INST Rapport du Comité
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CHAPITRE 9 : LE RÉGIME DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
La création des droits de propriété intellectuelle est un instrument important dont on sest doté pour favoriser linnovation dans lindustrie. Toutefois, la contribution exacte de cet outil est sujette à débat, sinon à controverse. La société reconnaît depuis longtemps que linformation, lorsquelle appartient à des particuliers (plutôt quau public), est une source de richesse personnelle. Par contre, lorsquelle est largement diffusée, elle peut être facilement utilisée par dautres et ne produit alors que très peu, voire pas du tout, de richesse pour la personne qui a fait la découverte. Par conséquent, sil nest pas motivé financièrement à divulguer une information nouvelle, le particulier nest guère susceptible de la rendre publique et les entrepreneurs ne peuvent en tirer parti. Dans ces conditions, inutile de dire que léconomie et la qualité de vie ne seront pas ce quils auraient pu être.
De nombreuses sociétés, habituellement dans les pays industrialisés, ont réagi à cette dichotomie entre lintérêt privé et lintérêt public en créant un droit de propriété sur la connaissance, un droit analogue à celui qui sapplique à dautres éléments de propriété privée. Il donne à son titulaire le pouvoir dinterdire à dautres dutiliser les connaissances découvertes en échange de leur divulgation, et récompense ainsi les efforts dinnovation en proportion des perspectives commerciales quils ouvrent. Le Comité a pris connaissance de lutilité pratique dun régime de propriété intellectuelle :
[L]es droits sur la propriété intellectuelle sont là, comme nous le savons, pour protéger des investissements en matière dinnovation. Les firmes de notre enquête ont reconfirmé limportance de cette dimension. Cest-à-dire que ce sont des entreprises qui se prévalent de ces droits, qui ont recours à la marque de commerce et aux brevets fréquemment. Et notamment à chaque fois quelles veulent défendre une innovation. [John Baldwin; 13, 9:20]
La pièce 9.1 présente dautres faits et impacts qui sont ressortis dune enquête de Statistique Canada sur le sujet. Ce que cette enquête ne révèle pas, cependant, cest quau-delà du désir dinnover ¾ les innovations pouvant être obtenues sans lexistence dun régime de propriété intellectuelle ¾ , il existe une autre raison fondamentale de légiférer sur les droits de propriété intellectuelle :
Dun côté, les innovations coûtent cher à produire, mais sont faciles à copier. Les brevets constituent un facteur dincitation à linnovation de même quà la divulgation de linformation et à léchange de renseignements grâce à la concession de licence. Ainsi, même sils nétaient pas lélément qui motive linvention, nous pourrions malgré tout vouloir que les brevets existent afin damener les entreprises à faire connaître leur invention. [Nancy Gallini, University of Toronto; 29, 11:05]
Pièce 9.1
o Les idées qui se concrétisent dans des innovations ne sont pas toutes suffisamment originales pour être brevetables.o Les innovations ne marquent pas toutes une première dans le monde.§ Seulement 15 % des innovations marquent une première dans le monde. Près de 80 % de leurs auteurs se protègent.§ Moins de la moitié utilisent des brevets.
o Cest tout particulièrement le cas pour les brevets et les marques de commerce.
o Lutilisation des brevets dans lindustrie du caoutchouc et des plastiques est plus élevée que dans les industries de base.o Les entreprises des industries de lalimentation, des boissons et des produits du papier nutilisent pas très souvent les brevets, mais elles enregistrent lun des taux dutilisation les plus élevés des marques de commerce et des secrets commerciaux.
