Les régimes de retraite
professionnels, qui peuvent être des régimes à prestations déterminées ou à
cotisations déterminées, ont aussi été évoqués par les témoins. Quelques
préoccupations relatives aux régimes à prestations déterminées ont été
exprimées au Comité, surtout au sujet de la solvabilité et de la capitalisation
de ces régimes, de la propriété des excédents éventuels, et de la protection
des employés lorsque l’employeur qui parraine le régime devient insolvable ou
éprouve des difficultés financières.
Graphique 5 : Proportion de cotisants à des régimes enregistrés
d’épargne-retraite, selon le type de régime au Canada, 2009 (%)
Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 280-0016.
Mme Judy Cameron,
du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), a affirmé que
l’actif des régimes de retraite professionnels fédéraux a été érodé par les
déclins boursiers de l’automne 2008, tandis que le passif a augmenté à cause du
niveau extrêmement faible et en baisse des taux d’intérêt à long terme, qui a
réduit les rendements prévus sur les placements. Elle a déclaré au Comité que,
grâce au redressement du marché boursier en 2009, le ratio de solvabilité moyen
est passé de 0,85 en décembre 2008 à 0,90 en décembre 2009, et que 40 %
des régimes de retraite privés fédéraux avaient un ratio de solvabilité inférieur
à 0,80 à la fin de 2008, comparativement à 15 % à la fin de 2009.
Les problèmes de solvabilité
ont aussi été abordés par M. Rock Lefebvre, de l’Association des
comptables généraux accrédités du Canada, qui a communiqué une analyse
préliminaire des résultats à la fin de 2008. Cette analyse a révélé un déficit
de financement de 300 milliards de dollars pour tous les régimes de
retraite à prestations déterminées du secteur privé. M. Lefebvre a demandé
l’établissement d’une marge de solvabilité cible reliée aux risques découlant
de l’actif et du passif des régimes. M. John Farrell, d’Employeurs
des transports et communications de régie fédérale (ETCOF), a déclaré que les
promoteurs de régimes à prestations déterminées sont assujettis à des exigences
de solvabilité onéreuses et volatiles, et M. Serge Charbonneau, de
l’Institut canadien des actuaires, a fait remarquer que les sociétés d’État ne
risquent pas la faillite et ne devraient donc pas être assujetties aux règles
sur la solvabilité.
Mme Patty
Ducharme, de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, a parlé au Comité du
rapport actuariel de novembre 2009 de l’actuaire en chef, selon lequel il
existe un excédent actuariel du régime de retraite de la fonction publique
fédérale. Elle a souligné que les taux de cotisation devraient augmenter
d’environ 60 % de 2005 à 2013 afin de relever le ratio des cotisations des
employés par rapport à celles de l’employeur.
M. Farrell a fait
observer que la plupart des membres d’ETCOF parrainent des régimes de retraite
à prestations déterminées et il a demandé la modernisation des normes de
pension afin d’appuyer la viabilité des régimes à prestations déterminées
existants en permettant aux parrains de ces régimes de continuer à gérer les
risques. Il a déclaré au Comité qu’ETCOF appuie généralement les modifications
apportées à l’automne 2009 à la Loi sur les normes de prestation de pension
de 1985, mais a ajouté qu’il faut des modifications permanentes aux règles
sur le financement des régimes de retraite, comme des évaluations actuarielles
plus fréquentes et des réserves plus élevées afin de se protéger contre les
baisses futures des rendements des placements.
M. Keith Ambachtsheer,
du Rotman International Centre for Pension Management, qui a témoigné à titre
personnel, a fait remarquer que les régimes de retraite à prestations
déterminées étaient considérés au départ comme une gratification par l’employeur
et par l’employé; cette gratification est maintenant considérée comme un
contrat financier entre l’employeur et les participants du régime.
