CIIT Rapport du Comité
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OPINION COMPLÉMENTAIRE
NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA
INTRODUCTION
Le NPD remercie les membres, le personnel et les analystes du Comité, ainsi que les témoins qui ont participé à l’étude sur un éventuel accord de libre‑échange avec l’Alliance du Pacifique.
Le NPD est favorable à l’établissement de relations commerciales équitables et progressistes avec des partenaires de premier plan du continent afin d’ouvrir des débouchés pour les exportateurs canadiens, ce qui crée des emplois et stimule la croissance économique au bénéfice des collectivités et des travailleurs canadiens. La position des néo‑démocrates a toujours été très claire : tous les échanges commerciaux internationaux doivent être justes, équilibrés et dans l’intérêt des industries canadiennes et de notre environnement; ils doivent respecter les Autochtones et tous les travailleurs, correspondre à nos valeurs fondamentales en matière de justice sociale, d’égalité et de dignité universelle et être conformes à nos obligations internationales.
Au cours de la présente étude, le NPD a entendu de nombreux témoins dire qu’une entente commerciale avec les pays de l’Alliance du Pacifique n’est pas une initiative nécessaire, et que les négociateurs et les fonctionnaires d’Affaires mondiales auraient intérêt à se concentrer sur des négociations commerciales plus urgentes et sur des débouchés mondiaux avec des partenaires commerciaux plus solides.
Claire Citeau, directrice générale de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, a concentré la majorité de ses observations sur des accords commerciaux ayant une plus grande priorité et a déclaré que, même si « l’ACCAA appuie, en principe, la signature d’un accord entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, il est essentiel que des négociations avec cette Alliance ne compromettent pas la capacité du Canada de conclure d’autres accords, par exemple l’ALENA, et sa capacité de ratifier d’autres accords comme le PTP avec nos membres, étant donné que nous croyons qu’il s’agit de dossiers prioritaires. »
Mathew Wilson, premier vice‑président, Politiques et relations gouvernementales, de Manufacturiers et exportateurs Canada, a lui aussi exprimé son appui, dans l’ensemble, à la négociation de nouveaux accords de libre‑échange (ALE), mais il estime que le gouvernement doit se concentrer uniquement sur les ALE entraînant une hausse des exportations canadiennes à valeur ajoutée, qui accroissent la richesse et la prospérité, et non sur les accords qui inondent le marché de produits bon marchés de moindre valeur, importés de pays qui n’ont pas les mêmes normes que le Canada en matière de travail, d’environnement et de qualité. « [T]rop d’ALE précédents n’ont pas produit ces résultats. À l’exception de l’ALENA, le bilan des exportations du Canada dans d’autres pays n’est pas très reluisant, y compris nos exportations dans les pays de l’Alliance du Pacifique avec lesquels nous avons déjà signé des ALE bilatéraux. Cela n’empêche pas MEC d’appuyer le nouvel accord proposé, mais cela devrait nous aider à trouver une façon de rendre ce nouvel accord plus profitable pour les exportateurs canadiens », a déclaré M. Wilson.
Les néo‑démocrates comprennent qu’il est important d’établir des relations commerciales avec des partenaires progressistes du monde entier, et il estime que des accords commerciaux progressistes peuvent contribuer au mieux‑être de tous. Pour ce faire, il faut toutefois que l’accord commercial soit transparent, inclusif et tourné vers l’avenir. Il doit tenir compte d’enjeux importants comme l’inégalité du revenu, la souveraineté, le changement climatique et les droits de la personne. Nous devons saisir toutes les occasions qui s’offrent à nous de changer notre manière de négocier et de considérer les principaux accords commerciaux afin que l’amélioration du sort de tous les Canadiens devienne leur objectif premier.
CONSULTATIONS ET TRANSPARENCE DE LA PART DU GOUVERNEMENT
Selon le NPD, le gouvernement du Canada ne peut pas sérieusement prétendre qu’il fait preuve de transparence s’il ne renseigne pas les Canadiens sur l’objet des négociations. Le gouvernement doit donc lever le voile sur le secret qui entoure les négociations commerciales.
Pour le moment, le gouvernement n’est plus officiellement tenu de solliciter la participation du public dans le cadre des accords commerciaux et le gouvernement actuel négocie en bonne partie derrière des portes closes, sans guère de transparence ni de participation du public, comme l’a fait le gouvernement précédent.
