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TRAN Rapport du Comité

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Le point sur la sécurité ferroviaire : Rapport complémentaire présenté par le Nouveau Parti démocratique

Bien que nous soyons d’accord avec le rapport majoritaire et ses recommandations, l’inquiétude ressentie au pays vis-à-vis de la sécurité ferroviaire est telle qu’une réponse plus approfondie est nécessaire. Les membres du Comité s’entendaient en général pour dire que, si Transports Canada a pris certaines mesures pour corriger les lacunes, le gouvernement doit cependant agir rapidement pour rétablir la confiance dans le régime de sécurité ferroviaire. Cela est particulièrement vrai étant donné la hausse importante du transport de matières dangereuses, notamment du pétrole brut.

Du rapport, il ressort à l’évidence que les risques et les coûts pour la population qui sont susceptibles de découler d’une réglementation ou d’une application déficiente de la sécurité ferroviaire exigent la tenue dans les meilleurs délais d’un examen public et, possiblement, d’une refonte approfondie. Selon les témoignages et les mémoires qui ont été présentés au Comité, il est absolument manifeste que les circonstances entourant la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic suscitent des craintes quant à la possibilité, si rien n’est fait, de risques désastreux similaires dans d’autres communautés. La réglementation du transport ferroviaire des matières dangereuses ne devrait plus se résumer à une conversation entre les sociétés ferroviaires et les autorités en matière de transport. Les communautés et les travailleurs veulent eux aussi avoir leur mot à dire.

Les municipalités, les communautés, les travailleurs ferroviaires, les spécialistes de la réglementation, les inspecteurs ferroviaires et le BST ont tous demandé des réformes plus poussées du régime de réglementation de la sécurité ferroviaire. Leurs inquiétudes sont diverses : perception d’un recours trop fréquent aux règles de fonctionnement issues de l’industrie; exceptions permises aux règles; recours excessif à l’autoréglementation; faiblesse des mesures de protection accordées aux dénonciateurs; limites de la responsabilité en cas d’incidents catastrophiques. Les juristes et les communautés s’entendent pour dire que la fréquence du recours à l’autoréglementation (SGS) dans le secteur ferroviaire a eu pour effet de détourner la réglementation. Il est regrettable que le Comité n’ait pas entendu le témoignage de témoins clés – notamment de représentants d’organismes communautaires et de juristes – exprimant ces préoccupations plus profondes. Leurs témoignages auraient pu permettre un examen plus approfondi du système d’autogestion et d’autres lacunes et déficiences sur le plan réglementaire.

Par conséquent, il est primordial que le gouvernement s’intéresse directement à ces points de vue lorsqu’il examinera la Loi sur la sécurité ferroviaire.

Il convient de souligner que la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et les communautés situées le long des voies ferroviaires ont exprimé de vives inquiétudes quant au manque de devoir de consultation de ces parties dans le processus d’élaboration, de vérification et d’application du SGS, de la réglementation ferroviaire, des règles et des exceptions.

Dans le même ordre d’idées, des préoccupations ont été soulevées relativement à l’absence de communication de renseignements détaillés, en temps réel, sur le fret ferroviaire dangereux, les évaluations des risques, les rapports liés au SGS et les mesures d’application du gouvernement. Il a été reconnu que l’accès à ces renseignements devrait être assujetti à des demandes valides d’exclusion de renseignements commerciaux confidentiels (RCC), conformément aux processus établis en vertu d’autres lois fédérales.

Les juristes, les représentants communautaires, les travailleurs du secteur ferroviaire et les inspecteurs du gouvernement que le Comité a entendus se sont tous dits inquiets du détournement de la réglementation. Ils s’inquiètent notamment du recours trop fréquent au système d’autogestion (SGS), des vérifications en format papier et du fait que le SGS en vienne à remplacer la réglementation, les inspections et l’application de la loi. Ces préoccupations reflètent celles qu’a exprimées le vérificateur général du Canada dans son rapport d’automne de 2013, dans lequel il recommandait que Transports Canada prenne des mesures pour corriger les faiblesses importantes de son mécanisme de supervision des systèmes de gestion de la sécurité.