o Le entreprises des industries de base privilégient les brevets, les droits dauteur, les dessins industriels et les marques de commerce plutôt que les secrets commerciaux.Source : Statistique Canada, no au catalogue 88-515-XPE, 1997. |
Les inventeurs ont souvent dautres moyens à leur disposition pour se protéger contre la contrefaçon de leurs inventions ¾ notamment des biens cospécialisés exclusifs ou un savoir complémentaire « tacite » ¾ , mais de nombreux secteurs de léconomie comptent énormément sur les droits de propriété intellectuelle pour tirer profit de leurs découvertes. Parmi ces industries, mentionnons celles des produits pharmaceutiques, des produits chimiques, du pétrole raffiné, du caoutchouc, des plastiques, des produits électriques et de la machinerie. En outre, bien que le gouvernement ait recours à dautres instruments de politique économique qui stimulent la R. et D., notamment les subventions
de recherche, la recherche sous contrat et les prix dexcellence pour la recherche, toutes ces mesures ont des défauts de conception particuliers qui créent des distorsions économiques. Par exemple, les deux premières peuvent ne pas favoriser les chercheurs les plus efficaces ou de moindre coût et, peu importe qui en bénéficie, la rétribution est fonction des intrants utilisés ¾ ce qui ouvre la porte à des abus dans les différentes façons d« étirer » la subvention ou de prolonger le contrat ¾ plutôt que des résultats obtenus. Quant aux prix dexcellence, il règne de lincertitude en ce qui concerne la crédibilité et la capacité décisionnelle de lorganisme qui les attribue. Ainsi, malgré la possibilité dune utilisation sous-optimale dune invention, la propriété intellectuelle a ses avantages :
Jaimerais souligner que ce qui est bien avec la propriété intellectuelle, cest quelle est décentralisée. Cest le marché qui récompense les bonnes inventions et qui pénalise les mauvaises. [Nancy Gallini; 29, 11:05]
Le marché constitue un moyen efficace pour traiter linformation il montre aux gens où investir dans linnovation afin de réaliser ultérieurement un profit et dêtre récompensé comme il se doit. Pour que les marchés fonctionnent, il faut quil existe des lois bien définies sur la propriété, notamment sur la propriété intellectuelle. [Gwillym Allen, Bureau de la concurrence, Industrie Canada; 29, 11:05]
Donc, du point de vue de la société, le pouvoir dempêcher les autres dutiliser des connaissances découvertes et protégées par un droit de propriété à moins quune compensation ne soit versée à la personne qui a découvert ces connaissances encourage les concurrents à innover à leur tour pour obtenir la divulgation de la découverte. Linformation privée est donc rendue publique dune manière rentable. Toutefois, cette rivalité créée par le droit de propriété intellectuelle nest pas sans coûts pour la société. Toutes les mesures dincitation à linnovation, et notamment le droit de propriété intellectuelle, souffrent à divers degrés de la course ainsi créée. Premièrement, cette concurrence où il ny a quun seul vainqueur entraîne souvent des dédoublements et gaspillages dans la R. et D. Deuxièmement, ce pouvoir dexclusion provoque un ralentissement de la diffusion des techniques; toutefois, sans ce droit dexclusion, il ny aura souvent rien à diffuser. Cest pourquoi un régime des droits de propriété intellectuelle doit de préférence être accompagné dune solide politique sur la concurrence pour être efficace. De plus, dans une économie développée et moderne fondée sur les connaissances comme la nôtre, largument voulant quil y aura trop de concurrence dans les activités de R. et D. et trop peu de concurrence dans lutilisation des découvertes est moins convainquant. Il est clair quun régime des droits de propriété intellectuelle est somme toute avantageux. Ce quil nous faut déterminer maintenant, ce nest pas si ce régime devrait exister, mais plutôt la protection que la société devrait offrir aux innovateurs par son truchement. Quelle serait la protection optimale?
