Passer au contenu

HUMA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Rapport 2018-2019 sur l'application de la Loi sur la bourse de recherches de la flamme du centenaire

Seizième rapport

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA)
42e Législature, 1re Session

Étude
Édition 2018 de la Bourse de recherches de la flamme du centenaire

Rapport 2018-2019 sur l'application de la Loi sur la bourse de recherches de la flamme du centenaire

Conformément à l’article 7 de la Loi sur la bourse de recherches de la flamme du centenaire, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (le Comité) a le plaisir de remettre son rapport annuel de 2018-2019 sur l’application de la loi.

Le mardi 18 septembre 2018, le Comité a convenu que Tara Collins soit la lauréate de la Bourse de recherches de la flamme du centenaire, édition 2018.

Le mercredi 6 mars 2019, Benjamin Kane Fulton, récipiendaire de la bourse en 2017, a présenté au Comité son rapport de recherche intitulé La vie de David Lepofsky : Un exemple de défense efficace des droits.

Le vendredi 8 mars 2019, un chèque de 2 750 $ représentant le deuxième et dernier versement de la bourse a été envoyé à M. Fulton. La valeur totale de la bourse en 2017 était de 5 500 $.

L'état financier annuel 2018-2019 du Fonds de recherche de la flamme du centenaire et le rapport de M. Fulton sont annexés au présent rapport.

Un exemplaire des Procès-verbaux pertinents (réunions nos 108 et 143) est déposé.

Respectueusement soumis,


Bryan May

Président


La vie de David Lepofsky : Un exemple de défense efficace des droits
rédigé par Benjamin Kane Fulton


Remerciements


J’aimerais commencer par souligner qu’il m’est impossible de nommer toutes les personnes ayant contribué à ce projet, puisque de les énumérer nécessiterait plus de pages que cet article n’en contient. Les quelques mentions à certaines personnes dans l’article n’ont pas pour but de diminuer de quelque façon que ce soit les contributions des autres, mais simplement d’illustrer comment une personne dévouée peut faire une différence et, espérons-le, d’inciter les autres à devenir cette personne dévouée. Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à ce projet ou au travail de David Lepofsky.

Cela dit, j’aimerais remercier personnellement Roxanne Mykitiuk de son appui dans le cadre de ma demande de subvention de recherche qui m’a permis de terminer ce rapport, et remercier Hart Schwartz, Jerome Bickenbach, Lorne Sossin, Martha Simmons et Paula Boutis d’avoir donné de leur temps afin de réaliser des entrevues sur leur travail avec M. Lepofsky. Leur contribution a fourni un précieux aperçu de l’individu qu’est M. Lepofsky, tant sur le plan professionnel que personnel. J’aimerais remercier mon collègue Kevin Gray de son aide à la révision et ma partenaire Anna de m’avoir supporté alors que je m’impliquais dans d’autres projets au cours de mes études en droit.

J’aimerais également remercier HUMA, le Comité parlementaire des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées d’avoir accepté ma proposition et de m’avoir permis de mener cette recherche. J’ai trouvé ce projet fascinant et j’ai beaucoup appris sur la défense des droits. J’espère que cette recherche saura toucher d’autres personnes, comme prévu. Enfin, j’aimerais remercier David Lepofsky lui-même d’avoir été un modèle pour la communauté, un mentor personnel pour moi, et d’avoir accompli tout le merveilleux travail qui a fait de lui le sujet de cet article et le lauréat de nombreux prix.

Introduction


David Lepofsky est né en 1957. Dès la naissance, il est aveugle de l’œil droit. Son œil gauche était très myope et, en 1978, il n’est plus capable de voir de son œil gauche non plus. Ne se laissant pas ralentir par cette affection impossible à diagnostiquer, que  son médecin  appelait  en  plaisantant  le  « syndrome de Lepofsky », il termine sa 13e année un an plus tôt que prévu et fait deux ans d’études à l’Université York, puis s’inscrit à la faculté de droit Osgoode Hall avant l’âge de 19 ans. Précoce à tous points de vue, David fait son stage chez Lang Michener, puis décroche un contrat de six mois avec le ministère de la Santé avant de recevoir sa maîtrise en droit de Harvard à l’âge de 25 ans.

Comme si ce n’était pas suffisant, David a accompli tout cela tout en étant le porte-parole constitutionnel bénévole de l’Institut national canadien pour les aveugles et membre du Conseil de gestion de la Division de l’Ontario de l’INCA. Au cours de cette période, il a également présenté des observations écrites sur la nécessité d’inclure la déficience comme motif de distinction illicite dans les débats sur le rapatriement de 1981.

David s’est non seulement impliqué dans la Charte des droits et libertés promulguée par le gouvernement fédéral, mais aussi dans le travail sur la législation ontarienne en matière de droits de la personne. En 1979, le gouvernement de l’Ontario envisageait d’adopter un projet de loi sur les droits des personnes handicapées qui étendrait aux personnes handicapées bon nombre des protections contre la discrimination déjà prévues dans le Code actuel des droits de la personne de l’Ontario. Les opposants à cette législation ont formé la « Ontario Coalition for Human Rights for the Handicapped » (Coalition ontarienne pour les droits de la personne handicapée). Cette coalition a été créée dans le seul but de s’opposer à la législation suivant le principe « séparés, mais égaux » et d’exiger que le gouvernement de l’Ontario modifie le Code des droits de la personne existant. Après le retrait du projet de loi, le gouvernement avant l’intention de modifier le Code des droits de la personne; c’est à ce moment que M. Lepofsky s’est joint à la coalition. Il faisait partie de l’équipe chargée de déterminer quels amendements étaient nécessaires et de soumettre cette affaire à l’Assemblée législative. L’objectif de ces modifications était de placer le handicap au même niveau que les autres motifs de discrimination interdits, et la coalition a été dissoute peu après l’adoption des modifications proposées.

Cette coalition à but unique préfigurait, à bien des égards, le Comité de la Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario (LPHO) qui devait voir le jour des années plus tard. Après que les droits des personnes handicapées ont été effectivement intégrés dans les lois fédérales et provinciales, des mécanismes d’application efficaces étaient nécessaires. En plus des mécanismes d’application, la nécessité d’établir des directives pour informer les entreprises au sujet des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées était claire. Au-delà d’une simple garantie constitutionnelle, ce qu’il fallait, c’était des normes clairement articulées. Ironiquement, les mêmes personnes qui s’opposaient à la création d’une loi sur les personnes handicapées à la fin des années 1970 ont préconisé l’adoption de la Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario dans les années 1990. À ce moment-là, il était évident que la nature unique des handicaps exigeait la création d’une loi spécifique pour aborder ces défis.

En relatant cette histoire de défense, j’espère mettre en lumière certaines des stratégies qui furent particulièrement efficaces. Je tiens également à souligner que ce projet représente une entreprise énorme qui a nécessité des centaines d’heures de travail et de nombreuses années de dévouement.

Officiellement formé en 1994, le Comité de la Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario s’est battu pendant plus de sept ans avant l’adoption d’une législation provinciale sur les personnes handicapées. Le comité a travaillé pendant quatre années supplémentaires pour renforcer la législation et l’organisation qui lui a succédé, l’Alliance pour la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO), continue de lutter jusqu’à ce jour, 13 ans après l’adoption de la loi modifiée en 2005, pour l’application de la législation existante et pour des améliorations à celle-ci afin d’améliorer les conditions des personnes handicapées en mettant en place l’abolition des barrières.

J’aimerais également examiner les autres initiatives de défense des droits auxquelles M. Lepofsky a contribué au cours de sa carrière juridique. En examinant son travail avec la TTC, ses publications, sa carrière professionnelle et ses initiatives de défense des droits, j’espère présenter au lecteur un large éventail de tactiques à employer lorsqu’il s’engage dans la défense publique des droits.

L’historique de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) révèle certaines tendances récurrentes. En examinant ces tendances, j’espère illustrer la manière dont une défense des droits efficace pourrait prendre forme à l’avenir. Il est intéressant de noter qu’au début de sa carrière juridique, David a dû faire face à une législation fédérale imminente et à un besoin comparable de travailler à l’amélioration de la législation provinciale. Au moment où j’écris ces lignes, près de 40 ans plus tard, au début de ma carrière juridique, une législation fédérale semblable est imminente, à savoir le projet de loi C-81, la Loi canadienne sur l’accessibilité, et il est urgent de mettre en œuvre efficacement la LAPHO, deux mesures pour lesquelles David Lepofsky est très actif.


Étape 1 : Intégrer les droits à l’égalité des personnes handicapées dans la Charte


En 1981, le premier ministre Trudeau s’est intéressé au rapatriement de la Constitution. Il a consacré de nombreuses ressources à cet objectif. Des forums publics ont eu lieu dans tout le pays et les débats sur le rapatriement ont occupé l’attention du Parlement pendant la majeure partie de cette année-là. La Charte des droits et libertés est un élément important de ce qui a émergé comme faisant partie de la nouvelle constitution rapatriée.

La Charte des droits et libertés protège constitutionnellement les droits et libertés qui y sont énoncés. Ces droits et libertés et leur garantie exercent une influence considérable sur les affaires de l’État, l’adoption des lois, les affaires portées devant les tribunaux et même les transactions privées entre particuliers.

Bien que les sociétés privées ne soient pas liées par la Charte, l’action gouvernementale, comme l’adoption de lois, relève de la compétence de la Charte et, à ce titre, la Charte a le pouvoir d’influencer les lois qui régissent les interactions qui relèvent de la sphère privée.

Bien que de nombreux droits et libertés soient garantis par la Charte, le travail de M. Lepofsky s’est surtout concentré sur l’article 15 de la Charte, qui stipule ce qui suit :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

L’article 15 initialement rédigé ne faisait aucune mention des handicaps; cependant, avant qu’un projet de loi ne devienne loi, des débats parlementaires et trois lectures à la Chambre des communes ont lieu avant que le projet de loi ne soit renvoyé au Sénat aux fins d’examen et de débat. Si le projet de loi est adopté par le Comité sénatorial, il peut être renvoyé à la Chambre des communes pour approbation finale. Par la suite, le projet deviendra une loi et aura ainsi force de loi. C’est au cours de cette longue période de débat que des amendements peuvent être proposés et approuvés. Il est intéressant de noter que, parmi tous les amendements et les nombreuses observations présentés par une pléthore de parties intéressées, le seul droit qui a été ajouté à la Charte des droits et libertés et qui a été approuvé lors des débats sur le rapatriement de 1981 était l’ajout de la déficience comme motif illicite de discrimination.

Trois forums ont plaidé en faveur de l’ajout de la déficience à l’article 15. Tout d’abord, dans les forums et débats publics, et dans les lettres adressées aux membres du Parlement pendant toute l’année 1981. Deuxièmement, le Comité spécial de la Chambre des communes sur les personnes handicapées a été créé en 1980 pour examiner la situation et les besoins des personnes handicapées et proposer les réformes nécessaires. Troisièmement, devant un comité mixte spécial appelé « Comité Hays-Joyal », des porte-parole d’organismes clés, comme la Coalition des organisations provinciales, Ombudsman des handicapés (COPOH) et l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) ont fait des représentations au sujet d’amendements possibles à la Charte.

Dire que David a fait des contributions substantielles dans tous ces forums serait minimiser la situation. Il a participé à des campagnes de rédaction de lettres et a maintenu la pression sur les politiciens en veillant à ce que les droits des personnes handicapées soient soulevés lors des débats publics. Il a veillé à ce que le Comité spécial soit informé de l’importance d’enchâsser les droits des personnes handicapées dans la Charte, et il a été le porte-parole de l’INCA devant le Comité Hays-Joyal.

L’ajout des droits des personnes handicapées à la Charte représente un effort considérable de la part de centaines, voire de milliers de personnes. Il m’est impossible d’énumérer les organisations et les gens qui ont collaboré à la réalisation de cet amendement. Se concentrer sur le rôle que David a joué ne vise en aucune façon à atténuer les contributions des autres, ou à laisser entendre que David était seul face à ce Goliath. Des gens l’ont aidé tout au long de son parcours. De tels changements radicaux n’auraient pas eu lieu sans un grand nombre de contributions. Néanmoins, ce sont toutes les contributions réunies qui ont eu un effet combiné. Cela dit, David Lepofsky a certainement beaucoup contribué à faire avancer la cause.


Étape 2 – Travailler avec la législation provinciale


Les interactions de M. Lepofsky avec la législation provinciale constituent un excellent exemple de défense des droits des personnes handicapées au travail, et la façon dont l’organisation provinciale fondée sur l’idée d’une loi sur les droits des personnes handicapées en Ontario peut servir de modèle à quiconque cherche à apporter des changements sur le plan social.

Douze ans après l’adoption de la Charte, il devenait de plus en plus évident pour un certain nombre de personnes que la Charte ne suffirait pas à mettre fin aux obstacles auxquels font face les personnes handicapées. Bien qu’elle garantisse à tous le droit à l’égalité de traitement et à l’absence de discrimination, son application est limitée aux actions des acteurs gouvernementaux, c’est-à-dire que la Charte ne s’applique pas aux actions des particuliers, y compris les sociétés.

Le nouveau Code des droits de la personne de l’Ontario, qui a été modifié récemment, fait de la déficience un motif de distinction illicite et a donc beaucoup contribué à garantir que les services fournis par des acteurs non gouvernementaux soient accessibles aux personnes handicapées. Néanmoins, bien que ces deux lois traitent du droit des personnes handicapées d’être à l’abri de la discrimination et d’avoir un accès égal aux biens et services, ainsi que de l’égalité de traitement, aucun des deux documents ne mentionne comment s’assurer que les droits des personnes handicapées sont respectés par les entités responsables de fournir ces biens et services.

Ni l’un ni l’autre de ces documents ne décrivait comment éliminer les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées ni à quoi ressemblent les obstacles auxquels elles sont confrontées. Bien que le préambule du Code des droits de la personne de l’Ontario mentionne la promotion d’un traitement juste et équitable, il ne décrit pas comment cela doit être réalisé pour les personnes qui ont besoin de mesures d’adaptation. Les fournisseurs de services ont l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour une personne handicapée jusqu’à concurrence d’une contrainte excessive, mais la loi ne contient pas de lignes directrices à l’intention des personnes qui tentent de prévenir ou de supprimer les obstacles. La notion de contrainte excessive n’est pas claire non plus; elle peut varier selon le fournisseur de services en question.

