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HEAL Rapport du Comité

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LA SANTÉ DENTAIRE DES PREMIÈRES NATIONS
ET DES INUITS

OBJET DE L’ÉTUDE

Lorsque le Comité permanent de la santé a été saisi des préoccupations relatives aux soins dentaires dispensés par l’intermédiaire du programme des Services de santé non assurés (SSNA), il a décidé de procéder à une courte étude de la question. Il s’agissait initialement de vérifier l’accès des bénéficiaires, Indiens des Premières Nations et Inuits, aux services de dentisterie préventive et de dentisterie conservatrice, mais durant les audiences, le Comité a aussi été saisi de problèmes connexes entourant la question du consentement des bénéficiaires.

Pour tenter de mieux comprendre les diverses questions en cause, le Comité a consacré une réunion à l’audition de porte-parole de Santé Canada et d’organisations représentant les personnes concernées : l’Assemblée des Premières Nations (APN), l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), l’Association dentaire canadienne (ADC) et l’Association canadienne des hygiénistes dentaires (ACHD).

LE PROGRAMME DES SERVICES DE SANTÉ NON ASSURÉS

A.        Aperçu du régime de soins dentaires

Santé Canada a informé le Comité que le Ministère offre certains services dentaires à environ 720 000 Indiens inscrits, Inuits et Innus (bénéficiaires) par la voie du programme des Services de santé non assurés (SSNA). Les services offerts, selon les besoins de chacun, comprennent les suivants :

Text Box: « Compte tenu de la diversité des fournisseurs de services et des services couverts, il existe certes des possibilités d’amélioration du programme. » 
– Peter Cooney,
Santé Canada
Services diagnostiques (examens dentaires et radiographies)
Dentisterie préventive (nettoyage)
Dentisterie conservatrice (obturations)
Dentisterie endodontique (traitement de canal)
Dentisterie périodontique (traitement des gencives)
Prothèses dentaires (dentiers et ponts)
Chirurgie buccale (extraction de dents)
Orthodontie (redressement des dents)
Services auxiliaires (sédation)

En 2002-2003, le régime dentaire du programme des SSNA a payé des services dentaires à quelque 365 000 bénéficiaires, Indiens des Premières Nations et Inuits, ce qui a représenté des dépenses d’environ 130 millions de dollars, soit une progression de 5 % par rapport à l’année précédente. Les dépenses au titre des soins dentaires ont représenté le cinquième environ du coût total du programme des SSNA.

B.        Préoccupations formulées précédemment au sujet du régime de soins dentaires

Sans fournir de détails, les porte-parole de Santé Canada ont fait plusieurs fois allusion au fait que ce n’est pas la première fois qu’on réclame que le régime fasse l’objet d’une vérification et que l’on rende mieux compte des dépenses de fonds publics afférentes à ce régime. Le Comité a conclu qu’il s’agit en fait de diverses réserves formulées dans des rapports du Bureau du vérificateur général du Canada. Le vérificateur général a en effet recommandé, en 1993, en 1997 et en 2000, que l’on améliore la gestion et la prestation des services du programme des Services de santé non assurés.

Les rapports contiennent les observations suivantes au sujet spécifiquement du régime de soins dentaires :

1993 — Le système de traitement des demandes de paiement et les procédures ministérielles sont insuffisants et ne permettent pas d’assurer le contrôle et la surveillance du règlement de certaines demandes de paiement1.
1997 — Les praticiens en soins dentaires ont tendance à fournir des services selon les fréquences et les limites établies plutôt que selon les besoins, ce qui donne lieu à la prestation de services superflus à certains bénéficiaires. Des vérifications et un système de prédétermination des services dentaires pourraient permettre de réaliser des économies tout en répondant aux besoins et en garantissant que chacun bénéficie des services dentaires requis2.
2000 — Les préoccupations quant à la prestation de services dentaires superflus ont amené l’adoption d’une procédure de prédétermination : au-delà d’un seuil prescrit, les services dentaires doivent faire l’objet d’un plan de traitement approuvé au préalable. Cette mesure, qui s’inscrit dans une démarche fondée sur les besoins, a été généralisée à la fin de 1997. Combinée aux modifications apportées à la liste des prestations couvertes, elle a permis de réduire les frais dentaires et les coûts du régime3.