Pour essayer de répondre à cette question importante, un expert de ce secteur a proposé quavant dexaminer comment renforcer le régime des droits de propriété intellectuelle du Canada, il nous faudrait peut-être étudier limpact quont eu sur les brevets et linnovation 1) les changements apportés dans le passé au régime canadien des droits de propriété intellectuelle; et 2) les changements judiciaires et législatifs survenus récemment aux États-Unis et qui ont élargi et renforcé la protection par brevet bien au-delà de ce qui prévu aujourdhui au Canada. Ces changements pourraient nous en apprendre beaucoup sur le régime actuellement en vigueur au Canada et sur la possibilité de stimuler réellement linnovation en élargissant ou renforçant ces droits. Voici les conclusions auxquelles en est arrivé ce chercheur :
Depuis le milieu des années 1980 et le début des années 1990, le taux national dobtention de brevets a augmenté. Si on tient compte des données par habitant, ce taux na toutefois pas augmenté autant que cela. Ce qui est plus intéressant toutefois que le taux, cest qui obtient les brevets et qui cherche à innover. Un grand nombre de ces innovations sont des innovations étrangères, des innovations qui nous sont venues des États- Unis parce quà peu près à la même époque, cest-à-dire depuis le début des années 1980, nos voisins du Sud ont réellement renforcé leurs mécanismes de protection par brevet. Ils ont élargi léventail des découvertes brevetables, en ajoutant par exemple les méthodes commerciales, les logiciels et les formes de vie évoluées. Ce nest donc pas les changements apportés au Canada qui ont soudainement stimulé linnovation.
[Nancy Gallini; 29, 11:10]
Devrions-nous adopter une loi Bayh- Dole? Cest cette loi qui a donné aux universités des droits de propriété et des brevets sur le fruit de recherches financées par lÉtat. Nous navons pas réellement une telle loi au Canada. Je dirais quaprès toutes les études menées aux États- Unis concernant les effets sur linnovation des changements apportés au droit des brevets, ils ont trouvé très peu de preuves démontrant que linnovation avait progressé sauf dans les secteurs où lon peut maintenant obtenir des brevets et où on ne le pouvait pas auparavant [Nancy Gallini; 29, 11:15]
Le message que de nombreux Américains nous transmettait, cétait que le Canada avait un assez bon dossier dans le domaine de la propriété intellectuelle. Il cherche beaucoup plus à maintenir cet équilibre entre lincitation à innover et laccès aux inventions. [Nancy Gallini; 29, 11:15]
Le Comité est daccord avec ces conclusions et généralement satisfait de lactuel régime du Canada en matière de propriété intellectuelle : cest un bon équilibre entre les préoccupations et les intérêts opposés. En effet, dans sa forme présente, le régime canadien procure aux innovateurs la dose appropriée de motivation, tout en générant dindispensables connaissances techniques et en servant les intérêts des consommateurs canadiens pour ce qui est dobtenir, à des prix raisonnables, des produits et des services modernes. Le Comité nexclut cependant pas quil pourrait être avantageux de considérer quelques retouches mineures à la conception du régime.
Au Canada comme ailleurs, la propriété intellectuelle revêt un certain nombre de formes : brevets, droits dauteur, marques de commerce, lois sur le secret industriel, dessins industriels, dessins de circuits intégrés, indication géographique et droits des sélectionneurs (voir pièce 9.2). En divisant la propriété intellectuelle en fonction de ces différentes catégories, les autorités peuvent façonner des règles adaptées aux différentes caractéristiques de la propriété en question (avec un certain choix quant à linstrument à utiliser), ce qui réduit sur le marché les incertitudes par rapport à la délimitation des droits et des obligations. En raison de contraintes de temps et de questions litigieuses hors de la portée du Comité et qui empiéteraient sur dautres travaux de comités parlementaires, nous avons choisi de traiter spécifiquement des brevets.
