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FINA Rapport du Comité

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Au printemps 2004, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a entrepris une étude sur les mesures fiscales fédérales visant à aider les petites entreprises de certains secteurs, y compris les coopératives agricoles. Le Comité a rencontré la Coopérative fédérée de Québec en avril 2004, et la Coopérative fédérée de Québec, la Canadian Co-operative Association, Agropur coopérative, la Société coopérative agricole de l’Isle aux Grues, l’Alberta Value Chain Cooperative Ltd, la Peace Country Tender Beef Co-op, Co-op Atlantique, la Saskatchewan Wheat Pool, AgriEst, centre agricole coop, les United Farmers of Alberta et le Conseil canadien de la coopération en décembre 2004. Lors de leur comparution de décembre 2004, chacun des témoins a parlé de ses difficultés de capitalisation et autres défis selon leur propre point de vue. Le ministère des Finances a commenté les témoignages présentés par le secteur des coopératives agricoles en avril 2004.

Le présent rapport résume brièvement les principaux arguments avancés par les représentants du ministère des Finances et du secteur des coopératives agricoles lors de leur comparution devant le Comité, et contient des recommandations qui, nous le croyons, aideront les coopératives agricoles du Canada à surmonter leurs défis de capitalisation et qui, de ce fait, contribueront à la croissance et à la prospérité de notre pays.

A.        La proposition des coopératives agricoles

Lors de sa comparution devant le Comité, en avril 2004, la Coopérative fédérée de Québec a réitéré une proposition fiscale qu’elle lui avait présentée dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2003. Estimant les coopératives agricoles essentielles au développement de l’industrie manufacturière, elle a fait observer que les 1 300 coopératives agricoles du Canada comptaient 400 000 membres producteurs indépendants, employaient plus de 36 000 personnes et généraient plus de 19 milliards de dollars en revenus annuels; en outre, elles comptent pour 15 à 20 % des secteurs canadiens de l’approvisionnement, de la transformation et de la commercialisation agricoles. En décembre 2004, nous avons appris que selon une étude récente effectuée au Québec, le taux de survie des coopératives était presque deux fois supérieur à n’importe quel autre type d’entreprise. De même, les coopératives agricoles donnent aux producteurs l’occasion d’exercer un contrôle local et de réinvestir dans l’économie et les possibilités d’emploi des collectivités rurales.

Selon la Coopérative fédérée de Québec, les coopératives retournent tous les ans des dizaines de millions de dollars à leurs membres et à leurs collectivités; dans les collectivités rurales, elles peuvent être «  le dernier pôle de développement économique actif  ». Le Comité s’est aussi laissé dire, lors des audiences de décembre 2004, que les coopératives étaient «  un acteur crucial du développement régional dans un monde désigné comme étant un village global où les capitaux circulent librement 24 heures sur 24  ». Selon nos témoins, le mouvement coopératif agricole canadien a besoin d’outils pour s’ajuster à la mondialisation et assurer sa pérennité.

Les témoins ont déclaré au Comité que le secteur coopératif a une part de marché significative dans des domaines d’activité traditionnellement dominés par le secteur corporatif, tels que la banque, l’assurance, le commerce de détail alimentaire, la pharmacie et l’agriculture. En outre, les coopératives agricoles jouent un grand rôle à l’échelle internationale, puisque plus du tiers de la production alimentaire mondiale est sous leur contrôle. Le Comité a également appris que les coopératives agricoles agissaient dans l’intérêt économique de leurs membres tout en se consacrant à la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux ainsi qu’à l’intérêt collectif.