M. Pierre St-Michel, qui a témoigné à titre personnel, a insisté sur le
fait qu’une pension est un contrat lorsqu’il a déclaré que les déficits des
fonds de pension sont en réalité une subvention de l’employé à l’employeur, vu
que les prestations promises sont réduites. Décrivant la situation actuelle aux
Pays-Bas, M. Ambachtsheer a proposé que les régimes de retraite à
prestations déterminées soient réglementés comme le sont les banques et les
compagnies d’assurance : les risques au bilan doivent être protégés
suffisamment contre des résultats négatifs. Mme Cameron a
indiqué qu’un plan de gouvernance efficace est important pour contrôler le
risque et ajouté que « l’essai périodique de scénarios » ou la
réévaluation périodique de l’actif actuel et du passif futur en fonction de
divers résultats sur le marché pourrait aider les administrateurs des régimes
de retraite à comprendre le risque futur et à s’y préparer.
M. Malcolm Hamilton, de
la firme Mercer, qui a témoigné à titre personnel, a déclaré au Comité qu’un
des problèmes des règles applicables aux régimes de retraite à prestations
déterminées est que les employeurs qui surcapitalisent les régimes afin de
créer un fonds de réserve en cas de baisse future des rendements sur les
placements n’ont pas droit à tout l’excédent si la réserve ne s’avère pas
nécessaire. M. Whitehouse, de l’Organisation de coopération et de
développement économiques, qui a témoigné à titre personnel, a indiqué que les
règles actuelles sur la surcapitalisation ont été établies lorsque les
rendements des placements étaient élevés et que les autorités fiscales
craignaient que les entreprises mettent des revenus à l’abri de l’impôt en
cotisant aux régimes de retraite. De l’avis de M. Lefebvre, il faut
clarifier la propriété et la distribution des excédents lors de la cessation du
régime.
M. Ambachtsheer a fait
remarquer que la propriété des excédents de pension est une question de droit
de propriété qui pourrait être résolue par des comptes de pension individuels
appartenant aux employés. M. Charbonneau a recommandé la création d’une
fiducie de sûreté pour les pensions de retraite qui serait distincte mais
complémentaire d’un fonds de pension à prestations déterminées. Dans son
modèle, l’employeur possède les fonds dans la fiducie, obtient une déduction
d’impôt pour les cotisations et est imposé lors des retraits.
En ce qui concerne le statut
des créanciers en cas de déficit actuariel des régimes de retraite, Mme Diane
Urquhart, Mme Diane Contant Blanchard, M. Tony Wacheski, Mme Gladys
Comeau, M. Paul Hanrieder et M. Pierre St-Michel, qui ont témoigné
devant le Comité à titre personnel, ainsi que M. Donald Sproule, du Comité
de sauvegarde des retraités et anciens employés de Nortel, M. Robert
Farmer, du Groupe des pensionnés de Bell, M. Phil Benson, de Teamsters
Canada, et M. Gaston Fréchette, de l’Association des retraités d’Asbestos
Inc., recommandaient une priorité plus élevée pour les déficits de fonds de
pension en cas d’insolvabilité de l’employeur. M. Hanrieder a suggéré que
les modifications relatives à la priorité des déficits de fonds de pension
durant une procédure de faillite s’appliquent aux procédures de faillite
actuelles concernant les employeurs en faillite. M. Sylvain de Margerie et
Mme Josée Marin, qui ont tous les deux témoigné à titre
personnel, ont proposé que les régimes de pension non réglementés applicables
aux prestataires de pensions d’invalidité de longue durée aient une priorité
plus élevée en cas de procédure de faillite.
M. Farrell craignait
qu’accorder une priorité plus élevée aux déficits des fonds de pension érode
l’épargne de ceux qui ne participent pas à un régime de retraite à prestations
déterminées, étant donné que divers types de placements privés comprennent des
obligations de sociétés qui pourraient être touchées par la modification de la
priorité. Il a soutenu qu’une priorité plus élevée pour les déficits de fonds
de pension placerait les entreprises qui offrent des régimes à prestations
déterminées en situation de désavantage concurrentiel par rapport aux
entreprises qui n’offrent pas de tels régimes et par rapport aux entreprises
étrangères établies dans des pays où cette super-priorité n’existe pas. Il a avancé
que le changement proposé pourrait entraîner une diminution des cotes de crédit
des entreprises offrant des régimes à prestations déterminées, en raison du
passif éventuel associé au déficit d’un fonds de pension; une diminution de la
cote de crédit pourrait augmenter le coût du capital.