Pièce 9.2 Brevet : droit de propriété relatif à une nouvelle invention, qui accorde à son propriétaire (breveté) lexclusivité pour ce qui est dutiliser, doffrir à la vente, de vendre ou dimporter le produit, la technologie ou le procédé (sétend habituellement sur une période de 20 ans à partir de la date du dépôt (invention aux États-Unis)). Droits dauteur et droits voisins : droits moraux, y compris le droit de paternité des uvres (expression de connaissances, bases de données, etc.), qui protègent les titulaires de la contrefaçon ainsi que de la diffusion et la reproduction non autorisées (sappliquent habituellement du vivant de lauteur et durant 50 années après sa mort). Marques de commerce : marques distinctives utilisées pour identifier et caractériser les biens ou les services dune entreprise et qui protègent leurs propriétaires de la contrefaçon (habituellement sept ans). Lois sur le secret industriel : ajoutent des sanctions et des procédures judiciaires aux stratégies dont dispose un propriétaire dinformation pour empêcher lingérence. Droits sur les dessins industriels : protection à légard de dessins de produits nouveaux et originaux (habituellement pour une période de dix ans). Droits sur les dessins de circuits intégrés : confèrent des droits semblables pour une topographie, qui est le dessin de la disposition dun produit de circuits intégrés, avec certaines limites (habituellement pour des périodes de huit à dix ans). Droits des sélectionneurs : confèrent un droit exclusif de vendre et de produire du matériel de propagation (graines) de nouvelles variétés végétales. Droits dindication géographique : protections conférées aux propriétaires de biens dune origine déterminée, lorsque la qualité des biens, leur réputation et dautres caractéristiques sont attribuables à leur origine géographique. |
Les droits de propriété intellectuelle, les brevets dans ce cas-ci, sont déterminés par les traits suivants :
- admissibilité à légard du droit;
- durée du droit;
- portée du droit;
- exigence de nouveauté;
- besoins daccès.
En bref, plus la durée est longue, plus la portée est grande, plus lourde est lexigence de nouveauté ou moins les besoins daccès relatifs au droit sont imposants, plus il sera difficile par la suite dinventer à partir de linvention, moins il y aura de risque dinventions subséquentes et plus fortes seront les chances que les éventuels concurrents soient écartés. Linverse est également vrai. Cela ne signifie pas que le secteur de la haute technologie ou les dynamiques marchés novateurs, dont les entreprises peuvent détenir dimpressionnants portefeuilles de brevets, auront des tendances au monopole; à long terme, les produits, technologies et procédés de production resteront une source constante de concurrence.
Des débats théoriques sur la conception optimale dun droit de brevet se sont concentrés sur les trois aspects les plus fondamentaux, soit la durée, la portée et la taxe de renouvellement. Règle générale, les industries ont des besoins différents pour ce qui est de la protection quoffrent ces trois caractéristiques. Par exemple, les industries hautement novatrices comme la biotechnologie, les semi-conducteurs et le traitement micro-informatique dont les produits deviennent périmés relativement vite dans le marché daujourdhui, préféreraient une plus large portée et une durée plus courte à loption contraire. De même pour les inventeurs dun produit ou dun service très populaire (précisément parce que le succès entraîne la concurrence). Par contre, les industries qui ne modifient pas souvent leurs produits ou leurs procédés pencheraient pour un brevet de longue durée et de faible portée. Selon un autre point de vue économique, linnovation en matière de procédés devrait recevoir dun régime de propriété intellectuelle une protection plus large ou de plus grande portée car cela permettrait de contrebalancer les stimulants industriels à une innovation excessive en matière de produits, étant donné que la différenciation des produits qui en résulte a tendance à étouffer la concurrence des prix alors que linnovation en matière de procédés na pas cet effet. Ces données portent à croire que lorganisme de réglementation de la propriété intellectuelle pourrait vouloir concevoir un menu de catégories et de types de brevets offrant des niveaux de protection différents selon chacune des caractéristiques, ce qui permettrait aux inventeurs de se répartir en fonction de ce qui leur convient le mieux.
