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ENVI Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Nouveau Parti démocratique du Canada

Il est important de se rappeler que le Parlement a prévu la tenue d’examens publics continus de cette loi dans le but précis de pouvoir prendre rapidement les mesures nécessaires pour remédier aux risques que peuvent poser des substances toxiques. Cela est indispensable pour s’assurer que les nouvelles connaissances scientifiques sont prises en compte et le principe de précaution est respecté. Or, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas donné suite aux réformes réclamées par les scientifiques, par les juristes et même par les fonctionnaires responsables de prévenir les effets nocifs des toxines.

Il est troublant de constater qu’une bonne partie du rapport renvoie à des témoignages et à des recommandations figurant dans le rapport que le Comité a présenté au Parlement en 2007. On peut malheureusement en conclure que, en dépit des vives inquiétudes soulevées et des recommandations formulées pour gérer et contrôler plus efficacement les substances toxiques, le gouvernement n’a rien fait. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que plusieurs des réformes recommandées ont justement été portées à l’attention du Comité par les fonctionnaires responsables de réaliser les objectifs établis dans la LCPE, qui consistent à éviter que des substances potentiellement nocives ne portent atteinte à la santé humaine et à l’environnement. Bien des gens auront le gouvernement à l’œil pour voir s’il finira par agir afin de respecter ses obligations essentielles.

Nous appuyons la majeure partie du rapport et des recommandations qui s’y trouvent, mais nous ne sommes pas d’accord avec certaines conclusions et certaines réformes recommandées.

D’abord, nous nous opposons fermement à la recommandation qui vise à tenir compte des intérêts commerciaux dans toute décision relative à la gestion, au contrôle ou à l’interdiction des toxines. Cette condition préalable va à l’encontre de l’objet principal de la LCPE, à savoir « contribuer au développement durable au moyen de la prévention de la pollution », la prévention étant l’approche « à privilégier […] dans le cadre de la protection de l’environnement ». Qui plus est, la Loi exige que le gouvernement fasse exactement le contraire lorsqu’il administre la LCPE, c’est‑à‑dire qu’il doit « prendre des décisions économiques et sociales en tenant compte de la nécessité de protéger l’environnement ». La Loi précise que les questions dont le gouvernement doit tenir compte lorsqu’il décide de contrôler des substances sont notamment les avantages pour la santé et l’écologie, à court et à long terme, et toute conséquence économique positive découlant de la mesure. Il s’agit par exemple des économies de coûts réalisées grâce aux innovations et aux progrès sanitaires, environnementaux et technologiques ainsi que tout autre avantage. Il ne faudrait pas que des allusions répétées à la conciliation de la protection de l’environnement et du développement économique viennent interférer dans cette loi qui vise à protéger la santé humaine et l’environnement contre des préjudices causés par des toxines désignées.

Une bonne partie des témoins entendus par le Comité ont réclamé une meilleure protection des droits environnementaux, notamment que l’on tienne davantage compte des personnes vulnérables, que l’information soit plus facilement accessible et que les citoyens puissent demander la tenue d’un examen sur des toxines nocives ou y participer. Il est vrai que la LCPE accorde quelques droits et moyens limités, mais il existe toujours un grand vide à combler pour ce qui est d’offrir un ensemble complet de droits et de protections. Nous appuyons sans réserve les recommandations qui visent à établir le droit fondamental à un environnement sain et l’obligation impérative du gouvernement à administrer et à mettre en application la LCPE conformément aux droits environnementaux et aux principes de justice environnementale.

Les recommandations contenues dans le rapport élargissent effectivement certains droits limités. Cependant, nous souhaitons manifester notre appui à l’égard des recommandations soumises au Comité afin d’inviter le gouvernement à aller plus loin et à adopter une Charte canadienne des droits environnementaux. Ainsi, un ensemble complet de droits et de devoirs environnementaux s’appliqueraient aux décisions prises en vertu de toutes les lois fédérales qui touchent l’environnement. Cette charte assurerait une plus grande uniformité quant à la protection des droits environnementaux et aux engagements pris par le gouvernement aux termes de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement (ANACDE), relativement au préavis et à la consultation pour toute nouvelle loi ou politique environnementale. Nous recommandons aussi qu’un renvoi à l’ANACDE soit ajouté au préambule de la Loi.

Par ailleurs, le Comité a recommandé de déplacer vers la partie 2 de la Loi l’obligation impérative du ministre de la Santé de prendre des mesures à l’égard des risques connus que posent les toxines pour la santé. Cette obligation cruciale ne devrait pas être enfouie quelque part dans la Loi, mais plutôt énoncée dès le début avec les dispositions reconnaissant les droits environnementaux. De plus, il faudrait accorder au public le droit de demander la tenue d’un examen pour toute substance.

