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RNNR Rapport du Comité

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OPINION SUPPLÉMENTAIRE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

Le marché mondial de l’énergie connaît une évolution rapide alors que les pays du monde entier font la transition vers un avenir énergétique à faible teneur en carbone. Afin que le Canada participe à ce changement et qu’il en bénéficie, il nous faut avoir accès en temps opportun aux meilleurs renseignements et données scientifiques. La présente étude a marqué une étape importante de ce processus, et les néo-démocrates ont travaillé avec leurs collègues libéraux et conservateurs du Comité des ressources naturelles de façon constructive et collégiale pour s’assurer d’offrir ces outils à l’ensemble des Canadiens, des intervenants et des membres de l’industrie. En conséquence, nous estimons que le rapport produit reflète grandement nos préoccupations communes dans ce dossier important.

Cependant, nous estimons que certains secteurs requièrent une réponse plus énergique ou une attention accrue. C’est particulièrement le cas de l’orientation que prend le gouvernement quant à la façon dont les données sur l’énergie sont recueillies, stockées, analysées, utilisées et, au bout du compte, mises à la disposition de tous les utilisateurs potentiels. Dans le cadre de l’étude, il est clairement ressorti des témoignages que le système canadien actuel de données sur l’énergie est inadéquat, de sorte que nombre d’utilisateurs doivent s’en remettre aux données de sources étrangères pour essayer de planifier les besoins énergétiques du Canada. Il est probable que l’exemple qui illustre le mieux l’état actuel de notre régime de données sur l’énergie soit celui qu’a donné le professeur Pierre-Olivier Pineau, qui a affirmé ce qui suit devant le comité :

« Si vous vous adressez à Statistique Canada pour obtenir des microdonnées, c’est l’enfer. Il y a deux ans, j’ai demandé que l’on me fournisse des microdonnées pour permettre à mes étudiants de travailler sur de vraies données canadiennes. Je croyais que le temps était venu pour eux de travailler avec des données canadiennes et de délaisser un peu les données américaines avec lesquelles ils travaillaient toujours, leur facilité d’accès aidant. Après m’être astreint à une paperasse considérable et après avoir signé une entente de confidentialité, j’ai reçu un CD-ROM où étaient gravées les données demandées, mais elles étaient moins intéressantes que leurs équivalentes étatsuniennes. En fin de compte, nous avons bel et bien utilisé ces données dans mon cours, mais disons qu’elles n’étaient pas d’un accès convivial. Il y a beaucoup d’obstacles à surmonter. Pour les données américaines, il suffit de se rendre sur le site Web et de les télécharger. Pour les données de Statistique Canada, il faut leur écrire un courriel. Ils vous envoient une lettre. Vous devez lire l’entente, la signer et la retourner à Statistique Canada. Enfin, on vous envoie un DVD ou un CD-ROM contenant les données demandées. »

Nous sommes d’avis que cette situation est troublante et qu’il faut y remédier sans tarder. Comme nous le voyons depuis de nombreuses années à la grandeur du Canada, les gens font moins confiance que jamais au système que nous avons pour évaluer et approuver des projets d’envergure au pays. Un thème qui ressort de part et d’autre d’un projet est celui que les gens n’estiment pas que l’on prenne des décisions éclairées en se fondant sur les renseignements les plus neutres et les meilleurs qu’on puisse trouver. Nous croyons qu’une agence d’information sur l’énergie adéquate est essentielle pour rétablir la confiance en ce système défectueux, car elle permettrait la transmission de détails et de faits importants provenant d’une source neutre et fiable d’une façon qui soit accessible et utile à tous les utilisateurs.

Dans son témoignage devant le comité, Monica Gattinger, professeure à l’Université d’Ottawa, a bien fait valoir cet argument lorsqu’elle a affirmé ce qui suit :

« Prenons l’exemple d’un organisme de réglementation, qu’il s’agisse de l’ONE ou de n’importe quel autre organisme de réglementation fédéral ou provincial. Du point de vue du public, ce sont des organisations qui ont principalement pour mandat d’approuver ou de rejeter les projets. Si les mêmes organisations étaient aussi responsables de créer de l’information sur l’énergie, cela les placerait-il en quelque sorte en situation de conflits d’intérêts?
« Si nous voulons d’une organisation qui agira proactivement, qui pourrait par exemple diffuser de l’information sur la sûreté des pipelines ou des navires-citernes, cette information sera-t-elle considérée crédible et impartiale par le public si elle a également la responsabilité d’évaluer les projets proposés dans le secteur? C’est le genre de question que j’aimerais voir le Comité étudier très attentivement.
« Je pense que ce serait la même chose si l’on confiait cette tâche à un ministère de l’énergie, par exemple, puisqu’il fait partie du mandat de tout ministère de l’énergie de favoriser le développement de ce secteur industriel. Encore là, du point de vue du public, cela pourrait sembler nuire à l’aptitude de l’organisation de diffuser de l’information neutre, impartiale, indépendante et pondérée sur l’énergie.
« Je terminerai en disant que je comprends la difficulté d’engager autant de dépenses supplémentaires, mais j’invite aussi le Comité à tenir très sérieusement compte des coûts de la mise en place d’un système qui ne serait pas jugé crédible et indépendant par toutes les parties en matière d’énergie. »

