stabilité entreront également en ligne de compte. Par ailleurs, pour des raisons économiques et géographiques, il serait souhaitable que les pays se dotent dune forme de coopération pour stimuler leurs économies. Attestant limportance cruciale de la coopération régionale au niveau du développement économique, la Banque mondiale sefforce de promouvoir lidée dun forum de coopération du Caucase auquel participeraient les organismes multilatéraux, les pays donateurs et les pays transcaucasiens et ce, en vue délaborer une approche concertée à la coopération régionale.
La proposition de la Banque mondiale repose manifestement sur une approche macroéconomique, mais il existe déjà des efforts de coopération à des niveaux inférieurs. Le marché régional florissant de Sadakhlo, à la frontière de la Géorgie et de lArménie, en fournit un bon exemple. Selon un article paru en juin 2000 dans la revue The Economist :
Sadakhlo est situé à proximité de la charnière où se rencontrent les trois républiques du Caucase. Des autocars en provenance de la capitale de lAzerbaïdjan, Bakou, de lArménie et même du Haut-Karabakh, font la queue aux abords du village. Les Azéris y troquent des produits alimentaires, des vêtements et de la farine en provenance de Turquie et de Russie contre divers produits arméniens et une poudre à lessiver iranienne appelée Barf
Le marché répond aux besoins économiques vitaux de la population dune région dune extrême pauvreté et dont la plus longue frontière est fermée. La moitié environ de la population de la capitale arménienne, Erevan, porte des vêtements turcs achetés à Sadakhlo. Les rebelles arméniens de la république autoproclamée du Haut-Karabakh boivent sans arrière-pensée de lAzercay (un thé azéri) produit par leurs supposés ennemis. Les Géorgiens semblent tout à fait disposés à maintenir les droits de douane à un minimum. « Le marché nest pas une zone de libre-échange », explique Jamal Bediev, le directeur géorgien du marché. « Il reste quil résout un grand nombre de problèmes inter-États ».
Comme les membres du Comité lont appris à Istanbul de représentants du Comité turc-arménien de développement de lentreprise, le commerce non officiel est un moyen de multiplier les contacts entre les parties aux conflits, dencourager la prospérité et détablir la confiance nécessaire à lacceptation de compromis. Ces représentants ont proposé plusieurs manières dont le Canada pourrait stimuler le développement dans cette région et y acquérir ainsi une plus grande stature. Eux aussi ont recommandé que davantage détudiants de la région aient la possibilité daller au Canada.
Les liens économiques entre le Canada et les trois républiques transcaucasiennes demeurent mineurs. Peu dentreprises canadiennes sont actives dans la région, et les échanges de marchandises bilatéraux y ont représenté 6,21 millions de dollars canadiens en 2000 dans le cas de la Géorgie, 4,05 millions dans le cas de lAzerbaïdjan et 3,15 millions dans le cas de lArménie. Sil est important de ne pas surestimer le potentiel du Caucase méridional pour les entreprises canadiennes des secteurs du pétrole et du gaz, de la construction et dautres secteurs, il ne faut pas non plus le sous-estimer, particulièrement si des accords de paix viennent un jour prochain régler les conflits actuels. Une présence diplomatique canadienne permanente dans le Caucase méridional aurait sûrement permis de multiplier les liens économiques et daméliorer la qualité et la quantité dinformation dont disposent les Canadiens qui envisagent de faire des affaires dans cette région.
Les États du Caucase méridional soient relativement plus avancés que ceux dAsie centrale au niveau de ladoption des normes internationales en matière de démocratie, de bonne gouvernance et de droits de la personne, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Dans une présentation portant à la fois sur le Caucase méridional et lAsie centrale, Alex Neve dAmnistie Internationale a recommandé quon cherche surtout à protéger les personnes qui défendent les droits de la personne, à mettre un terme à limpunité et à intervenir au sujet des cas de torture qui semblent persister. Au sujet du Caucase méridional en particulier, il a insisté sur les défis que posent les cessez-le-feu en Géorgie et dans le Haut-Karabakh et les fortes populations de réfugiés et de personnes déplacées. Il a admis quune plus grande présence du Canada dans la région contribuerait utilement à la promotion des droits de la personne. Il a dit notamment : « Grâce à une présence accrue surtout diplomatique nous aurons la possibilité de prendre des mesures, de suivre l'évolution de la situation, de discuter de ces questions avec les gouvernements ». Il a dit aussi :
Il ne faut pas oublier le Conseil de l'Europe, qui joue un rôle très important surtout auprès des pays du Caucase méridional. La Géorgie, comme je l'ai mentionné, est devenue membre récemment du Conseil de l'Europe. Le Canada n'en fait pas partie, mais il y siège comme observateur. Nous suivons les dossiers de près. Nous jouons un rôle actif au sein de l'organisme. Nous avons des discussions avec ces pays. Voilà donc un autre organisme auquel nous devrions consacrer plus d'attention, un organisme qui, à mon avis, peut jouer un rôle déterminant et faire avancer les choses sur bien des fronts.