Les grandes entreprises sont mieux placées pour prendre des mesures d’adaptation plus coûteuses. De plus, des structures d’entreprise complexes peuvent être utilisées pour tenter d’éviter de fournir des mesures d’adaptation qui seraient autrement disponibles. Toutes ces conjectures peuvent entraîner des dépenses et des ressources supplémentaires qui auraient pu être utilisées pour fournir les mesures d’adaptation en premier lieu.

Tout cela en a amené plusieurs à la conclusion qu’une législation provinciale efficace était nécessaire pour combler le vide laissé par les autres lois. La raison pour laquelle la législation devait être provinciale était en partie attribuable à la Loi constitutionnelle de 1867, qui confie la compétence de certaines questions, comme les activités commerciales, exclusivement à la province. Afin que la législation soit en mesure d’atteindre la sphère privée où la plupart des services sont fournis, elle se devait d’être provinciale. De plus, aux yeux des personnes vivant en Ontario, il était plus logique de concentrer leurs efforts sur une initiative locale. Selon eux, les législations provinciales auraient plus d’impact sur eux personnellement que les législations fédérales ou même internationales. Les membres de cette organisation ont donc décidé de se concentrer sur l’adoption d’une législation provinciale pour atteindre leur objectif d’inclusion.

Dès le début, l’organisation s’est fixé un objectif clair et n’avait qu’un seul critère d’adhésion, soit d’adopter une législation provinciale efficace qui éliminerait les obstacles pour les personnes handicapées. Le seul critère d’adhésion à l’organisation était l’engagement à atteindre cet objectif. Le comité a évité toute discussion ou tout débat sur la question de savoir si l’objectif visé était la meilleure façon d’aborder les problèmes auxquels font face les personnes handicapées. Il existe de nombreuses avenues et solutions possibles, mais le comité de la Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario (LPHO) a maintenu son élan en se fixant un objectif et en progressant constamment vers cet objectif. Selon le proverbe, celui qui court deux lièvres à la fois n’en prend aucun. De nombreuses organisations s’enlisent dans des débats interminables sur les remèdes qu’elles recherchent et sur la question de savoir si elles doivent poursuivre un objectif plutôt qu’un autre. Le comité de la LPHO ne s’est jamais demandé si la législation provinciale était bel et bien l’objectif qu’il devrait viser. Ceux qui préféraient consacrer leur énergie à d’autres voies étaient alors invités à poursuivre leurs propres initiatives de défense des droits. Pour être le bienvenu au sein du comité de la LPHO, il fallait vraiment croire qu’il valait la peine de travailler à l’élaboration d’une législation provinciale.

Le contenu exact de la législation devait faire l’objet d’un examen ultérieur. Le comité de la LPHO a su très tôt que s’il passait trop de temps à essayer de préciser le libellé de la législation, cela l’exposerait à la controverse et lui ferait perdre un temps précieux pour que l’Assemblée législative envisage même de déposer la législation, sans parler des années nécessaires pour la faire adopter.

Le comité a établi dès le début 11 principes qui étaient acceptables pour le plus vaste auditoire possible aux yeux de ses membres. En résumé, les 11 principes énoncent que l’objectif de la législation sur les personnes handicapées devrait être la réalisation d’une province (l’Ontario) sans obstacle pour toutes les personnes handicapées. Elle devrait couvrir tous les handicaps, qu’ils soient physiques, mentaux ou sensoriels. Elle devrait couvrir tous les obstacles, pas seulement les obstacles physiques.

Tous les fournisseurs de biens, d’installations et de services des secteurs public et privé devraient être tenus d’éliminer et de prévenir les obstacles dans leur organisation. Les échéanciers et les normes pour l’élimination et la prévention des obstacles devraient être décidés par le biais d’une consultation avec tous les intervenants. La législation devrait établir les échéanciers pour l’élaboration de ces normes, ainsi qu’un processus de consultation.

Les mêmes exigences devraient s’appliquer à tous les employeurs. Il devrait exister un moyen efficace et rapide d’appliquer la loi, au lieu de déposer des plaintes relatives aux droits de la personne pour chaque obstacle rencontré individuellement. Les personnes handicapées devraient avoir la possibilité de proposer des règlements que le gouvernement doit envisager d’adopter afin d’établir des normes pour l’élimination et la prévention des obstacles, secteur par secteur et industrie par industrie. Les règlements sont des lois que la LPHO permettrait au Cabinet provincial d’adopter et qui établiraient des normes détaillées pour éliminer et prévenir les obstacles.

En suscitant l’intérêt de la masse, le comité a réussi à obtenir l’appui nécessaire pour apporter des changements à la législation provinciale et l’adoption de la Loi de 2001 sur les personnes handicapées de l’Ontario et d’une Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario encore plus stricte en 2005. Toutefois, cette récente législation laisse encore beaucoup à désirer. Le successeur du comité qui s’est battu avec acharnement pour la mise en œuvre de la loi est maintenant l’Alliance de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO), qui lutte pour la mise en œuvre de la loi existante en utilisant les outils disponibles et en continuant simultanément à préconiser des améliorations aux lois provinciales.

Le comité savait qu’une fois qu’il y aurait eu des discussions sérieuses au Parlement au sujet d’une législation provinciale pour les personnes handicapées, il pourrait se concentrer sur le contenu de la législation et régler les détails à un moment plus opportun. L’un des outils les plus efficaces utilisés par le comité consistait à déterminer à quel moment et sur quoi il fallait se concentrer, en tenant compte du facteur temps.

En se fixant un objectif clair dès le début, le comité a été en mesure de déterminer les mesures qu’il devait prendre pour atteindre cet objectif. Avec un objectif clair en tête, il devient plus facile de déterminer si des actions particulières feront avancer ou non votre cause. En ayant une idée claire des étapes nécessaires, le comité avait créé une sorte de feuille de route.

Bien que de nombreux domaines demeuraient inexplorés, et malgré les mises en garde contre la présence d’obstacles, le comité a tout de même été en mesure d’aller de l’avant, et ce, parce que tous les membres croyaient qu’il fallait travailler en vue d’atteindre le même objectif.

Une autre décision importante prise dès le début par le comité fut de demeurer non partisan. Le comité de la LPHO a déclaré très ouvertement qu’il était disposé à travailler avec n’importe quel parti intéressé par une collaboration. Il s’est évertué à obtenir des engagements de tous les partis pour appuyer l’adoption d’une législation provinciale qui donnerait effet aux 11 principes que le comité de la LPHO avait déjà rédigés. Cela signifiait que, quel que soit le parti au pouvoir, le comité de la LPHO serait en mesure de se tourner vers l’engagement pris par ce parti et, par conséquent, d’obliger le gouvernement en place à respecter ses promesses préélectorales.

La lettre que Mike Harris a écrite le 24 mai 1995, dans laquelle il s’engageait à adopter une législation forte et efficace au cours de son premier mandat, s’il était élu, est particulièrement digne de mention dans cette saga. Le comité a pu se référer à maintes reprises à la promesse faite par le premier ministre lui-même, qui a juré d’adopter la législation que le comité demandait.

L’absence de partisanerie a également permis au comité de recourir aux motions de l’opposition. Près d’un an après la lettre signée par Mike Harris, la candidate néo-démocrate Marion Boyd a déposé une résolution qui demandait à l’Assemblée législative de voter sur la question de savoir si oui ou non elle se déciderait à tenir la promesse que Mike Harris avait faite. Cela fut très efficace, parce que le gouvernement se retrouvait dans une position particulièrement délicate : voter contre la résolution serait annoncer publiquement que le gouvernement n’avait pas l’intention de tenir ses promesses électorales. Bien que la résolution elle-même ne soit pas contraignante, une importante couverture médiatique autour des résolutions a largement contribué à convaincre le gouvernement conservateur de finalement adopter la LPHO.

Dès le début, le comité de la LPHO a appris une leçon importante pour quiconque s’intéresse à la défense des intérêts du public : les médias ne couvrent pas les problèmes, les médias couvrent les événements. Pour que votre histoire fasse la manchette, il est important d’établir un lien entre l’évolution de votre dossier et des événements concrets sur lesquels les médias peuvent se concentrer.

Le jour où la résolution a été débattue et adoptée à l’unanimité à l’Assemblée législative, le comité a organisé une conférence de presse pour assurer une visibilité maximale. Il a été en mesure de rendre l’événement encore plus intéressant pour les médias en assurant la présence d’un certain nombre de leurs membres en fauteuil roulant et en soulignant que l’Assemblée législative n’était pas accessible aux personnes à mobilité réduite.

C’était d’une cruelle ironie, car les personnes présentes pour observer le débat sur les droits qui les concernent le plus étaient exclues de la participation même, qui est un droit constitutionnel. La presse s’est empressée de répondre à cet intérêt favorable des médias et la couverture médiatique a accéléré la croissance du comité de la LPHO à mesure que d’autres personnes s’intéressaient à ce que le comité faisait, grâce à ce qui était diffusé. Par conséquent, le comité de la LPHO a appris l’importance des médias pour deux raisons. Tout d’abord, il est important d’obtenir le soutien du public pour faire de votre enjeu une question d’importance centrale pour les politiciens. Deuxièmement, en diffusant largement votre message, vous créez un vaste réseau et vous vous assurez de la participation de personnes qui souhaitent consacrer leur temps et leurs ressources à votre cause. Le travail des bénévoles a joué un rôle déterminant et indispensable dans les succès du comité. Sans la contribution des centaines de personnes impliquées, aucune partie de ce travail n’aurait été possible.

La formule du succès du comité de la LPHO était simple. D’abord, s’entendre sur un objectif clair. Ensuite, identifier les mesures à prendre pour atteindre cet objectif. Puis, prendre les mesures qui ont été ciblées. Par la suite, être prêt à passer d’une partie du plan à une autre, le moment venu. Enfin, rester concentré et persévérer. Prenez les concessions qui vous sont faites et travaillez avec ce que les partis vous donnent, mais continuez à préconiser les changements que vous voulez voir, et n’acceptez jamais de compromis comme résultat final.

Très tôt, les mesures à prendre consistaient à obtenir des engagements de la part de tous les partis. Une fois ces engagements obtenus, le comité était mieux placé pour se lancer dans des activités de recrutement et gonfler ses rangs afin d’obtenir l’appui du public pour que les partis respectent leurs engagements préélectoraux. Pendant les périodes les plus importantes de l’élection, le comité devait rester concentré pour s’assurer que ses événements fassent la une des journaux. Le comité a dû réagir rapidement aux avis de dernière minute pour tirer le meilleur parti des événements et de la couverture médiatique contemporains. Il a également trouvé utile de lier ses messages à des événements saisonniers, comme l’Halloween ou Noël. En utilisant des slogans tels que « Is this legislation a trick, or treat? » (Cette législation est-elle une ruse ou une friandise?) et « This legislation is last year’s shoes wrapped up as a new Christmas present » (Cette législation est l’équivalent des chaussures de l’année dernière que l’on tente d’offrir comme cadeau de Noël).

Le fait de rester à l’écoute des événements a permis au comité de savoir quand il devait se concentrer sur des questions internes, comme l’augmentation du nombre de membres et le lancement de nouvelles sections régionales, ou quand il devait travailler avec acharnement pour faire débattre son enjeu à la Chambre des communes, et quand il devait faire travailler les médias à son avantage. Le comité a aussi beaucoup appris sur la façon de faire travailler les médias à son avantage... Profiter des périodes creuses en matière d’événements d’actualité est un bon moyen de s’assurer que votre enjeu reste bien en vue. Donner à la presse quelque chose à couvrir lorsqu’il ne se passe pas grand-chose peut vraiment contribuer à renforcer les relations avec la presse et le grand public.

Le comité a élaboré et mis en œuvre un certain nombre d’outils qui ont contribué à rendre cette initiative plus efficace. Cela comprenait la tenue de laboratoires d’action politique où l’on montrait aux participants des moyens efficaces de communiquer avec les politiciens et les administrateurs, et comment faire participer d’autres membres de la collectivité. Ces laboratoires ont fourni aux participants des « trousses d’action politique » contenant des renseignements utiles, comme les coordonnées des députés provinciaux et des membres des partis politiques, ainsi que des modèles de lettres pour envoyer des messages appuyant la cause de la LPHO aux parties intéressées. Le comité s’est rendu compte que le fait de fournir aux gens un modèle de lettre augmente les chances qu’ils envoient un message et qu’ils mêlent ainsi leur voix au discours politique. Il était également important de mettre l’accent sur un large éventail de personnes et de collaborer avec les administrateurs et les représentants gouvernementaux à tous les niveaux, et pas seulement avec les députés provinciaux.

L’un des événements ayant exigé une attention rapide fut lorsque le ministre Bassett a fait un commentaire dérisoire comme quoi la LAPHO demandait des quotas d’emploi. Le comité de la LAPHO a immédiatement lancé une campagne provinciale de rédaction de lettres au ministre Bassett et à Mike Harris, demandant au gouvernement de cesser de faire des allégations inexactes. Le gouvernement a par la suite abandonné cette tactique et le ministre Bassett a admis à la radio de la CBC que le comité de la LAPHO ne demandait pas de quotas d’emploi. Ces victoires étaient importantes pour s’assurer que le comité avait l’appui du public. Si le public percevait la législation comme étant négative à cause d’affirmations erronées, le comité livrerait une bataille difficile. Ainsi, les campagnes de rédaction de lettres ont contribué efficacement au succès du comité. Cela a contribué à forcer le ministre Bassett à reconnaître officiellement la position du comité à la radio. Les lettres ont également contribué à s’assurer que les politiciens restent concentrés sur la législation relative aux droits des personnes handicapées, surtout pendant les périodes cruciales, comme les élections.

