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ENVI Rapport du Comité

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Certains enjeux importants en matière d’EE fédérale échappent en partie ou entièrement au projet de loi C-9. Le Comité propose ici des recommandations à cet égard dans l’espoir que le gouvernement du Canada y donnera suite. Ces principaux enjeux pourraient être décrits comme suit :

Une vision claire de l’EE fédérale.
Une concrétisation efficace des responsabilités en matière d’EE.
L’emploi de l’EE comme moyen constructif d’améliorer les projets.
L’examen des grands projets par voie d’audience.
L’évaluation des effets environnementaux cumulatifs.
La concrétisation des engagements du gouvernement fédéral en matière d’environnement par le biais de l’EE.
La promotion de la participation effective de la population.
L’intégration du point de vue des Autochtones.
L’amélioration de l’évaluation environnementale stratégique.

3.1       Une vision claire de l’évaluation environnementale fédérale

Comme nous l’avons dit, le projet de loi C-9 est important à court terme. À long terme, il faudra que le Parlement et le gouvernement prennent des mesures pour s’assurer que les projets, les politiques et les programmes soient respectueux de l’environnement et pour protéger l’intégrité des écosystèmes.

En 1999, avant le début de l’examen quinquennal, le gouvernement a décidé que l’examen serait effectué par l’Agence (et non par un comité parlementaire) et que la portée en serait plus étroitement définie. Lorsque le ministre de l’Environnement, David Anderson, a ordonné à l’Agence de préparer des modifications pour les proposer au Parlement à l’automne 2000, le peu de temps imparti interdisait manifestement la possibilité de procéder à un examen approfondi de la LCEE.

Rappelons que, si la LCEE est en vigueur depuis sept ans, sa structure essentielle (ex. : examens préalables, examens par voie d’audience, sous la surveillance et l’administration d’une agence centrale) et ses caractéristiques (ex. : évaluations de projets pour déterminer leurs effets néfastes sur l’environnement et leur importance) ne diffèrent guère de celles des lignes directrices du PEEE approuvées par le Cabinet au début de 1984. Ainsi, en 18 ans, les structures et caractéristiques fondamentales du point de vue du gouvernement fédéral sur l’EE n’ont guère changé. L’examen quinquennal aurait pu être l’occasion d’analyser les EE fédérales et de circonscrire de nouveaux moyens, s’il y a lieu, de les effectuer. Pour l’essentiel, cela n’a pas été le cas.

Le Comité est d’avis que l’importance accordée actuellement au processus doit s’accompagner d’une attention à l’égard des résultats sur le terrain. En plus de fournir de l’information à l’intention des décideurs sur les effets néfastes des projets, l’EE doit produire des résultats, c’est-à-dire prévoir les projets, les politiques et les programmes qui sont bénéfiques pour l’environnement et respectent l’intégrité des écosystèmes. La procédure de l’EE doit par ailleurs offrir à la population la possibilité de participer effectivement.

Au cours des audiences, le Comité a remarqué que ni la LCEE ni le projet de loi C-9 ne formule clairement les résultats escomptés de l’EE fédérale, non plus que la façon dont ces résultats sont censés être mesurés. Le préambule de la LCEE décrit l’intention du gouvernement : «  [viser] au développement durable par des actions de conservation et d’amélioration de la qualité de l’environnement  ». L’objet officiel de la LCEE, dans son état actuel5, est «  de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l’égard de tout projet susceptible d’avoir des effets environnementaux […]  », «  d’inciter ces autorités à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l’environnement et à la santé de l’économie  », «  de faire en sorte que les éventuels effets environnementaux négatifs importants des projets devant être réalisés dans les limites du Canada ou du territoire domanial ne débordent pas ces limites  » et de «  veiller à ce que le public ait la possibilité de participer au processus d’évaluation environnementale  ». Ces quatre volets sont importants. Le Comité estime de plus qu’un autre grand objectif de la Loi devrait être de garantir la prise en considération de solutions de rechange au projet proposé. Cependant, le degré de concrétisation des quatre volets initiaux n’a pas été mesuré systématiquement, et les éléments permettant de déterminer si l’EE fédérale donne des résultats utiles sont largement anecdotiques. L’une des conséquences et l’un des problèmes issus du manque d’information sur les résultats bénéfiques de l’EE pour l’environnement est la confusion dans laquelle est plongée la population. Selon Paul Muldoon, de l’Association canadienne du droit de l’environnement, cette confusion peut donner lieu à de la méfiance à l’égard de l’EE.

[…] je crois qu’il est juste de dire que l’évaluation environnementale au Canada traverse une crise de crédibilité. À mon avis, le public est fort désorienté. On lui donne souvent l’impression qu’un projet fait l’objet d’une évaluation environnementale approfondie, juste et complète, mais il finit par s’apercevoir que le processus a, en fait, servi à légitimer des activités non viables et dangereuses pour l’environnement. Par conséquent, le public est à la fois perplexe et frustré face au processus, mais plus important encore, face au résultat. Le processus n’est pas suffisamment bon s’il se traduit par l’adoption d’un projet qui est non viable ou qui le devient. (Réunion 70)

Outre le manque d’analyse sûre des résultats environnementaux obtenus grâce à l’application de la LCEE, Peter Duck, président de la vallée Bow Valley Naturalists, fait remarquer que chaque EE doit appliquer des critères tels qu’on puisse observer une cohérence entre les évaluations afin que le public puisse comprendre comment on en arrive à telle ou telle conclusion.

Si nous voulons un processus uniforme et transparent, nous devons établir des critères et les utiliser pour prendre ces décisions. Il est important que le public sache comment les décisions sont prises. Cela peut changer avec le temps, mais cela peut changer aussi d’une évaluation à l’autre, et nous devons avoir un cadre de travail de façon à ce que le public comprenne comment ces décisions sont prises. (Réunion 66)

Mais, jusqu’ici, les ressources fédérales ont surtout été consacrées à la mise en œuvre du processus prescrit. On ne s’est guère intéressé à l’obtention de résultats bénéfiques pour l’environnement ni à l’amélioration de la viabilité des projets. Le Comité estime que, à l’avenir, l’EE fédérale doit comporter une mesure des résultats en termes de viabilité des projets, d’intégrité des écosystèmes et d’amélioration du processus décisionnel grâce à la participation de la population. Le simple fait de procéder à une EE ne suffit pas. Le Comité invite donc instamment le gouvernement du Canada à circonscrire des objectifs et des mesures du rendement précis comme le propose Lucien Cattrysse, président du groupe consultatif technique de l’Association canadienne des industries de l’environnement (Réunion 64).

Cette analyse serait incomplète si nous n’examinions pas un autre enjeu fondamental : le sens des termes «  importance  » et «  conséquences néfastes importantes pour l’environnement  ». Dans son témoignage, Rodney Northey, avocat pour Environmental Defence Canada, a fait remarquer que, au cœur de la LCEE et de l’exécution d’une EE, se trouve l’interprétation de l’expression «  conséquences importantes pour l’environnement  » :

À mon avis, l’utilité de cette loi réside dans la capacité de définir ce qu’est un effet important. […] [La notion d’« importance » n’est définie nulle part.] L’Agence canadienne d’évaluation environnementale hésite à fournir une telle définition. Sur les 30 000 évaluations effectuées jusqu’à maintenant, il n’y en a qu’une à ma connaissance qui était susceptible d’avoir un effet important. […] Je dirais que l’imposante machine bureaucratique derrière tout cela ne veut pas qu’on trouve des effets importants, car il faudrait à ce moment-là financer la commission d’examen. Comment peut-on dans ce cas établir des mécanismes indépendants en vue de déterminer l’importance des effets? […] Je ne pense pas qu’on exige en ce moment que les évaluations soient effectuées en fonction des normes. Je crois que le comité devrait exiger qu’une évaluation tienne compte des normes applicables et qu’elle détermine l’importance des effets par rapport à ces normes. (Réunion 73)

La notion d’«  importance  » semble avoir perdu une grande partie de son sens et, donc, de son utilité. Aux termes de la LCEE, l’objectif en matière de qualité de l’environnement — la norme appliquée aux EE effectuées aux termes de la Loi — est l’évitement ou la minimisation des conséquences néfastes importantes pour l’environnement. Dans les parcs nationaux du Canada, par contre, une norme différente, beaucoup plus claire, est en vigueur. Selon la norme d’«  intégrité écologique  » employée par Parcs Canada, le résultat à obtenir est le maintien des parcs en l’état pour les générations à venir.

Il faudrait désormais appliquer une norme différence dans le cadre de l’évaluation des effets éventuels sur l’environnement des parcs nationaux pour garantir le maintien de l’intégrité écologique et non pas simplement éviter des effets environnementaux «  importants  ». Même en dehors des parcs nationaux, le Comité se demande si le critère de «  l’importance  » tel qu’il est actuellement appliqué est valable et il invite instamment le gouvernement à élaborer des normes plus positives et mesurables pour toutes les EE effectuées en vertu de la LCEE.

LE COMITÉ RECOMMANDE QUE L’ON MODIFIE LA LOI CANADIENNE SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE POUR Y INTÉGRER UNE APPROCHE EFFICACE QUI PRODUIRAIT DES RÉSULTATS TANGIBLES EN TERMES DE VIABILITÉ DES PROJETS ET D’INTÉGRITÉ DES ÉCOSYSTÈMES. IL RECOMMANDE EN OUTRE DE PRÉVOIR DES CIBLES, DES MESURES DE PERFORMANCE ET DES NORMES DE FONCTIONNEMENT SPÉCIFIQUES À L’APPUI DE CES RÉSULTATS.