Le fait que ces trois États soient maintenant tous membres du Conseil de lEurope témoigne des progrès réalisés et contribuera à sassurer que ces pays respectent les normes juridiques et politiques internationales, comme la démontré le cas de la Turquie ces vingt dernières années. Les valeurs défendues par le Canada et dautres pays sont importantes en soi. Dans le cas de la Transcaucasie cependant, elles revêtent une importance cruciale pour le règlement des conflits dans la région, lequel exigera pas mal de compromis de la part de toutes les parties, la volonté daccorder des garanties tangibles relativement aux droits des minorités au sein de régimes fédéraux et laptitude à résister à déventuelles provocations émanant de partisans de la ligne dure qui ont tout intérêt à maintenir le statu quo. Or, tous ces facteurs dépendent essentiellement de ladoption des principes et pratiques démocratiques. Comme on lindique dans le rapport sommaire dune conférence dexperts qui a eu lieu en mars 2000 à Wilton Park :
Les déficiences de la société civile et labsence dopinion publique active et informée se remarqueront le plus lorsque les pays devront accepter des accords de paix controversés. Ainsi, les présidents de lAzerbaïdjan et de lArménie, tous deux parfaitement au courant des réalités politiques et économiques de leurs pays, sont manifestement capables de sentendre sur les grandes lignes dun accord sur le Haut-Karabakh. Lanxiété est grande cependant au sujet de la réaction éventuelle des populations aux compromis.
II. FACTEURS PARTICULIERS PAR PAYS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION DANS LORIENTATION DE LA POLITIQUE CANADIENNE
La Géorgie demeure préoccupée par la question de lintégrité territoriale associée aux violents affrontements civils du début des années 1990 et se trouve aux prises avec de nombreux autres problèmes importants, notamment celui que pose la corruption. Ainsi, et pas seulement parce que ses principaux problèmes sont à caractère interne, la Géorgie reste un ballon dessai de la transition dans le Caucase. Comme on le disait dans la revue The Economist dans le numéro de juillet 2000 :
La Géorgie est à la fois pro-occidentale et plus ou moins démocratique, des caractéristiques rares dans lex-Union soviétique. Si vous poussez vers lest à partir de Tbilissi, vous atteindrez le Japon avant de rencontrer un autre pays où la presse soit aussi libre et où il existe une société civile aussi digne de ce nom. Si tout va bien, la Géorgie pourrait un jour faire partie de lUnion européenne, dici dix ou vingt ans peut-être. À plus long terme encore, M. Chevardnadze voudrait quelle intègre lOTAN. Plus important dans limmédiat, la Géorgie est la seule solution pour le transport vers louest des abondantes réserves de pétrole de la Caspienne. Une Géorgie prospère, démocratique et stable pourrait constituer un bastion despoir pour lensemble de la région pour lAsie centrale à lest et pour la région limitrophe agitée de la Russie au nord. Mais si la Géorgie devait éclater ou se détériorer davantage, le Caucase pourrait sen trouver affecté pour toute une génération.
Les conflits qui ont affligé la Géorgie au début des années 1990 période que le président Chevardnadze a qualifiée de « plus éprouvante » de toute lhistoire du pays ? ont été provoqués dans le premier cas par les politiques nationalistes extrémistes du gouvernement géorgien sous le régime du président Zviad Gamsakhourdia, politiques qui ont donné lieu à des explosions de violence et suscité des appels à lindépendance dans les régions de lAbkhazie et de lOssétie du Sud. Le retour de M. Chevardnadze et son élection à la présidence et la fin des affrontements ont permis le rétablissement dune stabilité relative en Géorgie. Cependant, plusieurs tentatives dassassinat dirigées contre M. Chevardnadze montrent que la situation demeure tendue.