On ne peut pas considérer le travail effectué par le Comité permanent du commerce international comme une consultation gouvernementale, car il s’agit d’un travail indépendant auquel contribuent tous les partis, ni comme le substitut d’un processus de consultation complet et efficace.
Il est très préoccupant de constater l’incapacité persistante du gouvernement à respecter ses engagements à l’égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en ce qui concerne les accords commerciaux. L’article 19 établit très clairement que le Canada doit obtenir le consentement préalable des peuples autochtones, donné librement et connaissance de cause, avant d’adopter des mesures qui les touchent. Il est incontestable que l’accord de libre‑échange avec l’Alliance du Pacifique s’inscrit dans cette catégorie.
Le NPD croit que les peuples autochtones doivent être représentés en bonne et due forme à la table de négociation si le Canada veut respecter ses obligations à leur égard, conformément à la Déclaration.
Il est également nécessaire que le Canada mène des études d’impact complètes et indépendantes. Le NPD estime que tous les accords commerciaux doivent faire l’objet d’analyses complètes du point de vue de l’économie, de l’emploi et du genre, et que ces analyses doivent être rendues publiques.
Lors des prochaines négociations, le gouvernement devrait consulter de manière constructive et approfondie des députés de tous les partis qui sont représentatifs de la population canadienne, afin de sonder des Canadiens de tous les secteurs, de toutes les régions et de tous les milieux. Les résultats de ces consultations devraient être rendus publics. Le NPD continuera de réclamer des améliorations dans toutes les prochaines négociations entreprises par le gouvernement.
L’AVENIR DES ACCORDS COMMERCIAUX
De l’avis des néo‑démocrates, le Canada a ouvert à maintes reprises des débouchés commerciaux dans d’autres pays dans le cadre de nombreux accords, mais nos exportations vers ces partenaires, loin d’augmenter, ont plutôt connu un déclin. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, au cours des neuf mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Union européenne, le déficit sur marchandises du Canada à l’égard de l’Union européenne a fait un bond de 46 % par rapport à la même période l’année précédente, avant l’entrée en vigueur provisoire de l’Accord. Bien que l’ouverture du marché canadien à d’autres pays soit souhaitable, la valeur de cette ouverture ne doit pas être inférieure au coût des produits importés qui inondent le marché national. Il faut qu’il y ait un équilibre au sein des échanges commerciaux pour les produits et les services, mais aussi en ce qui concerne les privilèges spéciaux accordés aux investisseurs et qui nous emprisonnent dans des imbroglios réglementaires. Il faut maintenir un équilibre entre les droits des personnes et des sociétés et le pouvoir de réglementation des gouvernements, afin que ces derniers puissent imposer des mesures qui servent leur intérêt et celui de leur population par opposition aux mesures qui servent à accroître la marge de profit d’une société.
À l’avenir, il ne faut plus que les accords commerciaux soient négociés d’une manière qui fait pencher la balance des forces dans l’économie en faveur des sociétés, au détriment des gouvernements et des travailleurs. Les néo‑démocrates sont préoccupés par le fait que les accords commerciaux accordent sans cesse des droits aux investisseurs, ce qui limite les pouvoirs des gouvernements actuels et futurs et ceux des citoyens qui les élisent. C’est ce qui s’est passé lors de la négociation de l’ALENA et de la renégociation de l’AEUMC. Il faut éviter d’éroder les règlements et les dispositions sur la sécurité qui visent les aliments, le bétail et les produits chimiques.
Le gouvernement actuel parle de conclure des accords commerciaux progressistes, mais aucune véritable mesure socialement responsable n’a été prise dans aucun des accords négociés récemment. Il faut adopter une approche radicalement différente de celle qui a été adoptée dans le passé vis‑à‑vis des accords commerciaux.