LE COMITÉ RECOMMANDE ÉGALEMENT QUE LA LOI DÉFINISSE LE TERME «  GRAVE  » DANS L’EXPRESSION «  EFFET NÉFASTE GRAVE POUR L’ENVIRONNEMENT  » AU MOINS DANS LES CAS SUIVANTS :

EFFET EXCÉDANT UNE NORME OU CIBLE DE QUALITÉ ÉTABLIE PAR RÈGLEMENT FÉDÉRAL OU PROVINCIAL;
EFFET CONTREVENANT À UN ENGAGEMENT INTERNATIONAL DU GOUVERNEMENT DU CANADA;
EFFET S’ÉTENDANT SUR UN TERRITOIRE ADMINISTRÉ PAR UN GOUVERNEMENT AUTRE QUE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, ET QUI A FAIT L’OBJET D’UNE DOLÉANCE PUBLIQUE DE CE GOUVERNEMENT.

ÉTANT DONNÉ L’IMPORTANCE, EN DROIT ET EN PRATIQUE, DU TERME «  GRAVE  », IL CONVIENT DE POURSUIVRE L’ÉTUDE DE SA SIGNIFICATION POUR QUE SA DÉFINITION DANS LA LOI NE LIMITE PAS LE POUVOIR DU MINISTRE D’AGIR AU BESOIN.

3.2       La concrétisation efficace des responsabilités en matière d’évaluation environnementale

L’auto-évaluation, qui signifie que les ministères fédéraux habilités à prendre une décision concernant un projet sont également l’autorité qui procède à l’EE (sauf en cas d’examen par voie d’audience ou de médiation), est un principe fondamental de la LCEE. L’un des principaux avantages de l’auto-évaluation est que les ministères fédéraux essaient de comprendre pour eux-mêmes les effets environnementaux de projets dont ils ont la responsabilité. Les responsables de l’examen quinquennal ne se sont pas demandés si le système d’auto-évaluation proprement dit était un facteur important dans la limitation de la qualité et de l’efficacité des EE entreprises en vertu de la LCEE, mais beaucoup de témoins estiment que c’est le cas.

Par exemple, Paul Muldoon estime que le système d’auto-évaluation est critiquable du fait qu’il n’y a pas d’indépendance ni de distance entre l’organisme qui se charge de l’EE et celui qui prend la décision finale.

L’Association canadienne du droit de l’environnement s’élève depuis longtemps contre un élément essentiel de la loi, le processus d’autoévaluation; en effet, des agences gouvernementales évaluent leurs propres projets. Nous comprenons que le commissaire à l’environnement et au développement durable a également été très critique à cet égard. Nous en parlons depuis quelque 20 ans déjà et nous nous retrouvons dans l’obligation de le redire: le processus d’autoévaluation doit être remplacé par un processus exécutoire géré par des agences centrales indépendantes qui ont le pouvoir de faire respecter la loi. (Réunion 70)

Le Comité a également pris connaissance de l’avis de Ed Whittingham, directeur de la Banff Environmental Action and Research Society, qui a donné un exemple clair de la manière dont le système d’auto-évaluation peut donner lieu à une apparence de conflit d’intérêt impliquant Parcs Canada, tel que les décisions en matière d’EE pourraient en être infléchies.

[…] Parcs Canada est à la fois le promoteur et l’autorité responsable dans 25 p. 100 des évaluations environnementales effectuées dans le parc national de Banff. Comme vous pouvez vous l’imaginer, cela place Parcs Canada dans une situation de conflit d’intérêts. Deuxièmement, après qu’on eu réduit de 25 p. 100 le budget de Parcs Canada en 1996, le service a dû trouver d’autres moyens de générer des revenus. Deux de ces moyens consistaient à faire en sorte que les gens demeurent dans le parc plus longtemps et qu’ils le visitent aussi pendant la saison morte, c’est-à-dire à l’automne et au printemps, ce qu’ils ne faisaient pas normalement. À notre avis, cela encourage Parcs Canada à trouver des projets qui ont cet objectif. (Réunion 61)

En 1998, la commissaire à l’environnement et au développement durable a examiné le degré de conformité des ministères fédéraux avec les dispositions de la LCEE. Se fondant sur l’étude de 187 EE, la commissaire a conclu qu’il «  se peut que les examens préalables ne tiennent pas compte de tous les éléments d’un projet ni de tous ses effets éventuels importants sur l’environnement  » et que «  [l]a surveillance des mesures d’atténuation et le suivi des résultats environnementaux sont insuffisants  ». Elle a ajouté : «  L’information diffusée au public sur les évaluations environnementales effectuées par le gouvernement fédéral, et particulièrement l’information sur les examens préalables, comporte des lacunes importantes en ce qui a trait à la qualité et à l’utilité.  » (Chapitre 6, rapport de 1998 )

Non seulement le degré de conformité des ministères avec les dispositions de la LCEE laisse à désirer, mais la Loi ne prévoit pas de pouvoir d’exécution qui permettrait à l’Agence d’améliorer la situation. La LCEE n’attribue aucun pouvoir pour rendre les décisions exécutoires ou imposer des sanctions en cas de non-conformité. Le projet de loi C-9 prévoit des responsabilités supplémentaires pour l’Agence en matière de promotion et de surveillance de la conformité. De plus, selon les modifications proposées par le Comité, l’Agence serait tenue de veiller à la conformité des autorités fédérales, des autorités responsables et des promoteurs, mais même les nouvelles dispositions ne comportent pas de sanctions pour non-respect des dispositions de la Loi. Il ne servirait probablement pas à grand-chose d’élargir les responsabilités de l’Agence puisque les nouvelles responsabilités ne sont pas assorties de pouvoirs permettant de les remplir. Selon Robert Gibson, chercheur invité à l’Institut de recherche sur le développement durable de l’Université de Colombie-Britannique, le manque de dispositions d’exécution entrave la concrétisation des objectifs de la LCEE.

[Traduction] La LCEE ne prévoit aucun moyen d’établir et d’imposer des conditions et modalités d’approbation. Au lieu de cela, elle compte sur un ensemble très incohérent de permis, de contrats et d’autres mécanismes dont beaucoup sont mal adaptés. (Réunion 65) (sic)

Le projet de loi C-9 tente de régler ce problème de façon indirecte et partielle par le biais d’une modification au paragraphe 20(3) de la LCEE, qui dispose que, pour déterminer et mettre en œuvre des mesures d’atténuation, l’autorité responsable n’est pas limitée aux pouvoirs, responsabilités et fonctions énoncées dans la Loi qui la régit.

Plusieurs témoins ont proposé de modifier ou de remplacer le système d’auto-évaluation. Ils proposent un système qui rendrait exécutoires les décisions issues des EE, lesquelles pourraient être effectuées par un organisme indépendant. Elizabeth May, directrice exécutive du Sierra Club of Canada, appuie par exemple l’idée de créer un organisme autonome et insiste sur la nécessité de sanctions pour garantir la conformité :

Naturellement, au fil des ans, nous avons remarqué que certains éléments de la LCEE, et auparavant, le décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation environnementale, créent essentiellement, un conflit d’intérêts, en ce sens que l’auto-évaluation signifie que c’est au ministère qui souhaite le plus qu’un projet se réalise, qu’il incombe de prendre toutes les décisions clés, dans la plupart des cas — parfois il y a un peu moins de liens de dépendance. […] Quels changements peut-on apporter, pour qu’on en voit des effets? On peut imposer des peines pour le défaut de se conformer à la loi. Fixer des exigences. (Réunion 61)

Le Comité estime que la grande question pour le gouvernement concerne la nature même de l’évaluation environnementale. L’examen septennal de la Loi requis par le projet de loi C-9 devrait considérer si les changements apportés par ce dernier ont amélioré le rendement de l’évaluation environnementale; dans la négative, il faudrait réexaminer l’idée et le processus de l’auto-évaluation.

LE COMITÉ RECOMMANDE QU’EN PRÉPARATION DE L’EXAMEN SEPTENNAL PAR LE COMITÉ PARLEMENTAIRE, LE COMMISSAIRE À L’ENVIRONNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE SOIT PRÉALABLEMENT CHARGÉ D’EXAMINER LE FONCTIONNEMENT DE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE EN VERTU DE LA LCEE MODIFIÉE PAR CE PROJET DE LOI.

Le Comité estime qu’un système de délivrance de permis d’EE exécutoires par les ministères fédéraux conformément aux directives de l’Agence permettrait de conserver la méthode de l’auto-évaluation tout en attribuant une plus grande imputabilité aux ministères. Les responsables ministériels pourraient avoir le pouvoir général d’établir les conditions et modalités de mise en œuvre des mesures d’atténuation et faire le suivi des permis d’EE.

Une amélioration connexe consisterait à considérer comme une infraction le fait qu’un ministère ou un promoteur donne suite à un projet sans avoir obtenu de permis ou enfreint les conditions et modalités du permis. Ce système de permis s’appuierait sur les modifications proposées par le Comité à l’étape du rapport aux fonctions de l’Agence et permettrait à celle-ci d’examiner le degré de conformité des ministères avec les dispositions de la Loi tout en veillant à ce qu’on ne donne pas suite aux projets qui ne remplissent pas toutes les exigences en matière d’EE.

