JUST Rapport du Comité
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Le NPD est en désaccord avec plusieurs aspects du Rapport du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile sur la réforme de la procédure de nomination des juges à la Cour suprême du Canada, principalement en ce qui a trait à l’amélioration du processus pour le rendre plus ouvert, plus transparent et plus démocratique, et la communication de détails supplémentaires sur le fonctionnement des processus adoptés à court et à long terme.
1. Le caractère constitutionnel de la réforme
Dans la partie du Rapport traitant du « Contexte juridique », on a omis de faire état du débat menant à l’établissement des paramètres d’ordre constitutionnel d’une éventuelle réforme. Voici, en bref, les arguments avancés :
L’article 4 de la Loi sur la Cour suprême précise que la nomination des juges se fait par le gouverneur en conseil. Cette loi ne fait pas partie de la Constitution canadienne, mais il est indiqué au paragraphe 41d) de la Loi constitutionnelle de 1982 que toute modification apportée à « la composition de la Cour suprême du Canada » nécessite le consentement de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province et, au paragraphe 42d), que toute modification à la « Cour suprême du Canada » doit se faire par voie de résolutions des assemblées législatives d'au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente, selon le recensement général le plus récent à l'époque, au moins cinquante pour cent de la population de toutes les provinces. Cela semble signifier que toute modification substantielle de la Loi sur la Cour suprême nécessitera une modification de la Constitution. Cependant, cette question soulève une discussion théorique. En effet, il n’est même pas certain que les articles 41 et 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 puissent s’appliquer à la Loi sur la Cour suprême, puisqu’ils sont censés s’appliquer uniquement à la Constitution canadienne et que la Loi sur la Cour suprême ne fait pas partie techniquement de la Constitution.
Ironiquement, seule la Cour suprême du Canada pourrait dénouer l’impasse à ce sujet. On peut cependant supposer que toute modification à la Loi sur la Cour suprême doit nécessairement s’accompagner d’une modification de la Constitution. Cela signifie que les décisions ultimes concernant les nominations doivent demeurer du ressort du gouverneur en conseil. Par conséquent, on peut présumer du caractère inconstitutionnel des suggestions telles que celles concernant la tenue d’audiences de confirmation obligatoires par le Parlement ou encore l’attribution au Parlement d’un droit de veto en la matière. Le présent document se fonde sur cette hypothèse et sur le fait qu’on n’a jamais résolu tout l’aspect constitutionnel de cette question.
2. Comparution du ministre de la Justice devant le Comité de la justice
Nous convenons que le ministre de la Justice devrait comparaître devant le Comité de la justice afin d’expliquer le processus de consultation qui a été suivi et les raisons d’avoir choisi un candidat plutôt qu’un autre, dans le cadre soit de la procédure provisoire adoptée pour les deux prochaines nominations, soit encore de la procédure à long terme faisant appel à un comité consultatif qui sera éventuellement mise en place.
Cependant, nous insistons pour que le ministre comparaisse avant même que le gouverneur en conseil procède à la nomination, et non après, afin qu’il soit toujours possible de faire marche arrière si le Comité s’aperçoit que le ministre n’a pas suivi la procédure établie ou n’a pas fait montre d’une diligence raisonnable dans le choix du candidat ou de la candidate retenu(e). Si le ministre devait comparaître après les faits, le Comité ne pourrait pas changer quoi que ce soit à la nomination, parce que les juges sont nommés « à titre inamovible ». Nous reconnaissons que le gouverneur en conseil est la personne désignée dans la Constitution pour nommer les juges de la Cour suprême, et donc que le Comité ne peut jouer auprès de ce dernier qu’un rôle consultatif, mais il est très important que le gouverneur en conseil reçoive l’avis du Comité avant les faits afin de pouvoir faire un choix éclairé.
En permettant ainsi au Parlement d’infléchir légitimement le processus de nomination lorsque les circonstances l’exigent, on rendrait ce processus plus démocratique.
