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AANO Rapport du Comité

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OPINION COMPLÉMENTAIRE

Nutrition Nord : éviter les effets négatifs

D’entrée de jeu, le Bloc Québécois tient à remercier toutes les personnes touchées de près ou de loin par les modifications apportées au programme Aliments-poste qui ont témoigné devant le comité sur le dossier de Nutrition Nord Canada (NNC). Si le Bloc Québécois appuie fortement l’objectif de ce nouveau programme visant à améliorer l’accessibilité pour les communautés isolées du Grand Nord à des aliments sains, il estime que l’implantation trop rapide de ce dernier va s’avérer catastrophique pour les collectivités impliquées.

Le Bloc Québécois déplore notamment l’attitude du gouvernement conservateur qui, fidèle à son habitude, a fait cavalier seul dans ce dossier et est allé de l’avant avec la mise en œuvre de NNC sans véritable consultation des collectivités impliquées. La preuve est que les témoins en comité manquaient visiblement d’informations nécessaires pour répondre aux questions de façon éclairée, étant régulièrement invités à se référer au site Internet du ministère des Affaires indiennes, qui en fait n’en contenait pas plus, et, avec raison se plaignaient du manque de communication du gouvernement à ce niveau.

En implantant la phase 1 de NNC le 3 octobre 2010, seulement 5 mois après en avoir fait l’annonce officielle, les conservateurs voulaient clairement éviter tout débat sur le sujet. Même si le Bloc Québécois a déposé une motion afin d’étudier le programme en comité dès le printemps, les conservateurs avaient ainsi l’excuse idéale pour refuser des changements substantiels à NNC: il est trop tard, l’implantation du programme est trop avancée pour retourner en arrière. C’est ainsi que le gouvernement mettait les parlementaires devant le fait accompli et empêchait le comité de formuler en temps utile des recommandations essentielles destinées à corriger plusieurs problèmes détectés rapidement au cours de l’étude du programme.

Tout au long de l’étude, le Bloc Québécois s’est fait le porte-voix des communautés impliquées dans le nouveau programme et qui, à l’instar de l’administration régionale de Kativik, ont demandé le report de NNC afin que les acteurs impliqués aient au moins le temps de s’y adapter. Par trois fois, nous avons déposé une motion ainsi que des recommandations demandant soit un moratoire ou un report du programme. Par trois fois, ces demandes légitimes ont été balayées du revers de la main, engendrant du même coup d’importantes conséquences pour la santé des communautés du Grand Nord et laissant la voie libre à l’implantation d’un programme qui a jusqu’à maintenant, démontré d’importantes lacunes et se traduit par l’effet contraire du but visé.

Une efficacité remise en question

L'un des principes du nouveau programme consiste à « laisser les forces du marché établir un équilibre dans un délai raisonnable ». Ce seront dorénavant les détaillants qui s’occuperont des modalités de transport et d’achat et qui pourront, selon le gouvernement, négocier de meilleurs prix avec les transporteurs.

Or, contrairement à ce qu’avancent les ministres des Affaires indiennes et de la Santé, les coûts de transport négociés individuellement entre les transporteurs pour différents volumes, suivant des conditions et des distances variables, pourront difficilement être inférieurs à ceux d’une entente effectuée de façon collective à travers Postes Canada en plus d’exposer les consommateurs de ces communautés à l’instabilité des coûts de transport occasionnée par la fluctuation des coûts des carburants.

Il a d’ailleurs été démontré que le taux des tarifs aériens avant négociation pourrait faire augmenter les coûts des aliments subventionnés, jusqu’à 400% en moyenne, dans certaines communautés éloignées pour des aliments nutritionnels de base. De plus, à moins que le gouvernement accepte de suivre les recommandations du comité, les détaillants devront supporter les coûts de construction, d’entretien, de chauffage, d’éclairage et de réfrigération d’entrepôts dans chacune des communautés et auront ainsi à supporter des inventaires exorbitants pendant 9 à 10 mois – des frais qui seront inévitablement refilés aux consommateurs.