Étant sensible aux échéanciers, le comité devait envisager les mesures à prendre à tout moment. Par exemple, en 1997, lorsque la ministre Mushinski a annoncé que son objectif d’adoption d’une LAPHO significative et musclée était la fin de 1998, le comité a coupé l’attention des médias en signe de bonne foi et a concentré ses efforts sur l’élaboration et la consolidation de son programme. Les 11 principes pourraient servir d’excellents repères, mais ce qu’il fallait pour préparer les débats législatifs, c’était une compréhension plus précise de ce que la législation devrait contenir. Constamment disposé à changer d’orientation, le comité est demeuré réceptif aux événements actuels et a su naviguer avec succès dans les eaux politiques turbulentes de la fin des années 1990.

Le comité devait rester alerte à la fin des années 1990 pour répondre aux communiqués de presse de dernière minute, aux consultations privées et à un gouvernement plus enclin à adopter une législation qui n’aurait pas d’impact sérieux sur le commerce privé que pour éliminer efficacement les obstacles pour les personnes handicapées. Le comité de la LPHO a effectivement utilisé les votes par résolution pour amener les conservateurs à s’engager à appuyer leur cause. En 1995, le comité a réussi à convaincre les conservateurs de s’engager à tenir la promesse contenue dans la lettre de Mike Harris et, en 1998, il a obtenu la détermination des conservateurs de respecter les 11 principes rédigés par le comité de la LPHO.

Le comité a pris soin de rédiger les résolutions de manière à forcer les conservateurs à les soutenir, en les formulant de manière à ce que le fait de voter contre la résolution proposée donne l’impression que les conservateurs violaient leurs engagements antérieurs. Fondamentalement, voter contre les résolutions aurait été un suicide politique pour les conservateurs. De plus, la nature non contraignante d’un vote de résolution rendait plus probable l’adoption de la résolution, tout en donnant au comité de la LPHO un levier considérable.

Malgré ces résolutions et d’autres engagements pris par le parti conservateur, le gouvernement semblait désespéré de faire adopter à toute vapeur une mesure législative qui ne tenait pas compte de l’apport du comité et des membres de la collectivité pour lesquels la mesure législative avait été conçue. Le gouvernement a décidé, contre l’avis du comité de la LPHO et des autres organismes communautaires, de tenir des consultations privées plutôt que des forums publics pour recueillir des commentaires sur la nouvelle loi.

Le comité a réagi en communiquant avec toutes les personnes qu’il connaissait et en leur fournissant des commentaires pour qu’elles puissent les présenter au cours des consultations privées. Bon nombre des personnes contactées ont assisté aux consultations privées et ont présenté des propositions conformément aux 11 principes du comité. Le comité a également tenu des audiences parallèles auxquelles le public a été invité à assister et à donner son avis. Le comité est demeuré déterminé à travailler avec le gouvernement, malgré les critiques évidentes qu’il a reçues. Il a préparé des documents détaillés pour le ministre en vue des débats législatifs. Le comité de la LPHO a également réagi rapidement lorsque le gouvernement a publié un document de travail de façon discrète. Le document utilisait des oxymores ridicules, comme le terme « loi volontaire ». Évidemment, si quelque chose est facultatif, vous ne pouvez pas appeler cela une loi... Le comité n’a pas tardé à réagir. Bien que le gouvernement ait très peu parlé de la publication du document, le comité a veillé à ce qu’il fasse l’objet d’une large publicité, de même que les critiques du comité à son égard.

Le comité de la LPHO a également dû utiliser la Loi sur l’accès à l’information pour forcer le gouvernement à divulguer les résultats des consultations privées. Le document publié par le gouvernement ne donnait aucune voix aux propositions que le comité savait avoir été présentées, parce que le comité de la LPHO connaissait certaines des personnes qui les avaient présentées. Muni des notes des consultations, le comité a été en mesure de démontrer que le gouvernement induisait le public en erreur au sujet des résultats des consultations. Cependant, il a de nouveau été forcé de faire face à la réalité des médias d’information. Ce qui a retenu l’attention au cours de l’été 1998, plus que la conduite frauduleuse de représentants élus, c’est une situation où la présentation à une délégation composée en partie de personnes aveugles se basait principalement sur des diapositives. À la demande des membres de la délégation, les présentateurs ont lu les diapositives à haute voix, et c’est ce que les médias ont couvert. Les images d’un fonctionnaire qui lit maladroitement des diapositives à haute voix sont plus convaincantes qu’une trace écrite obtenue par des processus bureaucratiques.

Le comité de la LPHO a profité de la période creuse de l’été 1998 pour obtenir une importante couverture médiatique, ce qui, combiné aux forums publics et aux autres activités du comité, a permis d’obtenir une vague d’appui. Le comité a su tirer pleinement parti de cet appui en créant fréquemment des sections régionales après avoir tenu un forum public dans un nouvel endroit. En utilisant leur plaidoyer et leurs compétences en matière de présentation, les partisans de la LPHO à ces forums s’en sont servi comme une occasion de recruter davantage de bénévoles pour leur cause. Le comité a adopté une structure informelle qui facilitait le bénévolat.

Lorsque la LPHO initiale a été présentée pour la première fois à l’Assemblée législative à l’automne 1998, il s’agissait d’un « projet de loi de trois pages assez faible », comme l’a dit le Toronto Star. Le Star a imprimé le projet de loi dans son intégralité pour montrer au public à quel point il était dénué de substance. Le comité a réagi rapidement en s’opposant à la législation. Cela peut sembler antithétique à certains : pourquoi le comité qui s’est battu si fort pour faire adopter une législation pour les droits des personnes handicapées s’opposerait-il maintenant à ce qu’il réclamait? Évidemment, la réponse était simple : le projet de loi ne représentait pas ce que le comité préconisait.

Le projet de loi ne donnait pas effet aux 11 principes que le parti conservateur avait promis de respecter. Certains membres étaient prêts à s’accommoder d’une législation inefficace plutôt que de rien, mais le comité a décidé que cette version ridicule de la législation n’atteindrait pas l’objectif qu’il visait. Il a décidé de continuer à travailler à la mise en œuvre d’une LPHO efficace, car il ne se contenterait de rien de moins. Heureusement, le projet de loi a été rejeté et le comité s’est remis au travail; il a fait entrer une nouvelle législation sur les personnes handicapées à la Chambre des communes, une version cette fois bien meilleure.

Il a fallu trois autres années de défense infatigable, qui ont nécessité des efforts héroïques, comme la nuit blanche de Paul Rushton qui a envoyé personnellement des courriels à tous les membres de l’Assemblée législative de l’Ontario, les pressant de ne pas adopter un autre projet de loi inoffensif en 2000, avant qu’une loi ontarienne pour les personnes handicapées soit finalement adoptée. Paul Rushton devait à l’origine assister à un événement majeur lié à la LAPHO, mais il a été forcé d’annuler en raison d’une maladie grave dans sa famille. En travaillant de la maison, il a pu subvenir aux besoins de sa famille tout en continuant à contribuer à la cause.

À bien des égards, cette situation ressemble à celle de 1995, année où Carole Riback, qui appuyait la LPHO, a dû se rendre à l’hôpital en toute urgence. Elle a poursuivi son travail de défense en faisant des appels de son lit d’hôpital et en informant tous les médias de Toronto de l’événement majeur qui aurait lieu à Queen’s Park le lendemain. Le fait de pouvoir s’adapter à des situations changeantes et de penser à d’autres façons de promouvoir sa cause a donné à ce comité un réel avantage lorsqu’est venu le temps de faire valoir son programme. Les politiciens et les décideurs politiques ont vite appris à s’attendre à une pression constante de la part du comité et à une poursuite acharnée de ses objectifs.

Le bénévolat fut un élément clé de cette capacité à exercer des pressions sur les politiciens. En fait, la structure organisationnelle du comité a joué un rôle important dans son succès global. Dépendant entièrement des membres bénévoles, personne au sein du comité n’a été rémunéré pour ses efforts, à l’exception du remboursement des dépenses légitimes. Il n’y avait aucun poste rémunéré au sein du comité. Il n’y avait également presque pas de hiérarchie. En diffusant son message dans toute la province, le comité a réalisé le besoin d’établir des comités régionaux. Le titre de contact régional a été créé. Le comité de la LPHO a laissé l’organisation des comités régionaux aux régions. Une constitution officielle n’a jamais été rédigée et l’organisation ne s’est jamais enlisée dans la paperasserie. Le comité n’avait qu’un objectif clair et simple, et la volonté de travailler avec quiconque pourrait l’aider à l’atteindre.

La façon dont le comité s’est engagé auprès de ses bénévoles a été essentielle à son succès. Bon nombre de comités d’intérêt public, d’organismes sociaux, de groupes de défense des droits ou d’autres groupes qui comptent beaucoup sur les bénévoles peuvent apprendre énormément de l’exemple donné ici. Les bénévoles s’engagent pour une cause parce qu’ils ont vraiment envie d’aider. En leur donnant la liberté d’aider de la façon qui leur convient le mieux, vous vous assurez de tirer le meilleur parti de votre temps et du leur.

Les organisations qui s’enlisent dans la procédure et la bureaucratie, ou qui s’étouffent avec des débats internes sont destinées à une foule d’occasions manquées. En adoptant un seul objectif et en étant prêt à employer une grande variété de tactiques, le comité de la LPHO a pu profiter de toutes les occasions qui se présentaient à lui. Plutôt que d’exclure les gens en utilisant des structures rigides, le comité a inclus les différentes approches de nombreuses personnes différentes. Cette approche de collaboration lui a été extrêmement utile et représente une caractéristique du travail de David Lepofsky en général. Tous ceux qui ont travaillé avec David au fil des ans ont commenté la façon dont il s’engage intellectuellement auprès de ceux avec qui il travaille et prend leurs idées au sérieux.

Il vaut la peine d’examiner attentivement les outils que le comité a utilisés pour atteindre son objectif d’adopter une législation provinciale efficace. Ce faisant, j’ai l’intention d’illustrer comment d’autres peuvent s’engager dans une défense des droits efficace.

Les forums publics sont un outil efficace pour un certain nombre de raisons. Un forum public est un événement digne d’intérêt qui peut obtenir une couverture médiatique et diffuser votre message à un large public. Les forums publics donnent aux gens l’occasion de s’exprimer et de s’impliquer, ce qui peut être utilisé comme outil de recrutement pour l’organisation.

La structure organisationnelle de l’organisation est un autre outil utilisé par le comité. Au moment de choisir une structure organisationnelle, il est important que l’organisation en choisisse une qui s’aligne sur son idéologie, mais il est tout aussi important de tenir également compte de la fonctionnalité de la structure qu’elle choisit. La structure informelle a bien fonctionné pour le comité de la LPHO pour un certain nombre de raisons, dont la simplicité de l’objectif n’est pas la moindre. L’accent particulier mis sur la législation relative aux droits des personnes handicapées a bien servi le comité en lui permettant de rester concentré et de rationaliser ses efforts.

La stratégie du comité a été efficace parce qu’il n’a pas gaspillé beaucoup de ressources en s’attardant à des questions non pertinentes ou en poursuivant des objectifs accessoires. D’autres organisations feraient bien d’examiner comment une cible concrète peut donner de l’essor à une cause.

Le comité de la LPHO a également eu recours à des campagnes de rédaction de lettres, à des conférences de presse, à des programmes téléphoniques et à des émissions radiophoniques. La couverture médiatique, les nouvelles télévisées et Internet faisaient partie des forums utilisés par le comité à la fin des années 1990. La technologie a aidé le comité à diffuser son message plus largement. N’ayant pas les fonds nécessaires pour imprimer un bulletin d’information, l’arrivée du courriel a permis au comité de faire circuler des publications régulières à très peu de frais. Les courriels ont également permis au comité de s’organiser et de communiquer plus efficacement avec ses membres.

Une des bénévoles du comité, Patti Bregman, a eu l’idée d’axer la couverture médiatique sur une « élection sans obstacle », ce qui s’est avéré être une excellente façon d’impliquer les médias. Une « élection sans obstacle » était une idée à laquelle les médias pouvaient s’habituer et, heureusement, ça a fonctionné. La campagne « Call Mike » (Appelez Mike) a également bien marché : le numéro de téléphone du premier ministre a été distribué et le comité demandait aux gens d’appeler Mike et de l’interroger sur sa « plus vieille promesse non tenue » en référence à sa lettre du 21 mai 1994.

David a reçu la preuve de l’efficacité de cette mesure lorsque son numéro de téléphone a été diffusé par erreur et qu’il est rentré chez lui en retrouvant son répondeur rempli de messages de gens qui lui demandaient ce qu’il allait faire pour faire adopter une législation efficace sur les droits des personnes handicapées.

Les audiences parallèles ont été un outil efficace pour démontrer la volonté du comité de travailler avec le gouvernement et elles ont également permis de présenter l’information à l’Assemblée législative de façon convaincante et en bonne et due forme. La Loi sur la liberté de l’information est un autre outil à la disposition de quiconque s’engage dans la défense d’une cause. Le comité a utilisé cet outil de façon efficace pour obtenir l’information dont il avait besoin afin d’appuyer sa cause. Bien que cet outil se soit avéré moins utile que bon nombre d’outils médiatiques, il demeure un élément important et doit être considéré comme l’une des ressources de défense des droits à notre disposition.

Le facteur temps fut également un élément crucial de cette défense des droits. D’ailleurs, les comptes à rebours représentent l’un des outils utilisés par le comité à bon escient. La promesse de Mike Harris d’adopter une législation efficace au cours de son premier mandat a créé un échéancier que le comité a pu utiliser à son avantage. L’année 1998 ayant été fixée comme objectif par la ministre Mushinski, le comité pourrait à nouveau se concentrer sur une date précise pour exercer des pressions. Ces deux situations illustrent que mettre l’accent sur une date fixe constitue une manière de motiver les politiciens à passer à l’action.

En politique, tout se déroule à date fixe, les dates des élections étant les plus importantes. Établir des échéances pour passer à l’action force ensuite l’action, parce qu’une fois l’échéance passée, le politicien est alors responsable du non-respect de ses engagements, ce qui est devenu très important dans la campagne en faveur de la législation provinciale.