Comme les membres du Comité lont appris en Géorgie, sur les deux conflits qui perdurent en Géorgie, celui de lAbkhazie est le plus éloigné dun règlement. Il continue de susciter à loccasion de violents affrontements, et la situation demeure potentiellement explosive. En entérinant les frontières existantes de la Géorgie lors de la dissolution de lex-Union soviétique, la communauté internationale a unanimement rejeté les prétentions indépendantistes de lAbkhazie. Il sagit donc de déterminer quel degré dautonomie peut être accordé à lAbkhazie à lintérieur de la Géorgie et comment persuader les Abkhazes, qui gardent un vif souvenir de la guerre du début des années 1990 et sont de facto indépendants, quils peuvent jouir dune sécurité physique et autre en tant que minorité en Géorgie. La force de maintien de la paix de la Communauté des États indépendants (CEI) actuellement en poste en Abkhazie est composée dun unique contingent russe. Les Nations Unies contrôlent le cessez-le-feu et travaillent à un règlement politique global. Comme on la noté précédemment, ladmission de la Géorgie au Conseil de lEurope en 1999 était subordonnée au dépôt dun projet de loi garantissant un degré dautonomie élevé à lAbkhazie et à lOssétie du Sud. Reste à voir si les dirigeants de la Géorgie et de lAbkhazie, avec au besoin les encouragements et lappui de la communauté internationale, sauront consentir les compromis nécessaires.
Le conflit en Ossétie du Sud est bien plus près dun règlement. Dans une entente signée à Moscou en 1996, la Géorgie et lOssétie du Sud ont convenu que celle-ci demeurerait en Géorgie et, si des divergences de vues persistent, elles sont bien moins prononcées que dans le cas de lAbkhazie. Durant leur voyage en Géorgie, les membres du Comité se sont rendus en Ossétie du Sud où ils ont rencontré son chef, Ludvig Chibirov, et se sont trouvés placés directement devant léternel problème de la poule et de luf. La situation a bien progressé depuis 1996, et la résolution du conflit en est aux derniers stades. Parallèlement, M. Chibirov a mis en relief la situation précaire dans laquelle se trouvent les populations dOssétie du Sud sur le plan humanitaire. En fait, sa rencontre avec les membres du Comité a suivi de quelques minutes à peine son entretien avec M. Francis Deng, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les personnes déplacées à lintérieur de leur pays. Notant que le Canada avait eu jusqualors peu de contacts avec lOssétie du Sud, M. Chibirov a sollicité laide du Canada, même sous la forme de modestes dons de blé, étant donné que le pain est considéré comme le baromètre de la qualité de vie en Ossétie du Sud. En plus de résoudre de graves problèmes internes, une telle contribution allégerait lhumeur politique et faciliterait la négociation dun accord de paix. Le Comité est conscient du fait que la communauté internationale préférerait sans doute coordonner toute nouvelle aide à lOssétie du Sud après la conclusion dun accord de paix avec la Géorgie, mais il estime que, dans le contexte dune politique révisée au sujet du Caucase méridional, le gouvernement du Canada devrait chercher des façons de témoigner de son intérêt pour le sort des populations dOssétie du Sud sans prolonger le processus de règlement du conflit.
Enfin, le président Chevardnadze a insisté sur limportance de bonnes relations avec la Fédération de Russie, sans laquelle, selon ses propres termes, lindépendance de la Géorgie serait impensable. Pourtant, linstabilité qui persiste dans le sud de la Russie dont Patrick Armstrong a dit au Comité quelle résultait de divers facteurs, notamment de laspiration traditionnelle des Tchétchènes à la liberté nationale, du très vieux souhait de certains de créer une « république de montagnards » dans le Caucase et du phénomène plus récent de lislamisme wahhabi crée dimportants problèmes pour les deux pays.
Comme nous lavons déjà mentionné, la Russie a accusé la Géorgie de ne pas savoir contrôler sa frontière avec la Tchétchénie. Après plusieurs mois daccusations de la part de la Russie et de dénégations de la part de la Géorgie, la Russie a imposé en décembre 2000 un strict régime de visas à la Géorgie, dont elle a cependant exempté les résidents de lAbkhazie et de lOssétie du Sud. Cette mesure a eu de lourdes conséquences économiques pour la Géorgie et, de lavis de certains observateurs, a réussi à modérer linclination pro-occidentale de celle-ci, qui tient maintenant un discours plus neutre.
La Russie se préoccupe à juste titre de la stabilité et de la sécurité de ses frontières au sud, et le Comité ne pense pas, comme dautres, quelle est responsable de tous les conflits dans le Caucase. Il reste cependant que lintervention militaire russe en Tchétchénie est critiquable pour des motifs dordre humanitaire et dautres motifs. Par ailleurs, limposition dun strict régime de visas à la Géorgie sous prétexte que cela contribuera à contenir le conflit en Tchétchénie, dont elle a cependant exempté les résidents de lAbkhazie et de lOssétie du Sud, et suscite des questions légitimes quant aux réelles motivations de la Russie.