C.        Conditions actuelles du régime de soins dentaires

Santé Canada a indiqué que le Ministère évalue maintenant les besoins individuels des bénéficiaires en appliquant un processus de prédétermination où le praticien en soins dentaires établit au préalable un plan de traitement du bénéficiaire et le soumet au régime pour approbation. Le Ministère affirme que cette démarche axée sur les besoins permet de s’assurer que les bénéficiaires reçoivent les services dentaires dont ils ont besoin. Le régime de soins dentaires comporte aussi une grille de services assortie de limites quant à la fréquence de certains services.

Dans le régime de soins dentaires du programme des SSNA, les bénéficiaires ne paient pas le fournisseur des services directement pour ensuite se faire rembourser. C’est le fournisseur de services qui envoie sa facture au régime pour se faire payer. Santé Canada prévoit adopter un système de transfert électronique des demandes de paiement. Ce système sera opérationnel en Alberta au printemps de 2003, et les autres provinces et territoires auront accès eux aussi au système peu de temps après.

Depuis octobre 2002, chaque bénéficiaire enregistré a droit à des soins dentaires sans autorisation préalable jusqu’à concurrence d’un plafond de 800 $ par période de 12 mois. Le plafond était de 600 $ auparavant. Santé Canada a précisé que chaque bénéficiaire reçoit en moyenne pour 420 $ de services par année.

Text Box: « Le taux de prédétermination devrait être haussé à 1 000 $, comme la majorité des programmes standards qu’on retrouve sur le marché. »
– Dr Louis Dubé,
ADC

Pour se faire payer des soins dépassant le plafond de 800 $, le dentiste doit fournir des pièces à l’appui. Si certaines interventions d’urgence au-delà de ce montant n’exigent pas de prédétermination, les administrateurs du régime comptent sur une prédétermination pour certains services comme les traitements de canal, les couronnes et les dentiers. Il reste cependant possible de faire approuver après coup certains services de base et services d’urgence quand l’intervention est considérée comme nécessaire et de les faire payer par le programme des SSNA.

D.        Fournisseurs et soins

D’après des informations fournies par Santé Canada, les services offerts en vertu du régime de soins dentaires du programme des SSNA sont dispensés en majeure partie par des cabinets privés. Les frais dentaires facturés à l’acte ont compté pour 84,9 % de l’ensemble des frais dentaires assumés par le programme des SSNA en 2001-2002. Santé Canada fait aussi appel à des dentistes contractuels qui ont été à l’origine de 4,2 % des frais totaux4.

Santé Canada a fait remarquer que les hygiénistes dentaires fournissent des services aux bénéficiaires à partir de cabinets de dentistes, mais pas de manière indépendante. Le Ministère emploie aussi des thérapeutes dentaires inuits et indiens qui reçoivent une formation de deux ans à la National School of Dental Therapy de Prince Albert (Saskatchewan). Une fois leur formation terminée, ces thérapeutes dentaires retournent généralement vivre et travailler dans leur collectivité.

Les données sur les dépenses de 2001-2002 révèlent que ce sont les examens de rappel qui ont été les plus fréquents et que les couronnes de porcelaine/céramique-métal ont été le soin le plus coûteux. Les taux d’utilisation montrent que 36 % des bénéficiaires admissibles ont reçu au moins un soin dentaire. On comptait parmi eux 55 % de femmes et 45 % d’hommes. L’âge moyen des bénéficiaires de soins dentaires s’établissait à 27 ans.

ENJEUX

A.        Promotion et prévention

On a signalé au Comité que les Autochtones affichent des taux de caries dentaires de deux à cinq fois plus élevés que ceux que l’on observe dans la population non autochtone, et ce, en dépit du fait qu’il est en général tout à fait possible de prévenir la plupart des maladies dentaires et buccales. La situation est particulièrement préoccupante dans le cas des jeunes. En effet, il semblerait que les enfants autochtones de douze ans ont en moyenne de sept à neuf dents manquantes, obturées ou cariées contre une chez les enfants non autochtones du même âge. Le problème commence souvent dès la petite enfance : on estime à 72 % la proportion des enfants autochtones de deux à cinq ans qui présentent des caries dentaires. On s’inquiète aussi par ailleurs des liens établis entre les affections des gencives et les maladies cardiovasculaires et la naissance de bébés de faible poids et de bébés prématurés.