LE COMITÉ RECOMMANDE DE MODIFIER LA LOI CANADIENNE SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE POUR INSTAURER UN SYSTÈME DE DÉLIVRANCE DE PERMIS PAR LES MINISTÈRES FÉDÉRAUX CONFORMÉMENT AUX CRITÈRES DE L’AGENCE ET POUR DONNER AUX MINISTÈRES LE POUVOIR D’ÉTABLIR LES MODALITÉS DES MESURES D’ATTÉNUATION ET DE SUIVI.

LE COMITÉ RECOMMANDE ÉGALEMENT DE MODIFIER LA LOI POUR INTERDIRE, SOUS PEINE DE SANCTION, À UN MINISTÈRE FÉDÉRAL OU UN PROMOTEUR DE RÉALISER UN PROJET SANS PERMIS OU CONTREVANT AUX MODALITÉS DU PERMIS.

3.3       L’évaluation environnementale comme moyen constructif d’améliorer des projets

Malheureusement, la LCEE sert rarement à améliorer la viabilité des projets. Dans la pratique, au sein du gouvernement comme à l’extérieur, la LCEE est trop souvent considérée comme un problème à gérer et un fardeau pour les promoteurs de projets de développement industriel. Dans beaucoup de ministères fédéraux et entreprises, la LCEE suscite de la mauvaise volonté, même si cette réticence n’est pas déclarée publiquement. Les décisions relatives aux projets sont souvent prises bien avant que des EE soient effectuées, de sorte que la pertinence de l’EE (en dehors de sa capacité à proposer des mesures d’atténuation) est contestable. La LCEE semble supposer que les autorités responsables sont à la fois enclines à prendre des décisions valables sur le plan environnemental et parfaitement capables de les prendre, une fois qu’elles disposent de l’information utile. L’expérience montre qu’il n’en est rien. L’information obtenue par les promoteurs au cours de l’EE, faute d’un cadre de référence explicitant les objectifs environnementaux, est plus souvent un gaspillage qu’autre chose puisqu’elle ne sert pas à améliorer le projet sur le plan environnemental.

Les témoins qui se sont présentés au Comité ont fait état de nombreux exemples de projets n’ayant pas été évalués parce qu’on les jugeait non assujettis à la Loi et qui cependant auraient pu avoir des répercussions néfastes sur l’environnement. David Coon estime, d’après plusieurs cas qu’il a analysés, que les autorités responsables essaient d’échapper à la LCEE.

Deuxièmement, il nous semble, à partir des cas comme ceux que je viens de vous exposer, que les autorités responsables cherchent le plus possible à éviter la LCEE ou à réduire son utilité. La LCEE est un obstacle à franchir, et le projet de loi ne semble pas changer grand-chose de ce point de vue-là non plus. (Réunion 69)

Les ministères fédéraux ont tendance à éviter d’inclure de nouveaux systèmes de réglementation dans le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées parce que cela assujettirait ces processus à la LCEE. Les sociétés d’État, comme Exportation et Développement Canada, ont fait des efforts délibérés pour que leurs opérations ne soient pas assujetties à la LCEE. Qui pis est, la LCEE ne s’applique même pas, sauf dans des circonstances extraordinaires, aux projets entrepris dans la vallée du Mackenzie en vertu d’une loi fédérale récemment promulguée (la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, L.C. (1998), ch. 25).

Des représentants du secteur privé comme William Borland, de l’Association des industries de l’environnement du Nouveau-Brunswick, estiment que les décisions en matière de gestion de l’environnement sont telles qu’elles permettent aux promoteurs d’échapper à la LCEE. Mais, ce faisant, si les promoteurs échappent à ce qu’ils jugent être le poids de l’EE, ils risquent également de ne pas prendre les meilleures décisions en matière d’environnement.

Pour avoir participé à une évaluation fédérale, je sais que des options de développement sont écartées pour éviter des terres ou des fonds fédéraux de manière à se soustraire à une évaluation. Pourquoi? Parce que le processus est perçu comme un trou noir sans fond. Une fois qu’on y a mis le pied, on ne sait jamais si on en sortira ou quand. Quand on essaie d’établir un budget ou de saisir une occasion, la loi peut être catastrophique. Dans tous les cas où j’y ai été mêlé, on a trouvé une solution respectueuse de l’environnement, mais je ne suis pas convaincu qu’il s’agissait de la meilleure. (Réunion 71)

Le mode actuel d’application de la LCEE comporte d’autres aspects négatifs. Le Comité s’est fait notamment dire et redire que la LCEE servait simplement à atténuer les effets néfastes pour l’environnement et non à prendre des mesures positives aux stades de la planification. En portant surtout sur les conséquences néfastes importantes pour l’environnement, l’EE est considérée comme un moyen de décourager les promoteurs d’inclure dans leurs projets des mesures ayant des effets bénéfiques sur l’environnement. Voici ce qu’en dit Robert Gibson :

[…] la LCEE devrait exiger de prendre en compte les effets positifs ainsi que les effets néfastes. Un de mes collègues, qui a été directeur de la faune aquatique et terrestre à l’Île-du-Prince-Édouard, a essayé de persuader les promoteurs du pont de raccordement permanent de prévoir des aménagements d’habitat dans leur projet. Cela n’aurait pas été très difficile, ni très coûteux et aurait présenté des avantages importants à long terme. Il n’a pas réussi à les convaincre […].  (Réunion 65)

Le Comité a appris avec satisfaction de la bouche de M. Gibson qu’une perspective plus positive est parfois adoptée. Ces exemples semblent cependant être des exceptions à la règle.

Le comité en question [de la baie de Voisey] a exigé des promoteurs du projet, à la lumière de la ligne directrice visant la préparation d’un énoncé d’impact environnemental, qu’il démontre qu’au bout du compte, les collectivités et les écosystèmes touchés seraient en meilleure position après qu’avant le projet —  c’est le concept d’une nette amélioration. […] le concept du développement durable est, dans son ensemble, fondé sur la notion que ce que nous faisons actuellement n’est pas durable. Il s’agit donc de renverser la tendance afin de passer d’un développement non durable progressif à un développement susceptible d’améliorer notre situation. On ne peut le faire en se contentant d’atténuer les effets néfastes, car cela équivaut à sombrer plus lentement et ne conduit pas progressivement vers une durabilité plus grande. Reconnaissant cette tension entre le but recherché, soit l’amélioration de la situation et l’interprétation normale de la loi, c’est-à-dire l’atténuation des effets néfastes les plus marqués, la commission a retenu le critère le plus élevé… (Réunion 65)

La LCEE n’est généralement pas considérée comme un instrument de gestion constructif, mais plusieurs témoins ont déclaré au Comité qu’elle pourrait être une force positive dans la planification et le suivi des projets. Elizabeth May propose ces réflexions convaincantes :

La dure réalité politique fait que lorsque les autorités constituées veulent mener à bien un projet, l’examen environnemental est considéré comme un obstacle. L’examen environnemental et la participation du public sont alors bafoués. […] Il n’y a pas que les dégâts écologiques attribuables au fait qu’on n’a pas fait l’évaluation environnementale ou qu’on l’a mal faite. Les mauvais plans ont aussi des coûts économiques. Je pourrais vous donner quantité d’exemples, à commencer par l’incinérateur construit à Sydney à la fin des années 80 et au début des années 90, où l’on a dit qu’une évaluation environnementale n’était pas nécessaire, sauf une évaluation préliminaire, parce qu’il s’agissait d’un projet environnemental. Le projet est allé de l’avant. Une bonne planification aurait permis de réaliser que l’on dépensait 55 millions de dollars pour quelque chose qui n’a pas marché. (Réunion 61)

Lucien Cattrysse, lui aussi, insiste sur le fait qu’une bonne procédure d’EE est un instrument de planification valable.

[…] selon le vieil adage, mieux vaut prévenir que guérir. Une évaluation environnementale représente habituellement 1 % à 3 % du coût en capital de la totalité du projet et c’est un faible prix à payer, à notre avis, pour obtenir de l’information vraiment utile à la prise de décisions pour un projet donné. […] il semble naturel de transférer toute cette information [produite par une évaluation environnementale] dans un plan de gestion puis dans un système de gestion de l’information qui pourra servir de cadre de travail à toute l’organisation entourant le projet. (Réunion 64)

Il s’agit donc de déterminer comment il serait possible de promouvoir l’EE à titre d’instrument constructif auprès des entreprises, des ministères fédéraux et des décideurs afin d’obtenir des résultats bénéfiques pour l’environnement. Dans l’idéal, l’application de solides dispositions devrait être bien reçue comme moyen d’améliorer la planification des projets et la protection de l’environnement et, parfois, de réduire les coûts.

LE COMITÉ RECOMMANDE AU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT D’INSTAURER DES MESURES POUR FAIRE DE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE UN OUTIL CONSTRUCTIF AMÉLIORANT LA PLANIFICATION DES PROJETS ET LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT.

3.4       L’examen des grands projets par voie d’audience

Les ressources fédérales en matière d’EE sont surtout consacrées aux examens préalables (qui représentent plus de 99 % de toutes les EE fédérales) relatifs à de petits projets comme la construction de latrines dans les parcs nationaux, la réparation de quais et la réalisation d’études scientifiques dans les zones de nidification des oiseaux migrateurs. Par ailleurs, il est fréquent que des projets de développement majeurs pouvant avoir des conséquences écologiques catastrophiques soient mal évalués ou ne le soient pas du tout en raison de l’application limitée des quatre déclencheurs de la LCEE (disposition des terres fédérales, financement fédéral, promoteur fédéral, licence ou permis fédéral inclus dans le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées).