Dans lactuel contexte dinnovation rapide, une autre controverse est apparue au sujet des aspects entourant lexigence de nouveauté de la propriété intellectuelle. De plus en plus, les innovations sont perçues non pas comme des changements distincts au niveau des produits et des technologies mais comme des changements de nature plus marginale. Dans ce cas, les industries qui se caractérisent par une innovation cumulative éprouvent des besoins différents parce quelles se distinguent par un effet de retombées économiques lavantage de « se tenir sur les épaules de géants » , selon lequel linnovation de pointe abaisse les coûts et augmente la probabilité de réaliser des innovations marginales ou subséquentes. Encore une fois, lorganisme de réglementation pourrait vouloir se pencher sur la conception ou la force de lexigence de nouveauté. Nous opposerions ici les intérêts de linnovateur davant-garde à ceux des innovateurs subséquents. Dun côté, le premier préférerait une solide exigence de nouveauté et une plus grande portée, à défaut de quoi il pourrait envisager lavantage stratégique de ne pas divulguer linnovation originale et de renoncer à certains profits initiaux pour plutôt faire des innovations marginales à la place de ses rivaux potentiels et ainsi gagner davantage plus tard. De lautre côté, les innovateurs subséquents bénéficieraient sans contredit dune exigence de nouveauté peu rigoureuse et dune portée étroite puisquils éviteraient ainsi de devoir obtenir une licence ou de payer une redevance à linventeur davant-garde. Il faut donc équilibrer les intérêts, mais aussi se pencher sur ce qui semble se passer aux États-Unis où les brevets sont perçus comme étant particulièrement forts :
Des brevets solides pourraient réduire la quantité dinnovations si linnovation est cumulative. Lorsque je dis cumulative, je veux dire découlant de recherches antérieures; pour faire un médicament, vous devez comprendre la composition génétique, et alors vous identifiez le gène pour finir par produire le médicament. Par conséquent, les entreprises qui obtiennent les premiers brevets pourraient à la limite retarder les innovations futures. Il y a de multiples litiges entre les entreprises qui détiennent de solides droits de brevets, empêchant ainsi toute recherche subséquente, et Texas Instruments est bien connu sur ce plan. Les entreprises sadonnent aussi à du brevetage futile : elles ne veulent pas breveter des innovations mais plutôt obtenir de la monnaie déchange à transférer à dautres entreprises pour éviter les poursuites. Ainsi, il y a beaucoup déchange de licences, par exemple dans lindustrie du semi-conducteur [Nancy Gallini; 29, 11:10]
Dans la pratique, toutefois, la politique en matière de brevet a privilégié une période de 20 ans à partir de la date du dépôt, prévoyant le versement répété dune taxe périodique ou dune taxe de renouvellement et laissant intouchées les caractéristiques de portée, de nouveauté et daccès. Le Comité ignore si lécart entre la théorie et la pratique vient de ce que les régimes de propriété intellectuelle restent peu développés en raison de la controverse politique quentraînent les suggestions de changement ou alors quil persiste encore des problèmes pratiques non résolus ou impossibles à résoudre. Quoi quil en soit, il pourrait être avantageux déviter le modèle « universel » de la protection liée aux brevets.
Trois changements ont été suggérés au Comité : 1) étendre ladmissibilité aux produits logiciels et à certaines pratiques commerciales nouvelles moyennant une exigence de nouveauté beaucoup plus stricte (comme au Japon) et une durée de brevet plus courte que celle qui est offerte aujourdhui; 2) une durée de brevet plus longue (moyennant une taxe de renouvellement) pour les biens, par exemple les médicaments (comme en Europe), soumis à des délais réglementaires; 3) :
La dernière suggestion pourrait être didentifier les secteurs dinnovation au Canada. La biotechnologie, lindustrie de la haute technologie, linformatique font preuve de beaucoup dinnovation au Canada. Peut-être navons pas besoin dune politique uniforme en matière de brevets, peut-être devrions-nous avoir une protection diversifiée pour les innovations sur les plans de la portée et de la durée. [Nancy Gallini; 29, 11:20]
Le Comité voit dans ces suggestions des changements légitimes à considérer, mais estime que leurs mérites nont pas été suffisamment prouvés, du moins pas à son endroit. Il faudrait mieux démontrer, avant quon étende le privilège, quil y a soit préjudice ou que linnovation est affaiblie dans ces secteurs. Par conséquent, le Comité recommande :
15. Que le gouvernement du Canada sengage à maintenir lactuel régime de protection et de droits de propriété intellectuelle, tout en adoptant la position de principe que toute extension non négligeable dun quelconque aspect du privilège nécessite la démonstration de ses avantages nets pour la société.