Text Box: « Les enfants autochtones de 6 à 12 ans présentent deux à cinq fois plus de caries dentaires que les enfants non autochtones. »
– Wendell Nicholas,
APN

Les témoins ont fait ressortir l’importance d’une bonne hygiène buccale pour l’estime de soi et pour accomplir les gestes de la vie quotidienne comme manger, communiquer et socialiser. Ils ont noté que la piètre hygiène dentaire des enfants indiens et inuits entraînait ultérieurement des coûts élevés en déplacements et en traitements médicaux nécessitant des interventions chirurgicales sous anesthésie générale. Non traitées, les maladies buccales peuvent être à l’origine de multiples maux : douleur, infections, difficulté à se concentrer à l’école, troubles du sommeil, problèmes de digestion, troubles du comportement et problèmes sociaux.

Le Comité a été informé des nombreux facteurs qui peuvent entraîner une mauvaise hygiène buccale et des caries dentaires. Les témoins ont fait ressortir le rôle des changements de régime alimentaire et réclamé que l’on fasse davantage la promotion des pratiques alimentaires traditionnelles et que l’on améliore l’accès aux produits d’alimentation dans les régions éloignées. Ils ont fait remarquer l’absence d’eau potable fluorée dans de nombreuses collectivités et le lien entre le tabagisme et la maladie parodontale. Enfin, les témoins ont fait valoir les problèmes d’accessibilité des services de prévention et de traitement en santé buccale qui vont du manque de fournisseurs de services aux préoccupations des bénéficiaires qui tiennent à des considérations d’ordre culturel.

Le Comité est au courant des efforts que déploie Santé Canada pour améliorer la santé dentaire des bénéficiaires. Il souscrit à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un programme global concerté de santé dentaire, mais pense qu’il vaudrait mieux rapidement changer d’orientation pour mettre l’accent moins sur les pathologies et les traitements et davantage sur le bien-être et la prévention.

Le Comité a pris bonne note de l’importance, souvent mentionnée, d’une bonne santé buccale. Il convient qu’on a besoin de définir clairement la norme de santé buccale souhaitable en formulant des objectifs et des cibles précis. Il souscrit à des programmes de santé buccale qui engendreront des résultats favorables mesurables. Il voudrait en particulier qu’on augmente le nombre des bénéficiaires indiens et inuits qui se prévalent des soins préventifs et que l’on réduise la carie chez les enfants. À cette fin, il pense que Santé Canada devrait établir une stratégie de santé buccale efficace et responsable en collaboration avec les bénéficiaires autochtones.

RECOMMANDATION 1 : UNE STRATÉGIE DE SANTÉ BUCCALE EFFICACE ET RESPONSABLE

Le Comité recommande que Santé Canada :

a)adopte une nouvelle approche en matière de santé buccale fondée sur le principe du mieux-être qui donne la priorité à des stratégies de promotion et de prévention;
b)se dote d’une stratégie de santé buccale assortie d’objectifs mesurables et faisant appel à des modes de prestation des soins innovateurs conçus pour améliorer la santé buccale et l’accès aux services;
c)institue des mesures incitatives axées sur les résultats pour tous les participants — bénéficiaires et fournisseurs de services - en vue d’encourager les bénéficiaires à se prévaloir des mesures de prévention et d’améliorer les résultats de celles-ci;
d)se donne les moyens de mieux contrôler les tendances en matière d’hygiène buccale afin de vérifier l’efficacité des affectations de ressources et de voir à ce que l’on rende compte de l’efficacité du régime.

