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HEAL Rapport du Comité

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Text Box: 	Chronologie de la Stratégie
	1990 — Budget de 112 millions de dollars sur trois ans (37,3 millions de dollars par an)
	1993 — 203,5 millions de dollars sur cinq ans (40,7 millions de dollars par an) plus un financement discrétionnaire d’au plus 1,5 million de dollars par an en cas d’urgence
	1998 — 42,2 millions de dollars par an et réexamen au bout de cinq ans 


La Stratégie canadienne sur le VIH/sida (SCVS) actuelle a été annoncée par le gouvernement fédéral il y a cinq ans, en mai 1998, et assortie d’une affectation budgétaire annuelle de 42,2 millions de dollars. Santé Canada procède actuellement à un réexamen de la Stratégie et prépare un rapport pour le ministre de la Santé qui sera prêt en juin 2003.

Le Comité permanent de la santé a décidé d’examiner la Stratégie lorsqu’il a été saisi des préoccupations exprimées par les principaux partenaires non gouvernementaux de la Stratégie au sujet du financement annuel de celle-ci. Ces organisations sont en effet inquiètes de constater que les crédits consacrés à la SCVS sont demeurés stationnaires pendant les 10 dernières années de l’épidémie. En outre, bien que Santé Canada affirme qu’il existe maintenant un engagement de financement à long terme, elles ont des réserves au sujet des orientations qui pourraient être proposées au Ministre à l’issue de l’examen quinquennal.

Pour tenter de mieux comprendre les responsabilités du gouvernement fédéral et les mesures prises par celui-ci, le Comité a entendu en audience les principaux partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux concernés, à savoir, pour le gouvernement fédéral, Santé Canada, le Service correctionnel du Canada (SCC) et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et, pour les organisations non gouvernementales, les suivantes :

le Réseau canadien pour les essais VIH,
le Conseil canadien de surveillance et d’accès aux traitements,
le Réseau canadien autochtone du SIDA,
l’Association canadienne de recherche sur le VIH,
la Société canadienne du sida,
le Réseau juridique canadien VIH/sida,
l’International AIDS Society,
la YouthCO AIDS Society.

LE POINT DE LA SITUATION AU cANADA

Le Comité a appris que des rapports parus à la fin des années 1990 signalaient une baisse du nombre de tests positifs de dépistage du VIH et prédisaient que les progrès réalisés au niveau thérapeutique préviendraient beaucoup de décès prématurés. Pourtant, les témoins entendus ont fait remarquer que, en dépit de ces signes encourageants, on estimait en 2002 qu’il y avait encore environ 4 000 nouveaux cas d’infection au VIH par an qui représentaient 600 millions de dollars de frais médicaux annuels additionnels. L’augmentation du nombre de personnes vivant avec le VIH, lequel est passé d’environ 30 000 en 1993 à plus de 54 000 en 2002, suscite une demande permanente et croissante de soins, de traitements et de services de soutien.

A.        Une épidémie qui se transforme

Le Comité a appris que l’épidémie de sida s’est transformée et touche maintenant de nombreux groupes. Si la majorité des tests positifs de dépistage du VIH et des cas de sida signalés concernent encore des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, on a noté une légère baisse des cas en 2001 par rapport aux années précédentes. Par ailleurs, la tendance à la baisse des tests positifs de dépistage du VIH et des cas de sida déclarés parmi les utilisateurs de drogues injectables se confirme.

Cependant, le Comité s’inquiète d’une tendance troublante vers la transmission hétérosexuelle de la maladie. D’après les témoins, en 2001, les femmes représentaient la moitié des tests positifs de dépistage du VIH parmi les personnes de 15 à 29 ans. Or, les jeunes femmes en âge de procréer retiennent particulièrement l’attention à cause du risque de transmission  du virus de la mère à l’enfant.  Par ailleurs,  la proportion des cas de sida déclarés parmi les noirs et les Autochtones a beaucoup progressé, à tel point que les Autochtones représentent plus du quart de tous les nouveaux cas. Enfin, dans le quartier est du centre-ville de Vancouver, un des quartiers les plus déshérités du Canada où l’on trouve une forte population d’utilisateurs de drogues injectables et d’Autochtones, le taux d’infection au VIH frise les 40 % parmi certains groupes.