Un malaise social et des doutes grandissants entourent les droits des travailleurs, notre environnement, la situation des femmes et celle des Autochtones, et le fait qu’on ne leur accorde pas la même importance qu’aux droits des sociétés à la rentabilité. Créer des dispositions socialement responsables plus contraignantes et exécutoires est le premier pas à franchir et il faut qu’un grand nombre de conditions sociales liées au commerce soient respectées avant la signature de tout accord commercial. Comme l’a dit au Comité Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada : « [L]a situation de chacun des quatre pays de l’Alliance du Pacifique soulève de grandes inquiétudes quant aux droits de la personne, et ces violations surviennent très souvent dans des contextes liés à l’activité économique et commerciale générée par le libre-échange. Il y a un danger pour les défenseurs des droits de la personne qui se prononcent sur l’incidence des activités commerciales sur l’environnement, de même que pour les dirigeants autochtones qui cherchent à défendre leurs terres face à de puissants intérêts économiques. Des dirigeants syndicaux sont menacés et tués. La contamination et la pollution provenant de l’exploitation minière, entre autres, présentent des risques graves, voire mortels, pour la santé, et les entreprises ou les forces de sécurité gouvernementale commettent des actes de violence lorsque des conflits surviennent au sujet des activités d’une entreprise. C’est pourquoi les accords commerciaux et la politique commerciale retiennent l’attention d’Amnistie internationale. »
La protection des droits de la personne au Canada et à l’étranger doit aller plus loin que les mots et le NPD appuie les efforts déployés par Amnistie internationale afin de « s’engager à réaliser des études d’impact sur les droits de la personne indépendantes, transparentes et exhaustives pour tous les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux, avant qu’ils ne soient conclus et régulièrement par la suite, et à relever tous les effets néfastes potentiellement associés afin d’assurer le respect des obligations internationales en matière de droits de la personne. Nous recommandons que tout accord potentiel avec l’Alliance du Pacifique fasse l’objet de solides études d’impact sur les droits de la personne. »
LA MAIN-D’ŒUVRE
Il faut redéfinir les priorités et les objectifs actuels de toutes les ententes commerciales, y compris ceux d’un accord potentiel avec l’Alliance du Pacifique, afin d’assurer la primauté des droits des travailleurs.
À l’heure actuelle, comme l’a fait remarquer Angella MacEwen, économiste principale au Congrès du travail du Canada (CTC), « [i]l n’est jamais arrivé que le chapitre sur le travail d’un accord de libre-échange entraîne des changements concrets pour les travailleurs de l’autre pays. Nous avons d’autres mécanismes — par l’intermédiaire de l’OIT, par exemple — pour faire des choses comparables à ce que nous faisons actuellement en Colombie, avec les mêmes résultats que cet accord de libre-échange, mais l’ALE a permis à des entreprises canadiennes d’exploiter les travailleurs de l’endroit. »
Lors de la négociation des prochains accords commerciaux, il faut tirer des leçons des accords précédents, tenir compte de leurs limites et considérer la main‑d’œuvre de manière différente. Il faut inclure un chapitre complet sur le travail dans le corps du texte de l’accord pour assurer le caractère exécutoire des règlements sur le travail et prévoir des sanctions et des normes pour les trois pays.
Le NPD croit que, pour renforcer les droits et les normes du travail dans les accords commerciaux, il faut inclure dans ces derniers un chapitre exécutoire complet sur le travail, qui exige que tous les États membres signent et ratifient les huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), adhèrent à l’agenda sur le travail décent de l’Organisation, puis signent et ratifient la convention no 81 de l’organisme, qui concerne l’inspection du travail. Le chapitre doit aussi prévoir la création d’un secrétariat du travail indépendant ayant le pouvoir de superviser le processus de règlement des différends en cas de violation des droits des travailleurs, car il n’existe actuellement aucun mécanisme adéquat pour lutter contre les nombreuses violations de ces droits.
Le NPD partage l’avis du CTC, qui considère que le gouvernement du Canada doit « envisager l’idée d’une diligence raisonnable pour les entreprises et les organismes de financement canadiens […] et songer à un cadre de négociation transnationale pour permettre aux syndicats de représenter les travailleurs dans bien des pays ». Selon le NPD, les négociations commerciales, y compris celles avec les pays de l’Alliance du Pacifique, doivent s’appuyer sur le principe voulant que personne ne soit désavantagé. Il ne faut pas que les travailleurs continuent d’être un détail ajouté à la dernière minute dans les accords commerciaux.