Ainsi, la méthode la plus efficace utilisée par le comité fut peut-être de donner à d’autres personnes les outils dont elles avaient besoin pour s’engager dans une défense efficace. Les laboratoires d’action politique et les trousses d’action sur l’accessibilité décrites précédemment sont des exemples concrets où le comité s’est engagé avec d’autres pour encourager plus de gens à s’impliquer afin de défendre leur cause. En fournissant aux gens des trousses prêtes à l’emploi et des modèles, le comité a permis le déploiement rapide des militants dans les régions où leur présence était la plus nécessaire.

En 2001, l’Ontario a proposé la nouvelle Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario. Bien qu’il soit plus imposant que la législation de 1998, le projet de loi présentait encore des lacunes à bien des égards. Le comité de la LPHO s’est immédiatement mis au travail pour préparer une série d’amendements à la législation. Ils ont ensuite fourni cette information à leurs membres, ce qui leur a permis de s’engager dans la puissante défense des droits qui était nécessaire sur plusieurs fronts. Bien que les conservateurs aient apporté des modifications à 15 des 33 dispositions du projet de loi, ces amendements n’allaient pas assez loin dans l’avancement des 11 principes.

Le comité a exercé des pressions sur le gouvernement tout au long de la lecture de la législation à la Chambre et après l’adoption du projet de loi. Malgré la médiocrité de la législation originale, le comité a néanmoins encouragé le gouvernement à déclarer ces dispositions en vigueur le plus tôt possible. Il s’est également occupé de surveiller la façon dont la législation était mise en œuvre. Encore une fois, le comité s’est engagé à collaborer avec la législation pour éliminer le plus d’obstacles possible, démontrant ainsi sa capacité de changer d’orientation et de travailler avec les outils les plus efficaces à sa disposition. Le comité a également pu utiliser les amendements proposés par le Parti libéral au cours du débat sur le projet de loi pour encourager les Libéraux à adopter une Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario plus efficace en 2005.

Après l’adoption par l’Ontario de la Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario en 2001 et de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario modifiée en 2005, le comité de la LPHO a été dissous et David a formé un comité de transition pour passer du comité de la LPHO à l’Alliance de la LAPHO, dont il est devenu le président en 2009.

L’Alliance de la LAPHO s’est plongée dans les médias sociaux. L’utilisation de Twitter par David Lepofsky est légendaire au sein de la communauté des personnes handicapées. Vous pouvez le suivre sur Twitter, comme il vous le dira cinq fois lors d’une conférence à laquelle il est invité ou d’une rencontre sur les droits des personnes handicapées. Les médias sociaux ont transformé la couverture des événements et l’Alliance de la LAPHO est demeurée aussi actuelle et souple que son prédécesseur. Sa solide présence sur le Web témoigne du travail acharné de ses membres dévoués.

Même si le médium a changé, bon nombre des principes demeurent les mêmes. Les moyens doivent se démarquer et attirer l’attention. Le comité de la LPHO avait compris l’importance d’établir de nouveaux slogans accrocheurs, comme « Half a decade is long enough » (Une demi-décennie, c’est assez long) et utilisait des astuces pour attirer l’attention des gens. David fait remarquer que de dire « 1,5 million d’Ontariens » attire plus l’attention que de dire « 15 % de la population ». Après être parvenu à cette réalisation, David a décidé d’en tirer parti et la page Web de la LAPHO utilise ces chiffres pour faire valoir son point de vue. Les phrases-chocs doivent être rapides et actuelles et il faut faire preuve de créativité pour trouver de nouveaux moyens de maintenir l’intérêt du public.

L’adoption de la technologie et l’utilisation des médias sociaux pour attirer l’attention du public sont un outil important pour quiconque mène des activités de défense des droits dans la culture d’aujourd’hui. Les médias sociaux sont devenus l’une des armes les plus importantes dans cette nouvelle bataille. Twitter et l’utilisation de mots-clics génèrent beaucoup d’attention dans un court laps de temps. Les politiciens sont obligés de répondre à de tels commentaires. Comme dirait David, envoyer un gazouillis à un représentant officiel de parti, c’est comme tirer un coup dans sa direction; cela nécessite une réponse.

L’une des campagnes les plus réussies a été celle utilisant le mot-clic « #AODA Fail », où l’attention des gens est attirée sur les obstacles qui ont été créés en dépit de violer directement la législation existante. Les vidéos publiées sur YouTube, où les obstacles sont à la fois représentés graphiquement et décrits verbalement par David, sont liées aux comptes Twitter et Facebook de l’Alliance de la LAPHO, et il est facile de trouver leurs messages en ligne. Allez à www.AODAAlliance.org ou cherchez « AODA Alliance » sur Facebook ou Twitter. Même en effectuant une recherche générale sur Internet pour « AODA », on obtient des résultats pour l’Alliance de la LAPHO et le fil Twitter de M. Lepofsky.

Toujours en utilisant de vieilles tactiques, l’Alliance de la LAPHO s’est armée d’une promesse de campagne préélectorale de Ford, et elle utilisera cette lettre de la même façon qu’elle a utilisé la lettre de Mike Harris de 1994 pour exiger que le gouvernement respecte son engagement à éliminer les obstacles pour les personnes handicapées. Maintenant que la législation est en place, l’objectif principal de l’Alliance de la LAPHO est de s’assurer qu’elle est appliquée.


Aux prises avec la législation fédérale


En tant que l’un des fondateurs, puis président du comité de la LPHO et président actuel de l’Alliance de la LAPHO, M. Lepofsky a joué un rôle très central dans la législation ontarienne. Au niveau national, il y a de plus grandes organisations, qui sont aussi plus nombreuses, à considérer. Bien que le rôle de M. Lepofsky sur la scène nationale ne soit peut-être pas aussi central que dans l’arène provinciale, il a néanmoins apporté d’importantes contributions à la législation fédérale, tant par ses travaux antérieurs sur la Charte décrite précédemment que sur la Loi canadienne sur l’accessibilité.

David était auparavant coprésident et membre du comité directeur de Barrier-Free Canada/Canada sans Barrières (BFC/CSB). CSB s’engage à rendre le Canada accessible à toutes les personnes handicapées par l’adoption et la mise en œuvre d’une législation fédérale efficace qui s’appliquera aux domaines de compétence fédérale. La législation provinciale ne suffit pas. Même si chaque province avait en vigueur une loi sur les personnes handicapées aussi solide et efficace que celle demandée par l’Alliance de la LAPHO, il y aurait toujours des questions régies par le gouvernement fédéral qui ne relèveraient pas de la compétence de toutes les provinces.

Au moment où j’écris ces lignes, la Loi canadienne sur l’accessibilité, aussi connue sous le nom de projet de loi C-81, a franchi l’étape de la troisième lecture et a été soumise au Sénat pour examen. Comme nous l’avons déjà dit, avant qu’un projet de loi ne devienne loi, il doit passer trois lectures à la Chambre des communes, puis être examiné par le Sénat, puis renvoyé à la Chambre des communes pour d’autres amendements.

Au cours de ce processus d’examen, le Sénat peut recommander des amendements au projet de loi et la Chambre est libre d’adopter ces amendements ou d’en créer de nouveaux. La Chambre renverra ensuite le projet de loi au Sénat, où il sera, espérons-le, approuvé.

CSB présente actuellement des observations au sujet des amendements nécessaires pour renforcer la législation. Une partie de sa stratégie consiste à compter sur le soutien d’organisations nationales puissantes. CSB a créé une coalition non partisane pour préconiser la création d’une Loi canadienne sur les personnes handicapées, et maintenant que le Sénat est saisi du projet de loi C-81, il est important de continuer à mettre l’accent sur l’adoption de mesures législatives aussi solides que possible.

David a retiré sa participation à CSB en 2017 lorsque CSB a décidé de devenir un organisme légal officiel, qui serait assujetti aux règles régissant les organismes sans but lucratif au Canada. Il n’était pas d’accord avec la modification proposée, et c’est tout à fait logique. Les comités de la LPHO et de la LAPHO avaient très bien réussi en ayant une structure informelle, comme nous l’avons déjà mentionné.

Les exigences imposées par la législation régissant les organisations officielles sont lourdes et onéreuses, et M. Lepofsky est le mieux placé pour le savoir. Puisque CSB était impatient d’apporter ce changement sans son approbation, M. Lepofsky a retiré sa participation et s’est concentré davantage sur sa contribution à la législation fédérale par l’entremise de l’Alliance de la LAPHO. Le comité de la LPHO s’est battu contre le gouvernement provincial beaucoup plus que ce que l’on croyait possible, et il travaille maintenant à faire en sorte que la législation fédérale soit solide, efficace et mise en œuvre.

Bon nombre des outils utilisés pour obtenir une législation provinciale se sont avérés utiles dans la lutte pour l’obtention d’une législation d’application fédérale. Les trousses d’action jouent un rôle important dans la défense des droits et, sur la page d’accueil du comité, vous trouverez des lettres d’appui d’un certain nombre d’organisations, ainsi qu’un engagement à rester non partisan. La mise en œuvre de changements à l’échelle nationale a nécessité la collaboration d’organismes nationaux, comme la Société canadienne de l’ouïe (SCO), l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) et la Société de la sclérose en plaques, entre autres. Cette collaboration a été essentielle pour apporter des changements à la législation fédérale à l’échelle nationale. CSB a également profité d’événements internationaux, comme la Journée internationale des personnes handicapées, tirant parti des engagements internationaux du Canada pour faire avancer la cause de l’adoption d’une loi fédérale sur les personnes handicapées. Cette organisation n’a pas oublié l’importance de l’attrait médiatique et elle a habilement utilisé des campagnes en temps opportun pour obtenir du soutien. Les efforts continus de surveillance étaient d’une importance cruciale pour cette initiative. CSB s’est assuré que des mises à jour de la législation étaient affichées sur son site à intervalles réguliers; ce site est devenu une source où l’on pouvait trouver de l’information à jour et pertinente plus facilement que sur les sites gouvernementaux.

Tenir le public informé d’une seule façon a permis à CSB de maintenir l’élan de sa campagne. Il s’agit également d’une organisation entièrement gérée par des bénévoles et qui ne demande pas de frais d’adhésion. Il est important de tenir compte de cet aspect lors de la création d’une organisation. Pour de nombreux bénévoles, même des frais minimes constituent un obstacle à leur participation. De plus en plus de gens sont prêts à se joindre à une cause qui n’exige pas de contribution financière. Ceux qui sont en mesure de contribuer financièrement trouveront un moyen de le faire, même sans faire de contributions financières directes. Un membre intéressé pourrait payer l’essence pour covoiturer à un événement, ou payer l’addition pour imprimer des dépliants ou des affiches.

Il existe de nombreuses façons de contribuer au succès d’une campagne et en demeurant ouverts à accepter les contributions que les bénévoles ont pu apporter, les organismes avec lesquels David Lepofsky s’est impliqué ont bénéficié de la volonté de sympathisants dévoués de s’engager autant que possible à la cause.

CSB et le comité de la LPHO se sont battus sans relâche pour respectivement obtenir une législation fédérale et provinciale. C’est parce que, de tous les outils de l’arsenal du défenseur du bien public, la législation est peut-être le plus puissant. Une fois les lois en place, les organisations disposent d’un mécanisme qu’elles peuvent utiliser pour forcer les entreprises à éliminer les obstacles aux biens et services.

Les organisations ont passé beaucoup de temps à se concentrer sur les mécanismes d’application contenus dans les lois elles-mêmes. C’est parce que ce que dit la législation est déterminant pour la situation pour laquelle on cherchera à obtenir réparation. Les contestations de législation inconstitutionnelle, les appels de décisions d’organismes quasi judiciaires et les litiges directs font tous partie du cadre législatif en jeu lorsqu’il s’agit de promouvoir les droits des personnes handicapées au Canada. Dans la prochaine section, je démontrerai comment David a pu utiliser la législation existante pour éliminer un obstacle particulier au réseau de transport en commun de Toronto. Cette histoire est un excellent exemple de défense des droits et montre comment les techniques d’escalade peuvent être utilisées pour augmenter la pression sur les représentants officiels, jusqu’à ce que vos efforts aboutissent enfin.


Combattre la TTC


Aucun article sur la défense des droits de David Lepofsky ne serait complet sans une description de son travail auprès de la Toronto Transit Commission (TTC). Dans les années 1970, la TTC a fait l’essai d’un système automatisé qui annonçait de vive voix les arrêts de métro. Cependant, le système de haut- parleurs était horrible et la courte période d’essai s’est rapidement terminée à la suite de plaintes des passagers. David se souvient d’avoir lu une de ces lettres de plainte dans un journal et d’avoir envisagé d’écrire une lettre au rédacteur en chef expliquant pourquoi les annonces étaient une bonne idée et comment elles feraient une différence pour les personnes aveugles et malvoyantes, mais aussi pour les personnes dont la vision peut être obstruée pour d’autres raisons, comme des obstacles dans la fenêtre ou entre l’autobus et les panneaux routiers.

Près de 20 ans plus tard, en juin 1994, tout en devenant de plus en plus actif dans la défense des intérêts de la collectivité grâce à son travail au sein du comité de la LPHO, David a décidé d’envoyer une lettre à la TTC en lui demandant simplement d’annoncer tous les arrêts de métro. David ne cherchait pas à obtenir un système automatisé coûteux. Les métros étaient déjà équipés d’un haut-parleur que le conducteur pouvait utiliser pour faire des annonces. David voulait simplement qu’ils commencent à utiliser ce système pour annoncer les arrêts.

La réponse que David a reçue était que la TTC ne demanderait pas à son personnel d’annoncer les arrêts, mais qu’elle installerait un système automatisé « à un moment donné » dans l’avenir. David n’a pas été en mesure d’obtenir un engagement ou un échéancier de la part de la TTC et, trois mois plus tard, il a déposé une plainte pour discrimination auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne.

La Commission ontarienne des droits de la personne était un organisme gouvernemental qui administrait le Code des droits de la personne de l’Ontario. La Commission a fait l’objet d’une réforme sérieuse en 2006, dont il sera question plus loin dans le présent rapport.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario prévoit que :

Toute personne a droit à un traitement égal en matière de services, de biens ou d’installations, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap.