B.        Nouveaux défis

Les témoins ont souligné que, en même temps que l’épidémie de VIH/sida devenait plus complexe et touchait plus de sous-groupes, le virus avait continué de subir des mutations et acquis une résistance à de nombreux médicaments. Ils ont fait remarquer que les vaccins testés en laboratoire ne se sont pas encore révélés efficaces, et que certaines personnes qui suivent des traitements antirétroviraux de longue durée souffrent maintenant de maladies cardiaques, de lésions organiques et d’autres troubles de santé.

Du côté de la prévention aussi, la situation n’est pas idéale. Certains des efforts déployés sur ce plan sont au point mort du fait que les Canadiens ont perdu le sentiment d’urgence que suscitaient autrefois chez eux les risques associés au VIH/sida pour eux-mêmes et pour la santé publique en général. Chez certains groupes comme les jeunes, les Autochtones et les détenus, des considérations d’ordre social, culturel et pratique limitent le type et le degré d’intervention.

C.        Perspectives d’avenir

Dans l’ensemble, les témoins estiment que l’évolution de la nature de l’épidémie de VIH/sida et les difficultés qui en découlent exigent plus que jamais l’application d’une stratégie nationale coordonnée sur le VIH/sida dotée d’un budget approprié. Ils sont d’accord avec les objectifs actuels de la Stratégie comme prévenir la propagation du VIH, trouver un remède à la maladie, élaborer des vaccins, des médicaments et des thérapies efficaces, assurer des soins, un traitement et un soutien aux personnes qui vivent avec le VIH/sida, aux personnes qui les soignent, à leur famille et à leurs amis, réduire les répercussions dommageables du VIH/sida sur les personnes et les collectivités et atténuer les facteurs économiques et sociaux qui augmentent le risque d’infection au VIH.

Certains témoins doutent cependant que les ressources que l’on consacre actuellement à la SCVS permettent d’atteindre ces objectifs. Les premières interventions des partenaires de la Stratégie étaient axées sur un groupe particulièrement vulnérable (les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes), mais la transmission par contact hétérosexuel et par utilisation de drogues injectables fait des victimes de plus en plus nombreuses dans d’autres groupes. S’ajoutent à ceux-ci d’autres sous-groupes particulièrement vulnérables parmi les jeunes, les Autochtones, les immigrants et les femmes, si bien que les ressources courantes ne peuvent plus suffire à la tâche et que la lutte contre le VIH/sida perd de son efficacité.

FINANCEMENT ET ÉVALUATION DE LA STRATéGIE CANADIENNE SUR LE VIH/SIDA

Les témoins ont fait valoir au Comité que, si la réaction initiale des autorités à l’épidémie a été admirable et si la Stratégie demeure profitable, le financement de celle-ci étant demeuré stationnaire depuis 1993 (42,2 millions de dollars par an), on a en fait perdu beaucoup de terrain sur plusieurs plans (taux d’infection, recherche, solutions thérapeutiques et inflation) et il importe de rectifier le tir.

A.        Financement global

Selon les témoins entendus, il faut accroître sensiblement le financement global de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. La plupart des témoins estiment même qu’il faut le doubler pour le porter à au moins 85 millions de dollars par an. Ils ont rappelé à quel point l’apport du gouvernement fédéral est essentiel dans le cas particulier du VIH/sida du fait que, contrairement aux autres maladies qui bénéficient de contributions importantes de la part d’organismes de bienfaisance ou de particuliers, le VIH/sida a très peu de sources de financement en dehors du gouvernement.

De nombreux témoins ont fait allusion au rapport intitulé Faire le point : évaluation de la pertinence de l’investissement du gouvernement du Canada dans la Stratégie canadienne sur le VIH/sida, rédigé en janvier 2001 à l’intention du Conseil ministériel sur le VIH/sida (Martin Spigelman Research Associates). On y fait remarquer que le financement de la SCVS n’a pas augmenté au même rythme que le VIH/sida, que la valeur réelle de l’investissement a diminué progressivement en raison de l’inflation, et que l’engagement financier n’a pas tenu compte de l’excédent budgétaire fédéral croissant.