La communauté internationale pourrait, par le biais de lOSCE, prendre des mesures pour convaincre la Russie que ses frontières sont sûres, mais on ne doit pas le faire aux dépens de la Géorgie. Puisque la Géorgie a été forcée de réduire ses effectifs militaires, et notamment ceux des gardes-frontières, à lété 2000, en raison de contraintes budgétaires, de laide internationale à ce chapitre serait très utile.
La Géorgie a atteint certains stades cruciaux de la transition économique, en particulier avec son accession à lOrganisation mondiale du commerce (OMC) à lété 2000. Durant leur séjour à Tbilissi, les membres du Comité ont rencontré des représentants dun organisme dOttawa, le Centre des politiques commerciales et des lois, qui exécutait des travaux financés par lACDI pour aider la Géorgie à se doter de compétences spécialisées en politique commerciale. Le Centre, institué par le gouvernement mais maintenant indépendant, a élaboré un modèle intéressant dans lequel des groupes délaboration de la politique commerciale sont établis dans les pays en transition, avec des liens avec le gouvernement initialement, mais devenant ultérieurement indépendants. Ce modèle a jusquà présent donné des résultats intéressants en Russie et ailleurs, et le Comité estime quil constitue un bon exemple de la façon dont des partenariats entre le gouvernement et le secteur sans but lucratif peuvent faciliter la transition.
En dépit de ses succès au niveau de lOMC, la Géorgie demeure un pays très pauvre daprès des données officielles, plus de la moitié des Géorgiens vivent en dessous du seuil de pauvreté et cette pauvreté a de lourdes retombées sociales. Laide étrangère peut certes être utile, mais la corruption des fonctionnaires et dautres problèmes continuent de freiner les investissements étrangers et le développement économique. Les membres du Comité ont donc été heureux dapprendre que la Géorgie envisageait un nouveau programme de lutte contre la corruption et notamment la nomination, au sein même de ladministration, dun groupe spécial (bien rémunéré) de lutte contre la corruption. Ils ne peuvent quencourager le gouvernement de la Géorgie dans cette voie, tant pour améliorer la condition des citoyens que pour attirer davantage dinvestissements étrangers.
Si la Géorgie a relativement bien avancé sur la voie du développement démocratique et de la bonne gouvernance, il reste quand même encore beaucoup à faire. Amnistie Internationale signale des plaintes persistantes quant au recours à la torture en Géorgie et, malgré la grande popularité de M. Chevardnadze, les élections présidentielles davril 2000 ont été entachées dirrégularités. En outre, comme on la vu, pour espérer une résolution des conflits, il faut que les groupes minoritaires soient convaincus que les principes et processus démocratiques sont suffisamment forts pour leur offrir une réelle protection. Cela sera particulièrement vrai en Géorgie compte tenu des récents conflits, et le Conseil de lEurope, lOSCE et dautres institutions continueront dexercer des pressions en ce sens sur le pays. Une fois encore, une présence canadienne permanente dans la région pourrait contribuer au contrôle des progrès à cet égard.
LAzerbaïdjan se trouve devant un double défi : composer avec les conséquences territoriales et sociales du conflit au Haut-Karabakh et veiller à la mise en valeur avisée de ses importantes ressources pétrolières et gazières. Lors de leurs rencontres avec le Comité à Bakou, le président Gueïdar Aliev et les hauts fonctionnaires de lAzerbaïdjan ont insisté sur limportance de lexploitation pétrolière, qui serait facilitée par un climat de stabilité en matière de sécurité. Ainsi, la résolution du conflit du Haut-Karabakh et le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs foyers demeure prioritaire. Le président Aliev a dit au Comité que, de tous les problèmes de lAzerbaïdjan, celui des réfugiés était le plus ardu, tant sur le plan économique que sur le plan politique.
Selon un rapport de 1999 produit par le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés de lAzerbaïdjan :
LAzerbaïdjan continue dêtre aux prises avec un des problèmes humanitaires les plus complexes du monde. On y compte en effet la plus forte population (par habitant) de personnes déracinées, lesquelles totalisent environ 800 000 personnes (personnes déplacées dans leur propre pays, réfugiés et apatrides) sur une population totale de 8 millions dhabitants. Latonie persistante de léconomie nationale compromet le rétablissement des services sociaux essentiels, entre autres dans les secteurs de la santé et de léducation. Le chômage élevé et le manque dactivités rémunératrices nuisent à lautonomie et entretiennent la dépendance vis-à-vis de laide extérieure dans les collectivités de personnes déplacées.