RECOMMANDATION 2 : COLLABORATION AVEC LES BÉNÉFICIAIRES AUTOCHTONES

Le Comité recommande que Santé Canada collabore avec les bénéficiaires autochtones pour :

a)mieux faire comprendre l’importance de la santé buccale pour le bien-être de la personne;
b)intégrer un volet de santé buccale aux programmes courants axés sur l’éducation et la promotion de la santé comme le Programme d’aide préscolaire aux Premières Nations dans les réserves et le Programme canadien de nutrition prénatale;
c)aider les collectivités à contrôler les mesures de santé buccale et à faire rapport à leur sujet;
d)lancer des mesures d’initiative locale fondées sur les résultats dans le domaine de la santé buccale préventive, comme des programmes locaux de mise en valeur des réalisations et des bourses d’études en hygiène dentaire ou en dentisterie;
e)bien faire savoir que les services préventifs (et conservateurs) nécessaires sont offerts à tous les adultes et tous les enfants;
f)élaborer des modèles plus innovateurs et culturellement adaptés de prestation des soins préventifs (et conservateurs).

B.        Soins dentaires

Le Comité a appris que de 36 à 38 % seulement des bénéficiaires du programme des SSNA voient un dentiste une fois par an contre 75 % chez le reste des Canadiens. Les données indiquent par ailleurs que ce sont surtout les femmes et les jeunes adultes qui se prévalent de ces services. Près de la moitié des répondants avaient besoin de soins, en majorité des services de dentisterie conservatrice comme des obturations et des couronnes, des soins d’entretien comme des examens et des nettoyages et des prothèses comme des dentiers.

Text Box: « La santé buccale est essentielle pour les gestes de la vie quotidienne comme manger, communiquer et socialiser, mais elle est importante aussi pour l’estime de soi. »
– Larry Gordon,
ITK

Selon les témoins, plusieurs raisons expliquent l’accès limité aux soins dentaires. Par exemple, bien des bénéficiaires vivent en région éloignée où il n’y a aucun dentiste sur place. De nombreuses villes nordiques ont de la difficulté à attirer et à retenir de nouveaux dentistes. On manque aussi d’hygiénistes dentaires, ce qui prive certains bénéficiaires de services de prévention et de traitement. Le programme des SSNA ne permet pas l’inscription des hygiénistes dentaires sur la liste des dispensateurs de soins disposant d’un numéro de facturation, même dans les provinces où ces derniers peuvent pratiquer de manière autonome. D’autres témoins ont indiqué que la politique actuelle de transport pour raison médicale pouvait, dans certaines régions, être la cause d’une diminution de l’accès aux traitements dentaires.

Du côté des fournisseurs de services, des témoins ont dit que certains dentistes choisissaient de ne pas participer au programme des SSNA en raison de la lourdeur des formalités administratives concernant les prédéterminations et les révisions mineures des plans de traitement. Ils ont souligné la lenteur du processus d’approbation quand les radiographies des bénéficiaires sont envoyées à Ottawa par la poste. Ils voudraient qu’on leur transmette les approbations préalables et les autres informations pertinentes par voie électronique. Les dentistes ont fait valoir que les exigences supplémentaires ainsi que les différences par rapport aux régimes réguliers exigent l’emploi de personnel spécialement formé pour s’occuper du surcroît de formalités administratives. Ils s’inquiètent aussi du risque financier qu’ils assument du fait que Santé Canada peut toujours refuser de payer après qu’une intervention a été pratiquée.

Text Box: « Les villes du Grand Nord ont du mal à attirer de nouveaux dentistes et certains dentistes choisissent de ne pas participer au programme des SSNA en raison de la lourdeur des formalités administratives. »
– Susan Ziebarth,
ACHD

Le Comité sait que Santé Canada a récemment porté à 800 $ le plafond annuel des frais dentaires admissibles sans autorisation préalable. Il pense cependant que cette somme risque d’être insuffisante pour couvrir les services nécessaires de prévention et de restauration. Il remarque aussi que les fournisseurs et les bénéficiaires ne semblent pas savoir que les dentistes sont couverts pour des soins dispensés sans approbation préalable s’il s’agit de soins considérés comme essentiels. Le Comité croit par ailleurs dans la valeur des services préventifs dispensés par les hygiénistes dentaires et voudrait que le régime dentaire du programme des SSNA leur fasse une plus grande place.

Le Comité tient particulièrement à supprimer les obstacles qui gênent actuellement l’amélioration de l’hygiène buccale et l’accès aux soins dentaires. S’il appuie les efforts déployés pour former des thérapeutes dentaires dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites, il voudrait que les Indiens et les Inuits puissent aussi avoir accès aux études de dentisterie. Il voudrait également avoir l’assurance que Santé Canada interviendra pour régler les problèmes administratifs et autres concernant le transport pour raison médicale.