Le rapport Spigelman (et de nombreux témoins) a mis en relief les économies à long terme que pourrait entraîner un niveau d’investissement plus généreux dans la SCVS. On épargnerait 150 000 $ par an (15 000 $ au seul titre des médicaments aux prix courants, mais qui augmentent constamment) pour chaque cas d’infection au VIH prévenu. Si le taux actuel d’infection (4 000 cas par an) était ramené à 1 700 par an, on pourrait économiser 4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. On a cependant souligné que seuls des investissements importants permettraient de susciter les modifications du comportement social requises pour obtenir de telles réductions des taux d’infection.

Les témoins ont dit au Comité que les investissements du Canada dans la lutte contre le VIH/sida au pays ne devraient pas être dépassés par ceux qu’il fait sur le plan international. Ils ont signalé que le financement de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) au titre des programmes relatifs au VIH avait quadruplé entre 2000 et 2005. Ils ont aussi parlé des investissements substantiels faits récemment à l’égard de l’Initiative internationale pour un vaccin contre le sida et du Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme de l’ONU. Par comparaison, l’investissement total du Canada dans la recherche sur le VIH au pays et les sommes dépensées par personne infectée reste parmi les plus faibles des pays industrialisés.

B.        Responsabilités du gouvernement fédéral

Les témoins ont rappelé au Comité que Santé Canada est le principal ministère chargé des questions relative au VIH/sida, et qu’il supervise les grandes décisions budgétaires concernant les 42,2 millions de dollars de financement annuel. Santé Canada est également chargé de la prestation des services de santé aux Indiens inscrits des Premières nations et aux Inuits. Le Service correctionnel du Canada, qui dispose de moins d’un million de dollars, s’occupe du problème au sein de la population des établissements correctionnels fédéraux. Par ailleurs, bien que les Instituts de recherche en santé du Canada disposent de près de 10 millions de dollars annuellement pour répondre aux multiples besoins en recherche, certains témoins estiment qu’il serait avantageux pour les autres personnes dans la même situation que l’on finance davantage de recherches sur les Autochtones et les détenus qui relèvent des autorités fédérales.

Les organisations non gouvernementales ont signalé de graves lacunes dans le niveau et la nature de la réponse auprès des populations qui relèvent du gouvernement fédéral comme les Indiens des Premières nations et les Inuits qui vivent dans la population générale et les détenus des établissements correctionnels fédéraux. Bien que le taux d’infection au VIH/sida ait considérablement augmenté dans certains segments de ces populations depuis 10 ans, le niveau de financement est demeuré stationnaire. Le Comité de la santé tient à s’assurer que le gouvernement fédéral allouera des fonds suffisants au financement de ses obligations envers ces populations qui relèvent directement de lui.

C.        Recherche d’un vaccin

D’après les témoins, l’élaboration d’un vaccin est un domaine de recherche qui mérite un financement distinct d’au moins 5 millions de dollars par an. Alors que l’on consacre actuellement environ 1,3 million de dollars à l’élaboration d’un vaccin contre le VIH au Canada, les États-Unis affectent 400 millions à ces travaux et la France, environ 8 millions d’euros.

Les témoins ont expliqué au Comité que l’élaboration d’un vaccin constituait un effort à long terme impossible à intégrer efficacement à des plans à court terme. Ils ont en outre signalé au Comité que la décision de l’ACDI de verser une contribution de 50 millions de dollars à l’Initiative internationale pour un vaccin contre le sida — un consortium non gouvernemental d’envergure mondiale fondé en 1996 — en 2002 avait été prise sans aucune consultation auprès des chercheurs canadiens et les avait offensés, eux qui manquent déjà tellement d’argent.

D.        Évaluation

Parallèlement à un accroissement du financement, on réclame aussi une évaluation claire et transparente des objectifs déclarés et des résultats de la Stratégie renouvelée. Les témoins sont convaincus que l’affectation de ressources accrues entraînera des résultats concrets. Il est de toute évidence important de procéder à des évaluations pour vérifier si les objectifs visés sont atteints. Tous les participants sont déterminés à chercher des mesures efficaces qui permettront de réduire et, si possible, de faire disparaître le VIH/sida.

