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INAN Rapport du Comité

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Possibilités économiques, transparence financière et responsabilité partagée : Rapport dissident du Parti conservateur du Canada

Étude de la Politique de la prévention et gestion des manquements

Cathy McLeod, députée de Kamloops – Thompson – Cariboo

Arnold Viersen, député de Peace River – Westlock

David Yurdiga, député de Fort McMurray – Cold Lake

Les membres conservateurs du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes reconnaissent l’importance de la récente étude du Comité sur la Politique de la prévention et gestion des manquements d’AANC. Nous sommes d’accord avec certaines parties du rapport du Comité, mais trois sections en particulier nous préoccupent gravement.

D’abord, la majorité libérale du Comité ne reconnaît pas la nécessité de créer et de promouvoir des possibilités économiques pour les communautés des Premières Nations, en particulier dans les régions rurales et éloignées. Ces enjeux ont été mis en lumière à de nombreuses reprises par des témoins. M. Harold Calla, le président directeur du Conseil de gestion financière des Premières Nations, a dit le 23 mars 2017 qu’aucun montant des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux ne pourrait régler tous les problèmes des communautés autochtones. Il a dit :

J’aime toujours poser la question suivante : est-ce que quelqu’un croit que les paiements de transfert seront suffisants pour régler ces problèmes ? J’ai témoigné devant le comité sénatorial l’an dernier. Il y a un manque à gagner de 20 à 30 milliards de dollars pour le logement et l’infrastructure. Si nous ne pouvons pas solliciter la participation du secteur privé, faire des affaires et faire croître notre économie, d’où viendra cet argent ?

Sheila North Wilson, grande chef de la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc., a fait part du même point de vue lors de son témoignage le 21 mars 2017 :

Lorsque j’envisage l’avenir de ma province et d’une bonne partie du pays, il semble de plus en plus clair qu’il est primordial qu’un nombre accru d’Autochtones participent à l’économie pour assurer leur prospérité économique future. Il faudra faire des investissements considérables, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves, pour assurer la progression professionnelle des Autochtones. Les retombées pour l’économie seront de l’ordre de milliards de dollars.

M. Calla et la grande chef Wilson ont raison : on ne peut pas sous-estimer les avantages pour les jeunes Autochtones en particulier, et pour le pays en général. Il est possible de profiter de cette possibilité, mais seulement si le gouvernement fédéral est prêt à fournir les outils nécessaires à la croissance de l’emploi dans les communautés. Une option est celle des partenariats capitalistiques; trente-et-une Premières Nations en Colombie-Britannique et en Alberta étaient partenaires du pipeline Northern Gateway d’Enbridge. Collectivement, elles devaient bénéficier de plus de 2 milliards de dollars découlant directement du projet. Cependant, le gouvernement libéral a choisi de ne pas les consulter quand il a annulé le projet, une occasion perdue pour l’emploi, l’éducation et les avantages à long terme pour les membres des bandes, en particulier les jeunes.

Compte tenu de l’importance des possibilités économiques et des emplois pour le bénéfice futur des communautés, nous recommandons :

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les Premières Nations, des organisations autochtones et des entreprises privées, développe les outils requis pour offrir des possibilités économiques aux communautés des Premières Nations, et pour les Premières Nations des centres urbains partout au Canada.

Deuxièmement, il faut dire que les peuples autochtones du Canada ont besoin d’outils de base pour tenir leurs dirigeants financièrement responsables. Ce sont les mêmes outils dont disposent tous les autres Canadiens dans les provinces, les territoires et les municipalités, partout au pays. À titre de membres conservateurs du Comité, nous sommes extrêmement déçus que la majorité libérale n’ait pas reconnu l’importance cruciale de cet enjeu dans le rapport.

Comme le montre un témoignage, la corruption et la mauvaise gestion sont l’un des facteurs contribuant aux manquements des Premières Nations. Lorretta Burnstick, membre d’une bande et ancienne directrice financière de la Première Nation Alexander, a dit au Comité le 11 avril 2017 :

Ça me fend le cœur lorsque je regarde toutes les occasions perdues en raison de la corruption et de la mauvaise gestion. Je sais que l’argent n’est pas une panacée, mais une saine gestion financière, une solide gouvernance et des lois et des politiques ayant force exécutoire sont nécessaires pour assurer le meilleur fonctionnement de nos communautés.

Les membres libéraux du Comité ont préféré ignorer les membres des bandes qui se battent pour voir les livres de leurs communautés, réduisant ainsi la possibilité de manquement.