RECOMMANDATION 3 : UN MEILLEUR ACCÈS À DES SOINS DENTAIRES COMPLETS

Le Comité recommande que Santé Canada :

a)établisse, pour chaque bénéficiaire autochtone de moins de 25 ans, abstraction faite du montant pré-établi relativement aux services dispensés sans autorisation préalable, un plan de prévention régulière comportant un certain nombre d’interventions courantes chaque année comme le nettoyage dentaire, l’application de résines de scellement, la fluoration, des séances d’instruction et d’éducation, etc.;
b)porte à 1 000 $ le plafond annuel des dépenses afférentes à des services dispensés sans autorisation préalable tout en continuant de contrôler l’opportunité des soins dispensés;
c)confère une plus grande indépendance aux hygiénistes dentaires par exemple en leur permettant de facturer directement un montant prédéterminé de 200 $ par bénéficiaire annuellement;
d)adopte des normes et plafonds de fréquence des soins couverts analogues à ceux des régimes d’assurance-dentaire des autres Canadiens et informe ses bénéficiaires du fait que ces plafonds et normes s’appliquent à d’autres groupes qu’eux.

RECOMMANDATION 4 : AMÉLIORATION DE L’ACCÈS AUX FOURNISSEURS DE SOINS DENTAIRES

Le Comité recommande que Santé Canada :

a)travaille en étroite collaboration avec les universités et collèges concernés pour accroître le nombre de dentistes et d’hygiénistes dentaires indiens et inuits par la voie de mesures appropriées, par exemple des bourses d’études spécialisées;
b)veille à ce que la politique relative au transport pour raison médicale facilite l’accès aux traitements dentaires;
c)réduise les formalités administratives imposées aux fournisseurs de services tout en préservant la capacité de rendre compte.

C.        Consentement des bénéficiaires

Text Box: « Dans le passé, nous avons toujours fonctionné sur la base du consentement implicite des bénéficiaires, mais à la suite de conseils qui nous ont été donnés par le ministère de la Justice, nous avons commencé à réfléchir à un moyen d’obtenir le consentement (écrit) des bénéficiaires. »
– Leslie MacLean,
Santé Canada

Lorsque le Comité a été saisi des préoccupations soulevées au sujet du régime de soins dentaires du programme des SSNA, il n’était pas au courant des problèmes associés aux formulaires de consentement que doivent remplir les bénéficiaires autochtones. Frappé par le nombre et l’intensité des témoignages sur cette question, le Comité a estimé nécessaire d’intégrer la question du consentement aux soins dentaires à son étude sur l’hygiène buccale des populations autochtones.

Le Comité a appris que le programme des SSNA avait maintenant élaboré un seul formulaire de consentement couvrant tous les services de santé non assurés, à savoir : les médicaments, le transport pour raison médicale, les soins dentaires, l’équipement médical et les fournitures médicales, les soins de la vue, les interventions en situation de crise et les primes versées en vertu de régimes provinciaux d’assurance-maladie. Santé Canada a expliqué que ce «  consentement global  » visait à réduire les formalités administratives et la bureaucratie et à diminuer l’utilisation abusive du programme. Le Ministère affirme que cette mesure respecte la vie privée des bénéficiaires et qu’il n’est pas question de refuser des prestations aux bénéficiaires qui ne veulent pas signer le nouveau formulaire de consentement. On a dit au Comité que les bénéficiaires avaient toujours le droit de présenter des demandes de remboursement ponctuelles au moyen du formulaire de demande de remboursement du bénéficiaire des SSNA.