M. Hamilton a indiqué
qu’une priorité plus élevée pour les déficits de fonds de pension pourrait
entraîner des prêts conditionnels aux sociétés, puisque les modalités du prêt
pourraient permettre que des modifications puissent être apportées lorsque
l’entreprise établit ou bonifie un régime de retraite à prestations déterminées.
M. Michel Benoit, conseiller juridique de certains employeurs privés
régis par des lois fédérales, a déclaré qu’une priorité plus élevée pour les
déficits de fonds de pension accroîtrait le coût du crédit pour les employeurs.
À son avis, la meilleure protection pour les participants au régime de pension
est un employeur financièrement solide. Mme Melanie Johannink,
qui témoignait à titre personnel, a déclaré au Comité qu’en Australie, la
hausse du coût du crédit pour les employeurs était minime depuis que la loi sur
la faillite a été modifiée afin d’accorder la priorité aux cotisations de
l’employeur aux régimes de pension, par rapport aux créanciers ordinaires.
M. Ambachtsheer a fait observer que la plupart des entreprises n’offrent
plus leurs régimes de retraite à prestations déterminées aux nouveaux employés
et que des modifications aux lois sur la faillite ne s’appliqueraient que
durant la liquidation des régimes existants et ne protégeraient pas les futurs
employés.
M. Charbonneau a
recommandé des modifications visant à réduire les coûts associés aux rentes
viagères; notamment, durant la liquidation d’un régime de pension, les achats
de rentes pourraient être échelonnés dans le temps au lieu d’être effectués au
même moment pour tous les retraités. Mme Norma Nielson, qui a
témoigné à titre personnel, a déclaré au Comité qu’une solution possible pour
un régime dont le promoteur est en faillite serait que l’Office
d’investissement du Régime de pensions du Canada assure l’administration des
placements du régime. M. Donald Raymond, de l’Office d’investissement du
Régime de pensions du Canada, a indiqué que ce rôle ne fait pas partie
actuellement du mandat de l’Office prévu par la loi, et qu’il faudrait une
infrastructure supplémentaire pour s’assurer que les fonds liés aux régimes
parrainés par des employeurs insolvables soient séparés du reste des actifs du
Régime de pensions du Canada.
En plus de la modification
de la priorité, les témoins ont présenté d’autres suggestions relatives à la
protection des pensions en cas d’insolvabilité de l’employeur. Par exemple,
M. Serge Cadieux, du Syndicat canadien des employées et employés
professionnels et de bureau, appuyait un fonds d’assurance pour les régimes de
retraite à prestations déterminées; selon sa proposition, ce fond devrait être
financé par les primes versées par tous les promoteurs de régimes de retraite à
prestations déterminées ainsi que par une nouvelle taxe sur les transactions
boursières.
Mme Katherine
Thompson, du Syndicat canadien de la fonction publique, M. Réjean Bellemare,
de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et Mme Ducharme
appuyaient la création d’un programme fédéral d’assurance-pension financé par
les primes versées par tous les promoteurs de régimes à prestations
déterminées. M. Joel Harden, du Congrès du travail du Canada, recommandait
une prime d’assurance de 2,50 $ par cotisant jusqu’à un maximum de
12 millions de dollars par année par régime de pension, tandis que M. Bellemare
appuyait une prime fondée sur le risque des placements du régime de pension.
L’idée d’un programme
d’assurance à l’intention des promoteurs des régimes de retraite en faillite
n’était appuyée ni par M. Whitehouse ni par M. Ambachtsheer, qui étaient
d’avis que ces programmes n’ont pas fonctionné dans d’autres pays. M. Ian Markham,
d’ETCOF, n’appuyait pas lui non plus un fonds d’assurance national étant donné
que, selon lui, les régimes de retraite bien gérés subventionneraient les
régimes dont les placements seraient plus risqués.