Le Comité appuie les particuliers et les groupes qui participent aux divers volets de la Stratégie et partage leur volonté de savoir si toutes les parties concernées respectent leurs engagements. Les organisations actives dans la lutte contre le VIH/sida en collaboration avec leurs partenaires du gouvernement savent que l’élimination du VIH/sida exigera des évaluations soigneuses, un examen régulier des décisions et des révisions occasionnelles de la distribution des ressources entre les divers volets de la Stratégie. Il faut aussi régulièrement contrôler les objectifs établis pour en évaluer la pertinence compte tenu de l’évolution de la maladie et des groupes concernés. Ce contrôle permanent des informations courantes peut faciliter la prise des décisions et, ainsi, améliorer les résultats obtenus.

Le Comité partage l’avis des témoins qui recommandent que l’on double les crédits alloués à la SCVS pour les porter à au moins 85 millions de dollars par an. Certains témoins ont cependant aussi rappelé les responsabilités constitutionnelles particulières du gouvernement fédéral envers certaines populations autochtones et carcérales pour demander qu’il alloue des fonds particuliers à ces deux groupes considérés comme exposés à un risque plus élevé que la moyenne. Les témoins ont aussi demandé un financement ciblé à l’appui des chercheurs canadiens qui travaillent à l’élaboration de vaccins. En outre, le Comité s’attend que la Stratégie renouvelée sera assortie de meilleurs mécanismes de reddition de comptes et d’information du Parlement sur l’usage des fonds, la prestation des programmes et les résultats obtenus.

RECOMMANDATION 1 sur l’accroissement du financement

Au sujet de l’évaluation et du financement globaux de la nouvelle Stratégie canadienne sur le VIH/sida, le Comité recommande :

a)que le gouvernement fédéral porte à 100 millions de dollars le financement annuel total de la Stratégie canadienne renouvelée sur le VIH/sida;
b)que, sur cette somme, 5 millions de dollars par an soient alloués à chacune des deux sous-population les plus vulnérables (les Indiens des Premières nations et les Inuits de même que les détenus) qui relèvent des autorités fédérales;
c)que, sur cette somme, 5 millions de dollars annuellement soient alloués aux chercheurs canadiens qui travaillent à la mise au point d’un vaccin;
d)que le financement accru de la Stratégie soit réexaminé deux ans plus tard afin de s’assurer qu’il est toujours adéquat compte tenu de l’évolution de la maladie et de ses conséquences financières, physiques et sociales sur la population;
e)que le financement accru de la Stratégie soit assujetti à des buts et objectifs quinquennaux chiffrés relativement à la baisse attendue du nombre annuel de nouveaux cas.

RECOMMANDATION 2 sur l’efficience et la reddition de comptes

Pour garantir l’efficacité de la Stratégie et l’évaluation continue de son financement, le Comité recommande :

a)que l’on confie à Santé Canada la coordination et la mise en œuvre de la Stratégie canadienne renouvelée sur le VIH/sida et la déclaration des résultats de cet effort exhaustif concerté;
b)que Santé Canada établisse un secrétariat de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida doté d’un budget et d’un personnel désignés pour lui permettre de s’acquitter de ce rôle;
c)que Santé Canada collabore avec ses partenaires fédéraux pour faire en sorte que la Stratégie canadienne sur le VIH/sida soit assortie de buts et d’objectifs quinquennaux appropriés, clairs et mesurables et d’un processus d’évaluation et de reddition de comptes;
d)que Santé Canada s’entende avec ses partenaires fédéraux pour revoir l’ensemble du financement de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida et sa distribution d’ici deux ans;
e)que Santé Canada fasse rapport annuellement au Parlement par l’intermédiaire du ministre de la Santé sur la Stratégie canadienne sur le VIH/sida en mettant en rapport les objectifs et les réalisations suivant les directives du Conseil du Trésor.