Seulement un mois après être entrée en fonctions, la ministre des Affaires autochtones et du Nord a affaibli la Loi sur la transparence financière des Premières Nations en supprimant les dispositions de conformité. Pourtant, la grande majorité des Premières Nations continuent à respecter la Loi. C’est louable. Ces leaders ont écouté leurs communautés et donnent aux membres les outils qui permettent de les tenir, eux et leurs bureaux, responsables et transparents devant leur peuple.

Le 6 avril 2017, Charmaine Stick a témoigné devant le Comité. Elle est membre de la Nation crie d’Onion Lake et défend courageusement la transparence financière dans sa communauté, qui refuse de respecter la Loi sur la transparence financière des Premières Nations. Dans un mémoire soumis au Comité le 1er mai 2017, elle a écrit :

Je lutte depuis des années pour obtenir de nos dirigeants des réponses sur les finances de la Nation crie d’Onion Lake.
J’ai lu les quelques documents fournis par la bande. J’ai également lu des documents plus détaillés qui m’ont été fournis de façon non officielle. Au lieu de me fournir des réponses, ma lecture m’amène à me poser plus de questions.
J’ai contacté des représentants d’Affaires autochtones et du Nord, mais ils n’ont pas pu ou n’ont pas voulu me fournir des réponses.
J’ai assisté aux réunions de la bande et j’ai posé des questions directement à nos dirigeants, mais je n’ai pas obtenu plus de réponses.
J’ai fait une grève de la faim de 13 jours pour exiger une transparence.
De concert avec la Fédération canadienne des contribuables, je travaille à déposer une poursuite pour obliger mon chef et le conseil à faire preuve de transparence publique.
Je comprends que mes observations diffèrent de la réalité présentée par nos dirigeants. Ceux-ci affirment qu’ils fournissent les documents nécessaires sur demande et qu’ils répondent aux questions aux assemblées publiques. Mais comparons les choses à ce qui se fait à Ottawa. Après la réunion du Comité, j’ai assisté pour la toute première fois à la période des questions, que j’ai trouvée intéressante. Mais cela ne saurait suffire : il faut plus que cette seule source d’information transparente. Pour les collectivités des Premières Nations, il n’est pas non plus suffisant de tenir quelques réunions de bande par année. Nous avons besoin d’exigences claires pour la transparence des communications et de solides normes de reddition de comptes.

Mme Stick a écrit plus loin :

Les gens de la base des collectivités des Premières Nations ont besoin des outils essentiels à la transparence, et le gouvernement fédéral doit les fournir par l’entremise de la Loi sur la transparence financière des Premières Nations. Si les gens de la base ont ces outils, nous renforcerons la reddition de comptes au sein des collectivités des Premières Nations. Le gouvernement a rendu prioritaire le renouvellement de la relation de nation à nation entre la Couronne et les Premières Nations ; rappelons que les nations sont composées de personnes, et que les pouvoirs de nos dirigeants sont tributaires de ces personnes.

Les membres conservateurs du Comité ne sont pas les seuls à être convaincus de la nécessité de la transparence et de la responsabilisation financières. M. Mike Bossio, le député libéral de Hastings — Lennox and Addington, a dit au Comité le 6 avril 2017 : « Je ne blâme pas le gouvernement précédent d’avoir voulu assurer la transparence et la responsabilisation. » De plus, M. Perry Bellegarde, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, a dit au Comité le 11 avril 2017 :

Je suis tout à fait favorable à la transparence et à la responsabilisation, et ça doit être là. Si ma mère nous regarde, je sais qu’elle dira « oui », parce qu’elle sait ce qui se passe dans la réserve. Elle veut de la transparence et de la responsabilisation. Elle a 80 ans et elle me le dit si je fais quelque chose de mal. Elle veut s’assurer que les ressources sont utilisées de façon efficace et efficiente au profit de tout le monde, mais tout en obtenant des résultats sur le terrain.

Nous aimerions souligner que contrairement à ce qu’il a fait avec la Loi sur la transparence financière des Premières Nations, le gouvernement libéral a maintenu le cadre juridique actuel sur la culture, la distribution et la consommation de marijuana au Canada, même s’il a maintenant présenté une nouvelle mesure législative pour modifier ce cadre. Comme l’a dit le premier ministre à la Chambre des communes le 11 avril 2017 : « Tant que la Chambre ne choisira pas de légaliser et de contrôler la marijuana, la loi reste la loi. » De façon similaire, la ministre de la Justice et procureure générale a dit à la Chambre le 10 avril 2017 : « Tant que le cannabis ne sera pas légal au pays, la loi reste la loi et doit être respectée. »

Compte tenu du précédent, reconnu par le gouvernement libéral, selon lequel la loi actuelle doit être maintenue jusqu’à ce qu’elle soit modifiée ou remplacée par le Parlement du Canada, nous recommandons :

Qu’Affaires autochtones et Nord Canada applique les mesures de conformité de la Loi sur la transparence financière des Premières Nations jusqu’à ce qu’un système plus robuste, conçu avec les Premières Nations, soit mis en place pour assurer que les chefs et les conseils des Premières Nations sont financièrement responsables et transparents devant leurs communautés.