LE SECTEUR MANUFACTURIER
Le NPD croit que l’intégration et la libéralisation des échanges commerciaux ont avantagé les partenaires des sociétés, mais pas les travailleurs ni les petites et moyennes entreprises du secteur manufacturier.
La tendance qui se dégage lorsque le Canada signe des accords qui prévoient de nouvelles mesures incitatives totalisant des centaines de millions de dollars pour des constructeurs automobiles qui ne produisent aucun véhicule ici ou qui ne créent aucun emploi dans le secteur manufacturier canadien, c’est qu’il est moins intéressant pour nos constructeurs de continuer à produire ici et à créer des emplois ici.
Le gouvernement canadien doit protéger les emplois du secteur manufacturier et du secteur de l’automobile, prendre des mesures à l’égard de la répartition inéquitable de la richesse et mettre en œuvre une stratégie nationale pour le secteur de l’automobile et le secteur manufacturier afin d’assurer le dynamisme de ces secteurs.
LES MÉCANISMES DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
Pour le NPD, les dispositions sur le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), qui privilégient les entreprises au détriment de l’intérêt public, n’ont pas leur place dans les accords commerciaux. Ces dispositions permettent aux investisseurs étrangers de contourner le système des tribunaux nationaux, ce qui mine la souveraineté de notre pays. Les tribunaux d’arbitrage, qui n’ont pas de comptes à rendre, peuvent alors ordonner aux gouvernements de dédommager les investisseurs qui se disent lésés par les politiques ou les règlements publics du pays.
En ce qui concerne l’Alliance du Pacifique, Erin Hannah, agrégée supérieure au Conseil international du Canada, ainsi que professeure agrégée et directrice du Département de sciences politiques du King’s College à l’Université Western, a déclaré que « la façon dont le gouvernement canadien négocie les mesures de protection des investisseurs contredit l’esprit d’un programme commercial progressiste sur le plan social. En particulier, l’inclusion d’un RDIE dans l’ALE Canada-Pacifique pourrait être considérée comme régressive sur le plan social en raison des dangers associés à la frilosité réglementaire. […] Si nous réussissions à inscrire un RDIE dans l’ALE — et je crois que cela est fort possible —, l’accord devra prévoir des dérogations explicites pour protéger les droits de la personne et l’environnement contre le RDIE et donner aux gouvernements la marge de manœuvre nécessaire pour poursuivre une discrimination positive en faveur des personnes les plus vulnérables. »
Mme Hannah a ajouté que « [l]e RDIE, ou règlement des différends entre investisseurs et États, est controversé, en partie parce que nous ne disposons pas de données adéquates. Nos données sont inadéquates sur l’incidence du RDIE pour attirer les investissements étrangers. La sagesse conventionnelle veut que le RDIE attire les investissements étrangers directs, mais nous ne disposons pas de données très uniformes sur ce qui se passe en réalité dans la pratique. C’est donc un problème. L’autre problème est l’incidence sur les règlements. Le concept que j’ai utilisé était celui de la frilosité réglementaire. Une forme de frilosité réglementaire est lorsqu’un gouvernement revient en arrière sur la réglementation, parce qu’il a perdu une cause. Le Canada en sait quelque chose. Nous avons fait l’objet de 35 affaires dans le cadre de différends relatifs au RDIE; nous avons perdu seulement six fois. En réalité, l’autre aspect de la frilosité réglementaire, ce qui est plus problématique, c’est lorsque les gouvernements craignent un différend. Encore une fois, c’est plus difficile à mesurer, parce que les gens ne veulent pas nous dire dans quelles circonstances ils choisissent de ne pas présenter une nouvelle loi. »
LES PROTECTIONS ENVIRONNEMENTALES, L’ÉNERGIE ET L’EAU
Selon le NPD, pour être qualifié de progressiste, un accord commercial doit au moins inclure des normes du travail solides et entièrement exécutoires. Il doit également inclure des obligations pour veiller à ce que chaque pays applique des normes environnementales élevées sur son territoire tout en respectant ses obligations contractées en vertu d’accords environnementaux multilatéraux. Il peut être difficile d’atteindre ces objectifs dans le cadre de n’importe quel ALE, y compris avec l’Alliance du Pacifique.