DISTRIBUTION DU FINANCEMENT

La distribution du financement de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida est elle aussi demeurée inchangée depuis longtemps. Les crédits continuent d’être répartis entre les 10 secteurs de programme suivants :

Programme

Budget
(en millions de
dollars)1

Prévention

3,90

Développement communautaire et aide aux ONG nationales

10,00

Soins, traitement et soutien

4,75

Recherche

13,15

Surveillance

4,30

Collaboration internationale

0,30

Questions de droit, d’éthique et de droits de la personne

0,70

Collectivités autochtones

2,60

Consultation, évaluation, contrôle et déclaration

1,90

Service correctionnel du Canada

0,60

A.        Affectation globale

Les partenaires qui ont participé à la distribution initiale du financement à la fin des années 1990 sont d’avis que la répartition reste valable. Ils ont souligné que tous les domaines de programme souffraient également de l’insuffisance du financement, et qu’ils contribuaient tous à l’objectif global de réduction du VIH/sida. Selon eux, le nouveau financement devrait couvrir des secteurs de programme semblables, en précisant certains domaines dans lesquels il importerait d’investir de l’argent. Santé Canada a indiqué que l’examen quinquennal actuellement en cours portera entre autres sur la distribution et le montant du financement.

D’après les témoins, il faut accroître le financement pour :

obtenir des résultats similaires à ceux du Royaume-Uni et de l’Australie en matière de prévention;
étendre les mesures efficaces de réduction des préjudices;
atteindre les groupes très vulnérables, en particulier les jeunes;
lancer des initiatives concernant la santé des populations pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida;
élaborer des programmes adaptés aux besoins des collectivités autochtones;
améliorer les services offerts par les ONG dans la collectivité;
améliorer la surveillance;
financer des travaux de recherche sur le VIH/sida.

B.        Affectations destinées aux segments de population particulièrement vulnérables

Les témoins entendus tiennent particulièrement à ce que le financement soit concentré sur les nouveaux segments de population à risque observés parmi les femmes, les jeunes, les Autochtones, les immigrants et les détenus. Pour eux, le «  nouveau visage du sida  » exige des modifications des stratégies de prévention, des stratégies de traitement, des programmes d’action directe dans les collectivités et des autres éléments de l’effort de réduction du VIH/sida dans ces populations.

La SCVS était à l’origine concentrée essentiellement sur un groupe à risque, à savoir les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes. Comme l’épidémie s’est maintenant répandue dans d’autres groupes, les témoins réclament l’affectation de fonds additionnels dans le contexte de la SCVS pour l’élaboration de nouvelles approches. Ces efforts pourraient comprendre, dans le cas des jeunes, la sensibilisation par les pairs et du théâtre interactif, des programmes adaptés à la culture des Autochtones et des méthodes tenant compte des besoins des habitants des régions rurales.

Le Service correctionnel du Canada a indiqué que l’affectation de 600 000 $ (1,4 % du budget de la Stratégie) qui lui est destinée a été rapidement absorbée par les travaux de conception des programmes axés sur les besoins particuliers des prisons. Les taux d’infection ayant beaucoup augmenté dans les établissements correctionnels fédéraux, le SCC dépense bien plus que ce qui lui est alloué aux termes de la SCVS pour les soins, le traitement et le soutien liés au VIH/sida ainsi que pour la surveillance des maladies infectieuses parmi les détenus fédéraux.

C.        Financement de la recherche

Les témoins ont en outre souligné l’insuffisance du financement de la recherche sur le VIH/sida et précisé que, à l’échelle nationale, 30 % seulement des propositions de recherche bénéficient de crédits. Par ailleurs, si l’effort de recherche canadien sur le VIH était important au début de l’épidémie et si ces travaux produisent encore des résultats intéressants compte tenu des sommes investies, il reste que le Canada tire maintenant de l’arrière à ce chapitre.

On a fait valoir au Comité l’importance de soutenir la recherche sur les dimensions sociales et culturelles du problème, sur ses aspects biomédicaux et sur les services de santé. On recommande entre autres la réalisation de travaux de recherche adaptés à la culture autochtone, et d’autres sur les interventions sociales qui fonctionnent auprès des jeunes et sur les éléments du problème qui concernent les femmes, tels que les essais de médicaments et la production de microbicides.