Droits de propriété intellectuelle, pools de brevets et politique sur la concurrence
Les lois sur la propriété intellectuelle et sur la concurrence sont deux outils dintervention complémentaires qui favorisent lefficience économique. Dune part, les lois sur la propriété intellectuelle stimulent linnovation et la diffusion technologique en conférant des droits de propriété exécutoires pour les innovateurs de produits nouveaux et utiles, de services, de technologies et duvres originales. Les lois sur la concurrence, dautre part, protègent ces mêmes efforts de toute pratique anticoncurrentielle qui créerait ou renforcerait une puissance commerciale ou alors étoufferait la rivalité entre les entreprises. Ce faisant, le droit canadien sur la concurrence peut imposer des limites aux conditions en vertu desquelles les propriétaires de droits de propriété intellectuelle peuvent transférer ces droits à dautres ou en permettre lutilisation. Il ny a pas, comme on le croit communément, une certaine friction entre ces deux outils dintervention. De lavis dun expert en droit de la concurrence :
Une fois la protection fournie, la société tire profit de lapplication de la Loi sur la concurrence à la propriété intellectuelle pour les mêmes raisons quelle bénéficie de lapplication de la Loi à dautres propriétés. Appliquer les dispositions législatives sur la concurrence à la pratique liée à la propriété intellectuelle peut empêcher le comportement anticoncurrentiel qui nuit à la production et à la diffusion efficaces des biens et des technologies et à la création de nouveaux produits. La politique sur la concurrence et les droits de propriété intellectuelle, au lieu daller fondamentalement à lencontre lun de lautre, visent lobjectif global complémentaire de favoriser lefficience dans un environnement commercial dynamique. Les deux lois font la promotion de linnovation et augmentent le bien-être.
[Gwillym Allen; 29, 11:20]
En général, le Bureau de la concurrence lorganisme responsable de lapplication de la Loi sur la concurrence analyse la situation pour déterminer si une opération ou un aspect des activités dune entreprise touchant la propriété intellectuelle risquent de nuire à la concurrence. Le Bureau procède à cette analyse en cinq étapes :
- il identifie lopération ou les activités incriminées;
- il définit les marchés concernés;
- il détermine si les entreprises étudiées jouissent dune position dominante sur le marché en examinant le niveau de concentration et les conditions dentrée sur le marché pertinent, de même que dautres facteurs;
- il détermine si la transaction ou la pratique en cause pourrait empêcher ou réduire indûment ou sensiblement la concurrence dans les marchés concernés;
- il tient compte, au besoin, de toute justification fondée sur lefficience.
La démarche du Bureau de la concurrence en matière dexécution repose sur le principe selon lequel les avantages commerciaux découlant de l'exploitation d'une propriété intellectuelle doivent être en grande partie déterminés par les conditions du marché et par les avantages relatifs conférés par un droit de PI. Le Bureau peut intervenir lorsqu'une entreprise profite de la protection accordée à la PI pour se livrer à des agissements qui créent, renforcent ou maintiennent une puissance commerciale interdite par la Loi sur la concurrence. Dans la mesure où des pratiques telles que le complot, le truquage des offres, l'abus conjoint de position dominante, les ententes relatives à la répartition des marchés et les fusionnements entravent la concurrence entre les entreprises offrant des produits ou des services de substitution réels ou potentiels, l'existence d'une PI ne constitue pas une circonstance atténuante. De telles pratiques feraient l'objet d'un examen en vertu des dispositions générales pertinentes de la Loi sur la concurrence.