Selon le NPD, tout chapitre ou disposition portant sur l’environnement doit être enchâssé dans le texte principal d’un accord afin d’être contraignant et pleinement exécutoire. De plus, toutes les dispositions doivent être conformes aux obligations internationales déjà établies du Canada en matière d’environnement, notamment celles comprises dans l’Accord de Paris qui a été conclu le 12 décembre 2015. La protection contre les conséquences désastreuses du changement climatique et la dégradation continue de notre environnement doivent être au premier plan des préoccupations.
Par ailleurs, le NPD s’oppose à toute disposition régressive sur la proportionnalité dans le secteur de l’environnement et à toute tentative, dans un accord, de faire de l’eau un bien négociable ou commercialisable et non un droit de la personne.
L’ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES
Le NPD réclame l’intégration de la notion d’égalité entre les sexes d’un bout à l’autre de tout accord commercial. Il ne faut pas confiner le sujet à un seul chapitre, car il n’est pas limité aux difficultés auxquelles font face les femmes entrepreneures et propriétaires d’entreprises. De plus, les droits du travail doivent s’attaquer aux injustices à l’endroit des femmes comme la disparité salariale, le travail des enfants et les mauvaises conditions de travail. Le NPD croit qu’un accord qui se veut vraiment progressiste en matière d’égalité entre les genres doit aborder les inégalités systémiques qui visent toutes les femmes. Selon le NPD, il faut appliquer à tous les accords commerciaux une analyse comparative entre les sexes et une évaluation des répercussions sur le genre.
Selon Mme Hannah, « [n]ous avons accordé énormément plus d’attention aux femmes entrepreneures dans le volet genre du programme de commerce mondial. C’est important. C’est très important. Par contre, la grande majorité des femmes dans les pays en développement travaillent au niveau de l’économie informelle. Elles sont des salariées ou des entrepreneures de l’économie informelle. Nous ne disposons pas de très bons outils pour évaluer l’incidence de toutes sortes de choses dans la vie des travailleuses de l’économie informelle, mais en particulier dans le commerce. [L]'OCDE a publié un excellent rapport, l’un des meilleurs, sur la situation des femmes dans l’Alliance du Pacifique. Cependant, l’organisme ne parvient pas à trouver de bons outils méthodologiques pour étudier l’incidence des accords commerciaux proposés sur les femmes qui ne font pas partie de l’économie formelle. Par contre, cela soulève des questions beaucoup plus vastes, à savoir si l’objectif de ces initiatives est de faire entrer les femmes dans l’économie formelle, de les faire passer de l’économie informelle à l’économie formelle. Cela soulève une foule d’autres questions. Je pense qu’il est important de réfléchir à la façon dont cela pourrait changer la vie de ces femmes. Nous avons un problème de données, mais nous avons aussi un problème idéologique. »
Le NPD est d’avis que les mots ne suffisent pas, comme c’est le cas pour d’autres idéaux progressistes sur le plan social dont on peut faire la promotion dans les accords commerciaux. Il faut qu’il y ait des outils en place pour faire progresser véritablement les droits liés à l’égalité entre les sexes, au travail, aux Autochtones, à l’environnement ou à la personne. Comme l’a signalé à juste titre Mme Hannah, « [l]e Canada a lui-même beaucoup à améliorer dans ce dossier. L’équité salariale n’existe pas. Il n’y a pas la garde universelle des enfants. » De toute évidence, pour faire avancer les choses à l’étranger et négocier des accords commerciaux internationaux progressistes, il faut que des outils efficaces soient mis en place au Canada.
LES DROITS DES AUTOCHTONES
Le NPD estime que le gouvernement doit se conformer à l’article 19 de la Déclaration des Nations Unies et obtenir le consentement préalable des peuples autochtones – donné librement et en connaissance de cause –, avant d’adopter des mesures qui peuvent les toucher.
Il convient de signaler que le Comité n’a entendu aucun témoin autochtone pendant son étude sur l’Alliance du Pacifique. Toutefois, au cours d’une étude précédente sur un éventuel ALE avec le Mercosur, Pam Palmater, professeure agrégée et titulaire de la Chaire de gouvernance autochtone à l’Université Ryerson, a fait remarquer qu’il faut tenir compte des droits des autochtones d’un bout à l’autre d’un accord commercial, et pas seulement dans un chapitre. Elle a aussi signalé que, dans l’ensemble des pays de l’Alliance du Pacifique, de nombreux Autochtones ont été victimes de violence de la part de multinationales qui se livrent à des activités commerciales.