Voici les facteurs qui, selon les témoins, expliquent la contrainte de capitalisation à laquelle sont confrontées les coopératives agricoles :

La mission première et la raison d’être des coopératives (unités de production plus petites, conservation des emplois locaux, demeurer la dernière station-service ou quincaillerie du village, etc.) seront compromises si l’on veut que les coopératives soient rentables.
Contrairement aux entreprises privées, il n’y a aucune appréciation du capital social détenu par les membres des coopératives, ce qui ne les incite guère à y investir davantage.
Les coopératives n’ont guère accès aux sources externes de capitaux, notamment aux capitaux de risque, étant donné que les sociétés d’investissement en capital de risque s’attendent à un rendement sous forme de gains en capital plutôt qu’en dividendes à venir.
Les sources de capitalisation se limitent normalement aux bénéfices non répartis sous forme de ristournes, aux nouveaux apports des membres, aux emprunts auprès d’institutions financières et peut-être à de rares capitaux de risque, par exemple par l’entremise de la Société du crédit agricole.
Le vieillissement de la population agricole ajoute à la contrainte, car les agriculteurs qui prendront leur retraite pourraient soustraire leur part de capital des coopératives dont ils sont membres.

Dans un contexte de mondialisation des marchés et de concurrence accrue, les coopératives agricoles sont limitées dans les investissements stratégiques qu’elles pourraient faire pour assurer leur réussite et leur prospérité, ce qui les rend vulnérables face à la concurrence. Cette vulnérabilité entraîne d’autres conséquences sur les collectivités rurales où les coopératives font affaire. Selon nos témoins, certaines études récentes laissent entendre que les pouvoirs publics devraient niveler le terrain entre les coopératives agricoles et les autres entreprises en ce qui concerne l’accès aux capitaux.

Le Comité a entendu déclarer que, à l’heure actuelle, le régime fédéral d’imposition des coopératives exigeait que toutes les ristournes soient ajoutées au revenu imposable du contribuable dans l’année où elles sont reçues, que le paiement se fasse en liquide ou en parts privilégiées. À cause de ce traitement fiscal, certains membres de coopératives répugnent à recevoir des ristournes sous forme de parts privilégiées puisqu’ils doivent acquitter l’impôt sur ces parts dans l’année en cours alors qu’ils ne les vendront contre du liquide qu’à une date ultérieure. L’accroissement de la mondialisation et de la concurrence joint aux impératifs de la sécurité alimentaire et de la protection environnementale pose des défis aux coopératives agricoles sous forme notamment d’un besoin accru de capitaux.

La «  contrainte de capitalisation  » évoquée par la Coopérative fédérée de Québec en avril 2004 et réitérée en décembre 2004 est confirmée dans un rapport publié par Ernst & Young en novembre 2002 sous le titre Canadian Agricultural Co-ops Capitalization Issues and Challenges: Strategies for the Future, à la suite d’une étude subventionnée par le gouvernement fédéral. Ce rapport fait état de certains éléments de la proposition de la Coopérative. D’autres rapports traitent des coopératives agricoles, dont celui d’octobre 2002 du Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture, intitulé Garantir l’avenir de l’agriculture — Un effort financier aujourd’hui pour prospérer demain, et celui de mai 2002 du Comité consultatif sur les coopératives, intitulé L’option coopérative: composante naturelle d’une politique gouvernementale en agriculture.

Lors de ses comparutions devant le Comité, la Coopérative fédérée de Québec a proposé :

un report d’impôt sur la ristourne que les producteurs agricoles décident de laisser dans leur coopérative;
la mise sur pied d’un régime d’investissement coopératif qui aurait pour but d’inciter les sociétaires et les travailleurs à investir dans leur coopérative.

Un régime d’investissement coopératif, par exemple, permettrait aux membres et aux employés d’une coopérative de déduire de leur revenu brut leur investissement jusqu’à concurrence d’un certain pourcentage.