Lenclave majoritairement arménienne du Haut-Karabakh a été placée en Azerbaïdjan durant la période soviétique. Les tensions ethniques ont monté vers la fin des années 1980 et, après le démantèlement de lUnion soviétique, la violence a éclaté entre les partisans (en Haut-Karabakh et Arménie) de lindépendance du territoire et ceux qui tiennent à ce quil demeure en Azerbaïdjan. La guerre qui sest ensuivie a été très coûteuse sur le plan humain. Elle a fait de nombreuses victimes et au moins 800 000 réfugiés et personnes déplacées qui vivent dans des camps de fortune en Azerbaïdjan de même quau Haut-Karabakh et dans certaines régions adjacentes sous le contrôle des Karabakhs. Notant que la plupart des visiteurs en Azerbaïdjan demeuraient généralement à Bakou, le président Aliev a dit aux membres du Comité quil était extrêmement heureux quils aient décidé de venir en Géorgie pour se rendre compte eux-mêmes des conditions de vie des plus de 7 000 réfugiés et personnes déplacées qui vivent encore dans le village de toile de Barda et dans le village de Ganja tout proche, près de six ans après la fin des affrontements au Haut-Karabakh.
En acceptant les frontières de lAzerbaïdjan telles quelles étaient lors de leffondrement de lUnion soviétique, la communauté internationale a encore une fois rejeté les prétentions à lindépendance de la population du Haut-Karabakh. Lors du sommet de Lisbonne de lOSCE en décembre 1996, trois grands principes avaient été proposés : lintégrité territoriale, ce qui signifiait que le Haut-Karabakh devait rester en Azerbaïdjan; le plus haut degré possible dautonomie pour le Haut-Karabakh; et enfin des garanties de sécurité pour toutes les parties. En 1997, les dirigeants de lAzerbaïdjan et de lArménie (laquelle à toutes fins pratiques négocie pour le compte du Haut-Karabakh, ce qui complique encore la situation) ont accepté la proposition du groupe de Minsk de procéder par étapes : on a proposé dabord que les troupes arméniennes se retirent des régions situées à lextérieur du Haut-Karabakh et que les réfugiés rentrent chez eux, après quoi il serait possible de prendre des décisions sur le statut du territoire. Le président de lArménie, Levon Ter-Petrossian, na pas réussi à convaincre son pays et les dirigeants du Haut-Karabakh daccepter cette entente, et a été forcé de démissionner. Il a été remplacé par Robert Kotcharian, un ancien dirigeant du Haut-Karabakh.
La multiplication des rencontres, ces dernières années, entre les présidents de lAzerbaïdjan et de lArménie ? la dernière en date ayant eu lieu en avril 2001 à Key West en Floride ? et lamélioration du dialogue entre eux en ont convaincu plusieurs que les grandes lignes de lentente sur le Haut-Karabakh sont sans doute déjà établies et que cest la difficulté de sa mise en uvre sur le plan politique qui en empêche la conclusion. Les rencontres que les membres du Comité ont eues avec les présidents Aliev et Kotcharian nont en rien dissipé cette impression. Il reste cependant que, même si les grandes lignes dune entente sont établies, il faut encore en fixer le contexte. Le président Aliev a fait remarquer à juste titre que, même en labsence de solution au conflit, léconomie de lAzerbaïdjan finirait par saméliorer grâce aux recettes pétrolières, tandis que celle de lArménie se détériorerait. Il sefforce donc damener lArménie à accepter un compromis en faisant valoir quune entente aboutirait à un accroissement sensible de la coopération économique au niveau régional et à dautres types de coopération.
Le gros des perspectives économiques de lAzerbaïdjan est subordonné à lexploitation des ressources pétrolières. Selon la BERD, les investissements totaux prévus des pétrolières internationales dans le secteur de lénergie sont de lordre de 40 milliards de dollars américains, et laugmentation des cours du pétrole depuis un an a constitué une véritable manne pour ce pays. Le président Aliev a aussi délibérément multiplié les joueurs dans tous les aspects de lexploitation pétrolière et de la construction de pipelines. Ces projets sont certes importants, mais le fait de tabler autant sur une ressource unique nest pas sans présenter certains inconvénients, notamment un manque de progrès dans les autres secteurs résultant dun faux sentiment de sécurité et un accroissement possible des disparités du fait dune propriété étroite des ressources et de la corruption. À cet égard, lAzerbaïdjan mène une lutte plus timorée contre la corruption que la Géorgie et lArménie.