Mme Palmater a également indiqué que le Canada a été fondé sur une relation commerciale étroite entre les peuples autochtones et les premiers colons et, bien que les traités commerciaux aient été reconnus par la Cour suprême du Canada et soient protégés par la Constitution, les peuples autochtones ne sont pas considérés comme des partenaires égaux dans notre compétence partagée. Il est inacceptable que ce partenariat ne soit pas reconnu.
Il est très préoccupant de constater l’incapacité persistante du gouvernement à respecter ses engagements à l’égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en ce qui concerne les accords commerciaux. Le NPD croit que les peuples autochtones doivent être représentés en bonne et due forme à la table de négociation si le Canada veut respecter ses obligations à leur égard, conformément à la Déclaration.
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, DROITS NUMÉRIQUES ET DROITS EN MATIÈRE DE PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
On s’inquiète de plus en plus de l’état de préparation du gouvernement canadien quant à la défense et à la promotion des intérêts du Canada en ce qui concerne la propriété intellectuelle (PI), les droits numériques et les droits en matière de protection des renseignements personnels. Le Comité a entendu des témoins exprimer des préoccupations au sujet d’éventuels changements majeurs aux droits de PI liés au droit d’auteur, aux brevets et aux marques de commerce inclus dans d’autres accords commerciaux, qui pourraient avantager injustement les grandes sociétés au détriment des consommateurs ou des innovateurs canadiens.
La politique canadienne en matière de droit d’auteur ne doit pas être sacrifiée au nom du libre‑échange. Le maintien d’une politique du droit d’auteur équilibrée et judicieuse est particulièrement important étant donné le lien fondamental entre la loi sur le droit d’auteur et la capacité de s’exprimer librement en ligne, notamment : par l’échange de connaissances, de recherches et d’art; par la participation au débat public et politique; par la contribution au patrimoine culturel; par l’inspiration et l’exploitation de la créativité. Le NPD insiste sur le fait que le système d’avis et avis est un régime efficace qui permet d’atteindre des objectifs en matière de violation du droit d’auteur, tout en atténuant (bien que pas complètement) les préjudices associés à l’avis et retrait.
Le gouvernement canadien doit rejeter toute mesure qui propose de prolonger la durée du droit d’auteur au‑delà de 50 ans après le décès de l’auteur, comme c’est le cas actuellement, sachant que la durée du droit d’auteur au Canada respecte déjà amplement les traités internationaux en la matière.
Le prix des médicaments au Canada étant déjà, à une exception près, le plus élevé au monde, le gouvernement doit résister à la prolongation de la durée des brevets, qui entraînerait une hausse encore plus substantielle du prix des médicaments, et faire en sorte qu’un accord commercial avec l’Alliance du Pacifique, ou tout autre partenaire, n’empêche pas la création d’un régime universel d’assurance-médicaments au Canada.
Le NPD considère que le Canada doit continuer d’exclure la culture des accords commerciaux, comme il le fait depuis longtemps. La politique culturelle doit être établie à l’échelle nationale, par le gouvernement canadien. Il ne faut pas que les accords commerciaux puissent limiter notre souveraineté ni dicter notre politique culturelle.
LA GESTION DE L’OFFRE
Le gouvernement doit protéger la gestion de l’offre contre les tentatives récentes des États‑Unis de la démanteler. On garantira ainsi aux Canadiens l’accès à des aliments de grande qualité produits localement, tout en appuyant les petites fermes familiales et les localités rurales. Le secteur des produits soumis à la gestion de l’offre génère 310 000 emplois et sa contribution à l’économie canadienne s’élève à plus de 26 milliards de dollars.
Il ne faut pas continuer d’affaiblir la gestion de l’offre dans les accords commerciaux, comme cela a été le cas dans l’AECG, dans le PTPGP et dans le cadre de l’AEUMC. L’accès au marché ne doit pas être élargi davantage dans un éventuel accord avec l’Alliance du Pacifique.
RECOMMANDATIONS DU NPD
- Que le gouvernement du Canada veille à ce que des mesures de sauvegarde soient mises en place pour protéger les secteurs de l’acier et de l’aluminium contre les partenaires internationaux qui inondent le marché canadien de produits de qualité médiocre.