Selon la Coopérative fédérée de Québec, la mise en œuvre de sa proposition permettrait aux coopératives agricoles de répondre à leurs besoins de capitaux, ce qui rehausserait leur aptitude à soutenir la concurrence et les mettrait à même de continuer à contribuer au développement économique et social des collectivités où elles sont actives. Elle reconnaîtrait aussi le rôle fondamental que jouent les coopératives agricoles dans la société canadienne, contribuerait au bien-être des collectivités rurales et reconnaîtrait l’importance des fermes familiales pour le secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Selon les témoins, la mise en œuvre de ce régime d’investissement coopératif coûterait entre 14 et 20 millions de dollars par année au gouvernement du Canada, selon la structure du régime. Par son effet de levier et sa complémentarité avec d’autres sources de financement, ce régime proposé permettrait aux coopératives d’investir plusieurs centaines de millions de dollars dans les économies régionales.

B.        La réponse du ministère des Finances

Lors de leur comparution de mai 2004, les représentants du ministère des Finances ont dit au Comité que «  le secteur coopératif avait déclaré que les problèmes de capitalisation n’étaient pas dus à la fiscalité ». Cependant, le secteur fait une proposition en vue d’obtenir une aide fédérale par le biais du régime fiscal. Selon le Ministère, «  il serait peut-être plus efficace et plus transparent d’envisager des mesures non fiscales pour régler ces questions  ». Le ministère des Finances a fait remarquer que neuf des treize recommandations formulées dans le rapport d’Ernst & Young sur la capitalisation des coopératives «  n’étaient pas de nature fiscale  », comme la coordination de lois fédérales et provinciales pour éliminer les obstacles à la fusion des coopératives.

En outre, le ministère a déclaré que « le traitement fiscal actuel des ristournes est préférentiel par rapport aux dividendes ordinaires » et il estime que le report de l’impôt sur les ristournes coûterait au trésor fédéral 30 millions de dollars la première année et 100 millions sur cinq ans. En ce qui concerne la proposition relative à un régime d’investissement coopératif, le ministère a fait observer que «  l’institution d’un crédit d’impôt pour les investissements dans les coopératives procurerait aux coopératives un avantage que n’ont pas les autres entreprises. Il se pourrait que les grandes coopératives en profitent davantage que les petites entreprises  ».

C.        Le point de vue du Comité

Selon le Comité, il importe d’assujettir toutes les entreprises canadiennes — y compris les coopératives — à des règles du jeu uniformes et à un régime fiscal qui leur permet de répondre à leurs besoins de manière qu’elles puissent croître et prospérer — et l’économie canadienne avec elle.

Le Comité sait que les coopératives agricoles peuvent avoir des problèmes de capitalisation qui limitent leur contribution au développement économique et social des collectivités — pour la plupart rurales — où elles sont actives. Nous devons toutefois tenir compte des commentaires du ministère des Finances, selon qui les problèmes de capitalisation qu’éprouvent les coopératives agricoles du Canada ne sont pas dus au système fiscal, et selon qui le régime d’investissement coopératif pourrait avantager les coopératives par rapport à d’autres types d’entreprises et les grosses coopératives par rapport aux petites entreprises. Bien que le Ministère ait laissé entendre qu’on pourrait envisager d’autres mesures non fiscales, nous croyons qu’il conviendrait de mettre en œuvre immédiatement la proposition du secteur des coopératives agricoles et d’envisager également l’application d’autres mesures non fiscales qui pourraient aider le secteur coopératif à répondre à ses besoins de capitalisation. À la lumière de ces réflexions, et dans l’espoir que les autres recommandations que nous avons formulées dans notre rapport prébudgétaire de 2004 sur l’accès aux capitaux soient aussi d’une quelconque utilité, le Comité recommande :

Au gouvernement fédéral d’adopter immédiatement les trois mesures suivantes:

Autoriser un report d’imposition sur les ristournes que les producteurs souhaitent laisser dans leurs coopératives agricoles;
Créer un régime d’investissement coopératif qui encouragerait les employés et les membres de coopératives agricoles à investir dans leurs coopératives agricoles en les autorisant à déduire leur investissement jusqu’à un certain pourcentage de leur revenu brut;
Entreprendre un examen des mesures fiscales et non fiscales qui permettraient au secteur des coopératives agricoles de répondre à ses besoins de capitalisation.