Aux termes de la SCVS actuelle, Santé Canada s’associe aux Instituts de recherche en santé du Canada pour financer des recherches connexes dans des domaines multiples. Sur les 13,15 millions de dollars alloués à la recherche dans le contexte de la Stratégie, les IRSC en distribuent actuellement environ 10,2 millions, plus 5 millions de dollars destinés à des recherches visant à améliorer la qualité et la durée de la vie des personnes porteuses du VIH, à réduire la transmission et la progression de la maladie et à améliorer les méthodes thérapeutiques. Le Comité est conscient du fait que les IRSC doivent répondre à des besoins multiples, mais il aimerait quand même qu’ils consacrent davantage de fonds à la recherche sur le VIH/sida.

Les témoins entendus prônent l’affectation de fonds expressément à l’appui des sous-groupes vulnérables marginalisés qu’on observe parmi les jeunes, les Autochtones, les femmes, les habitants des régions rurales, les immigrants, les travailleurs du sexe et les détenus. Ils ont aussi fait ressortir l’importance des démarches adaptées aux groupes visés, des recherches tenant compte des considérations d’ordre culturel et des recherches sexospécifiques, notamment des recherches sur les microbicides et des essais de médicaments, de même que des recherches sur des traitements non pharmaceutiques. Ils ont en outre souligné les obligations internationales du Canada aux termes de la Déclaration d’engagement sur le VIH/sida adoptée à l’occasion de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/sida en 2001 et fixant des objectifs globaux de prévention et de réduction de la prévalence de la maladie parmi les jeunes et prévoyant l’affectation de ressources visant à lutter contre la discrimination et à stimuler la recherche.

RECOMMANDATION 3 sur la distribution générale des fonds

En ce qui concerne la distribution générale des fonds de la SCVS, le Comité recommande :

a)que, dans le contexte de l’examen de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida après deux ans, Santé Canada étudie avec ses partenaires fédéraux la répartition des fonds pour vérifier qu’ils répondent toujours aux besoins de l’heure sur les plans de la prévention, des traitements, de la recherche et des mesures prises pour faciliter l’intégration sociale des personnes vivant avec le VIH/sida;
b)que Santé Canada, en collaboration avec les autres ministères et les organismes fédéraux associés à la Stratégie canadienne sur le VIH/sida renouvelée, multiplie les stratégies de prévention et veille à ce qu’elles soient bien ciblées de manière à répondre aux besoins particuliers des divers groupes particulièrement vulnérables;
c)que Santé Canada et ses partenaires fédéraux fassent en sorte que l’administration des programmes de sensibilisation et de prévention soient de plus en plus confiée aux groupes concernés comme les personnes qui vivent avec le VIH/sida, les jeunes, les Autochtones et les collectivités ethniques et qu’ils tiennent davantage compte des considérations de culture, d’âge et de sexe.

RECOMMANDATION 4 sur les groupes concernés

En ce qui concerne la distribution du financement destiné aux groupes particulièrement concernés, le Comité recommande :

a)que Santé Canada augmente les stratégies de prévention visant spécialement les jeunes, en veillant à ce que celles-ci soient adaptées selon l’âge, ciblent les secteurs que fréquentent les jeunes et répondent aussi aux besoins des jeunes des régions rurales et isolées;
b)que Santé Canada et ses partenaires fédéraux fournissent un financement à long terme stable aux organisations autochtones régionales de services relatifs au VIH/sida pour aider celles-ci à mettre au point des méthodes culturellement adaptées de lutte contre le VIH dans la communauté autochtone et à mettre en œuvre des programmes spécifiques visant à répondre aux besoins liés au VIH/sida du nombre excessivement élevé des détenus autochtones;
c)que Santé Canada et ses partenaires fédéraux veillent à ce que des mesures et des fonds suffisants soient consacrés aux personnes affectées par la stigmatisation sociale et la discrimination associées au VIH/sida et à ce que ces personnes aient davantage accès aux services médicaux, à l’emploi, à l’aide sociale, etc.;
d)que le Service correctionnel du Canada offre des stratégies de réduction des préjudices pour la prévention du VIH/sida parmi les utilisateurs de drogues injectables dans les établissements correctionnels sur la base de critères d’admissibilité similaires à ceux qui sont employés dans la collectivité en général (dans l’esprit de la recommandation contenue dans le rapport de décembre 2002 du Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments);