Quant aux petites entreprises fonctionnant sous Aliments-poste, elles demeurent complètement dans le néant et s’inquiètent de devoir fermer leurs portes. En effet, les petits détaillants devront dorénavant compétitionner avec les plus grands grossistes du pays dans une compétition déjà faussée insidieusement par l’action gouvernementale. Dans ces circonstances peut-on prétendre à un véritable pouvoir de négociation?

Manque de communication

À travers les témoignages des représentants des communautés inuites et autochtones, un constat général se dégage: ceux-ci déplorent le manque de communication entre le gouvernement et les collectivités du Grand Nord qui n’ont pas eu le temps de s’adapter aux changements et demandent à être consultées afin de pouvoir participer et s’adapter au développement du nouveau programme en toute connaissance de celui-ci.

Le gouvernement fédéral affirme avoir tenu plus de 70 rencontres dans 15 collectivités du Nord en 2009 afin d’entendre les points de vue des acteurs concernés. Il ne précise toutefois pas que, d’abord, il a rencontré majoritairement les détaillants qui œuvraient dans le cadre d’Aliments-poste (et non les représentants des communautés qui y participent), et, ensuite, qu’il s’agissait beaucoup plus d’un examen de routine que d’une consultation pour obtenir leur avis sur la meilleure manière de modifier ce programme afin qu’il soit plus accessible aux collectivités isolées.

En bout de ligne, les seuls ayant affirmé que la nouvelle méthode serait plus efficace sont le gouvernement et les grands détaillants, nécessairement avantagés par un tel programme. Les autres acteurs ne peuvent que supposer et espérer une possible efficacité de NNC en se basant sur « l’expertise » du gouvernement en la matière. Un gouvernement qui, rappelons-le, favorise l’industrie avant tout, par exemple, en baissant les taxes des grandes compagnies, mais en sabrant dans le financement des organismes communautaires pour des raisons purement idéologiques.

La santé des communautés en jeu

En agissant de la sorte et de façon aussi rapide, le gouvernement conservateur fait fi de l’impact de son nouveau programme sur la santé des populations concernées. Divers journaux ont déjà fait état de la situation critique dans les communautés du Grand Nord, qui font face à une crise alimentaire depuis le début de la mise en vigueur de NNC.

En effet, les prix des denrées alimentaires et hygiéniques qui ne sont plus admissibles aux subventions dans le cadre du nouveau programme ont fait bondir le coût du panier d’épicerie de façon drastique. Considérant que 75% des denrées ont été exclues de la liste de produits subventionnés, la hausse de ces prix ajoutée à celle exorbitante des coûts de transport, risque de rendre la vie impossible à des gens qui n'ont pas les moyens de se nourrir convenablement.

Un des principaux problèmes est que les détaillants du Nord ont besoin de temps pour planifier, commander et financer l’augmentation de la capacité d’entreposage des stocks. C’est pourquoi le Bloc Québécois a donné suite aux demandes répétées des collectivités du Grand Nord ainsi que de l’administration régionale de Kativik, au Québec, qui a voté une résolution demandant le report de NNC le temps d’évaluer les impacts du nouveau programme sur la situation socioéconomique de sa population.

Malgré tout, le gouvernement conservateur et les partis d’opposition ont fait la sourde oreille et ont accepté sans remettre en question l’excuse du gouvernement voulant qu’il soit déjà trop tard pour reculer, acceptant sans broncher d’avantager l’industrie au détriment de la santé des communautés en jeu.

Le Bloc Québécois recommande

Que le ministre des Affaires indiennes et Développement du Nord reporte les changements déjà apportés ou qui seront apportés aux programmes Aliments-poste et Nutrition Nord Canada jusqu’à ce qu’un examen complet des impacts que de tels changements auront sur la situation socioéconomique des communautés impliquées puisse être réalisée.

OU

Que le ministère implante le programme Nutrition Nord sous forme de projet-pilote au Nunavut, plus spécifiquement à quelques communautés, conserve le programme Aliments-poste (avec les changements apportés à la liste des aliments le 3 octobre 2010) dans les autres communautés concernées, pour deux ans. À la fin de cette période, une comparaison des coûts des 2 programmes sera établie afin d’avoir une idée précise du programme le mieux adapté aux besoins de la population du Nord et des coûts qui y sont rattachés.