Il semble que les députés libéraux du Comité, ainsi que le gouvernement libéral, ne veulent pas donner aux Premières Nations les outils dont elles ont besoin pour tenir leurs dirigeants responsables, et préfèrent une approche paternaliste initiée au sommet selon laquelle l’information est tenue – et contrôlée – par les bureaux du ministère des Affaires autochtones et du Nord à Ottawa. C’est honteux.

Nous sommes toutefois encouragés par l’inclusion de recommandations visant à allouer un financement à des organisations dirigées par des Autochtones qui offrent des programmes de formation en gestion financière et de développement de capacités. Ce sont des mesures nécessaires pour améliorer la gestion financière dans les réserves, mais la transparence en matière de finances doit en faire partie.

Troisièmement, la Recommandation 3 du rapport principal est la suivante :

Qu’Affaires autochtones et du Nord Canada, en consultation avec les Premières Nations, prenne immédiatement des mesures afin de réviser la Politique de prévention et gestion des manquements avec l’objectif principal de transférer ces activités à des institutions autochtones, et que des réformes provisoires […] établissent un nouveau modèle de financement des interventions dans lequel Affaires autochtones et du Nord Canada paie l’intégralité des coûts d’intervention.

Nous reconnaissons qu’Affaires autochtones et du Nord Canada a besoin d’un incitatif afin de mieux aider les Premières Nations à ne pas avoir de manquements et à éliminer ceux-ci. Cependant, les Premières Nations elles-mêmes ont besoin d’un incitatif pour la même raison.

Nous recommandons donc de modifier la Recommandation 3 comme suit :

Qu’Affaires autochtones et du Nord Canada, en consultation avec les Premières Nations, prenne immédiatement des mesures afin de réviser la Politique de prévention et gestion des manquements avec l’objectif principal de transférer ces activités à des institutions autochtones, et que des réformes provisoires […] établissent un modèle de partage des coûts pour financer les interventions dans lequel Affaires autochtones et du Nord Canada partage les coûts d’intervention avec la communauté.

Pour terminer, les membres conservateurs du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord se préoccupent du fait que les recommandations du rapport principal ne reconnaissent pas; la nécessité pressante de possibilités économiques créatrices d’emplois ; et la nécessité d’un modèle de partage des coûts des interventions. Il y a d’immenses possibilités à ces égards pour fournir des outils, et pour donner espoir, aux Premières Nations du Canada.

Liste des recommandations :

  1. Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les Premières Nations, des organisations autochtones et des entreprises privées, développe les outils requis pour offrir des possibilités économiques aux communautés des Premières Nations, et pour les Premières Nations des centres urbains partout au Canada.
  2. Qu’Affaires autochtones et Nord Canada applique les mesures de conformité de la Loi sur la transparence financière des Premières Nations jusqu’à ce qu’un système plus robuste, conçu avec les Premières Nations, soit mis en place pour assurer que les chefs et les conseils des Premières Nations sont financièrement responsables et transparents devant leurs communautés.
  3. Qu’Affaires autochtones et du Nord Canada, en consultation avec les Premières Nations, prenne immédiatement des mesures afin de réviser la Politique de prévention et gestion des manquements avec l’objectif principal de transférer ces activités à des institutions autochtones, et que des réformes provisoires…
    • assurent des possibilités précoces d’intervention et de renforcement des capacités comme première étape de la prévention et de la gestion des manquements ;
    • révisent les critères de déclenchement d’une gestion des manquements afin que l’intervention ne se produise qu’en dernier ressort pour assurer l’appui de la gestion financière ;
    • garantissent que les plans de recouvrement de dette soient établis conjointement par la Première Nation et le cogestionnaire ou le séquestre-administrateur ;
    • améliorent le suivi et l’évaluation des séquestres-administrateurs et les cogestionnaires ;
    • établissent pour les séquestres-administrateurs et les cogestionnaires des échéances fermes et des normes de services exécutoires assorties de pénalités pour ceux qui ne remplissent pas leurs obligations ;
    • renforcent les exigences en matière de qualifications pour les séquestres-administrateurs ; et
    • établissent un modèle de partage des coûts pour financer les interventions dans lequel Affaires autochtones et du Nord Canada partage les coûts d’intervention avec la communauté.