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SNUD Rapport du Comité

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Rapport supplémentaire
Libby Davies, députée de Vancouver-Est
Comité spécial sur la consommation
non médicale de drogues ou médicaments

Le NPD a participé pleinement au Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. L’usage nocif de substances dans notre société impose des coûts sociaux, économiques et sanitaires considérables aux Canadiens. Le travail du Comité a offert une bonne occasion d’examiner l’usage nocif de substances et d’entendre des Canadiens qui sont touchés par ce problème. Les membres du Comité ont collaboré entre eux et ont été respectueux des divergences d’opinions. Il est significatif que nous soyons parvenus à nous entendre sur de nombreux points et, à cet égard, je tiens à remercier les membres qui ont travaillé si fort à dégager ces consensus.

Le NPD appuie bon nombre des recommandations du Comité en matière d’éducation, de prévention, de traitement, de réduction des méfaits et de sécurité publique. Il appuie vigoureusement les recommandations concernant la nomination d’un commissaire fédéral aux drogues investi des pleins pouvoirs pour assurer la surveillance, l’examen et la vérification de la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue. Cependant, la nomination d’un tel commissaire doit refléter l’idée que l’usage nocif de drogues constitue essentiellement une affaire de santé, non pas d’application de la loi.

Le NPD reproche surtout au rapport de ne pas traiter convenablement des méfaits fondamentaux de la législation antidrogue du Canada et de l’inaction du gouvernement fédéral. Le manque du leadership du gouvernement fédéral a eu des répercussions dévastatrices sur la santé dans les collectivités qui font face à cette crise. Le leadership dans ce dossier est venu des collectivités locales comme le montre la récente élection municipale à Vancouver. Le gouvernement fédéral et Santé Canada ont été lents à réagir à cette crise sanitaire. Quand on songe à toutes les vies perdues, il est honteux qu’on ait attendu si longtemps avant de procéder à certains des grands changements recommandés par de nombreux experts.

Le NPD appuie en général les recommandations 1 à 27 concernant le mandat, le rôle et la priorité de la Stratégie canadienne antidrogue ainsi que les recommandations sur la nécessité d’assurer un accès élargi aux soins et aux services de réadaptation et de soutien à long terme. Le NPD croit fermement aussi à la nécessité des essais cliniques à l’héroïne et des lieux de consommation sûrs (recommandations 20 à 23). À cet égard, Santé Canada doit agir rapidement pour arrêter la perte inutile de vies humaines et la destruction sociale dans des collectivités comme Downtown Eastside à Vancouver. La solution doit comporter un soutien à la fois économique et législatif à l’établissement de lieux de consommation sûrs.

Priorité à l’application de la loi : Le rapport de 2001 du vérificateur général sur les drogues illicites insiste sur la faiblesse, le manque de reddition de comptes et l’échec de la Stratégie canadienne antidrogue. Cette stratégie a en pratique pour axe principal l’application de la loi — le recours à des pouvoirs essentiellement de droit pénal en matière de drogues. Cette priorité à la répression («la réduction de l’offre») détourne les ressources de mesures qui parviendraient peut-être beaucoup mieux à réduire l’usage nocif de substances et les méfaits qu’il cause.

Ce recours prioritaire au droit pénal à l’égard des comportements liés à la consommation de drogues n’a ni réduit la consommation ni apporté de solution efficace à de graves problèmes de santé et de sécurité. En fait, il semble bien d’après les experts que la prohibition et la criminalisation des consommateurs de drogues augmentent les méfaits associés aux drogues. Les drogues ne font pas l’objet de contrôles de qualité, l’éducation est parfois faussée à cause de l’illégalité des drogues et la cherté des drogues sur le marché illégal tend à encourager les consommateurs à prendre les drogues d’une manière qui augmente les risques pour la santé. Tout cela augmente grandement les risques de maladie et de surdose. Le rapport ne distingue pas les méfaits attribuables à la pharmacologie de la drogue des méfaits attribuables aux politiques comme la prohibition et le manque d’éducation.