Par conséquent, les personnes handicapées ont droit à la même prestation de services que tout le monde et les entreprises qui fournissent des services ont l’obligation de s’assurer que les personnes handicapées sont en mesure d’utiliser ces services. À cette fin, l’entreprise est tenue de répondre aux besoins d’une personne qui demande des services, au moyen de mesures d’adaptation. Mes mesures peuvent causer des difficultés à l’entreprise. Ce n’est que lorsque l’imposition d’une mesure d’adaptation atteint le niveau de « contrainte excessive » que l’entreprise peut soutenir qu’elle n’est pas en mesure de fournir l’adaptation demandée. En tout temps, ce qui constitue une « contrainte excessive » relève du tribunal, mais inutile de dire que les grandes entreprises sont en meilleure position pour fournir des mesures d’adaptation, car elles ont accès à des ressources plus importantes. Une grande entreprise comme la TTC aurait de la difficulté à prétendre qu’une mesure d’adaptation lui imposerait une contrainte excessive.

Lorsqu’une personne est victime de discrimination, elle peut déposer une plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne, et c’est exactement ce que M. Lepofsky a fait. Le jour même où David a déposé sa plainte au sujet de la TTC auprès de la Commission, il a fait une entrevue à la radio de la CBC expliquant la nature de la plainte qu’il était sur le point de déposer. Pendant cette émission de radio, un fonctionnaire de la TTC a expliqué que la TTC était en fait occupée à mettre en œuvre un système audio automatisé. C’est devenu un moyen de pression que David pouvait utiliser pour appuyer l’affirmation selon laquelle la TTC elle-même estimait que c’était une bonne idée. Elle devait bien le penser, si elle était effectivement occupée à mettre un tel système en œuvre.

Après l’entrevue à CBC, un représentant de la TTC a communiqué avec David pour lui dire que la TTC voulait organiser une réunion afin de discuter des annonces sonores dans le métro. David s’est présenté à cette réunion, prêt à argumenter rigoureusement en faveur de l’annonce audible des arrêts, mais il a été surpris d’apprendre, dans les premières minutes de la réunion, que la TTC était disposée à exiger de ses équipes qu’elles annoncent les arrêts de métro, en attendant de mettre en œuvre ultérieurement les annonces automatisées. David a donc suspendu sa plainte relative aux droits de la personne pendant que la TTC s’efforçait de rendre son système plus accessible.

En 1995, les équipes de métro ont commencé à annoncer des arrêts de métro, mais le service était intermittent et peu fiable. Dans certains trains, il n’y avait aucune annonce d’arrêt de métro, tandis que dans d’autres, l’annonce était inintelligible. David s’est souvent plaint à ce sujet à la TTC et on lui demandait alors de fournir le numéro du train au signal défectueux. David prenait alors soin d’inscrire le numéro du train la prochaine fois qu’il rencontrait un problème similaire. Il signalait alors le numéro du train à la TTC et se faisait répondre qu’elle était en train d’examiner la question. Pendant plus de six ans, David a continué à écrire ses lettres et à signaler les annonces défectueuses d’arrêts de métro, sans résultat.

En 2001, David a déposé une nouvelle plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne. La TTC a tenté de faire valoir que la plainte antérieure de David l’empêchait de poursuivre l’affaire. Elle prétendait qu’en acceptant de suspendre toute action ultérieure, il avait donné carte blanche à la TTC pour qu’elle mette en place les mesures qu’elle jugeait les plus appropriées, même si elles étaient réellement inadéquates. Elle a insisté sur le fait que ses efforts inefficaces étaient suffisants pour satisfaire à ses obligations d’accommodement. La TTC se bornait à dire que le système audio automatisé serait opérationnel dans quelques années, et David a demandé si cela signifiait que les employés de la TTC devaient annoncer les arrêts dans l’intervalle. Essentiellement, il a demandé à la TTC pendant encore combien de temps elle prévoyait traîner les pieds avant de fournir les mesures d’adaptation qu’elle était tenue de fournir en vertu de la loi.

Cette fois, la plainte de M. Lepofsky a été entendue par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO). Le TDPO est un organisme juridictionnel qui entend les plaintes et prend des décisions concernant les droits individuels en Ontario. Au tribunal, le juge Rosenberg a donné raison à M. Lepofsky. Il a décidé que la TTC avait eu assez de temps pour mettre en œuvre ces changements, il a ordonné aux équipes de métro d’annoncer régulièrement les arrêts en attendant l’installation des annonces d’arrêts automatisés que la TTC avait prévu d’installer, et il a nommé Matthew Garfield, un ancien président de la Commission ontarienne des droits de la personne, pour superviser la mise en œuvre du plan de la TTC.

Peu de temps après avoir remporté sa victoire à la Commission, et même avant que l’affaire ne soit réglée, David a reçu des commentaires de gens qui croyaient qu’il devrait s’assurer que la TTC mette également en place des annonces sonores d’arrêts d’autobus. En fait, les annonces sonores des arrêts sont encore plus importantes dans les autobus, car il se peut que l’autobus ne s’arrête pas à chaque arrêt, ce qui signifie que la technique de compter tous les arrêts que quelqu’un pourrait utiliser dans le métro ne fonctionnerait pas. Par conséquent, l’exigence de l’adaptation a été étendue pour englober les autobus.

David n’avait pas inclus les autobus dans sa plainte initiale pour la simple raison qu’il utilisait rarement ce moyen de transport à l’époque. Toutefois, en 2005, David avait déménagé dans un quartier de Toronto où il prenait plus souvent l’autobus. Ce détail est important parce qu’en tant qu’aveugle qui prend l’autobus, David pouvait affirmer que ses droits étaient directement affectés. Cela lui a donné qualité pour déposer la plainte auprès de la Commission. Dans les procédures devant la Commission, M. Lepofsky s’est représenté lui-même, mais il s’est fié à un avocat bénévole pour présenter son propre témoignage, et il avait un avocat adjoint pour l’aider à présenter le reste de l’affaire.

La réticence de la TTC à accorder les mesures d’adaptation, surtout à la lumière de la décision rendue en 2001, était quelque peu déconcertante. Il semblerait évident à la plupart des gens que si le métro doit annoncer les arrêts, l’autobus doit en faire autant. Contrairement à la TTC, le juge Rosenberg était d’accord. Il a conclu que les mêmes obligations s’appliquaient au réseau d’autobus et a de nouveau ordonné à la TTC de procéder aux adaptations. Le juge Rosenberg a aussi ordonné à la TTC de tenir des consultations publiques sur l’accessibilité de ses services. Bien que la TTC ait d’abord été réticente, en raison du succès de l’initiative, elle a volontairement continué à tenir des réunions annuelles sur l’accessibilité du public, qui ont encore lieu à ce jour.

David a demandé au TDPO d’ordonner la nomination d’un ombudsman à la TTC qui serait chargé de traiter les préoccupations et les plaintes en matière d’accessibilité, ce qui n’a pas été accordé. Tout comme les forums publics, la TTC pourrait se rendre compte que cette initiative lui serait bénéfique à long terme. Toutefois, cela reste encore à voir.

À la suite des décisions du tribunal, David a déposé une demande d’accès à l’information auprès de la TTC. En tant que société ouverte, elle est tenue de rendre certains aspects de ses activités transparents. David était curieux de savoir combien la TTC avait dépensé en frais juridiques pour répondre à ses demandes. En fin de compte, la TTC a dépensé 450 000 $ pour résister à des mesures d’adaptation qu’elle était tenue de fournir de toute façon.

Au moment où M. Lepofsky a gagné son deuxième procès contre la TTC, le gouvernement McKinty avait adopté la LAPHO et un comité était en place pour examiner ce que les normes de transport devraient inclure. Bien que ce comité était censé tenir compte des préoccupations des personnes handicapées qu’il était censé protéger, il a refusé d’entendre des présentations sur le besoin d’avoir des annonces sonores et d’autres sujets de préoccupation. Par la suite, le comité a d’abord proposé des règlements assez faibles, qui devaient être modifiés pour assurer une protection efficace des droits des personnes handicapées, et vous pouvez tout lire à leur sujet sur la page Web de l’Alliance de la LAPHO.

Les débats avec la LAPHO et la TTC ont un thème en commun, soit le fait de travailler avec la législation existante là où elle existe, et de travailler à la modification de la législation là où elle est nécessaire. Une fois la législation en place, il devient possible de s’en servir comme d’un outil pour mettre en œuvre les changements requis. De cette façon, lorsque vous plaidez en faveur d’un changement législatif, c’est comme si vous construisiez l’outil que vous utiliserez plus tard. Comme forger un marteau que vous utiliserez ensuite pour enfoncer vos clous.

Tout au long de sa carrière juridique, M. Lepofsky a été très conscient de ces nuances et les a toutes utilisées stratégiquement à son avantage. Dans la prochaine section, je souhaite montrer comment il a influencé les autres par sa carrière professionnelle, son bénévolat et son travail d’érudition. En démontrant l’impact de ses contributions, je souhaite faire mieux comprendre aux lecteurs l’étendue de son travail de défense des droits. En examinant des exemples du travail de David Lepofsky, j’espère illustrer quelques techniques efficaces pour influencer les autres et être un défenseur efficace des droits.


Influencer les autres par son travail


Cheminement professionnel


Après avoir terminé son stage et obtenu sa maîtrise en droit à Harvard, M. Lepofsky a travaillé au ministère du Procureur général pendant cinq ans au bureau civil du ministère public. De 1983 à 1988, il a occupé ce poste avant d’être muté à la Direction du droit constitutionnel où il a travaillé de 1988 à 1993. En 1993, il a commencé à travailler à la Section des appels de la Chambre pénale. David a poursuivi sa carrière en appels en matière criminelle pendant 23 ans avant de se retirer de la pratique du litige en 2015. Bien que David ne pratique plus le droit en tant qu’avocat, il a continué d’apporter sa contribution à la profession juridique par son travail à l’Osgoode Hall Law School. En 2013, M. Lepofsky a reçu une bourse McMertry et il continue à donner des conférences et des présentations en tant que professeur invité. Il a été très impliqué dans le cours intensif « ARCH Disability » offert à Osgoode et son travail d’érudition a grandement servi les défenseurs des personnes handicapées partout dans le monde.

Travailler pour le procureur général a donné à M. Lepofsky l’occasion de s’engager à l’égard de la Charte d’une manière profonde qui faisait appel à son intérêt personnel pour les droits de la personne. Au début, M. Lepofsky a eu la chance de travailler comme avocat adjoint pour le procureur général de l’Ontario, agissant à titre d’intervenant dans l’affaire du renvoi relatif à la Motor Vehicle Act de la Colombie- Britannique. Il s’agissait d’un cas particulièrement intéressant parce qu’il présentait une complexité interne très importante pour l’interprétation de la Charte. Le requérant demandait qu’une loi soit déclarée inconstitutionnelle parce qu’il estimait qu’elle allait à l’encontre des principes de justice fondamentale.


L’article 7 de la Charte est ainsi rédigé :

art. 7

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.


Il est important d’examiner cette disposition à la lumière de l’article 1 de la Charte qui stipule ce qui suit :

art. 1.

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

La Cour suprême du Canada (CSC) avait élaboré le fameux critère de l’arrêt Oakes, qui devait être appliqué pour déterminer si une action gouvernementale était admissible lorsqu’elle portait atteinte à un des droits garantis par la Charte. La Charte, en tant que document constitutionnel, s’applique au gouvernement, mais les particuliers et les entreprises ne sont pas tenus de respecter la même norme, de sorte qu’une entreprise peut violer un des droits prévus par la Charte. Par conséquent, la Charte ne sert qu’à limiter les actions des fonctionnaires du gouvernement. Néanmoins, en limitant les façons dont le gouvernement peut agir, et donc promulguer des lois, la Charte a des effets secondaires sur le secteur privé, comme en témoignent les cas où la législation régit l’action des sociétés privées ou des particuliers. Bien que la législation sur les droits de la personne, comme le Code des droits de la personne de l’Ontario, puisse imposer des restrictions sur la façon dont les entités non gouvernementales doivent agir, elle doit le faire d’une manière qui est conforme à la Constitution. Par conséquent, une loi qui exige que les organisations ne fassent pas de discrimination fondée sur un motif de distinction illicite, mais qui fait ensuite une exception qui permet une discrimination qui, autrement, ne serait pas permise, peut être déclarée inconstitutionnelle et invalidée. La loi peut être invalidée en totalité ou la disposition incriminée peut être invalidée, ce qui permet au reste de la loi de  s’appliquer,  comme  on  l’a  constaté  dans  l’affaire  Justine Blaney.

Justine Blaney était une jeune fille qui voulait jouer au hockey dans une région où la seule équipe disponible était entièrement masculine. À l’époque, le Code des droits de la personne de l’Ontario permettait aux équipes sportives de faire de la discrimination fondée sur le sexe. Après une longue lutte devant la Commission des droits de la personne, la Cour de justice de l’Ontario et finalement la Cour d’appel de l’Ontario, Blaney a réussi à faire annuler la disposition permettant la discrimination. La suppression de cette disposition a permis à Blaney de bénéficier de la législation, qui était par ailleurs conçue pour aider à mettre fin à la discrimination.

Cette affaire montre à quel point la Constitution est puissante dans l’élaboration de la législation, ce qui a un effet sur la sphère privée, et comment un demandeur peut surmonter le fardeau imposé par le critère de l’arrêt Oakes.

Comme l’a affirmé le tribunal dans l’affaire Oakes, pour qu’une limite à un droit ou à une liberté garanti par la Charte soit justifiée, elle doit d’abord être prescrite par la loi. Aucune action gouvernementale ne peut porter atteinte à un droit, à moins qu’une loi ne le permette. En exigeant que les limites soient codifiées dans la loi, la Constitution garantit que ces limites peuvent être analysées avec un examen approprié.