Quelqu’un a laissé entendre qu’une comparution du ministre avant la nomination risque de retarder le processus si on doit procéder à une nomination pendant que le Parlement est en congé. Cette situation pourrait se présenter advenant la tenue d’une élection en juin 2004. Cependant, si cela devait arriver, le premier ministre pourrait simplement former un comité spécial de parlementaires appelé à jouer temporairement le rôle de Comité de la justice. Le moment choisi pour procéder à des nominations ou à une élection fédérale ne devrait pas constituer un obstacle à la démocratisation du processus de nomination.
3. Composition et fonctionnement du comité consultatif
Nous pensons qu’il faut préciser davantage la composition et le fonctionnement du comité consultatif qui sera chargé de la sélection préliminaire des candidats possibles à un poste de juge de la Cour suprême. Même s’il est indiqué dans le rapport que cette question mérite d’être examinée plus à fond, il serait irréaliste de croire que le Comité de la justice y prêtera attention dans un avenir rapproché, d’où l’importance capitale de définir certains paramètres à l’intention du comité à cette étape-ci.
Premièrement, il faut que les parlementaires faisant partie du comité consultatif soient des députés, et non des sénateurs, puisque l’inclusion de parlementaires au sein de ce comité a pour but de rendre plus démocratique le processus de nomination et que la présence de sénateurs non élus par la population ne répondrait pas à cet objectif.
Deuxièmement, il est essentiel de compter sur des représentants provinciaux, mais il faut préciser que ceux-ci doivent provenir de la province ou région d’origine des candidats. La présence de représentants de chaque province ne ferait qu’augmenter inutilement la taille du comité.
Troisièmement, il faudrait préciser que les décisions du comité n’auront pas besoin d’être unanimes, mais majoritaires. En exigeant un consentement unanime, on se trouverait à accorder un droit de veto sur le choix des candidats à chaque formation politique, voire même à chaque membre du comité, ce qui n’est ni souhaitable ni démocratique.
4. Révision du processus faisant appel à un comité consultatif
Le NPD tient à souligner que les mesures prises actuellement par le gouvernement pour réformer le processus de nomination des juges de la Cour suprême ne sont pas nécessairement coulées dans le béton. Nous pensons que la création d’un comité consultatif est une mesure nécessaire, constructive et depuis longtemps attendue. Nous sommes aussi d’avis qu’il serait prématuré à l’heure actuelle d’apporter des changements plus profonds au processus.
Nous ne voulons pas, comme d’autres le souhaiteraient sans doutent, que l’on fasse quoi que ce soit qui risque d’empêcher les juges de rendre des décisions impartiales et indépendantes, qui rende le processus vulnérable aux manoeuvres politiques ou qui le transforme en un cirque politique à l’américaine.
Nous estimons cependant qu’il est important de souligner la nécessité de surveiller attentivement le fonctionnement du système que l’on s’apprête à mettre en place, afin de s’assurer qu’il répond à l’objectif de départ, soit de rendre le processus de nomination plus transparent, plus démocratique et plus compréhensible pour les Canadiens. Si tel n’est pas le cas, alors il faudra revoir le processus sans tarder et prendre des mesures pour se doter graduellement d’un processus de nomination plus ouvert, plus transparent et plus accessible.
Voilà pourquoi nous insistons pour que le Comité de la justice revoie le processus à long terme faisant appel à un comité de consultation immédiatement après qu’on l’aura étrenné pour le choix d’un juge de la Cour suprême. Le Comité pourrait alors évaluer le fonctionnement du processus et apporter les modifications nécessaires, ou encore concevoir un tout nouveau processus qui saurait mieux exprimer les valeurs démocratiques que l’on s’efforce de défendre.
Ottawa, le 5 mai 2004
Lorne Nystrom, député
Porte-parole du NPD
en matière de justice