Les quatre déclencheurs de la LCEE supposent une limitation étroite du pouvoir fédéral. Le Comité estime que cette restriction empêche d’accorder une attention suffisante à l’évaluation de grands projets qui risquent d’avoir des effets nuisibles et irréversibles sur l’environnement. Les projets de cette envergure devraient faire l’objet d’une évaluation concertée de tous les ordres gouvernementaux en cause, avec une participation pleine et active du public intéressé.

Mis à part les questions à caractère juridique, le gouvernement fédéral est clairement considéré par certaines parties de la population comme l’ordre de gouvernement qui est censé protéger l’environnement au Canada. Voici ce qu’en dit David Coon :

Lorsqu’on demande aux Canadiens quelles devraient être selon eux les responsabilités principales du gouvernement fédéral en plus des questions de défense nationale, ils mentionnent régulièrement la défense de l’environnement canadien. Nous attendons de notre gouvernement fédéral qu’il joue ce rôle en appliquant les textes législatifs qu’il a à sa disposition. Bien entendu, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces en matière de développement et dans d’autres secteurs qui relèvent des compétences provinciales, mais en bout de ligne, les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement fédéral agisse en leur nom pour la défense de l’environnement canadien. (Réunion 69)

Elizabeth May a expliqué au Comité que le règlement relatif aux projets à réaliser à l’extérieur du Canada a eu pour effet une application inégale de l’EE à l’échelle internationale. Alors que d’énormes garanties d’emprunt fédérales concernant des centrales nucléaires n’ont pas déclenché l’application de la LCEE, des projets beaucoup moins importants l’ont fait.

Le résultat de cette solution de facilité choisie pour contourner l’élément embêtant du règlement, perdure. En vertu de la réglementation sur les projets hors Canada, les projets mineurs — y compris par exemple un système de gestion du fumier dans une ferme d’autruches encore en Chine, — ont fait l’objet d’évaluations environnementales en vertu de la loi mais les réacteurs nucléaires et les super-barrages, par exemple, en sont exemptés. (Réunion 61)

Sur le plan national, le dernier stade de l’évaluation du projet Millennium, qui doublera la production de Suncor dans la zone de sables bitumineux du nord-est de l’Alberta, a été confié indûment à des responsables provinciaux. Ce projet fait partie de huit projets d’exploitation des sables bitumineux approuvés; sept autres sont en cours d’élaboration. Le projet d’exploitation du bois sur 11 millions d’hectares de forêt boréale au Manitoba (une région plus grande que le Nouveau-Brunswick) n’a fait l’objet que d’un examen préalable portant sur les effets environnementaux de deux ponts et de leurs culées. L’exploitation des dépôts placériens dans les rivières et cours d’eau du Yukon est généralement exemptée d’EE.

Il s’agit donc de trouver le moyen de s’assurer que les effets environnementaux de projets de cette importance sont évalués correctement. La LCEE pourrait, par règlement, dresser une liste de projets auxquels s’appliqueraient d’emblée les dispositions de la Loi concernant l’examen par voie d’audience, ce qui entraînerait la pleine participation du public. L’EE de projets comme des barrages sur des rivières transfrontalières (internationales ou interprovinciales), les mines de charbon à ciel ouvert à proximité de parcs nationaux et des réacteurs nucléaires destinés à l’exportation dans des pays non démocratiques ne devrait pas être la seule responsabilité des provinces ou des sociétés d’État.

Les témoins qui ont dénoncé le fait que le système actuel permet à d’importants projets d’échapper à l’examen par voie d’audience en vertu de la LCEE ont proposé un certain nombre de moyens de régler le problème. Lucien Cattrysse propose de dresser une nouvelle liste aux termes du règlement :

Nous recommandons aussi que la LCEE prévoie une disposition visant à évaluer les projets d’intérêt national. Les catégories de projets d’intérêt national pourraient être définies à peu près de la même façon que les projets figurant actuellement dans le Règlement régissant la liste des études approfondies. (Réunion 64)

Ed Norrena, directeur du conseil d’administration de l’Association canadienne des industries de l’environnement, propose une nouvelle approche fédérale pour ces grands projets.

On pourrait penser aux enjeux internationaux qui sont également un sujet de préoccupation pour nous, en particulier en ce qui a trait au réchauffement du climat et aux polluants organiques persistants qui sont, de toute évidence, d’un intérêt national et en établir la liste. (Réunion 64)

Il faut aussi songer à s’assurer que l’EE fédérale est effectuée au moment opportun au cours du cycle d’élaboration d’un projet. À l’heure actuelle, les évaluations effectuées aux termes de la LCEE le sont souvent tardivement dans le processus d’élaboration du projet (ex. : autorisations en vertu de la Loi sur les pêches), ce qui est une source de frustration pour les promoteurs. La rationalisation du processus de déclenchement des examens des grands projets par voie d’audience dans le cadre de la Loi permettrait de couvrir certains de ces projets à un stade précoce, ce qui serait à l’avantage du promoteur, de la population et de l’environnement.

Le Comité est d’avis que les projets d’importance, en particulier les plus potentiellement dommageables pour l’environnement, méritent le plus haut degré d’évaluation que la Loi puisse permettre : un examen par voie d’audience ou un examen conjoint. Les examens par voie d’audience permettent de faire pleinement participer la population et de faire peser dans la balance l’opinion d’experts scientifiques et techniques indépendants. De plus, les examens conjoints par voie d’audience permettent une participation concertée des ordres gouvernementaux intéressés. Les projets de cette importante feraient automatiquement l’objet d’un examen par voie d’audience, qu’il s’agisse d’une EE fédérale ou d’une étude conjointe avec d’autres administrations.

LE COMITÉ RECOMMANDE DE MODIFIER LA LOI CANADIENNE SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE POUR EXIGER QUE LES PROJETS IMPORTANTS FASSENT AUTOMATIQUEMENT L’OBJET D’UN EXAMEN PAR VOIE D’AUDIENCE OU CONJOINT. LE POUVOIR DE RÉGLEMENTATION DE LA LCEE DEVRAIT ÊTRE MODIFIÉ POUR PERMETTRE AU BESOIN UN RÈGLEMENT IMPOSANT À CES PROJETS L’EXAMEN PAR VOIE D’AUDIENCE.

3.5       L’évaluation des effets environnementaux cumulatifs

L’EE comporte un enjeu important : comment aborder la question des effets néfastes cumulatifs de nombreux projets, souvent de petite envergure, sur les écosystèmes. La LCEE contient une disposition novatrice : elle exige l’évaluation des «  effets environnementaux cumulatifs qui, selon elle, peuvent résulter de la réalisation du projet combinée à l’existence d’autres ouvrages ou à la réalisation d’autres projets ou activités  ». Malheureusement, la promesse contenue dans cette disposition n’a pas été entièrement tenue. Si l’Agence a produit d’excellentes directives pour la réalisation d’évaluations des effets cumulatifs, la mise en oeuvre de la loi et des directives à l’échelle des projets a été erratique. La plupart des EE restent axées sur des projets isolés d’autres projets de développement. Le projet de loi C-9 comporte bien une modeste proposition permettant de tenir compte des résultats d’études sur les effets environnementaux à l’échelle régionale, mais le Comité est d’avis que l’évaluation des effets cumulatifs exige plus d’attention et de meilleures dispositions.

La commissaire à l’environnement et au développement durable a conclu dans le même sens en 1998 :

Sur les 187 évaluations environnementales de notre échantillon, 159 avaient été effectuées par d’autres autorités responsables que Parcs Canada. Quarante-huit des 159 évaluations signalaient que les effets environnementaux cumulatifs avaient été considérés. Cependant, la plupart de ces évaluations contenaient peu d’indications sur la nature de l’évaluation des effets cumulatifs et elles n’indiquaient pas si l’écosystème et ses agents stressants avaient été analysés. Dans la pratique, seul Parcs Canada prend en compte les effets environnementaux cumulatifs de façon régulière et rigoureuse.

L’Agence canadienne d’évaluation environnementale devrait accélérer son travail de collaboration avec les autorités fédérales, les gouvernements provinciaux, les universités et d’autres parties intéressées, en vue d’encourager l’évaluation des effets cumulatifs, lorsque cela est indiqué. (Chapitre 6, rapport de 1998)

Les effets cumulatifs de plusieurs grands projets ont été évalués : c’est le cas de Grande-Baleine et de Cheviot (dans ce dernier cas, après une décision de la Cour fédérale du Canada rendue à la suite d’une action intentée par la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada et d’autres organismes de conservation). Elizabeth May a fait part au Comité de la nécessité d’une évaluation des effets cumulatifs de la mine de Cheviot.

Prenons l’exemple de la mine Cheviot, située près de Hinton, en Alberta. On s’inquiétait qu’en raison de toutes les activités forestières dans la région et de la présence d’une mine de charbon à ciel ouvert, ainsi que d’activités reliées au pétrole et au gaz, l’effet cumulatif de toutes ces activités serait dévastateur sur l’habitat de l’ours grizzli — cela débordait du cadre dans lequel évoluait ce projet particulier. En ce sens, il définit son écorégion, puisqu’on examine l’habitat d’une espèce précise. (Réunion 61)

Robert Gibson, de son côté, estime qu’il est plus efficace de pallier les effets cumulatifs en planifiant l’utilisation des terres à l’échelle globale et en établissant des objectifs en matière de viabilité et d’intégrité écologique.