Pour autant que la limite soit prescrite par la loi, elle doit toujours satisfaire à un critère de proportionnalité en trois volets : premièrement, le tribunal demande si la loi est rationnellement liée à son objectif; deuxièmement, si les mesures adoptées sont raisonnables; troisièmement, si les effets délétères de la violation l’emportent sur les avantages bénéfiques de la loi. Ainsi, la Charte comporte déjà une disposition limitative pleinement articulée, assortie d’un critère de common law établi par la Cour suprême pour faciliter l’analyse.

Dans l’affaire du renvoi de la Motor Vehicle Act de la Colombie-Britannique, M. Lepofsky était avocat adjoint, aidant l’avocat principal à présenter des observations au nom du procureur général de l’Ontario. Le procureur général de l’Ontario agissait à titre d’intervenant. Dans cette affaire, le requérant a tenté d’imposer une autre limite à l’adoption d’une loi, faisant valoir qu’une disposition limitative devait se trouver à l’article 7 de la Charte. Le procureur général voulait cependant limiter les limites imposées par la loi au critère énoncé de l’arrêt Oakes mentionné ci-dessus.

En fin de compte, la Cour a jugé que la référence aux principes fondamentaux de justice à l’article 7 constituait en fait une limite supplémentaire à l’adoption d’une loi. Dans cette affaire, la Motor Vehicle Act de la Colombie-Britannique avait érigé en infraction punissable d’un emprisonnement de sept jours à six mois le fait de conduire un véhicule sans permis de conduire valide, même si la personne ne savait pas que son permis avait été suspendu ou annulé. Le juge Lamer a statué qu’une loi ne peut prescrire l’emprisonnement pour une infraction lorsque la partie coupable n’a pas l’intention de commettre l’infraction, parce que cela viole les principes fondamentaux de la justice. Par conséquent, la loi a été considérée comme une violation de la Constitution sans qu’il soit nécessaire de recourir à la disposition limitative de l’article 1 de la Charte. Bien que le tribunal ait rejeté les arguments avancés par le procureur général dans cette affaire, M. Lepofsky a acquis une expérience juridique précieuse en y travaillant et a contribué à développer le paysage du droit constitutionnel.

Pour comprendre la contribution de M. Lepofsky, il est important de comprendre le rôle d’un intervenant dans le système judiciaire canadien. Dans les cas importants, surtout s’ils concernent l’application de la Charte, les parties intéressées peuvent présenter des observations au tribunal, même si elles ne sont pas parties à l’action. Une partie à l’action sera directement touchée par le résultat de la décision et sera désignée soit comme demandeur, soit comme défendeur. D’autres parties peuvent demander à présenter des observations au tribunal à titre d’intervenant. Le tribunal peut tenir compte de ces observations lorsqu’il rend une décision, de sorte que les observations peuvent avoir une influence. Dans les tribunaux canadiens, les intervenants jouent un rôle important; il est donc important d’examiner attentivement la position qu’occupe ce rôle lorsqu’on réfléchit à des outils efficaces pour la défense des droits.

Pendant les 33 années où M. Lepofsky a travaillé avec le procureur général, il a travaillé sur des centaines d’affaires et a été promu au rang d’avocat général. Ce titre est réservé à quelques avocats seulement et reconnaît la variété et l’excellence du travail de M. Lepofsky. Plusieurs affaires pourraient être évoquées dans cet article, mais je voudrais me concentrer sur quelques points saillants pour illustrer l’éventail des contributions de M. Lepofsky. Le travail de David Lepofsky allait au-delà des trois ministères pour lesquels il travaillait directement et, dans de nombreux cas, il lui fallait collaborer avec plusieurs ministères, parfois à titre d’intervenant, comme nous l’avons mentionné plus haut, ou de co-conseil. Toutes les causes influentes n’impliquaient pas d’assumer le rôle d’avocat principal. Une défense efficace prend de nombreuses formes et M. Lepofsky s’est avéré capable d’agir dans un rôle de soutien, tout comme il l’a été lorsque venait le moment de prendre les devants.

M. Lepofsky mentionne une affaire qui a eu une influence profonde sur sa carrière, soit l’affaire R. c. Squires. Cette affaire soulevait la question controversée de savoir si les caméras devraient ou non être autorisées dans les salles d’audience canadiennes. Il y a deux raisons principales pour lesquelles cette affaire se démarque autant. Tout d’abord, c’est l’une des premières affaires sur laquelle M. Lepofsky a travaillé et qui a eu des implications aussi larges. Il s’agissait d’une cause importante en vertu de la Charte qui aurait une incidence sur la façon dont les salles d’audience au Canada sont gérées. Le spectacle créé par les caméras dans les salles d’audience et les changements apportés à la défense des droits et aux litiges auraient de graves répercussions sur le système judiciaire. Deuxièmement, il s’agissait d’une affaire importante qui a nécessité des années de préparation, de recherche et de litige, et qui continue d’influencer le débat juridique savant jusqu’à ce jour. David continue de donner des conférences ou de débattre de la question lors de tables rondes à Osgoode et ailleurs, et il a écrit à ce sujet à titre personnel.

Dans l’affaire R. c. Squires, CBC contestait l’interdiction des caméras dans les salles d’audience, affirmant qu’elle violait le droit à la liberté de la presse prévu à l’alinéa 2b) de la Charte. M. Lepofsky a été affecté pour la première fois à cette affaire en 1984. Il était alors avocat débutant et travaillait sous la direction d’un avocat principal au sein du MAG. Il a fait beaucoup de recherches sur cette affaire, dont la décision a été rendue en 1992, et estime qu’il s’agit d’une partie importante de sa carrière. M. Lepofsky était responsable de la majeure partie de l’argumentation à l’appui de l’allégation selon laquelle l’interdiction des caméras était une limite justifiable en vertu du critère énoncé ci-dessus dans l’arrêt Oakes, et il partageait le travail d’interrogatoire des témoins avec d’autres avocats plus expérimentés.

L’idée maîtresse de l’argument était de démontrer comment l’interdiction des caméras dans les salles d’audience a un effet positif sur le maintien du décorum. Une partie de la recherche de M. Lepofsky consistait à montrer comment l’administration de la justice a changé dans les administrations où les caméras sont autorisées. Le dossier de la preuve peut jouer un rôle essentiel dans la preuve de toute affaire, et la prochaine affaire que je veux examiner est un exemple où M. Lepofsky a pu aider la cour en présentant des observations sur le dossier de la preuve, à titre d’intervenant.

Dans l’affaire Toronto Star c. le procureur général du Canada, M. Lepofsky a conseillé le procureur général de l’Ontario, agissant à titre d’intervenant dans cette affaire. Cette affaire impliquait également les médias. Son travail a porté principalement sur le dossier de la preuve qui a servi à appuyer la demande du procureur général, mais il a aussi écrit et présenté tous les arguments juridiques. Le Toronto Star contestait la loi qui accordait automatiquement à l’accusé, sur demande, l’interdiction de publication d’une audience de libération sous caution. Essentiellement, si un accusé demandait au tribunal d’ordonner l’interdiction de publication d’une audience de libération sous caution, l’ordonnance était automatiquement accordée. Le Toronto Star prétendait que cela violait l’al. 2b) de la Charte. Le Toronto Star voulait que l’accusé se soumette à un long processus, connu sous le nom de critère Dagenais, pour justifier la nécessité d’une interdiction de publication. L’accusé se trouvait ainsi forcé de répondre à des critères élevés pour satisfaire au critère de l’arrêt Oakes énoncé ci-dessus, avant que le tribunal n’accorde l’ordonnance de non-publication. M. Lepofsky, à titre d’avocat, a fourni des preuves à l’appui de l’allégation selon laquelle il ne serait pas justifié de demander à un accusé en détention de satisfaire au critère de l’arrêt Oakes avant de décider d’interdire ou non la publication de l’audience de libération sous caution. Le dossier de la preuve contenait des détails sur la position de la plupart des accusés et expliquait pourquoi il serait déraisonnable de leur demander de satisfaire au critère de l’arrêt Oakes. Prise 18 ans après l’affaire Squires, cette décision illustre à quel point les médias sont importants dans l’administration de la justice.

Ce thème revient dans de nombreux cas. J’ai mis en évidence ces deux aspects pour en montrer l’importance centrale. David s’est engagé auprès des médias en tant que défenseur, mais il a aussi vu comment les médias s’engagent auprès des défenseurs d’une manière qui façonne la manière dont les procédures judiciaires sont gérées. Il existe de nombreuses intersections complexes, et les défenseurs studieux feraient bien de les garder à l’esprit.

Comme je l’ai déjà mentionné, M. Lepofsky a collaboré à des centaines d’affaires alors qu’il travaillait pour le procureur général. J’aimerais mettre l’accent sur un cas qui montre comment l’obligation de prendre des mesures d’adaptation s’impose en dehors du contexte d’une déficience et de la Charte. Le Code des droits de la personne de l’Ontario offre aux groupes minoritaires une protection semblable à celle prévue par la Charte. Plus précisément, l’article 3 du Code des droits de la personne de l’Ontario stipule ce qui suit :

3 Toute personne jouissant de la capacité juridique a le droit de conclure des contrats à conditions égales, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap.

Dans la disposition ci-dessus, la croyance a été interprétée comme signifiant la religion. Par conséquent, le Code des droits de la personne de l’Ontario protège les minorités religieuses dans le contexte du travail. Il est important d’avoir une législation provinciale, parce que la réglementation du commerce dans une province relève de la compétence de cette province, et non du gouvernement fédéral. Toutefois, la question de la compétence est un peu plus compliquée que cela et dépasse le cadre de ce rapport.

L’affaire Gohm c. Domtar illustre comment le Code des droits de la personne de l’Ontario interagit avec les droits religieux dans le contexte d’un syndicat et met en lumière la portée du travail de M. Lepofsky.

Dans l’affaire Gohm c. Domtar (1990), M. Lepofsky était avocat représentant la Commission des droits de la personne de l’Ontario. À l’époque, la structure de la Commission était considérablement différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Il y avait une section chargée d’enquêter sur les plaintes et d’exercer une fonction de poursuite. Aujourd’hui, le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne n’offre qu’une aide limitée pour les cas individuels, et les services fournis sont beaucoup moins solides. Le TDPO a aujourd’hui moins de fonctions que par le passé, et son rôle consiste principalement à rendre des décisions. C’est un changement auquel M. Lepofsky s’oppose et dont je parlerai plus en détail plus tard. Pour l’instant, je veux montrer comment sa représentation dans cette affaire a contribué à façonner l’application du Code des droits de la personne dans le contexte du travail.

Mme Gohm était une adventiste du septième jour à qui il était interdit de travailler le samedi en raison de sa religion. Elle travaillait dans un environnement syndiqué. Le syndicat exigeait de tous les employés qu’ils travaillent au moins un samedi toutes les six semaines. L’endroit où elle travaillait était ouvert le dimanche et l’employeur était disposé à ce que Mme Gohm travaille le dimanche au lieu du samedi.

Toutefois, la convention collective contenait également des dispositions prévoyant le paiement des heures supplémentaires des employés qui travaillent le dimanche. L’employeur ne voulait pas payer le montant supplémentaire de salaire pour que Mme Gohm travaille le dimanche, et le syndicat ne voulait pas la laisser travailler le dimanche sans qu’elle reçoive la rémunération des heures supplémentaires. Mme Gohm était prise entre les deux. Tout ce qu’elle voulait, c’était garder son travail. Elle était d’accord pour travailler le dimanche pour le même salaire. Elle aurait accepté l’offre des employeurs, mais le syndicat ne l’a pas laissée faire. À la suite de ces luttes intestines, Mme Gohm a perdu son emploi. Elle a ensuite déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne pour récupérer son salaire perdu.

M. Lepofsky a joué un rôle de premier plan dans la présentation des arguments concernant la responsabilité de l’employeur et du syndicat dans cette affaire. Il a été jugé que l’employeur et le syndicat avaient tous deux l’obligation concomitante d’accommoder Mme Gohm. La preuve a été présentée pour démontrer que le fait de permettre à Mme Gohm de travailler le dimanche sans paiement des heures supplémentaires n’aurait pas imposé de contrainte excessive au syndicat. La preuve a également été présentée démontrant que le paiement du salaire des heures supplémentaires à Mme Gohm n’aurait pas imposé une contrainte excessive à l’employeur. En fin de compte, des dommages-intérêts ont été recouvrés contre l’employeur et le syndicat. Mme Gohm a réussi à regagner son salaire perdu et à recevoir une compensation supplémentaire pour sa « perte de dignité ». Cette affaire a été citée avec approbation dans de nombreux autres cas et s’est révélée être une décision historique sur la façon dont l’obligation d’accommodement interagit avec les syndicats. Lorsque le syndicat cause un obstacle à l’emploi, par des attitudes ou des politiques, il sera tenu responsable. En faisant valoir avec succès ces arguments, M. Lepofsky a contribué à la protection de la liberté religieuse au Canada, mais ces contributions ne représentent qu’un petit aspect de sa carrière professionnelle.


Bénévolat


M.Lepofsky a entrepris diverses activités bénévoles au fil des ans. Bien que de nombreuses activités passent inaperçues et qu’il m’est impossible d’espérer saisir l’ensemble des engagements bénévoles de M. Lepofsky, la section suivante se veut un aperçu relativement complet de ses activités.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le bénévolat de M. Lepofsky a commencé avant qu’il n’obtienne son diplôme en droit. En 1980, il a été porte-parole bénévole de l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) et a présenté des arguments devant le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes. De plus, juste après l’obtention de son diplôme en droit, M. Lepofsky a également travaillé, de 1980 à 1982, au sein de l’équipe de direction d’une vaste coalition de personnes handicapées qui a réussi à faire inclure la protection contre la discrimination fondée sur la déficience dans le Code des droits de la personne. L’organisation a été dissoute après le succès de ses réformes, mais bon nombre de ses membres se sont retrouvés dans une autre coalition provinciale presque dix ans plus tard.

Le comité de la Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario et, plus tard, l’Alliance de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) dont il a été question plus tôt représentent la plus grande vague de travail bénévole que M. Lepofsky a fait pour une seule organisation. Le succès de cette organisation est un témoignage de l’engagement de M. Lepofsky, et si son travail bénévole s’arrêtait là, ses contributions seraient déjà magnifiques.