RECOMMANDATION 5 sur la recherche spécifique

En ce qui concerne la recherche spécifique, le Comité recommande :

a)que les Instituts de recherche en santé du Canada envisagent l’affectation de fonds publics à la réalisation de recherches sexospécifiques et de recherches adaptées aux considérations d’ordre culturel;
b)que les Instituts de recherche en santé du Canada envisagent l’affectation de fonds publics à la réalisation de recherches sur des solutions de rechange non pharmaceutiques efficaces en matière de prévention et de traitement.

COLLABORATION INTERMINISTÉRIELLE FÉDÉRALE

À l’heure actuelle, Santé Canada, le Service correctionnel du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada sont les participants fédéraux à la SCVS. Santé Canada est responsable des questions liées au VIH/sida et coordonne les ressources affectées à la SCVS. Comme nous le signalons plus haut, les IRSC administrent la plupart des fonds de recherche de la Stratégie, tandis que le SCC se concentre sur le financement des efforts de lutte contre le VIH/sida dans le milieu correctionnel fédéral. Pour sa part, l’Agence canadienne de développement international apporte son concours à l’extérieur du Canada aux priorités de développement social, notamment la lutte contre le VIH/sida.

A.        Problèmes liés au partenariat fédéral

En ce qui concerne le financement accordé dans le cadre de la Stratégie actuelle, le Comité a entendu plusieurs préoccupations touchant les ministères et organismes fédéraux et la nature de leur collaboration. Par exemple, les témoins ont soulevé des questions au sujet de la suffisance du financement fourni à même les fonds limités dont dispose le SCC pour travailler avec diverses populations de détenus dans de nombreux établissements de tout le pays. Ils ont en outre indiqué que la proportion du financement global des IRSC affectée à la recherche sur le VIH/sida hors du cadre de la SCVS n’est pas suffisante pour être répartie entre des instituts multiples et des domaines divers comme la recherche biomédicale, les essais en laboratoire, les services de santé et la santé de la population.

Certes, les témoins appuient la participation du Canada aux efforts internationaux de lutte contre le VIH/sida, mais ils mettent en doute plusieurs aspects de l’approche et des activités de l’ACDI. Ils déplorent le manque de consultation avec les chercheurs canadiens. Ils remettent en question l’opportunité de verser des fonds pour l’élaboration d’un vaccin à des chercheurs non canadiens par l’entremise de l’Initiative internationale pour un vaccin contre le sida, alors que la recherche canadienne est sous-financée. Le Comité estime que l’investissement quinquennal de 270 millions de dollars de l’ACDI pourrait servir à lutter contre le VIH/sida autant au Canada qu’à l’étranger. Selon lui, il faudrait coordonner les efforts faits au Canada et appuyer les études sur la résistance aux médicaments entreprises par des Canadiens dans les pays en développement. Insistant également sur la prévention, l’action communautaire, les soins, les traitements, le soutien aux malades et les droits de la personne, le Comité aimerait voir une meilleure collaboration avec les partenaires canadiens dans le domaine du VIH/sida lorsque l’ACDI augmentera son financement à ce titre à 80 millions de dollars par année d’ici 2005. Il aimerait que la coordination soit plus claire entre le financement international et la SCVS et qu’une partie du financement soit consacrée aux efforts canadiens dans ce domaine.

B.        Nécessité d’un partenariat fédéral élargi

En tant que ministère responsable de la SCVS, Santé Canada s’est appliqué au fil des ans à créer un contexte de collaboration pour les personnes touchées par l’épidémie de VIH/sida. Toutefois, son mode d’interaction avec les autres ministères et organismes fédéraux concernés et la façon dont il soutient ou surveille leurs activités ne sont pas clairs. Les témoins ont mentionné d’autres domaines stratégiques importants pour les travaux relatifs au VIH/sida intéressant des ministères fédéraux qui ne participent pas actuellement à la SCVS.