Quelques-uns de mes étudiants de deuxième cycle étudient les effets cumulatifs de l’extraction de diamants dans la province géologique des Esclaves, dans les Territoires du Nord-Ouest. Il n’est pas très efficace, ni particulièrement équitable, d’évaluer chaque projet individuellement en imposant à chaque promoteur les effets cumulatifs de l’ensemble. Si nous pouvions étudier les effets globaux des divers facteurs de développement reliés à l’extraction de diamants dans cette région au niveau des programmes, ce serait beaucoup plus efficace, beaucoup plus logique et beaucoup plus avantageux. (Réunion 65)

La répartition constitutionnelle des pouvoirs ajoute un élément supplémentaire de complexité au problème. La planification de l’utilisation des terres soulève une difficulté : le gouvernement fédéral est rarement compétent pour entreprendre ce genre de procédure de son propre chef. La planification de l’utilisation des terres relève généralement de la sphère provinciale, municipale, autochtone ou de l’ordre des institutions relatives aux revendications territoriales globales, et le fédéral est rarement invité à intervenir. On pourrait améliorer l’évaluation des effets cumulatifs aux termes de la LCEE en circonscrivant les moyens par lesquels les EE fédérales peuvent être intégrées au processus de planification de l’utilisation des terres. Une autre solution consisterait à instaurer le pouvoir fédéral de participer à des EE régionales dans les secteurs où des projets multiples mettent l’intérêt national en jeu (ex. : mise en valeur des sables bitumineux dans le nord de l’Alberta ou l’extraction de diamants et la construction de routes dans les Territoires du Nord-Ouest) et créer d’autres mécanismes encourageant la collaboration entre les sphères de compétence pour la réalisation d’EE régionales.

Le développement durable passe par la compréhension des effets cumulatifs de toutes sortes de projets envisagés et réalisés dans l’ensemble du pays. Faute d’une planification de l’utilisation des terres à l’échelle globale ou d’EE régionales, l’application rigoureuse des dispositions actuelles de la LCEE en matière d’évaluation des effets cumulatifs serait bénéfique pour l’environnement et permettrait de protéger l’intégrité écologique. Par ailleurs, l’évaluation des effets cumulatifs aux termes de la LCEE doit comporter une analyse des répercussions de tous les projets de développement pertinents, pas seulement de ceux qui sont assujettis à la LCEE. Il faut évidemment prévoir des ressources suffisantes pour procéder à l’évaluation des effets cumulatifs — et ce n’est généralement pas — et ces coûts devraient être répartis entre le gouvernement fédéral et les autres gouvernements et promoteurs participants.

LE COMITÉ RECOMMANDE AU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT DE RENDRE PRIORITAIRES LES DISPOSITIONS DE LA LCEE VISANT LES EFFETS CUMULATIFS POUR L’AGENCE CANADIENNE D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE ET LES MINISTÈRES FÉDÉRAUX.

LE COMITÉ RECOMMANDE ÉGALEMENT À L’AGENCE CANADIENNE D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE D’ENVISAGER, EN FAISANT RAPPORT À CE SUJET :

DES ÉVALUATIONS ENVIRONNEMENTALES RÉGIONALES6 POUR L’EXAMEN DES EFFETS CUMULATIFS,
L’INTÉGRATION DE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE FÉDÉRALE À LA PLANIFICATION FONCIÈRE DES PROVINCES, DES GROUPES AUTOCHTONES ET PROCESSUS DE REVENDICATIONS TERRITORIALES GLOBALES.

3.6       La réalisation des engagements du gouvernement fédéral par le biais de l’EE

Les EE relevant de la LCEE portent sur les effets environnementaux néfastes de projets, sur l’importance de ces effets et sur les mesures éventuelles d’atténuation à y appliquer. En général, les EE ne sont pas associées aux obligations internationales et autres du Canada, par exemple à l’égard de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la protection de la biodiversité et de la protection de l’intégrité écologique dans les parcs nationaux ou d’autres zones sous juridiction fédérale. Par exemple, l’évaluation des projets de mise en valeur des sables bitumineux n’est pas associée aux objectifs du Protocole de Kyoto, non plus que l’évaluation des projets d’exploitation minière ou forestière ne renvoient généralement à la Convention sur la diversité biologique ou à la Stratégie du Canada sur la biodiversité.

Les évaluations réalisées en fonction d’objectifs environnementaux clairs (et non pas en fonction du critère très flou des «  conséquences néfastes importantes pour l’environnement  » prévu par la LCEE) produisent généralement de meilleurs renseignements et résultats. La politique de «  gain net pour l’habitat du poisson  » de Pêches et Océans Canada et le principe de la Loi sur les parcs nationaux du Canada selon lequel l’intégrité écologique doit être la priorité numéro un dans la gestion des parcs sont des exemples de ce genre d’objectifs. Les EE réalisées par Pêches et Océans Canada et par Parcs Canada ont du moins un certain contexte écologique et visent à concrétiser des objectifs stratégiques explicites. La mesure et le suivi des torts écologiques ont une certaine application concrète dans le contexte stratégique et donc une certaine pertinence en matière décisionnelle.

Prenons l’exemple du principe de l’intégrité écologique dans les parcs nationaux. Parcs Canada s’efforce de traduire le concept d’intégrité écologique en buts, objectifs et indicateurs significatifs pour chaque parc national et prévoit l’orientation générale du plan de gestion du parc en question. Lorsqu’une EE est entreprise, à l’échelle stratégique et à l’échelle de projets, ces objectifs deviennent un point de repère important pour déterminer l’importance des effets directs et cumulatifs potentiels dans tel ou tel parc. Autrement dit, les objectifs et indicateurs en matière d’intégrité écologique servent de référents en fonction desquels les effets positifs ou négatifs d’un projet peuvent être mesurés dans le cadre d’une EE.

L’Agence, consciente du fait qu’elle n’avait pas d’objectifs clairs, a réglé le problème, du moins en partie, en produisant des directives définissant la notion d’importance sur la biodiversité. Elle a également organisé un atelier, en janvier 2002, sur les EE et les changements climatiques. Dans la pratique, beaucoup d’EE ne portent pas sur les effets environnementaux, mais sur les effets observés sur ce qu’on appelle les «  éléments importants d’un écosystème  », ce qui traduit un processus stratégique à l’échelle micro.

Cela renvoie à un enjeu connexe : les promoteurs, les fonctionnaires et les consultants qui préparent les EE n’ont pas toujours facilement accès à l’information concernant les engagements, les politiques, les objectifs et les normes du gouvernement en matière environnementale qui sont d’une importance primordiale dans l’évaluation des effets environnementaux des projets. L’Agence pourrait être très utile à ces intervenants en leur facilitant l’accès à ces renseignements.

Les témoins reconnaissent la valeur de l’arrimage du processus d’EE sur les objectifs et engagements du Canada en matière d’environnement. Par exemple, le processus d’EE pourrait aider le gouvernement à réaliser ses objectifs à l’égard de son engagement incomplet à établir des zones protégées au Canada. Peter Ewins, directeur de Arctic Conservation for the World Wildlife Fund Canada, décrit le problème succinctement :

[…] en 1992, le Conseil canadien des ministres de l’Environnement, le Conseil canadien des ministres responsables des parcs, et le Conseil des ministres de la faune du Canada ont tous signé une déclaration dans laquelle les signataires prenaient l’engagement de compléter le réseau d’aires protégées du Canada, à titre de représentants des régions naturelles terrestres du pays, d’ici l’an 2000; et d’accélérer la mise en place d’un tel réseau dans les régions naturelles marines du Canada. […] La tâche est seulement terminée à un tiers pour les aires terrestres, et on n’a pas encore commencé pour les aires marines. Aujourd’hui, on continue de prendre des décisions de mise en valeur, avec ou sans évaluation environnementale, d’un bout à l’autre de notre pays, autant sur terre que dans l’eau, et ces développements ferment graduellement la porte pour ce qui est de la possibilité de terminer un tel réseau d’aires protégées représentatives. (Réunion 71)

Pour régler ce problème et pour aider le gouvernement à remplir ses engagements, le Fonds mondial pour la nature (Canada) et la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada ont proposé d’intégrer le concept de «  la conservation d’abord  » à la LCEE. La conservation d’abord, cela signifie qu’aucun projet industriel de grande envergure ne peut être approuvé en zone sauvage si l’on n’a pas dressé de plans d’utilisation des terres de concert avec la collectivité locale et compte tenu de la mise de côté de réseaux de zones protégées. Aucun permis délivré aux termes de la LCEE, ni aucune autre licence fédérale, par exemple celle que délivre l’Office national de l’énergie pour la construction d’un oléoduc, ne pourrait être délivré en l’absence de plans de ce genre.

L’intégration des obligations et engagements internationaux du Canada aux EE permettrait d’élargir le processus au-delà des strictes considérations locales ou de l’analyse des projets. Comme le fait valoir Pierre Fortin, directeur exécutif de l’Association canadienne de l’hydroélectricité, le processus d’évaluation environnementale devrait tenir compte des répercussions à grande échelle, notamment à l’égard des effets que le Canada s’est engagé à régler dans le cadre de conventions nationales et internationales.