D’autres témoins cependant trouvent qu’un tel «  consentement global  » couvrant toutes les catégories de prestations est inapproprié et inadapté aux particularités culturelles des bénéficiaires. Ils trouvent que le consentement est de portée trop vaste et donne l’impression aux bénéficiaires que d’autres ministères, organisations ou personnes auront accès sans restriction à leurs renseignements personnels. Ils ont rappelé en particulier un cas d’abus de confiance de la part de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits qui a donné lieu à des violations des règles relatives à l’accès aux renseignements personnels et à la protection de ceux-ci dans le contexte de la collecte, de l’usage et de la divulgation de renseignements médicaux personnels des membres des Premières Nations et des Inuits. Certains fournisseurs de soins ont aussi dit au Comité que ce type de consentement contrevenait peut-être même à certaines lois provinciales sur la protection des renseignements personnels.

Le Comité sait gré à Santé Canada de tenter d’améliorer le programme des SSNA tout en offrant des prestations justes et complètes aux Premières Nations et aux Inuits et en en rendant compte à la population canadienne. Il est par ailleurs conscient de la nécessité de rationaliser l’administration et la prestation du programme et la reddition de comptes. Il admet enfin que la nouvelle formule de consentement unique des bénéficiaires du programme des SSNA semble à première vue présenter des avantages sur le plan de l’efficacité.

Text Box: « Cette mesure, qui devait renforcer l’autonomie des personnes concernées par le consentement informé, a été mise en œuvre avec un tel manque de respect et de réflexion qu’elle a constitué une expérience honteuse et alarmante pour les Premières Nations. »
– Dr Mary Jane McCallum,
APN

Le Comité accueille cependant d’une oreille sympathique les arguments invoqués par les bénéficiaires indiens et inuits et par les fournisseurs de soins. Il convient que la nouvelle formule de consentement n’a pas été introduite de la manière la plus efficace ou la plus pratique pour les intéressés. Des témoins ont signalé que si ce nouveau formulaire de consentement était intégré au système sur une période de seulement un an, bon nombre de bénéficiaires n’ayant pas recours au programme des SSNA au cours de cette période risquaient de ne pas en être informés. Ils estiment que, pour mieux tenir compte de la diversité culturelle des bénéficiaires, il aurait mieux valu introduire le nouveau formulaire de manière plus graduelle, mais plus activement et directement dans des collectivités spécifiques. Certains recommandent que l’on fasse appel directement à des employés du programme qui se rendraient dans les collectivités visées, accompagnés d’interprètes, pour expliquer le nouveau formulaire, préciser qui aura accès aux renseignements sur les bénéficiaires et qui ne pourra pas consulter cette information, et répondre aux questions des intéressés.

RECOMMANDATION 5 : CONSENTEMENT DES BÉNÉFICIAIRES

Le Comité recommande que Santé Canada :

a)permette aux bénéficiaires d’opter pour un formulaire de consentement ponctuel pour chacune des catégories de prestations;
b)restreigne et clarifie la permission d’utiliser l’information recueillie au moyen du formulaire de consentement et spécifie qui aura accès aux renseignements sur les bénéficiaires en indiquant clairement que personne d’autre ne pourra consulter cette information.
c)aligne ses modalités sur celles des formulaires de consentement des régimes d’assurance-soins dentaires des autres Canadiens et s’assure que les bénéficiaires le savent;
d)reporte la mise en place du nouveau formulaire de consentement au-delà du 1er septembre 2003;
e)indique clairement aux bénéficiaires et aux fournisseurs que les personnes concernées demeurent admissibles au programme même si elles n’ont pas signé le formulaire de consentement global;
f)investisse davantage dans la promotion du nouveau formulaire de consentement par le biais d’une meilleure communication avec les populations de bénéficiaires dans toutes les collectivités afin d’expliquer la raison d’être des formulaires de consentement et l’usage qui en sera fait;
g)veille à ce que le formulaire de consentement soit fourni aux intéressés dans la langue ou le dialecte voulus.

 


1Vérificateur général du Canada, Chapitre 19 — Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, Services de santé non assurés, Ottawa : 1993, paragraphes 19.29 à 19.33.
2Vérificateur général du Canada, Chapitre 13 — Santé Canada — La santé des Premières Nations, Ottawa : 1997, paragraphes 13.124 à 13.140.
3Vérificateur général du Canada, Chapitre 15 — Santé Canada — La santé des Premières Nations: suivi, Ottawa : 2000, paragraphes 15.90 et 15.91.
4Santé Canada, Services de santé non assurés, Rapport annuel 2001-2002, Ottawa : 2003.