Ce n’est pas d’hier que les néo-démocrates demandent au gouvernement fédéral d’assurer que les processus adéquats soient en place pour évaluer les projets d’envergure comme celui de l’oléoduc d’agrandissement du réseau de Trans Mountain. Des renseignements fiables et accessibles à toutes les parties concernées sont primordiaux pour bien évaluer ces projets. Il est extrêmement difficile de déclarer qu’un projet est dans l’intérêt national lorsqu’on ne dispose tout simplement pas de « l’information neutre, impartiale, indépendante et pondérée sur l’énergie » nécessaire pour arrêter cette décision.

Compte tenu de ce qui précède, nous croyons que la première recommandation de ce rapport ne va simplement pas assez loin. Nous sommes d’avis que la meilleure façon pour le gouvernement de procéder est de créer une agence d’information sur l’énergie entièrement indépendante pour le Canada. Nous estimons que le témoignage reflète le fait que, bien que les organismes actuels aient l’expertise et la capacité voulues pour assurer nombre de ces fonctions, ils n’ont simplement pas l’autonomie requise sur le plan politique ou la confiance nécessaire du public pour avoir la meilleure incidence et donner les meilleurs résultats aux Canadiens. Allan Fogwill, président de l’Institut canadien de recherche énergétique, a témoigné devant le comité concernant les questions entourant la structure potentielle de cet organe et l’importance de son indépendance. Il a déclaré ce qui suit :

« Un tel modèle pourrait fonctionner, mais le problème est double: dans un premier temps, en raison de la structure de financement, l'organisme est toujours redevable à une tierce partie. Peu importe l'organisation pour laquelle vous travaillez, on sait toujours d'où vient l'argent et on veut toujours s'assurer de ne pas mordre la main qui nous nourrit. Si les fonds étaient bien établis et sûrs, alors l'entité jouirait d'une indépendance en ce sens.
« L'Energy Information Administration des États-Unis en est un exemple. Elle a été créée dans les années 1970, et différentes parties se sont attaquées à elle, en ce qui a trait tant à la législation, qu'à des questions budgétaires, mais les attaques sont restées vaines. On peut s'attaquer au financement d'une organisation; c'est donc là l'un des aspects.
« L'autre aspect, c'est la fonction de secrétariat, parce que ces employés peuvent être choisis par une autre entité, et elle choisira des personnes aux vues similaires aux siennes. Je ne dis pas que c'est ce qui arrive, mais l'occasion est là.
« Si c'est possible, alors d'autres personnes se pencheront sur la question et diront qu'il y a un problème de crédibilité. Il y a un problème de crédibilité lié au budget et à la dotation. »

Nous croyons que, bien que nous prenions le temps de créer un centre de données sur l’énergie nationale, nous devons réussir du premier coup. Selon nous, il nous faut créer une agence entièrement indépendante et ne pas nous borner à l’annexer à un ministère fédéral existant. Nous estimons qu’une nouvelle agence pleinement autonome permettra non seulement d’obtenir les meilleurs résultats concernant la collecte et l’analyse adéquates des données sur l’énergie et la facilité d’y accéder et de les utiliser, mais que son indépendance contribuera aussi à rétablir la confiance du public à l’égard du processus de réglementation de l’énergie au Canada.

Nous comprenons que le fait d’opter pour cette approche pourrait coûter plus cher que prévu au départ, mais comme Monica Gattinger l’a fait remarquer, nous devons penser aux « coûts de la mise en place d’un système qui ne serait pas jugé crédible et indépendant par toutes les parties en matière d’énergie ». Nous croyons que, dans le contexte actuel, il faudra engager plus de dépenses initiales que prévu et que, grâce aux erreurs commises par les gouvernements précédents, c’est un coût qui est non seulement justifié, mais qui est aussi tout à fait nécessaire pour pouvoir obtenir les meilleurs résultats possibles à cet égard.