Le Bureau de la concurrence na pas hésité à soutenir la collaboration en R. et D. entre des chercheurs qui pourraient éventuellement devenir concurrents en tant que fournisseurs des produits de cette recherche, mais il y a des limites, comme la démontré un cas qui se serait produit récemment aux États-Unis :
Deux équipes travaillaient indépendamment lune de lautre, pour développer une technique de chirurgie oculaire au laser. Elles ont fini par sassocier pour perfectionner leur technique et ont ensuite constitué une communauté de brevets et avaient lintention de vendre ou de commercialiser le procédé en concurrence lune avec lautre pour 400 à 500 $ et il aurait été impossible de faire faire cette opération pour moins de 2 500 $. La Federal Trade Commission est intervenue et a démantelé la communauté de brevets et les prix ont [ensuite] dégringolé [ ] cest un exemple de situation où [ ] la coopération na pas favorisé la diffusion de la propriété intellectuelle. Cest une des raisons pour lesquelles on ne souhaiterait pas nécessairement une coopération. [Gwillym Allen; 29, 11:40-11:45]
De façon plus générale :
[L]es communautés de brevets sont une forme de coopération entre entreprises pour permettre à celles-ci de commercialiser un produit. On craint que les permis croisés accordés dans le secteur des semi-conducteurs nagissent comme un obstacle au marché parce que maintenant les entreprises ne peuvent pas se lancer sur le marché si elles ne disposent pas dun bon portefeuille de brevets quelles pourront échanger si on les accuse de contrefaçon. En outre, la collaboration dentreprises peut avoir pour effet de supprimer linnovation [ ] Si deux produits équivalents pouvaient être fabriqués [ ] une communauté de brevets pourrait aboutir à la commercialisation dun seul pour ne pas accroître la concurrence sur le marché. Alors on verrait les prix grimper [ ] [Nancy Gallini; 29, 11:45]
Cependant, on doit se garder de condamner trop rapidement les communautés de brevets :
Les communautés de brevets peuvent jouer un rôle utile là où les normes sont importantes. Si on laisse le jeu de la concurrence jouer librement, on pourrait aboutir à une situation où une entreprise appliquerait les meilleures normes et une autre jouirait dune puissance commerciale considérable. Avec une communauté de brevets, vous mettez en commun des atouts complémentaires [ ] Bien sûr, on voudra sassurer que tout le monde a accès aux innovations contenues dans la communauté de brevets et quon en arrive ainsi à des normes qui nappartiennent à personne. [Nancy Gallini; 29, 11:45]
Le secret, cest que le gouvernement (en loccurrence le Bureau de la concurrence) doit demeurer souple dans lévaluation de la coopération entre concurrents potentiels sous la forme de contrats de communauté de brevets particulièrement lorsque les brevets en question portent sur des produits complémentaires et pourraient aboutir à des normes applicables à lensemble de lindustrie concernée.
Il existe deux cas où le transfert de droits de propriété intellectuelle pourrait amoindrir ou empêcher la concurrence : lorsque le concédant de licence lie un produit non exclusif à un produit couvert par son droit de propriété intellectuelle et lorsquune entreprise étend sa puissance commerciale au-delà des modalités de son brevet par la voie dun contrat dexclusivité. Dans lun ou lautre cas, si la pratique en question aboutit à linstauration, laccroissement ou la préservation de la puissance commerciale de lentreprise et si cela pourrait avoir pour effet dentraver ou de réduire indûment la concurrence, le Bureau de la concurrence peut intervenir. Des actes allant au-delà du refus unilatéral daccorder accès à la propriété intellectuelle pourraient aussi justifier une intervention aux termes des dispositions générales de la Loi sur la concurrence. Le Comité voudrait renforcer le terme « pourrait », car, comme la dit un porte-parole du Bureau :
Dans les années 1970 [ ] on a sest rendu compte aussi que les arrangements contractuels comme les contrats dexclusivité, les ventes liées et les restrictions à la commercialisation territoriale pouvaient porter atteinte à la concurrence dans certaines circonstances, mais étaient loin de toujours avoir cet effet, particulièrement en ce qui concerne la propriété intellectuelle, car on a constaté que ce type de contrat avait souvent en fait pour conséquence de stimuler la concurrence. On a fini par se rendre compte que les entreprises qui accordent des licences à légard de leur propriété intellectuelle sont rarement monopolistiques et que le fait de détenir un droit exclusif naboutit pas nécessairement à un monopole ou à une puissance commerciale excessive. [Gwillym Allen; 29, 11:20]
Le Comité estime que la façon dont la législation sur la concurrence traite la propriété intellectuelle est conforme aux intérêts du pays en matière dinnovation et complète bien la législation en matière de propriété intellectuelle.