Nos interlocuteurs du secteur public en Azerbaïdjan nous ont fait part à maintes reprises de leur souhait de voir augmenter la présence canadienne dans ce pays, sur le plan commercial et autrement. Même si les réserves pétrolières de ce pays ne sont pas aussi importantes que celles de lArabie saoudite, les perspectives sont néanmoins très intéressantes pour les entreprises canadiennes dans ce secteur et dautres. M. Rob Sobhani, un représentant de AEC International de Calgary (la plus grande pétrolière canadienne active en Azerbaïdjan), a fait valoir de façon persuasive quun plus grand engagement du Canada, notamment par des visites officielles de chefs dÉtat au Canada, contribuerait à augmenter la part du Canada de cet important marché. Reste à voir si des visites officielles seraient justifiées dans le contexte dune révision de la politique canadienne à légard de cette région, mais il demeure quen sintéressant de plus près au Caucase méridional, on aiderait les entreprises canadiennes qui songent à exploiter les débouchés que présente la région de la Caspienne.
Nous le répétons, une entente sur le Haut-Karabakh garantissant les droits des minorités ne peut être viable quavec des assises démocratiques solides. À cet égard, lAzerbaïdjan a encore beaucoup de pain sur la planche. Il y a bien sûr une opposition officielle et une société civile active, mais les pouvoirs du président sont tels que certains qualifient le régime de « république présidentielle ». Des groupes de lopposition avaient menacé de boycotter les élections parlementaires de lautomne 2000 et, en dernière analyse, selon le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, les élections « ont démontré qu'il existait un fossé entre les attentes internationales et les pratiques locales ». LAzerbaïdjan souhaite multiplier et resserrer ses liens avec lEurope dans le contexte de la nouvelle route de la Soie, et sera donc sensible à des pressions exercées par le Conseil de lEurope, dont le Canada doit se faire lécho.
Bien que lArménie jouisse dune main-duvre très instruite et dun potentiel réel dans un certain nombre de secteurs dactivité à forte valeur ajoutée, les dernières années ont été très difficiles dans ce pays, ce qui a donné lieu à une émigration massive. Le gouvernement arménien admet que lhémorragie a totalisé quelque 700 000 personnes sur une population totale de 3,7 millions dhabitants en 1991, mais beaucoup de gens pensent que le chiffre réel de la population est plus proche de 2 millions dhabitants.
Il est impossible de bien comprendre les événements actuels en Arménie et dans la région sans prendre en considération ce que la Chambre des communes du Canada a qualifié en 1996 de « tragédie arménienne », à savoir le massacre de quelque 1,5 million dArméniens par les forces ottomanes en 1915. Cependant, comme lancien ministre des affaires étrangères de lArménie, Raffi Hovanissian, la dit au Comité à Erevan, si le « génocide » de 1915 a été un moment marquant de lhistoire de lArménie, le pays a perdu presque autant dhabitants dans les dix dernières années du fait de lémigration.
La corruption et les problèmes de gouvernance posent de grandes difficultés en Arménie et sont responsables de la pauvreté et dune crise de confiance dans la population. Une fois encore, le principal facteur de ralentissement de la transition est labsence de règlement des conflits, le fait que le conflit du Haut-Karabakh se déroule hors du territoire ne changeant rien à laffaire. Pour illustrer limportance de considérer ces pays comme appartenant à une région unique, nous signalons que ce conflit qui perdure a entraîné la fermeture des frontières de lArménie, un pays enclavé, avec la Turquie et avec lAzerbaïdjan, ce qui du même coup lempêche de profiter des retombées que lui procurerait le transit du pétrole de la Caspienne et dautres retombées de lexploitation pétrolière. Comme la BERD la noté en 2000 :
La coopération régionale sera la clé du développement économique futur de lArménie. LArménie contribue à ce processus par une coopération avec la Grèce et lIran et espère conclure un accord de transport avec la Géorgie et la Bulgarie. Durant 1999, ses relations avec la Russie ont continué de saffermir
Au niveau international, la Transcaucasie est importante du fait de son rôle dans le transport du pétrole et du gaz en provenance dAsie centrale, bien que les projets de construction de pipelines concernent surtout la Géorgie voisine.