Le directeur du Centre canadien de politiques alternatives, Bruce Campbell, a affirmé qu’on constate un détournement de la réglementation lorsque la réglementation vise systématiquement à profiter aux intérêts privés de l’industrie réglementée aux dépens de l’intérêt public. Cela se produit lorsque l’industrie est capable de façonner la réglementation en faveur de ses intérêts. On remarquera que la loi actuelle, en grande partie, n’exige pas que les communautés potentiellement touchées soient consultées à propos des règles et des exemptions. Selon Bruce Campbell, le SGS et les consultations limitées sur la réglementation ont créé ce climat de détournement de la réglementation dans l’industrie ferroviaire. En l’absence d’une supervision rapprochée de la part du gouvernement, les sociétés ferroviaires s’autoréglementent effectivement.

Le professeur Mark Winfield, dans son mémoire, parle quant à lui de problèmes similaires, conjugués à une réorientation importante des ressources gouvernementales aux dépens de la réglementation et de l’application de la loi et au profit de la mise en place d’un système d’autogestion (SGS). Selon lui, l’imposition par voie législative d’un devoir de diligence aux administrateurs et aux dirigeants des sociétés ferroviaires pourrait être un déclencheur plus efficace de la mise en œuvre de systèmes internes de gestion de la sécurité et de l’environnement au sein des sociétés, comme cela s’est produit dans d’autres secteurs industriels. Ainsi, les agents du gouvernement auraient plus de temps pour procéder à des inspections et faire appliquer la loi. Il a également recommandé l’introduction d’une disposition prévoyant une infraction générale en vertu de la Loi et un réexamen de l’usage consistant à se fier aux règles de sécurité élaborées par les sociétés ferroviaires.

Pour sa part, la coalition Rail Safety First, de Toronto, a indiqué que selon elle le « SGS a manifestement échoué à protéger l’intérêt public ». Elle a demandé que le budget des inspecteurs ferroviaires soit augmenté afin qu’ils puissent procéder à des vérifications sur place de la conformité, réaliser des analyses indépendantes des risques relativement au transport ferroviaire des marchandises dangereuses et renforcer l’application des limites de vitesse.

À Lac-Mégantic, Convoi-citoyen a demandé que des modifications profondes soient apportées à la réglementation ferroviaire afin d’accorder la priorité à la préservation de la sécurité des communautés plutôt qu’aux profits des sociétés ferroviaires. De la même façon, la Coalition des citoyens s’est dite inquiète de ce que les gouvernements fédéraux précédents et le gouvernement actuel aient négligé leur devoir premier, à savoir leur devoir de veiller à la santé et à la sécurité de la population canadienne. Ils se sont plaints de l’attitude de « laissez-faire » vis-à-vis de la déréglementation et de l’autogestion dans le secteur du transport ferroviaire. De l’avis de ce groupe de citoyens de Lac-Mégantic, la déréglementation de l’industrie ferroviaire du Canada – qui a commencé à l’époque des libéraux de Paul Martin et qui s’est accélérée sous les conservateurs de Stephen Harper – a grandement menacé la santé et la sécurité des Canadiens. Selon eux, si la tragédie de Lac-Mégantic est la preuve concrète de cette tendance, il ne faut cependant pas oublier les récents déraillements qui sont survenus dans d’autres villes qui, eux aussi, auraient pu faire beaucoup de victimes.

Pour toutes ces raisons, certains réclament la tenue d’une enquête publique indépendante sur la tragédie du 6 juillet 2013, et plus particulièrement sur les circonstances et les rôles qui y ont mené.

En 2013, le vérificateur général du Canada avait sonné l’alerte relativement aux graves lacunes de Transports Canada sur le plan de l’application et du suivi des systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire. Il a d’ailleurs souligné les liens trop étroits qui unissent les sociétés ferroviaires privées et l’organisme de réglementation de Transports Canada.

Recommandations 

Que Transports Canada, en examinant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur le transport des marchandises dangereuses qui s’y rapport, étudie la décision d’adopter un régime d’autogestion de la sécurité ferroviaire.

Que, en appui à cet examen, le gouvernement demande la tenue d’analyses juridiques et techniques indépendantes visant à vérifier que l’objectif principal du régime de sécurité ferroviaire consiste à assurer la sécurité de la population.

Que de l’aide financière soit mise à la disposition des communautés concernées pour leur permettre de participer de manière constructive et d’avoir accès à des services de juristes et d’experts techniques.

Que les sociétés ferroviaires soient tenues d’offrir aux communautés concernées ou intéressées un accès accru aux renseignements sur les évaluations des risques, les rapports liés au SGS, les plans d’intervention en cas d’urgence et les politiques d’application de la loi et de conformité en matière de sécurité ferroviaire.

Que les municipalités et les communautés soient avisées de toute proposition de règles et d’exceptions aux règles et qu’elles puissent donner leur avis sur ces questions.