Cependant, ce n’est pas le cas. De 2015 à 2016, il a coprésidé le groupe Canada sans barrières (CSB), dont il a déjà été question, qui a milité en faveur de l’adoption de la Loi canadienne sur l’accessibilité. Bien qu’il ne soit plus actif au sein de ce comité, M. Lepofsky a continué à contribuer à la lutte pour une nouvelle législation, par le biais de l’Alliance de la LAPHO. Il s’est impliqué dans l’organisation d’une campagne autour d’une lettre ouverte d’amendements proposés, qui a maintenant l’appui de 95 organisations. Comme nous l’avons déjà dit, le projet de loi fait actuellement l’objet d’un débat au Sénat, au moment où j’écris ces lignes, et nous espérons que le Sénat approuvera certains des amendements nécessaires pour solidifier la législation fédérale.

M. Lepofsky fait également du bénévolat au sein du comité consultatif pour l’enfance en difficulté (CCED) du Toronto District School Board, et ce, depuis 2015. De 2016 à 2017, il a siégé comme président et siège maintenant comme membre du comité. Pendant qu’il présidait le comité, il a rédigé six motions de réforme importantes et s’est efforcé de faire en sorte que les conseils fournis par le comité représentent un équilibre entre les commentaires du personnel de la commission scolaire et ceux des membres du comité. En favorisant une atmosphère de collaboration et en se concentrant sur des objectifs clairement identifiés, M. Lepofsky a insufflé au comité un peu de la vigueur qui a été un élément clé de ses initiatives réussies de défense des droits.

En décembre 2016, le gouvernement de l’Ontario l’a nommé membre du Comité d’élaboration des normes d’accessibilité pour l’éducation de la maternelle à la 12e année. Il s’agit d’un comité créé en vertu de la LAPHO pour laquelle M. Lepofsky s’est battu. Ce comité a pour mandat d’élaborer des recommandations sur ce que le gouvernement de l’Ontario devrait inclure dans une norme d’accessibilité à l’éducation, qui sera adoptée en vertu de la LAPHO. Cette norme sera conçue pour éliminer les nombreux obstacles qui empêchent les étudiantes et étudiants handicapés de l’Ontario de s’intégrer pleinement au système d’éducation de la province.

M. Lepofsky est également bénévole pour Views for the Visually Impaired. Il s’agit d’un organisme voué à rassembler les parents d’enfants ayant une déficience visuelle et à défendre leurs intérêts. Souvent, les obstacles auxquels sont confrontés les parents semblent insurmontables, et le fait d’avoir une organisation regroupant des parents qui vivent des situations semblables et peuvent se soutenir mutuellement contribue grandement à atténuer le stress des parents d’enfants malvoyants. M. Lepofsky a coécrit un mémoire au ministre de l’Éducation dans lequel il décrivait la situation en Ontario, comparativement aux autres provinces et aux États-Unis d’Amérique, en ce qui concerne les exigences relatives aux enseignants des élèves ayant une déficience visuelle.

À l’heure actuelle, en Ontario, les enseignants peuvent être agréés à titre d’enseignantes et enseignants de personnes ayant une  déficience visuelle  (EDV) s’ils  n’ont  suivi qu’un  seul  des trois  modules de  125 heures offerts. Même les enseignants qui suivent les trois modules seraient très en retard par rapport aux exigences pour enseigner aux élèves ayant une déficience visuelle dans de nombreux États et dans certaines provinces. On peut actuellement se qualifier en Ontario pour enseigner aux personnes ayant une déficience visuelle sans avoir d’expérience pratique de l’enseignement à un élève vivant avec une perte de vision ni de formation à la fine pointe de la technologie.

Les choses ont beaucoup changé depuis que David était étudiant. La technologie a révolutionné la façon dont les personnes malvoyantes interagissent avec leur environnement. Sensible à cette question et soucieux de promouvoir l’éducation de la prochaine génération de défenseurs, le mémoire met l’accent sur la nécessité d’inclure la formation technologique afin que les étudiants aveugles sachent comment interagir avec le monde en ligne d’aujourd’hui, en utilisant les logiciels adaptés disponibles. Les enseignants qui ne sont pas familiers avec les logiciels de lecture d’écran ne sont pas bien placés pour enseigner aux élèves malvoyants, et apprendre comment interagir avec cette technologie est un engagement sérieux qui ne doit pas être pris à la légère. Exiger des instructeurs qu’ils consacrent les heures nécessaires au développement des compétences avant d’enseigner aux élèves contribuerait grandement à promouvoir les besoins éducatifs des élèves ayant une déficience visuelle. Nous espérons que ce mémoire influencera le ministre et aboutira à l’adoption de normes améliorées qui faciliteront l’éducation des élèves ayant une déficience visuelle.

Au cœur de ces divers engagements bénévoles se trouve la défense des droits sous forme écrite comme moyen efficace d’influencer les autres. David dit qu’il voit son rôle comme celui d’un éducateur communautaire. Il soumet l’information à l’examen et encourage les décideurs à prendre une décision d’une certaine façon. Au-delà de son influence dans les organisations où il a eu une implication directe, il a également eu l’occasion d’influencer les décisions grâce à ses écrits en tant que chercheur publié.


Influencer les autres par l’écriture


L’impact des écrits juridiques de M. Lepofsky ne peut être vu plus clairement que dans l’affaire Conseil des Canadiens avec des déficiences (CCD) c. VIA Rail. VIA Rail est une importante société de transport au Canada. Chaque jour, des milliers de Canadiens comptent sur VIA Rail pour les transporter en toute sécurité vers leur destination. En 2000, VIA Rail a passé un contrat pour l’achat de 139 nouveaux wagons qui n’étaient pas accessibles. Ils ne pouvaient pas être utilisés par une personne en fauteuil roulant et le CCD a réagi en déposant une plainte auprès de l’Office des transports du Canada (OTC).

La victoire que le CCD a d’abord remportée à l’OTC était en quelque sorte à la Pyrrhus. Il a pu démontrer que les nouveaux obstacles constituaient un obstacle abusif pour les personnes ayant une déficience, mais VIA Rail pouvait tout de même éviter d’apporter des changements à ces nouveaux achats, car le coût d’annulation de leur décision d’acheter des wagons inaccessibles constituerait une contrainte excessive. De plus, à la Cour d’appel fédérale, VIA Rail a obtenu l’annulation de la décision, alléguant qu’elle n’avait pas eu suffisamment de temps pour se conformer aux nouvelles exigences. À ce stade de l’affaire, VIA Rail pouvait s’en tirer sans rien faire, et l’affaire devait être entendue par la Cour suprême du Canada (CSC).

C’est à ce stade que M. Lepofsky a écrit un commentaire sur l’affaire, présentant un argument convaincant qui n’avait pas été présent dans les décisions qu’il avait lues jusque-là. M. Lepofsky a soutenu que lorsqu’il s’agit de créer de nouveaux obstacles, l’évaluation de la contrainte excessive doit intervenir au moment où la décision de créer un nouvel obstacle a été prise. Essentiellement, nous devons nous concentrer sur la différence entre l’achat de wagons accessibles et l’achat des wagons inaccessibles que VIA Rail s’est procurés. La comparaison entre ces deux chiffres est la considération pertinente. L’entreprise ne devrait pas être autorisée à se fier au coût de la modernisation des wagons achetés à une époque où les wagons accessibles étaient disponibles, surtout lorsqu’elle savait qu’elle créait de nouveaux obstacles en achetant ces wagons inaccessibles.

M. Lepofsky a soutenu que permettre à une compagnie comme VIA Rail d’acheter de nouveaux wagons inaccessibles, puis de prétendre que des modifications subséquentes lui causeraient des difficultés excessives lui donnerait le droit de continuer à faire de la discrimination en toute impunité. Le problème majeur concernant les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées réside dans la façon dont ils sont créés sans faire preuve de prévoyance. Par conséquent, M. Lepofsky a soutenu que le but de la législation est de créer une obligation positive pour les entreprises de tenir compte des questions d’accessibilité lors de l’achat de nouveaux équipements. Ne pas tenir compte des besoins des personnes handicapées lors de la création de l’infrastructure ne devrait pas permettre à l’entreprise de compter sur le coût de la modernisation de la conception déjà mise en œuvre. L’entreprise devrait plutôt être forcée d’établir le fardeau plus élevé, à savoir que la mise en œuvre du système accessible aurait constitué une contrainte excessive à l’étape de l’installation.

Il est très important d’en tenir compte, car le coût d’achat d’un produit plus accessible ne représente habituellement qu’une fraction du coût des modifications apportées à un système déjà en place.

M. Lepofsky a fait valoir cet argument novateur concernant le moment où mettre en œuvre les mesures d’adaptation dans un article publié avant que la CSC ne soit saisie de la décision. Au niveau de la Cour suprême, la juge Abella s’est prononcée en faveur du CCD, citant l’article de M. Lepofsky avec approbation. La juge Abella a conclu qu’il y avait une obligation positive de ne pas créer de nouveaux obstacles et que les entreprises, en particulier les grandes entreprises comme VIA Rail, étaient tenues d’envisager une conception accessible lors de l’achat de nouvelles infrastructures, et qu’en ne considérant pas l’accessibilité au stade approprié, VIA Rail avait inutilement créé un obstacle qui ne devait pas exister. VIA Rail a dû apporter les changements nécessaires, comme s’ils avaient été mis en œuvre dès le départ.

Cela illustre l’efficacité de la plaidoirie écrite. Il faut beaucoup de temps pour que les motions soient entendues par les tribunaux, et l’obtention du statut d’intervenant exige beaucoup de ressources. Dans certains cas, il peut être plus facile de rédiger un article de revue et de le faire publier. Ici, M. Lepofsky a écrit un article au lieu d’un mémoire, mais le résultat fut le même.

Au fil des ans, M. Lepofsky a écrit et coécrit des douzaines d’articles, de chapitres de livres de droit et d’autres documents pour améliorer la défense des droits. Il a créé un guide à l’intention de la magistrature afin d’informer les arbitres sur la façon de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes ayant une déficience; ce guide a ensuite été adapté pour servir de guide aux médiateurs, dans le contexte des médiations. David Lepofsky et Martha Simmons ont travaillé à l’adaptation du guide aux fins de la médiation. Le guide adapté a ensuite été utilisé dans un chapitre du livre de Mme Simmons traitant de la théorie et de la pratique de la médiation.

Ce n’est là qu’un exemple de la façon dont le travail d’érudition de M. Lepofsky a contribué à influencer et à éclairer notre compréhension du handicap. Il faudrait plusieurs pages pour dresser la liste des exemples d’autres personnes qui utilisent son travail. Son influence a eu des répercussions qui ont changé la donne en matière de défense des droits des personnes handicapées au Canada. Ceux qui l’ont connu et qui ont travaillé avec lui disent que sa nature influente est tout simplement impressionnante et inspirante.

L’aspect le plus inspirant du travail de M. Lepofsky est peut-être la façon dont il inspire les autres. Il a consacré une grande partie de son plaidoyer à l’amélioration de la situation pour les futurs avocats, et il a travaillé dans le domaine de l’éducation à tous les niveaux, de la maternelle à la faculté de droit. Il continue de donner des conférences et de donner de son temps à la future génération de défenseurs. Il tient toujours compte des opinions des autres et encourage ceux avec qui il travaille à rivaliser d’égal à égal. En s’adressant aux doyens de toutes les facultés de droit du Canada, M. Lepofsky a préconisé des changements aux facultés de droit qui permettraient aux étudiants handicapés de participer plus pleinement à l’expérience des facultés de droit. Il a notamment mentionné la mise sur pied d’un programme de mentorat dans le cadre duquel un étudiant handicapé pourrait s’adresser à un membre du corps professoral pour obtenir des conseils et de l’aide dans ses études en droit. Dans une certaine mesure, il a été en mesure de m’offrir ce service, puisqu’il agissait à titre de professeur invité pendant que j’étais inscrit à ma première année à Osgoode.

Je suis reconnaissant du temps qu’il a pu passer à m’aider à militer auprès d’Osgoode pour qu’elle apporte des changements à la façon dont elle offre des mesures d’adaptation aux étudiants ayant un handicap. Pendant mon séjour là-bas, et avec l’aide de M. Lepofsky, j’ai été en mesure de créer une organisation étudiante pour défendre les droits des étudiants handicapés. Cet organisme a été en mesure de travailler avec l’administration de la faculté de droit pour apporter des changements à la façon dont le matériel en ligne était fourni. Ces changements ont amélioré l’accessibilité pour les étudiants aveugles ou malvoyants.

L’organisme a également exercé des pressions pour améliorer l’accès aux fauteuils roulants, et Osgoode est en train d’apporter des changements à la conception physique qui amélioreront l’accès aux fauteuils roulants, tout en répondant aux besoins des personnes aveugles et malvoyantes. L’ironie cruelle dans toute cette saga est que 22 ans après la conférence « Access to Law Schools » de M. Lepofsky, Osgoode a subi une rénovation majeure qui a diminué l’accessibilité physique de l’école de droit. Cela montre bien que si des progrès peuvent être réalisés dans certains domaines, ils ne sont jamais absolus et risquent constamment d’être réduits à néant. Les utilisateurs aveugles de la technologie ne le savent que trop bien. Un lecteur d’écran est un merveilleux logiciel, mais les pages Web doivent être conçues pour fonctionner selon certains paramètres pour que les lecteurs d’écran fonctionnent correctement. Souvent, cela n’est même pas pris en compte par les développeurs qui créent un nouveau système, ou qui « mettent à niveau » un ancien système. Plus d’une fois, une mise à niveau du système a rendu inutilisable une plateforme auparavant accessible parce que le développeur n’a même pas pensé à la manière dont les changements affecteraient les personnes aveugles. Nous voyons la même chose dans l’architecture lorsque les bâtiments créent de nouvelles barrières pour les personnes à mobilité réduite. La mise en œuvre de la législation qui crée les obligations positives est une étape dans la bataille, leur application en est une autre, et s’efforcer de maintenir les gains obtenus exige une vigilance continue.