Éducation antidrogue : Le rapport reconnaît l’importation de l’éducation antidrogue, mais il minimise ou rate deux points fondamentaux. D’abord, si l’usage nocif de drogues est une affaire de santé publique, pourquoi les programmes d’éducation antidrogue relèvent-ils de la police? Les policiers ont les compétences voulues pour discuter du droit en matière de drogues illégales et légales, mais ils ne sont ni pharmacologues ni agents de santé publique. Il y a tout lieu de croire que les programmes d’éducation antidrogue donnés par la police sont inefficaces.

Même si les programmes d’éducation antidrogue étaient sans lacunes, la police est limitée quant au type d’éducation qu’elle peut offrir. Sa mission est de faire respecter la loi. Certains policiers peuvent rechigner à enseigner les précautions à prendre en matière de consommation parce qu’ils estiment qu’ils vont alors à l’encontre de leur mission d’application de la loi aux consommateurs. Pourtant, en n’enseignant pas les précautions à prendre en matière de consommation, nous abandonnons les millions de Canadiens qui à un moment ou l’autre consomment des drogues. Il est essentiel de décourager les Canadiens de l’usage nocif des drogues, mais il l’est tout autant d’en réduire au minimum les dangers en offrant une éducation honnête, factuelle et non dépréciative. Ce genre d’éducation peut sauver des vies et protéger la santé tant des consommateurs que des collectivités qui les entourent. Il existe un besoin urgent de programmes d’éducation et de prévention réalistes axés sur la santé qui s’adressent aux principaux groupes à risque comme les jeunes et qui visent à favoriser la sécurité, la santé et le bien-être des individus et de la collectivité tout entière.

L’inefficacité de l’application de la loi : Les efforts d’application de la loi ont presque complètement échoué à empêcher l’entrée de drogues au Canada. Selon un agent de l’Agence des douanes et du revenu du Canada qui a comparu devant le Comité en octobre 2001, nous interceptons seulement environ 10 % des drogues destinées à notre pays. Il y a également une production nationale de cannabis et de drogues synthétiques. Pourtant, selon le vérificateur général, le gros des crédits fédéraux affectés au problème de la drogue au Canada va à l’application de la loi. Même si la police parvenait à augmenter grandement le pourcentage des drogues qu’elle saisit — mettons 50 % des drogues qui entrent au Canada ou qui y sont produites —, elle serait encore très loin de régler le problème. Le prix des drogues augmenterait presque certainement, ce qui pousserait les usagers dépendants à commettre des crimes « d’acquisition » pour financer leur consommation. Il se pourrait également qu’ils se tournent vers des alternatives moins chères et éventuellement plus dangereuses. Et le crime organisé continuerait de tirer d’énormes profits du trafic. Il ne s’agit pas là d’une critique à l’endroit de la police (sauf dans la mesure où elle préconise de continuer à employer des méthodes inefficaces) étant donné que la dynamique même de la prohibition rend sa tâche impossible. Si nous ne parvenons pas à empêcher l’entrée de drogues dans nos prisons, comment pouvons-nous prétendre que l’application de la loi puisse y parvenir dans un environnement beaucoup plus ouvert que les prisons?

Le NPD a donc de sérieuses réserves concernant les recommandations 36 à 39. Elles portent sur la réduction de l’offre et ne posent pas de limites aux ressources ou aux pouvoirs supplémentaires affectés aux efforts de répression. Cette section du rapport (chapitre 6) ne s’attaque pas à certains des graves problèmes sous-jacents à la Stratégie canadienne antidrogue. Dire que l’affectation de «ressources supplémentaires», notamment au chapitre de l’application de la loi, va régler nos problèmes de drogue, c’est faire preuve d’irréalisme et de myopie.

Le financement du crime organisé : Le Comité semblait hésitant à analyser les liens entre la prohibition des drogues et le crime organisé. Le NPD croit qu’il aurait fallu y consacrer une analyse et une discussion détaillée afin de mieux faire comprendre au public les options qui s’offrent en matière de politique publique. Il est regrettable que le rapport passe en somme à côté de ces questions mis à part une petite déclaration écartant la question du crime organisé. Le détournement de centaines de milliards de dollars par an en direction d’éléments criminels mérite plus d’attention que le rapport ne lui en accorde.