[…] l’actuel processus d’évaluation environnementale accorde trop d’importance aux impacts locaux. Je pense qu’il s’agit d’un point important. Il ne tient pas compte des impacts environnementaux négatifs à grande échelle comme les pluies acides, le smog et le réchauffement climatique, facteurs qui ont des conséquences graves sur la santé des Canadiens, les forêts et les pêches. (Réunion 64)

Il s’agit donc de déterminer comment il y aurait lieu de structurer les EE pour qu’elles deviennent un instrument permettant de concrétiser les objectifs du gouvernement en matière de biodiversité, de changement climatique, d’intégrité écologique et autres.

LE COMITÉ RECOMMANDE AU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT DE S’ASSURER QUE LES ENGAGEMENTS, LES OBJECTIFS ET LES NORMES JURIDIQUES ET STRATÉGIQUES DU CANADA EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT À L’ÉCHELLE NATIONALE ET INTERNATIONALE SOIENT INTÉGRÉS AU PROCESSUS D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE PRÉVU PAR LA LCEE.

LE COMITÉ RECOMMANDE ÉGALEMENT AU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT DE RECOMMANDER AU GOUVERNEMENT D’INTÉGRER LE PRINCIPE DE «  LA CONSERVATION D’ABORD  » À LA LCEE ET À D’AUTRES LOIS FÉDÉRALES.

3.7       Examens par voie d’audience et promotion de la participation effective de la population

La participation de la population est l’un des principaux objectifs de la LCEE, et pourtant le Comité a eu connaissance d’éléments de preuve indiquant que le degré de participation du public était, à certains égards du moins, supérieur sous le régime de l’ancien décret sur les lignes directrices visant le PEEE. Les examens par voie d’audience sont un indicateur utile de la participation de la population puisqu’il n’est pas nécessaire de procéder à des audiences publiques pour les études exhaustives et que les examens préalables n’exigent pas la participation du public. À la fin des années 1980, il pouvait y avoir 14 examens par voie d’audience en même temps, alors que, en 2002, il n’y en a eu que deux. Plus de 30 000 projets ont fait l’objet d’un examen préalable en 1995, mais un seul a fait l’objet d’un examen par voie d’audience.

Aux termes de la LCEE, un projet ayant fait l’objet d’un examen préalable est censé faire l’objet d’un examen par voie d’audience si des effets néfastes importants pour l’environnement ont été décelés ou s’il y a incertitude à l’égard de l’importance de ces effets. Il semble improbable que tous ces projets sauf un aient eu des effets environnementaux sans importance et bien circonscrits. Comment se fait-il donc qu’un projet seulement ait fait l’objet d’un examen par voie d’audience?

L’Agence, les tribunaux et le commissaire à l’environnement et au développement durable ont tous un rôle à jouer, mais les examens par voie d’audience ont le mérite de permettre de tirer des conclusions scientifiques indépendantes des ministères fédéraux. Le fait que ce genre d’examen ait été plus rare sous le régime de la LCEE qu’auparavant laisse penser que la participation de la population est moindre et que les EE comportent moins d’éléments scientifiques indépendants. Les comptes rendus de plusieurs témoins donnent à penser au Comité que le processus décisionnel relatif au renvoi à des examens par voie d’audience et des procédures de médiation devrait être révisé par le Parlement.

Le fait que l’examen par voie d’audience est un élément crucial de l’EE a été attesté par le ministre de l’Environnement David Anderson, qui, dans son rapport au Parlement suite à l’examen quinquennal de la LCEE, a décrit ce processus comme l’un des principaux atouts de l’EE fédérale. Abondant dans le même sens, Rod Northey a insisté sur l’évolution et l’importance des examens par voie d’audience au Canada.

En 1974, la politique d’évaluation environnementale du Cabinet gouvernemental a abouti à une sorte de «  commission d’évaluation  », qui […] a fait du Canada un chef de file international en matière d’évaluation environnementale. Aucun autre pays n’avait la vision ou la clairvoyance nécessaire pour réussir à accomplir ce que la Canada a entrepris. […] Environ 50 commissions d’évaluation eurent lieu avant l’adoption de la LCEE. En terme de responsabilité, vous avez entendu, si vous avez écouté le discours du Premier Ministre, que certains estiment à environ 30 000 le nombre des projets évalués sous la LCEE. […] Combien de commissions d’évaluation ont-elles vu le jour? […] Seules 10 commissions d’évaluation ont eu lieu sous la LCEE. (Réunion 73)

Bien qu’il s’agisse d’une excellente source de conseils scientifiques et de participation publique, les ministères fédéraux et les promoteurs cherchent à éviter les examens par voie d’audience en raison des coûts et du retard de mise en oeuvre des projets que cela suppose. On a laissé entendre au Comité que ces examens n’ont pas nécessairement besoin de porter sur tous les éléments ou effets environnementaux d’un projet. M. Northey a fait valoir que, lorsqu’un grand projet comporte un ou deux aspects litigieux, ces aspects pourraient faire l’objet d’un examen par voie d’audience, ce qui permettrait de limiter la portée de l’évaluation et de réduire les coûts et les délais.

Il ne s’agit pas d’une commission d’examen dont la portée de l’étude approfondie pourrait s’accomplir dans le cadre d’une période de trois mois, mais plutôt d’une commission d’examen qui pourrait adresser des questions spécifiques, non pas un projet global, et dont le processus pourrait prendre des mois. La plupart des provinces que je connais ont une commission administrative de procédures qui intervient lors des tenues d’audience qui ont une durée de quelques jours, voire même des semaines. Tout ce que je suggère, c’est que l’approche du tout ou rien à l’égard des commissions d’examen ne devrait pas exister, et que c’est exactement ce que nous avons en ce moment. «  Tout  » c’est uniquement ce que nous avons: deux années ou rien. (Réunion 79)

La non-participation du public a des conséquences qui ont été décrites en termes émouvants par Normand de la Chevrotière, président de la Inverhuron & District Ratepayers Association, qui a expliqué comment son association a lutté en vain pour que le projet d’entreposage de déchets nucléaires de Bruce fasse l’objet d’un examen par voie d’audience.

Mais lorsque nos enfants nous demanderont: «  Que diable s’est-il passé là-bas?  » Nous pourrons les regarder droit dans les yeux, garder la tête haute et leur répondre: « Nous avons fait tout ce qui était humainement possible. Nous avons épuisé toutes les avenues relativement à la réglementation et aux recours juridiques. Nous ne vous avons pas laissés tomber; c’est le système et le gouvernement qui vous ont laissés choir. » Nous en sommes maintenant tellement déçus que nous nous demandons même s’il existe un gouvernement. Pourquoi avons-nous un organisme de réglementation? Et même, pourquoi avons-nous une Loi canadienne sur l’évaluation environnementale? Si le plus grand site d’entreposage de déchets nucléaires, recevant les produits industriels les plus toxiques et les plus dangereux, ne mérite pas d’être examiné par une commission d’examen, alors dites-moi ce qu’il faudra? Je suis ici, implorant ce comité, suppliant ce comité de bien vouloir apporter des modifications à la loi afin qu’aucun groupe de citoyens n’ait à passer par les épreuves que nous avons dû subir. Des projets de cette portée et ampleur devraient faire l’objet d’une étude obligatoire par une commission d’examen. (Réunion 73)

Michelle Campbell, coordonnatrice du programme d’appui aux citoyens de Environmental Defence Canada, a rendu compte du point de vue de son organisation selon laquelle, s’il n’y a pas plus d’examens par voie d’audience, le système d’évaluation environnementale de la LCEE ne donne pas les résultats escomptés en termes d’imputabilité et de retombées bénéfiques pour l’environnement.

Il est de plus en plus évident que la LCEE n’est pas un bon outil pour favoriser la participation des citoyens, malgré notre perception de son but principal. La Protection environnementale du Canada fondait de grands espoirs à l’égard de la LCEE. Nous pensions qu’elle serait plus efficace que l’ancien système des Lignes directrices PEEE, et nous estimons toujours qu’elle a été conçue afin d’en faire davantage pour favoriser la participation des citoyens; mais dans l’état actuel des choses, elle ne fonctionne pas. Si elle était plus efficace que l’ancien processus, la coupe à blanc de 11 millions d’hectares de forêts boréales aurait-elle été approuvée sans rien de plus que l’évaluation environnementale d’un pont? La plus grande décharge de déchets nucléaires au monde aurait-elle été évaluée sans un examen de comité? La destruction des plus grandes chutes d’eau dans une aire sauvage de l’Ontario aurait-elle été approuvée avant même que les citoyens ne puissent obtenir de l’information au sujet de l’évaluation environnementale? (Réunion 73)

Le Comité est fermement convaincu que la participation du public constitue un aspect essentiel du processus d’évaluation environnementale mené dans le cadre de la LCEE. Le projet de loi C-9, tel qu’amendé par le Comité, aurait  entraîner des améliorations dans ce secteur, mais les motions du gouvernement no 12 et 21, concernant les examens préalables, ont éliminer des aspects importants de ces améliorations. Toutefois, la participation du public  pourrait être  encouragée par un recours plus fréquent aux examens par une commission. Ces commissions présentent également l’avantage d’encourager le recours à des experts scientifiques et techniques indépendants. Le Comité reconnaît que les travaux de ces commissions s’étirent parfois trop, mais il croit qu’il existe des moyens de les accélérer, en se rappelant bien sûr qu’il est important d’éviter la duplication des efforts déployés dans le cadre d’autres processus d’évaluation environnementale.