Les batailles qu’on a perdues

Tout au long de sa carrière, M. Lepofsky a connu de nombreux succès, mais aussi quelques revers. Dans cette section, je vais examiner de près le simple fait que personne ne gagne chaque bataille. Cela devrait aider à donner de la force aux défenseurs en cas d’échec. Ce n’est pas parce qu’un gain particulier est perdu, ou parce que le tribunal statue contre vous, que vous devriez abandonner. Même lorsqu’il a remporté des victoires partielles, M. Lepofsky a accepté les victoires qui lui étaient accordées et a poussé encore plus fort pour les changements qu’il n’a pas obtenus.

Dans le cas de la TTC, la seule chose que M. Lepofsky n’a pu obtenir, c’est la nomination d’un ombudsman. M. Lepofsky croit que s’il n’y avait qu’une seule personne responsable de répondre aux préoccupations des clients handicapés et d’en faire part au conseil d’administration, la TTC serait mieux placée pour offrir des mesures d’adaptation, ce qui lui permettrait d’économiser de l’argent sur une longue période. La TTC se montre réticente à accorder l’une ou l’autre des mesures d’adaptation, malgré le fait qu’elle reçoive une rétroaction positive chaque fois qu’elle le fait. Lorsque la TTC a mis en place les annonces d’arrêt sonores, les clients voyants ont commenté l’amélioration du service. Le fait de ne pas devoir se tordre le cou pour tenter de voir son arrêt dans un autobus bondé est assez soulageant. Lorsque la TTC a lancé ses forums annuels sur l’accessibilité, c’était avec beaucoup de réticence, mais la réponse positive a motivé la TTC à poursuivre l’initiative en vertu de sa propre directive. Néanmoins, elle n’a toujours pas nommé d’ombudsman, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne le fera pas.

Un autre triste chapitre de cette saga concerne la réforme de la Commission ontarienne des droits de la personne dont il a été question précédemment. En 2006, la Commission ontarienne des droits de la personne a subi une profonde transformation. Les fonctions de poursuite et d’enquête ont été réduites au point d’être considérées comme éliminées.

L’actuel Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne offre un soutien limité aux personnes qui ont besoin d’aide pour présenter une demande. Il peut s’agir de remplir une demande pour une personne ayant une déficience visuelle ou de numériser des documents et de fournir des copies numériques de l’information. Le Centre fournit également des conseils juridiques par téléphone et représentera les demandeurs lors de médiations ou d’audiences devant le TDPO. Le Centre est considéré comme un organisme indépendant, et le soutien qu’il offre aux demandeurs est bien inférieur au niveau de service offert avant la transformation. Le TDPO exerce maintenant une fonction purement juridictionnelle et la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) conseille les entreprises et les sociétés sur la façon de se conformer au Code des droits de la personne.

David a déjà travaillé pour la Commission ontarienne des droits de la personne, comme nous l’avons vu plus haut dans l’affaire Gohm c. Domtar. Il s’est également servi de la Commission pour poursuivre sa plainte contre la TTC. Il s’est investi dans la façon dont les droits de la personne ont été résolus dans la province et s’est prononcé contre les réformes proposées. Il s’est battu avec acharnement pour empêcher le gouvernement d’apporter les changements qu’il a apportés. Il a employé les mêmes tactiques, s’organisant autour d’un enjeu, mobilisant des bénévoles pour soutenir la cause et travaillant avec les médias pour obtenir l’appui du public. Malheureusement, cette bataille était différente à quelques niveaux. Le mouvement ne se prêtait pas aussi facilement aux phrases-chocs que l’ancien comité de la LPHO. La question de la couverture médiatique des événements au lieu de celle des problèmes posait un défi insurmontable. Il n’y avait tout simplement pas assez d’événements médiatiques dignes d’intérêt pour attirer l’attention du public. L’échec de cette initiative s’explique peut-être aussi par les délais et la nature de l’objectif. Au lieu de se fixer un objectif et d’y travailler, M. Lepofsky a dû faire face à une catastrophe imminente et agir rapidement pour l’arrêter. Bien que M. Lepofsky ait déjà réussi de tels exploits auparavant, alors que le gouvernement Harris menaçait d’adopter une législation faible, il existait déjà un mouvement bien établi de partisans mobilisés derrière cette question. Dans ce cas, il n’y avait tout simplement pas assez de temps pour obtenir l’attention et le soutien nécessaires pour mener à bien la réforme. Même s’il s’agissait d’un important effort de collaboration auquel ont participé de nombreux intervenants, y compris certaines cliniques juridiques qui représentaient des communautés racialisées et certains syndicats, la réforme a quand même eu lieu, au grand dam des minorités et des défenseurs des droits des minorités.

Le système actuel est en place depuis plus d’une décennie et l’efficacité des mécanismes d’application de la loi contre la discrimination a sensiblement diminué. Cependant, la mobilisation autour de cette question s’avère difficile à cerner. Bien que le système en place ne soit plus ce qu’il était, il y a toujours un tribunal qui entend les plaintes et des services sont fournis aux demandeurs. Il est difficile de rallier les appuis en faveur d’un système amélioré lorsque le public considère que le système en place est adéquat.

Changer cette opinion n’a pas été une tâche facile et, en fin de compte, il faut parfois choisir ses batailles. M. Lepofsky continue d’exercer des pressions pour améliorer les fonctions du TDPO, mais il travaille également à la mise en œuvre de la LAPHO et de la Loi canadienne sur l’accessibilité. Il est important de se battre sur plusieurs fronts, comme David Lepofsky l’a démontré.

M. Lepofsky a fait remarquer qu’il avait l’habitude d’avoir une lourde charge de travail, mais que maintenant qu’il est à la retraite, il a plus de temps à consacrer à ses activités bénévoles. De cette façon, chaque organisation devient comme un nouveau client. Tout comme un bon avocat sait quand il ne faut pas accepter un nouveau client, M. Lepofsky comprend l’importance de rester dévoué aux problèmes auxquels il est confronté, et parfois cela signifie ne pas accepter davantage de responsabilités.

Une autre organisation que M. Lepofsky présidait auparavant était connue sous le nom de CAVIL, pour « Canadian Association of Visually Impaired Lawyers » (Association canadienne des avocats ayant une déficience visuelle). M. Lepofsky connaissait un certain nombre d’avocats aveugles et malvoyants et avait alors décidé de les contacter pour fonder une organisation. Cela semblait être une bonne idée à l’époque, et pendant un certain temps, il y eut bon nombre de discussions par courriel et certaines activités de réseautage. Malheureusement, contrairement aux autres organisations que M. Lepofsky a aidé à mettre en place, celle-ci n’avait pas d’objectif clair en tête. Il s’agissait d’une tentative d’améliorer les possibilités de réseautage social pour les avocats ayant une déficience visuelle et ses membres espéraient qu’en se partageant les défis, ils pourraient s’aider mutuellement à surmonter les défis auxquels la profession fait face. Cependant, comme leur programme n’était pas très chargé et que tous les membres de l’organisation avaient la carrière très occupée d’un professionnel du droit, l’organisation a lentement perdu son élan et a fini par cesser ses activités. Bien qu’elle n’ait pas été officiellement dissoute, elle n’a pas bougé depuis plus d’une décennie. À mesure que des projets plus concrets prenaient le dessus, c’est devenu une cause perdue. L’importance d’un but clair est encore une fois démontrée, même si cela rétrécit l’objectif de l’organisation et entraîne l’exclusion de certaines activités. Cet objectif permet de fusionner l’équipe et aide à garder tout le monde dans la même direction.

Malgré quelques initiatives ratées en cours de route, M. Lepofsky n’a pas laissé cela le ralentir. Comprendre à quel moment changer d’orientation est un outil important pour tout défenseur des droits. Bien qu’il y ait inévitablement des pièges, des dangers et même des revers, il est important de ne pas perdre courage et de persévérer. Les victoires remportées par M. Lepofsky sont appuyées par des décennies de travail acharné. Les revers peuvent vous retarder de quelques mois. Les défenseurs les plus avancés ne gagneront pas toutes les batailles, mais c’est leur persévérance et leur dévouement envers la cause dans son ensemble qui rendent leurs réalisations vraiment remarquables.


Tout mettre en perspective


J’aimerais maintenant prendre un moment pour réfléchir aux réalisations de M. Lepofsky en reconnaissant les honneurs qu’il a reçus au fil des ans. Il a été décoré de l’Ordre du Canada en 1995 pour sa défense des droits des personnes handicapées. L’Ordre du Canada est la plus haute distinction décernée à des civils. Cela montre que sa contribution a été reconnue même à un stade précoce. En 2007, il a été décoré de l’Ordre de l’Ontario pour le travail accompli dans la province, entre autres avec la TTC et la LPHO. Il a été intronisé au Temple de la renommée Terry Fox pour sa défense inlassable et incroyablement efficace des personnes handicapées. Il a reçu des prix de la Ville de Toronto, de l’Association du Barreau de l’Ontario (ABO), de The Advocates Society (TAS), de Community Living Ontario (CLO) et des doctorats honorifiques en droit de l’Université Queen’s, de l’Université Western Ontario et de la Société du barreau du Haut-Canada.

Il suffit de regarder en arrière pour comprendre comment M. Lepofsky a mérité ces prix. Reconnaître la contribution des autres contribue grandement à créer un environnement propice à l’amélioration de la situation des groupes historiquement désavantagés. En les encourageant à prendre le flambeau, M. Lepofsky inspire les autres à atteindre son niveau de compétence, qui est très élevé.

En discutant avec les collègues avec lesquels M. Lepofsky a travaillé au fil des ans, j’ai remarqué un thème assez flagrant. Ceux qui ont travaillé avec M. Lepofsky ont dit que la plus grande différence entre travailler avec David et d’autres collègues était l’épuisement que cela apporte. M. Lepofsky les mettait à contribution en leur demandant de former des arguments à la mesure des siens. Ils prenaient des positions opposées lors de débats afin d’en étoffer les arguments et, d’une façon ou d’une autre, M. Lepofsky finissait par l’emporter. Il ne s’est jamais dérobé à son travail et n’a jamais tardé à passer à l’action, et sa capacité de lecture rapide est légendaire. Il affronte la concurrence avec habileté et endurance.

Malgré ses compétences personnelles et les nombreux progrès réalisés dans la défense des droits des personnes handicapées, la culture canadienne abrite encore quelques barrières et stéréotypes comportementaux. M. Lepofsky a croisé un certain nombre d’entre eux sur sa route et reste déterminé à les décomposer chaque fois qu’il le peut; voici quelques anecdotes pour illustrer ce point.

S’il y a bien une chose à savoir au sujet de David, c’est qu’il accorde beaucoup de valeur à ses repas et qu’il organise souvent des réunions en conséquence. Alors qu’il soupait avec Jerome Bickenbach, coauteur de « Equality Rights and the Physically Handicapped », le serveur a demandé à Jerome si David voulait du sel, ce à quoi Jérôme a promptement répondu « Pourquoi ne pas lui demander? » Dans de nombreuses situations, on persiste à supposer qu’une personne handicapée dans un domaine l’est aussi dans d’autres.

La nature erronée des hypothèses et des attitudes à l’égard de l’invalidité a été clairement démontrée dans une salle d’audience sans fenêtre… quand l’électricité a soudainement été coupée. L’autre avocat, qui était en train de faire valoir ses arguments, s’est arrêté. Puis, David a proposé de présenter ses arguments à la cour. Le juge a répondu qu’il ne serait pas en mesure de prendre des notes pendant que David parlait et que la cour devrait donc attendre. M. Lepofsky a ensuite souligné qu’il était prêt à présenter ses observations, et que c’est à ce moment que le tribunal est devenu handicapé. En soulignant que c’était le tribunal qui était handicapé, M. Lepofsky attire l’attention sur la nature transitoire et éphémère des handicaps et modifie la façon dont les gens perçoivent les mesures d’adaptation. Dire que fournir de la lumière aux gens, c’est leur fournir une mesure d’adaptation illustre comment tout le monde a besoin de ces mesures pour fonctionner. Sans les outils appropriés pour travailler, tout le monde est handicapé. Fournir à quelqu’un les outils nécessaires ne devrait pas être considéré comme une exception, mais plutôt comme la règle.

Récemment, Canadian Lawyer Magazine a reconnu M. Lepofsky comme l’un des 25 avocats les plus influents, et personne ne remet en question ses compétences et son excellence. Cependant, le plus impressionnant chez M. Lepofsky, c’est la façon dont il travaille sans relâche pour s’assurer que tout le monde reçoive le même respect. Il encourage les gens avec qui il travaille à faire part de leurs idées et de leurs commentaires, plutôt que de les reléguer à des tâches répétitives. Il s’est efforcé d’améliorer l’accès à l’éducation et aux possibilités d’emploi, tout en maintenant un équilibre avec les forces politiques et en gagnant l’appui du public pour ses idées. Ses écrits constituent une riche source pour les avocats et les universitaires, et l’acceptation qu’il a reçue de la Cour suprême a amélioré la situation de quiconque fait face à la discrimination, mais surtout des personnes handicapées. En éliminant les obstacles à l’éducation et à l’emploi, M. Lepofsky permet à la prochaine génération de défenseurs de faire avancer cette initiative avec plus de succès. En encourageant la participation, M. Lepofsky et d’autres ont fait grossir les rangs des personnes handicapées, mais capables d’étudier et de travailler efficacement dans l’économie actuelle. Cela modifie l’équilibre du pouvoir politique et permet à ces partisans d’accélérer le rythme du changement. Nous avons encore un long chemin à parcourir pour atteindre un niveau d’intégration dans la société que l’on peut qualifier de tolérable, et encore plus pour atteindre l’objectif d’une conception véritablement universelle, mais les efforts de M. Lepofsky et d’autres ont certainement fait avancer la cause et ont établi des changements positifs dans cette direction. Bien qu’il n’ait certainement pas remporté toutes les batailles, l’histoire de M. Lepofsky en est une de défense efficace qui peut servir de source d’inspiration à quiconque s’intéresse aux droits des minorités ou des personnes handicapées.