Les gouvernements de par le monde sont à la recherche de moyens d’enrayer l’enrichissement des éléments criminels, préconisant souvent des mesures qui portent gravement atteinte aux libertés civiles de leurs citoyens sans donner de grands résultats. Pourtant, ils négligent souvent d’examiner comment nos lois antidrogue créent l’environnement favorable à un marché illégal aussi immensément lucratif. Il importe d’examiner l’impact de ces politiques non seulement au Canada, mais aussi à l’échelle mondiale, par exemple dans des pays comme la Colombie, où les politiques de prohibition causent de la souffrance et de la violence. Il est absolument essentiel de discuter ouvertement et honnêtement de la façon dont la prohibition permet l’enrichissement des groupes criminels.

Tribunaux de traitement de la toxicomanie : Le NDP a des réserves au sujet des « tribunaux de traitement de la toxicomanie ». Ces tribunaux sont devenus une solution politique populaire aux problèmes de la drogue, mais rien ne prouve encore de façon concluante qu’ils soient efficaces ou que les modèles de traitement coercitif qu’ils comportent donnent des résultats. Les ressources pourraient être mieux employées à empêcher les toxicomanes de ne jamais avoir affaire au système de justice pénale. Le NPD a donc de sérieuses réserves concernant les recommandations 28 et 29. Il conteste également la viabilité des recommandations concernant Service correctionnel Canada qui lui fixent l’abstinence comme objectif de traitement principal (recommandation 33) et un plan triennal visant à réduire considérablement l’entrée de drogues dans les prisons (recommandation 30). Ces recommandations ne tiennent pas compte de la réalité des drogues dans nos prisons. Le NPD mettrait davantage l’accent sur les mesures de réduction des méfaits, comme les échanges de seringues et l’accès élargi au traitement, solution selon lui plus pratique. Il croit que la recommandation 34 (création de deux établissements correctionnels sans drogues) est contradictoire, contre-productive et discriminatoire compte tenu de la nécessité évoquée à la recommandation 35 de fournir des services de traitement adéquats à tous les délinquants.

Marihuana : Le Comité recommande une formule de décriminalisation (recommandations 40 et 41). Le NDP considère la décriminalisation seulement comme une solution partielle. La décriminalisation de la possession et de la culture de petites quantités telle que recommandée par le Comité éviterait aux intéressés un casier judiciaire. Cependant, elle laisse entiers les autres méfaits de notre système de prohibition criminelle. Par exemple, le simple fait de passer un « joint » à un ami constituerait toujours une infraction de « trafic » aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les pouvoirs intrusifs que la loi accorde à la police resteraient vraisemblablement les mêmes.

En outre, la proposition du Comité ne change rien à la situation de ceux qui se retrouvent avec un casier judiciaire pour simple possession ou pour transfert ou culture de petites quantités à des fins non commerciales. Si nous estimons que les Canadiens ne devraient pas désormais avoir de casier judiciaire pour certains actes liés à la marihuana, ceux qui ont été condamnés par le passé devraient être pardonnés aux termes d’une amnistie générale et leur casier devrait être effacé.

L’usage de la marihuana, la décriminalisation et la légalisation ont déjà fait l’objet d’un débat public considérable. Le NPD se réjouit que le rapport du Comité sénatorial spécial sur le cannabis soulève des questions rationnelles et importantes. Le gouvernement fédéral devrait examiner son analyse et sa recommandation relative à la création d’un régime d’exemption criminelle. Le NPD presse le gouvernement fédéral d’examiner et d’adopter des approches de réglementation non criminelles et non punitives à l’égard des adultes en tant qu’orientation de politique publique préférable, privilégiant les programmes réalistes d’éducation et de prévention des méfaits.

Marihuana médicale : Le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments n’a pas traité de l’utilisation de la marihuana à des fins médicales. Cependant, le NPD souhaite attirer l’attention sur les problèmes et les lacunes graves du programme du gouvernement fédéral en matière de marihuana médicale. Le règlement régissant le programme est très restrictif et trop bureaucratique et limite sévèrement l’accès des Canadiens qui ont un besoin légitime de marihuana thérapeutique. Le NPD croit qu’il faudrait éliminer ces restrictions inutiles. Les recommandations du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites vont dans le bon sens à cet égard et devraient être adoptées.