Dans le même ordre d’idées, nous sommes favorables à l’ajout, dans le préambule de la Loi, d’une référence à l’engagement pris par le Canada à l’égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), mais nous recommandons que ces principes soient aussi exprimés sous forme de droits fondamentaux dans le texte même de la Loi après avoir consulté les Autochtones canadiens. Ainsi, on tiendrait compte des mesures qui sont réclamées aux termes de l’article 18 et du paragraphe 32(2) de la DNUDPA, qui portent sur le droit des peuples autochtones à participer à la prise de décisions sur des questions qui concernent leurs droits ainsi que sur la consultation avec les peuples autochtones et la coopération de bonne foi avec eux en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, pour les projets ayant des incidences sur leurs terres et leurs ressources. De nombreuses mesures demandées par les peuples autochtones à propos des toxines demeurent sans réponse. On pense par exemple aux études réclamées depuis longtemps au sujet des effets possibles des émissions ou des effluents toxiques sur la santé de la population et sur le territoire.

La présente étude n’a guère prêté attention à la partie 9 de la LCPE, qui vise le territoire domanial, les opérations fédérales et les terres autochtones. Depuis l’adoption de la Loi, peu de mesures concrètes ont été prises pour combler les lacunes législatives et réglementaires qui persistent en matière de gestion des toxines émises à partir des terres domaniales ou attribuables aux opérations fédérales. Étant donné que les lois provinciales ne s’appliquent pas, par exemple, dans les parcs nationaux, les aires protégées fédérales ou les réserves militaires, le gouvernement devrait agir rapidement pour combler l’important vide législatif qui touche la production, l’émission et l’élimination des substances toxiques ainsi que la contamination qui leur est attribuable.

Nous souscrivons entièrement aux recommandations qui visent à pallier le manque relatif à la gestion et au contrôle des substances toxiques qui ont des effets sur les territoires et les populations autochtones. On attend depuis des décennies que des mesures soient prises pour remédier à cette lacune et il est plus que temps que le gouvernement en fasse une priorité budgétaire et lance une consultation auprès des peuples autochtones pour mettre en place et financer un régime de protection.

Nous appuyons les appels à l’établissement de normes fédérales de contrôle des toxines juridiquement contraignantes et exécutoires. Il y a longtemps déjà que l’on aurait dû cesser d’avoir recours aux standards pancanadiens, qui sont de simples lignes directrices non contraignantes offrant une protection minimale contre les substances nocives.

Peu de temps a été consacré à l’examen les programmes de surveillance actuels du gouvernement fédéral pour déterminer s’ils suffisent à évaluer les effets cumulatifs et régionaux des toxines, indépendamment des évaluations régionales prévues par la loi fédérale. Cet aspect mérite une étude plus approfondie, notamment pour remédier aux effets des toxines au‑delà des frontières.

Enfin, pour reprendre les propos de l’ancien ministre de l’Environnement, Tom McMillan, lorsqu’il a présenté la première version de la LCPE : « Toutefois, une bonne loi ne suffit pas. Il faut la faire appliquer, sans ménagement s’il le faut. » Un audit réalisé récemment par la commissaire à l’environnement et au développement durable a suscité plusieurs préoccupations quant à l’efficacité de la mise en application de la Loi. Aux termes de l’ANACDE, le gouvernement est tenu de veiller à ce que la loi soit appliquée efficacement. Il est regrettable que le temps accordé par le Comité à l’examen de la surveillance et de la mise en application n’ait pas été suffisant pour qu’il puisse se pencher sur le régime actuel de conformité et d’application de la loi et porter une attention particulière aux problèmes soulevés par la commissaire ainsi qu’aux mesures plus strictes découlant de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales de 2009, qui a entraîné la modification de neuf lois, dont la LCPE. Il est recommandé au gouvernement d’entreprendre un examen public ouvert portant sur ses politiques de conformité et d’application de la loi, y compris de recueillir les témoignages d’agents régionaux d’application de la loi, un exercice qui n’a pas été réalisé depuis le début des années 1990.

Pour terminer, nous sommes d’accord pour que les examens législatifs soient effectués aux 10 ans seulement, mais cela ne libère pas pour autant les ministres concernés de leur obligation d’entreprendre des réformes et d’intervenir plus rapidement lorsque des situations préoccupantes leur sont signalées.