Lancien premier ministre Armen Darbinian, qui dirige actuellement le International Centre for Human Development, nous a dit que, selon lui, le développement des pays de Transcaucasie passait obligatoirement par la coopération au niveau régional. À Erevan, il a signalé aux membres du Comité que jusquà présent, les leaders de la région se contentaient de viser des résultats meilleurs que ceux de leurs voisins tout aussi pauvres. Il a mentionné par exemple que lArménie entretenait de bonnes relations avec la Géorgie voisine, laquelle a réussi à entrer à lOrganisation mondiale du commerce, mais quelle navait aucun lien de coopération avec la Géorgie en matière commerciale.
La politique arménienne comprend par ailleurs un autre élément important, à savoir le maintien de liens étroits avec la Russie, notamment au niveau militaire. Le Comité convient avec ses interlocuteurs dErevan que lArménie a parfaitement le droit de choisir elle-même lorientation de sa politique étrangère et de sa politique de défense. Il reste cependant que, compte tenu de lorientation pro-occidentale de la Géorgie et de lAzerbaïdjan, les politiques pro-russes de lArménie continueront de compliquer la transition de ce pays jusquà ce que la coopération entre les trois républiques soit sensiblement accrue. De toute façon, dans lélaboration de programmes bilatéraux et multilatéraux, comme le programme de corridor de transport Europe-Caucase-Asie de lUE, la communauté internationale a tout intérêt à accroître la coopération de lArménie avec la région, ne serait-ce que pour éviter quelle soit tentée de faire déraper le projet.
Bien quelle soit handicapée par labsence de coopération avec ses voisins, lArménie a quand même quelques réalisations économiques intéressantes à son actif depuis quelques années, attribuables à de laide financière de létranger, à des politiques publiques avisées et à des investissements, provenant en grande partie de la diaspora arménienne. Selon la BERD :
LArménie a lavantage dune diaspora mondiale de quelque 5 millions de personnes. Une bonne partie des gros investisseurs en Arménie proviennent de la diaspora, qui contribue au financement des infrastructures et au développement des PME. La diaspora travaille dur pour faire connaître lArménie et ainsi maintenir les flux daide occidentale.
En sus de leur importance économique, les Arméniens de la diaspora peuvent avoir une importance politique non négligeable. Les liens étroits de lArménie avec la Russie sur le plan militaire et autrement et linfluence des Arméniens à Washington placent lArménie dans une position très particulière dans la mesure où elle jouit du soutien à la fois des militaires russes et du Congrès américain. Lorsque nous lavons interrogé à Erevan au sujet du budget dassistance à lArménie des États-Unis, un représentant de lAgence américaine pour le développement international nous a confié que lArménie obtenait plus dargent quelle nen demandait. Nos interlocuteurs en Arménie nous ont indiqué que le Canada avait davantage de coentreprises en Arménie que les États-Unis, mais ont fait valoir éloquemment que le Canada pourrait avantageusement accroître sa présence économique ou autre en Arménie, argument que soutient la communauté arménienne du Canada. Celle-ci est nombreuse et bien organisée : elle regroupe quelque 75 000 personnes dont la plupart vivent à Toronto et à Montréal.
Étant donné son manque de ressources et le fait que la plupart de ses frontières sont closes, lArménie a décidé de privilégier les activités à forte valeur ajoutée comme le polissage du diamant et la conception de logiciels où le potentiel est intéressant. Denis Leclaire de lUniversité St. Marys estime que lindustrie arménienne des logiciels est importante, même si elle nest pas aussi avancée que le croit le gouvernement.
[ ] à un certain niveau, l'informatique n'a pas vraiment de secrets pour les Arméniens. Sur le plan technique, ils sont probablement aussi bons, sinon meilleurs, que les usagers de l'informatique ailleurs dans le monde, mais il n'empêche qu'ils ont besoin d'aide pour apprendre à utiliser l'Internet à des fins commerciales, et surtout pour les besoins du marketing. Leurs méthodes de commercialisation sont vraiment épouvantables. C'est l'un des domaines où nous voulons leur venir en aide.
Lassassinat au Parlement, en octobre 1999, du premier ministre Vazgen Sarkissian, du président Karen Demirchian et de six autres personnes, un crime que beaucoup pensent lié à la perspective dun règlement de paix au Haut-Karabakh, illustre bien lampleur des problèmes en Arménie. Les mois qui ont suivi ont été très difficiles, politiquement, pour le président Robert Kotcharian, mais la façon dont il est arrivé à former un nouveau gouvernement au milieu de 2000 donne à penser quil serait éventuellement capable de « vendre » un accord de paix en Arménie et dans le Haut-Karabakh. Le Comité ne croit pas, comme certains, que cest la Russie qui, en dernière analyse, possède la clé du règlement du conflit du Haut-Karabakh. On ne peut nier cependant que le gouvernement russe a indubitablement une grande influence sur le gouvernement arménien.