LE COMITÉ RECOMMANDE AU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET À L’AGENCE CANADIENNE DE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE D’AUGEMENTER LA PARTICIPATION PUBLIQUE AUX ÉVALUATIONS EVIRONNEMENTALES ET RECOMMANDE AU MINISTRE DE RECOURIR À SES POUVOIRS ISSUS DE LA LOI POUR PRIVILÉGIER À CETTE FIN L’EXAMEN PAR VOIE D’AUDIENCE.

3.8       L’intégration du point de vue des Autochtones

L’examen quinquennal cherchait à consolider l’intégration du point de vue des Autochtones au processus d’évaluation environnementale. Le projet de loi C-9 comporte des modifications qui permettraient, entre autres, de «  promouvoir la communication et la collaboration entre les autorités responsables et les peuples autochtones dans le cadre d’évaluations environnementales  » et d’autoriser la prise en considération du savoir autochtone traditionnel.

Certains témoins ont l’impression que l’intégration du point de vue des Autochtones dans le travail accompli dans le cadre de la LCEE a fait des progrès, mais qu’il y a encore des lacunes. Garry Lipinski, coprésident pour l’Ontario du Ralliement national des Métis, a circonscrit un certain nombre de secteurs dans lesquels l’Agence pourrait s’appuyer sur l’évolution récente pour améliorer la participation des collectivités et des administrations gouvernementales autochtones.

Le fait que nous soyons depuis peu membres à part entière du comité consultatif sur la réglementation relative à la LCEE constitue un pas dans la bonne direction, vers l’intensification de notre rôle dans le processus d’évaluation environnementale. Des efforts sur les plans suivants pourraient améliorer encore davantage nos rapports avec le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la LCEE : premièrement, dans l’application, par le ministère, des mécanismes de consultation prévus auprès des Métis, des Premières nations et des Inuit, comme il l’a fait dans le cas du groupe de travail sur le projet de loi relatif aux espèces à risque; deuxièmement, dans l’harmonisation de la Loi avec les structures de l’autonomie gouvernementale autochtone et les régimes de revendications territoriales, ainsi qu’avec les lois provinciales sur l’évaluation environnementale; et dans la définition du rôle des connaissances et traditions autochtones en ce qui concerne la Loi et la pleine participation du RNM et des autres organisations autochtones nationales à l’élaboration des lignes directrices fédérales. (Réunion 69)

De l’avis du Comité, les modifications apportées par le projet de loi C-9 sont utiles, mais elles ne traduisent pas entièrement le rôle croissant des administrations gouvernementales autochtones et des organismes voués aux revendications territoriales globales dans les EE. Elles ne tiennent pas non plus compte du fait que le droit canadien reconnaît de plus en plus le droit des Autochtones à être consultés et à participer aux EE. Les témoins ont circonscrit plusieurs aspects problématiques.

Le Grand Conseil des Cris a fait remarquer que le système d’évaluation environnementale fédérale sous le régime de la Convention de la Baie James et du Nord québécois est rarement employé et que le projet de loi C-9 ne règle pas ce problème de non-participation. Diom Romeo Saganash, directeur des Relations avec le Québec pour le Grand Conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee), estime que c’est le système d’évaluation environnementale établi dans le cadre de la Convention qui devrait être appliqué dans le territoire cri du Nouveau-Québec.

[…] l’article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois exige une présence fédérale réelle dans la formulation des politiques et dans l’examen des projets qui visent des affaires relevant de la compétence fédérale. On nous a promis un statut spécial pour nous permettre de participer à la procédure d’évaluation environnementale et sociale à tous les niveaux et à toutes les étapes, ainsi qu’à son interprétation et son application. En outre, non seulement a-t-il été prévu que « le régime de protection de l’environnement et du milieu social applicable dans le territoire est établi en vertu du présent chapitre et conformément à ces dispositions », mais encore nous a-t-on promis que le régime ne serait pas modifié sans le consentement des Cris. Qu’en est-il aujourd’hui? Le régime est essentiellement mis de côté et rendu non exécutoire par le Canada. La partie du régime qui fonctionne de façon minimale, soit le Comité consultatif sur l’environnement de la Baie James, ne se voit pas accorder le rôle qui lui revient dans le domaine de la formulation des politiques et en plus, il est sous-financé. Le Canada refuse d’admettre que l’évaluation fédérale peut-être déclenchée en vertu de l’article 22 et, à la place, impose la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale sur notre territoire, en violation de l’article du traité que je viens de citer. […] Nous venons vous demander de trouver des moyens de mettre en oeuvre le chapitre 22 de notre traité signé en 1975 de façon à respecter les droits du peuple cri et la prépondérance que la Constitution leur accorde sur les autres lois fédérales. (Réunion 65)

La Convention de la Baie James et du Nord québécois s’applique également à la région du Nunavik (Nouveau-Québec). Paule Halley, membre du Comité consultatif environnemental de Kativik, estime que le Canada ne consulte pas comme il le devrait les Inuits de la région et qu’il trahit ses propres lois en appliquant la LCEE dans cette région.

[…] la [Convention de la Baie James et du Nord québécois] interdit, en termes exprès, la mise en oeuvre d’une double procédure fédérale en territoire du Nunavik. […] La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale n’est pas applicable sur le territoire du Nunavik. À cet égard, je souligne qu’en dehors des cas de cumul prévus dans la convention, il n’est pas possible de signer des ententes d’harmonisation et de délégation, ou d’instituer des commissions conjointes ou de substitution comme le prévoit la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, car ces mécanismes-là n’existent pas dans la convention. De plus, les organismes qui sont créés par la convention, comme le comité fédéral d’évaluation, composé en majorité de fonctionnaires fédéraux, n’ont pas le pouvoir inhérent de signer des ententes d’harmonisation, de délégation et autres avec l’Agence canadienne. Ce pouvoir ne leur est pas accordé par la convention. Le seul moyen de modifier les termes de la convention est de le faire dans le respect de ses dispositions […]. (Réunion 67)

L’Assemblée des Premières nations (APN) propose de modifier l’article 4 de la LCEE pour reconnaître, dans l’objet de la Loi, les gouvernements autochtones comme partenaires à part entière des gouvernements fédéral et provinciaux dans les EE. L’APN propose également que, lorsque des droits ancestraux ou issus de traités risquent d’être compromis, les autorités responsables devraient être tenus d’en informer les autorités autochtones compétentes pour s’assurer qu’elles participeront à l’EE dès les premiers stades des projets en cause. Par ailleurs, l’Assemblée propose que les droits ancestraux et issus de traités susceptibles d’être compromis par un projet fassent obligatoirement partie des éléments d’analyse de l’EE à entreprendre. Le chef national Matthew Coon Come estime que le temps est venu d’aller au-delà des clauses de non-dérogation et d’inscrire dans les lois les relations de gouvernement à gouvernement et de nation à nation entre le gouvernement fédérale et les peuples autochtones du Canada.

On peut toujours faire mieux. On y trouve des références aux peuples autochtones, mais je crois qu’il faut aller au-delà des dispositions de non-dérogation ou d’interprétation, comme si nous étions un groupe d’intérêt. Nous ne sommes pas un groupe d’intérêt. La Constitution reconnaît trois groupes autochtones au Canada: les Métis, les Inuit et nous. Nous avons assurément signé des traités, en fonction d’une relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement. Ce sont ces traités qui confirment cette relation. La Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé un partenariat fondé sur la justice et sur une participation équitable, réelle et significative, une relation de gouvernement à gouvernement, de nation à nation. (Réunion 68)

Natan Obed, de l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), s’est joint à d’autres témoins pour suggérer qu’il y a encore du travail à faire pour garantir l’intégration plus étroite de ces systèmes dans le processus d’évaluation environnementale fédérale.

Les Inuits estiment que les mécanismes d’évaluation environnementale qu’ils ont négociés et qui figurent dans chacune des ententes doivent avoir préséance sur la LCEE, car ils conviennent mieux à l’Arctique, étant donné qu’ils ont été conçus par les Inuits pour les territoires habités par eux. De concert avec le gouvernement, nous avons travaillé sans ménager nos efforts pour définir une procédure d’évaluation environnementale sérieuse et complète qui fasse intervenir les Inuits dans toutes les prises de décisions. Nous ne voulons pas perdre cet acquis. Nous ne voulons pas davantage édulcorer nos ententes en acceptant de nous conformer aux dispositions de la LCEE alors que des mécanismes parfaitement satisfaisants s’appliquent déjà. […]. (Réunion 68)

Le Comité permanent appuie les modifications proposées dans le projet de loi C-9 pour reconnaître l’importance des communications et de la collaboration avec les peuples autochtones dans le cadre des EE et pour autoriser la prise en considération du savoir autochtone traditionnel. Il félicite l’Agence d’avoir créé un comité consultatif autochtone, mais il s’inquiète du fait que l’EE fédérale n’est pas à la hauteur de l’évolution juridique relative aux droits ancestraux et issus de traités des Autochtones et qu’on n’a pas suffisamment accordé d’attention, sur le plan stratégique, à l’interaction entre la LCEE et les systèmes d’évaluation environnementale des institutions vouées aux revendications territoriales globales.