- Que le gouvernement du Canada fasse preuve d’une plus grande transparence pendant les négociations commerciales en consultant directement les Canadiens et qu’il tienne les parlementaires régulièrement informés pendant tous les cycles de négociations.
- Que le gouvernement du Canada protège la possibilité, pour les différents ordres de gouvernement, d’adopter des politiques destinées à étendre les services publics ou à renationaliser des secteurs privatisés sans s’exposer à des poursuites.
- Que le gouvernement du Canada s’engage à inclure dans tous les accords commerciaux des mesures rigoureuses et exécutoires relatives à la monnaie.
- Qu’avant de conclure ou de signer tout autre accord commercial, le gouvernement du Canada commande une étude indépendante sur les coûts et les avantages de l’accord et une évaluation de l’emploi, qu’il veille à ce que l’analyse comparative entre les sexes soit appliquée et qu’une évaluation des répercussions sur le genre soit effectuée.
- Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’aucun autre accord commercial ne comprenne de dispositions sur l’arbitrage des différends entre investisseurs et États.
- Que le gouvernement du Canada divulgue rapidement les hausses éventuelles estimées du coût des médicaments d’ordonnance pour les provinces et les territoires ainsi que pour les particuliers et les employeurs canadiens à la suite des modifications proposées par un accord commercial négocié aux lois sur les brevets d’une part, et les détails de la compensation financière à verser aux provinces, territoires, particuliers et employeurs d’autre part.
- Que le gouvernement du Canada, dans le cadre de toutes les négociations entourant de futurs accords commerciaux et d’investissement, défende les droits de propriété intellectuelle qui profitent aux consommateurs et aux innovateurs canadiens et s’engage à conserver le régime actuel de droit d’auteur du Canada, plus précisément : a) un engagement à l’équilibre, par une approche authentiquement canadienne; b) l’avis et avis; c) l’actuelle durée du droit d’auteur (c.‑à‑d. rejeter toute mesure proposant d’en prolonger la durée.)
- Veiller à ce que toute disposition concernant la localisation des données préserve la capacité du Canada à mettre en place un droit national substantiel protégeant les données personnelles et le droit à la vie privée des Canadiens.
- Conserver le solide régime de neutralité de l’Internet au Canada et rejeter toute tentative d’affaiblissement de cette neutralité au pays.
- Que le gouvernement du Canada négocie des dispositions environnementales qui renforcent l’application des normes et des objectifs fixés dans le cadre de nos obligations internationales, notamment les obligations qui ont été convenues dans l’Accord de Paris conclu en 2015.
- Que le gouvernement du Canada évite d’adopter toute disposition qui exposerait l’eau à l’exportation et à la privatisation.
- Que le gouvernement du Canada cherche à établir des normes de travail rigoureuses et exécutoires dans le présent accord commercial et dans tous ceux qui le suivront. Le gouvernement doit chercher à inclure un chapitre sur le travail qui exigerait la ratification et l’application des huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, ainsi que l’adhésion à l’agenda pour le travail décent de l’OIT. Le gouvernement doit aussi veiller à la création d’un secrétariat du travail indépendant qui aurait le pouvoir de superviser le processus de règlement des différends en cas de violation des droits des travailleurs et d’imposer des sanctions aux contrevenants.
- Que le gouvernement du Canada collabore avec tous ses partenaires internationaux pour veiller, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à ce que les droits des peuples autochtones soient respectés. De plus, avant d’accepter toute disposition d’un accord commercial qui pourrait avoir un effet sur les peuples autochtones, le gouvernement doit obtenir le consentement préalable et inconditionnel – donné librement et en connaissance de cause – des peuples en question.
- Que le gouvernement du Canada protège la souveraineté alimentaire, les mécanismes de production et la gestion de l’offre, les moyens de subsistance en milieu rural et le droit de connaître le contenu des aliments et l’endroit où ceux‑ci sont produits.
- Que le gouvernement du Canada renforce la Loi sur investissement Canada afin de protéger les emplois canadiens et de faire en sorte que les prises de contrôle d’entreprises canadiennes par des intérêts étrangers procurent un avantage net au Canada.