La situation politique en Arménie joue un rôle important dans le règlement du conflit, mais un autre problème se pose dans la mesure où la population semble maintenant douter de la légitimité du régime politique. Le ministre des Finances, Levon Barkhoudarian, un ancien ambassadeur au Canada, convient quil faut lutter contre la corruption et réformer la fonction publique. Selon lui, la « bonne gouvernance » est une jolie expression, mais limportant, cest la réforme de la fonction publique. Lancien premier ministre Darbinian pense quon na pas bien saisi à quel point la stabilité et la règle de droit étaient cruciaux pour la transition et a recommandé que, outre les réformes structurelles et la réforme de la fonction publique, on mette davantage laccent sur le développement démocratique.
III. ORIENTATIONS POSSIBLES DE LA POLITIQUE CANADIENNE
Les audiences du Comité et son voyage dans le Caucase méridional ont fait ressortir la nécessité de réviser la politique canadienne relativement à cette région importante et complexe. Comme on la dit précédemment, cette politique doit reposer sur une perspective à long terme et viser à soutenir le développement de la société civile en mettant laccent sur léducation et dautres programmes. Les républiques transcaucasiennes sont aux prises avec de grandes difficultés sur le plan économique et sur le plan de la gouvernance, difficultés auxquelles elles vont devoir remédier au moyen de programmes favorisant le développement démocratique et la lutte contre la corruption si elles veulent attirer les investissements du Canada et dailleurs.
Le principal problème de la région demeure cependant lié aux conflits en suspens qui ont entaché les dix dernières années et continuent dentraver la coopération régionale en matière de sécurité, sur le plan économique et sur dautres plans. Outre les recommandations contenues dans la Partie I, il importe donc que la politique canadienne soit axée davantage sur le règlement des conflits et la consolidation de la paix par le biais des programmes bilatéraux de lACDI, dautres programmes et de mécanismes multilatéraux. LOSCE joue évidemment un rôle clé à cet égard puisquelle sintéresse à la fois au règlement des conflits et à la bonne gouvernance. Le Canada devait donc appuyer davantage lOSCE en mettant laccent sur les activités à lappui du règlement des conflits dans le Haut-Karabakh et ailleurs, et de lélaboration de solutions pour remédier au problème des réfugiés et des personnes déplacées et sur les mesures propres à encourager la coopération au niveau régional et le développement démocratique.
Si lon veut que le Canada joue un rôle informé dans le développement et la prospérité à long terme du Caucase méridional, il va falloir établir une présence diplomatique canadienne permanente dans la région, idéalement dans les trois républiques. Selon le Comité, linformation recueillie justifie létablissement dune ambassade dans la région dans les meilleurs délais. La question de lendroit où devrait se trouver lambassade est vite réglée du fait quil serait impossible de représenter lAzerbaïdjan ou lArménie à partir du territoire de lautre État. Pour cette raison, le Comité estime que le gouvernement du Canada doit ouvrir une ambassade en Géorgie qui serait responsable des relations du Canada avec les trois républiques transcaucasiennes. Le Canada devrait aussi envisager douvrir des ambassades en Azerbaïdjan et en Arménie une fois que ces pays se seront entendus sur un règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh.
Recommandation 3
Le Comité recommande que, dans le contexte de la révision de sa politique à légard du Caucase méridional, le gouvernement du Canada envisage dappuyer davantage les activités de lOSCE de même que des mesures propres à instituer un climat favorable au règlement des conflits et à linvestissement étranger par le développement des institutions démocratiques et par la lutte contre la corruption dans les pays concernés. Pour ce qui est du Haut-Karabakh, le gouvernement du Canada devrait tirer parti de toutes les possibilités quoffrent les relations bilatérales et les institutions multilatérales pour chercher un règlement au conflit.
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada ouvre une ambassade en Géorgie qui serait chargée des relations du Canada avec les trois républiques du Caucase méridional. Le gouvernement du Canada devrait aussi être prêt à envisager louverture dambassades en Azerbaïdjan et en Arménie dans léventualité dun règlement du conflit du Haut-Karabakh et dun accroissement de la coopération au niveau régional.