La Stratégie actuelle a entre autres pour but de réduire les effets nuisibles du VIH/sida sur les personnes et les collectivités et de déterminer les facteurs économiques et sociaux qui accroissent le risque d’infection au VIH. Or ces mandats débordent le champ de compétence de Santé Canada, du SCC et des IRSC. Par exemple, la pauvreté, le problème des sans-abri, l’aide à l’emploi et l’invalidité sont du ressort de Développement des ressources humaines Canada. Le soutien social, le logement et les autres questions touchant les Autochtones atteints du VIH/sida relèvent d’Affaires indiennes et du Nord Canada. Les questions relatives aux droits de la personne entourant la honte et la discrimination vécues par les personnes atteintes du VIH/sida sont importantes pour le ministère de la Justice. Pour sa part, Citoyenneté et Immigration Canada s’intéresse activement à l’état de santé des nouvelles populations, qu’il s’agisse d’immigrants ou de réfugiés. Industrie Canada, pour sa part, pourrait établir l’infrastructure nécessaire pour tester les vaccins et travailler avec les sociétés pharmaceutiques afin d’assurer l’accès à des médicaments moins coûteux.

Le Comité a pris conscience des préoccupations relatives au manque de coordination entre les ministères et organismes fédéraux chargés d’administrer les fonds de lutte contre le VIH/sida. Certains témoins estiment nécessaire d’augmenter le financement des stratégies de sensibilisation, de prévention et de traitement du VIH/sida dans les prisons fédérales, d’améliorer la communication concernant les priorités de recherche et les engagements internationaux de la part des organismes fédéraux, et de renforcer la collaboration interministérielle.

RECOMMANDATION 6 visant la coordination

Pour assurer la coordination globale de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida, le Comité recommande :

a)que Santé Canada se charge au premier chef de la mise en œuvre de la Stratégie canadienne renouvelée sur le VIH/sida et dépose tous les ans à la Chambre des communes un rapport sur les résultats attendus et les réalisations de la Stratégie, rapport qui sera renvoyé au Comité permanent de la santé;
b)que Santé Canada coordonne une Stratégie canadienne sur le VIH/sida interministérielle et interorganismes globale assortie d’objectifs mesurables;
c)qu’en plus du partenariat actuel avec le Service correctionnel du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada, la Stratégie canadienne sur le VIH/sida comporte des travaux coordonnés avec l’Agence canadienne de développement international sur les questions internationales, avec Affaires indiennes et du Nord Canada sur les questions touchant le soutien des Autochtones, avec Développement des ressources humaines Canada sur les questions d’emploi, avec Justice Canada sur les questions touchant aux droits de la personne, avec Citoyenneté et Immigration Canada sur la santé des immigrants et des réfugiés, et avec Industrie Canada sur la mise au point de vaccins et l’accès aux médicaments.

RECOMMANDATION 7 concernant un partenariat fédéral élargi

En vue d’un partenariat fédéral élargi et coopératif, le Comité recommande :

a)que le gouvernement fédéral dresse le plan d’une Stratégie canadienne sur le VIH/sida interministérielle et interorganismes plus complète et mieux coordonnée qui réponde, sur les plans national et international, aux besoins sanitaires, juridiques, économiques et autres des Canadiens vivant avec le VIH/sida;
b)que le gouvernement fédéral veille à ce que tout engagement financier en faveur des recherches internationales soit pris en consultation avec la collectivité des chercheurs canadiens et que les crédits accordés aux chercheurs étrangers visent des domaines dans lesquels les chercheurs canadiens ne travaillent pas ou ne sont pas aptes à s’engager;
c)que le gouvernement fédéral fasse de la collaboration bilatérale entre la collectivité des chercheurs canadiens en VIH/sida et les pays en développement une condition d’octroi des crédits de recherche internationaux, notamment en ce qui concerne les essais cliniques, la mise au point de vaccins et la résistance aux médicaments, et qu’il encourage les échanges de chercheurs.

1Ces affectations budgétaires sont les mêmes dans le rapport de contrôle subséquent (1999-2000) et dans le Rapport du Canada sur le VIH/sida 2001.