LE COMITÉ RECOMMANDE À L’AGENCE CANADIENNE D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DE COLLABORER AVEC SON COMITÉ CONSULTATIF AUTOCHTONE POUR EXAMINER SYSTÉMATIQUEMENT D’UNE PART L’ÉVOLUTION JURIDIQUE RELATIVE AUX DROITS ANCESTRAUX ET ISSUS DE TRAITÉS DES AUTOCHTONES EN TANT QU’ILS S’APPLIQUENT À L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE ET D’AUTRE PART L’INTERACTION ENTRE LA LCEE ET LES SYSTÈMES D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DES ORGANISMES AUTOCHTONES ET DES INSTITUTIONS VOUÉES AUX REVENDICATIONS TERRITORIALES GLOBALES, L’OBJECTIF ÉTANT D’ÉLABORER UN SYSTÈME D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE PLUS EFFICACE.

3.9       L’amélioration de l’évaluation environnementale stratégique

Autre aspect qui échappe au projet de loi C-9 : l’évaluation environnementale stratégique (EES), c’est-à-dire l’évaluation des politiques, programmes et plans proposés par le gouvernement. En 1998, la commissaire à l’environnement et au développement durable a dénoncé la lenteur des ministères fédéraux à mettre en œuvre l’évaluation environnementale des programmes et des politiques du gouvernement comme l’exigeait une directive du Cabinet diffusé en 1990. Le Comité a de la difficulté à évaluer le degré de conformité actuel avec la nouvelle directive diffusée par le Cabinet en 1999, compte tenu du fait qu’il n’existe presque pas d’information publique sur les EES. Quelques ministères du moins (Environnement Canada, Affaires étrangères et commerce international, Industrie Canada et Transports Canada) ont élaboré des lignes directrices pour la réalisation d’EES. Il semble qu’un certain nombre d’EES aient été effectuées dont les résultats ont récemment été soumis au Cabinet. Par ailleurs, les plans d’aménagement des parcs nationaux sont assujettis à une évaluation environnementale stratégique aux termes de l’actuelle directive du Cabinet (1999), et les plans d’activités qui s’ensuivent sont également évalués aux termes de la directive en question s’ils comportent des détails ou propositions supplémentaires non préalablement évalués dans le cadre du plan d’aménagement.

Un certain nombre de témoins, dont Peter Ewins, ont recommandé d’inclure un système d’EES dans la LCEE.

[…] je pense qu’il serait extrêmement utile que le projet de loi C-19 reprenne en termes concrets cet engagement à réaliser des évaluations environnementales stratégiques pour les politiques, les programmes et les plans qui émanent du gouvernement fédéral. (Réunion 71)

Karen Campbell, avocate pour la West Coast Environmental Law Association, estime que l’EES est «  au cœur du développement durable  ». Elle a également fait remarquer que ce genre d’évaluation pourrait permettre de réduire le nombre d’évaluations environnementales de projets spécifiques, ce qui permettrait de réduire les coûts et de simplifier la procédure.

Si nous procédions à l’évaluation des grands projets, des grandes orientations et des politiques, il ne serait plus nécessaire bien souvent d’effectuer des évaluations environnementales. (Réunion 60)

Joan Kuyek a également fait valoir que la LCEE devrait prévoir à la fois l’évaluation environnementale des projets et l’évaluation environnementale stratégique.

Tout d’abord, nous estimons que c’est la Loi canadienne d’évaluation environnementale qui est censée nous permettre d’avoir un débat ouvert sur les mérites d’un projet. L’information sur l’opportunité d’appuyer une industrie basée sur le charbon ou une industrie nucléaire devrait faire partie de l’évaluation environnementale stratégique et particulière au projet. Nous sommes ici pour demander au gouvernement de s’acquitter correctement de ses responsabilités. […] Je pense qu’il devrait englober tout programme ou politique du gouvernement fédéral, et il doit y avoir un programme d’évaluation, comme pour les projets. Dans les faits, bon nombre de politiques ont bien plus de répercussions dévastatrices pour l’environnement et pour l’économie qu’un projet, et pourraient se dispenser de nombre d’évaluations de petits projets, s’il y avait eu au départ une évaluation des politiques. (Réunion 61)

L’EES permet de tenir compte des effets cumulatifs de projets dans de grandes régions et, en fait, dans l’ensemble du Canada. Les répercussions qui débordent celles de projets particuliers peuvent alors être analysées dans le cadre d’une évaluation des politiques, compte tenu des objectifs environnementaux du Canada et de ses obligations internationales. Martha Kostuch, vice-présidente des Friends of the Oldman River, a donné l’exemple de la mise en valeur des sables bitumineux pour faire valoir qu’il faut inscrire un système d’EES dans la loi pour s’assurer que nous comprenons bien les effets globaux de ce type d’activité sur notre environnement.

Le gouvernement fédéral, de préférence en coopération avec le gouvernement provincial, devrait effectuer une évaluation environnementale stratégique de l’exploitation des sables bitumineux et l’examiner dans un sens plus large. Quels en sont les éléments positifs, les avantages, et quelle sera l’incidence? L’exploitation des sables bitumineux peut-elle se faire de manière écologique? Est-ce dans l’intérêt des Canadiens et même dans celui des Nord-Américains, des États-Unis, ou non? La raison pour laquelle nous ne respecterons pas les dispositions du Protocole de Kyoto est très simplement l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux. Pourtant, on ne s’est même pas occupé de cette question dans le cadre de l’évaluation environnementale fédérale. […] ce n’est pas le projet Suncor lui-même et son expansion qui nous préoccupent. C’est la totalité des projets d’exploitation des sables bitumineux et l’énorme incidence qu’ils auront sur la qualité de l’air dans plus d’une province, sur les gaz à effet de serre et les changements climatiques, ainsi que sur les forêts boréales et sur les cours d’eau. Le gouvernement fédéral devrait effectuer une évaluation environnementale stratégique. Il y a encore une autre question. Pourquoi le gouvernement fédéral subventionne-t-il l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux en accordant d’intéressants allégements fiscaux? C’est en partie à cause de ces mesures que nous ne respecterons pas les conditions de Kyoto. […] Avez-vous même pensé aux incidences environnementales quand vous avez pris la décision d’accorder des allégements fiscaux pour l’exploitation des sables bitumineux? Avez-vous pensé à l’incidence sur notre capacité de financer les soins de santé, quand vous avez accordé ces allégements fiscaux? Ce sont les questions que nous devrions examiner dans une évaluation environnementale stratégique […].(Meeting 66)

L’une des principales caractéristiques qui distinguent les EES des EE de projet est que, comme celles qui sont effectuées en vertu de la Loi sur la protection du revenu agricole, elles peuvent être réalisées après que le programme qui fournit l’aide financière est entré en vigueur. Ce concept permet d’établir une distinction importante entre l’évaluation de projets et l’évaluation de politiques et de programmes. Un barrage ou une centrale nucléaire doivent faire l’objet d’une évaluation avant leur construction, car, une fois qu’ils sont construits, leurs effets sur l’environnement ne peuvent plus être évités, sauf à engager d’énormes dépenses et à surmonter d’énormes difficultés. Les politiques et les programmes ne sont jamais aussi strictement circonscrits; ils évoluent progressivement et peuvent généralement être renversés si besoin est. Par ailleurs, ces EES a posteriori ont l’avantage de ne pas être saisies dans les problèmes de documents confidentiels du Cabinet et permettent de procéder à une analyse plus précise. Toute loi sur les EES devrait donc comporter une disposition permettant aux autorités fédérales de procéder à une EES après décision de donner suite à une proposition, lorsque l’autorité fédérale estime qu’une EES a posteriori est dans l’intérêt de la population.

Voici quelques principes que pourrait comporter une loi fédérale sur l’EES : exiger que les effets environnementaux des politiques, programmes et plans du gouvernement fédéral soient évalués; créer un registre public de ces EES; laisser le maximum de souplesse aux ministères fédéraux pour qu’ils puissent intégrer l’EE aux processus décisionnels; faire appel aux institutions actuelles (ex. : Agence canadienne d’évaluation environnementale, équipes d’EE ministérielles) pour réduire les coûts administratifs au minimum.

Pour que l’EES soit fructueuse, il faut aussi en surveiller l’application. La directive du Cabinet de 1999 a été diffusée par le greffier du Conseil privé, le plus haut fonctionnaire du gouvernement. Le Bureau du Conseil privé a décliné la responsabilité de la mise en œuvre des directives de 1990 et de 1999, comptant sur l’Agence pour le faire, laquelle n’a quasiment aucun pouvoir de s’assurer que les ministères fédéraux (sans parler des ministres) se conforment à la loi. Le Bureau du Conseil privé, qui est en quelque sorte le ministère du Premier ministre et le secrétariat du Cabinet, doit assumer un rôle de premier plan si l’on veut que le processus d’évaluation environnementale stratégique soit efficace.

LE COMITÉ RECOMMANDE AU PREMIER MINISTRE D’ORDONNER AU BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ D’ÉLABORER UNE LOI, DE CONCERT AVEC LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET LE PLUS TÔT POSSIBLE AVANT L’EXAMEN SEPTENNAL PRÉVU, POUR ÉTABLIR LE CADRE JURIDIQUE DE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE STRATÉGIQUE.


5Le projet de loi C-9 tel qu’il est modifié par le Comité transformerait l’objet de la Loi : il permettrait entre autres de garantir que l’on prend des mesures de précaution pour s’assurer que les projets ne provoquent pas d’effets néfastes importants.
6Comme l’exploitation des sables bitumineux dans le nord de l’Alberta ou l’exploitation diamantifère avec construction de routes dans les Territoires du Nord-Ouest.