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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 118 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 septembre 2018

[Énregistrement électronique]

(1125)

[Traduction]

    Il s'agit de la 118e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
    Nous devons d'abord régler quelques questions. Je suis désolée si nous commençons la réunion en retard. Nous avions des votes. Nous devons procéder à un autre vote avant de commencer, soit l'élection de notre vice-président.

[Français]

    Monsieur le greffier, voulez-vous commencer?

[Traduction]

    Oui. Conformément à l'article 106(2) du Règlement, le premier vice-président doit être un député de l'opposition officielle.
    Je suis maintenant prêt à recevoir la motion pour le premier vice-président.
    Je propose que ce soit M. Blaney.
    M. Shields propose que M. Steven Blaney soit le premier vice-président du Comité.
    (La motion est adoptée.)
    Le greffier: Je confirme que M. Blaney est dûment élu à titre de premier vice-président.
    Des députés: Bravo!

[Français]

    Merci, monsieur Shields.

[Traduction]

    Nous recevons aujourd'hui deux témoins. Premièrement, nous recevons Bryan Adams, qui est ici en personne. Merci d'être venu.
    Nous recevons également Daniel J. Gervais, de la faculté de droit de l'Université Vanderbilt, qui se joint à nous par vidéoconférence.
    Nous allons commencer par votre déclaration, monsieur Adams, d'accord?
    D'accord. Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui. C'est très gentil de votre part.
    J'ai invité Daniel à se joindre à moi, parce que c'est un expert en matière de droit d'auteur.
    J'ai une proposition à faire au gouvernement du Canada en vue de la modification de la Loi sur le droit d'auteur. J'attends depuis 10 ans ce moment de vous en parler. C'est une proposition assez simple et je vais vous l'expliquer à l'aide de la présentation PowerPoint que j'ai préparée pour vous.
    Ma proposition vise à modifier le paragraphe 14(1) de la Loi sur le droit d'auteur. En vertu de la loi actuelle, il faut attendre 25 ans après la mort d'un auteur ou d'un compositeur qui a transféré ou cédé ses droits pour les récupérer. C'est ainsi que cela se passe. Si vous écrivez un scénario, un livre ou une chanson et que vous en cédez les droits d'auteur à une société, vous devez attendre 25 ans après votre mort pour les récupérer. Je pourrais le répéter, mais je crois que deux fois suffisent.
    À titre comparatif, la loi sur le droit d'auteur des États-Unis a été modifiée en janvier 1978. Le gouvernement américain a décidé que le droit d'auteur devait revenir à l'auteur et au compositeur, sur demande, 35 ans après la cession. Lorsque vous cédez vos droits à une société ou que vous concluez une entente pour votre livre ou votre chanson, ces droits vous sont rendus 35 ans plus tard et vous décidez si vous voulez les laisser à la société ou les garder pour vous.
    Je propose de modifier le paragraphe 14(1) de la Loi sur le droit d'auteur, afin d'y lire « 25 ans à compter de la cession des droits » plutôt que « 25 ans à compter de la mort de l'auteur ». C'est tout ce qu'il faudrait faire. J'en serais rendu à la dernière partie de ma déclaration, soit les raisons du changement.
    Mais avant cela, est-ce que nous devrions demander à M. Gervais de faire ses commentaires ou est-ce que je continue avec ma proposition?
    C'est comme vous le voulez. Vous pouvez faire votre déclaration complète, puis M. Gervais fera la sienne ensuite ou nous pouvons passer de l'un à l'autre.
    Je vais peut-être laisser M. Gervais intervenir, puis nous vous expliquerons les motifs justifiant ce changement.
    Je vous cède la parole, Daniel.
    Oui, tout à fait.
    Excellent.
    Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de m'inviter à témoigner devant vous aujourd'hui. Je suis désolé de ne pas pouvoir être là en personne.
    Comme vous le savez tous, la politique en matière de droit d'auteur est un exercice d'équilibre difficile ou, devrais-je dire, un ensemble d'exercices d'équilibre entre les créateurs, par exemple, et ceux à qui ils confient l'exploitation commerciale de leur travail. Les autres exercices se font par exemple entre les exploitants commerciaux et le public, entre les grands intermédiaires en ligne et les titulaires des droits d'auteur, entre les éducateurs et les titulaires des droits d'auteur et entre les bibliothécaires et les titulaires des droits d'auteur. La liste est longue, mais aujourd'hui je veux surtout me concentrer sur le sujet abordé par Bryan, c'est-à-dire l'équilibre entre les créateurs et les personnes à qui ils confient l'exploitation — l'utilisation commerciale — de leur travail.
    Le droit d'auteur vise à encourager les nouveaux créateurs à gagner leur vie en créant de nouvelles oeuvres d'art et les créateurs établis à continuer de produire les oeuvres que nous aimons et qui nous permettent d'apprendre. Il y a un lien direct entre le droit d'auteur et de nombreuses formes de création littéraire et artistique. Nous reconnaissons tous l'importance de la création dans la société. C'est pourquoi ces politiques et leur incidence sur la création de nouvelles oeuvres artistiques et littéraires sont essentielles au progrès culturel et économique.
    J'aimerais souligner un point. Il est vrai que certains amateurs — des gens dont la création n'est pas la profession — contribuent réellement au progrès humain, mais ce n'est pas la règle. Peu importe comment on le définit, le talent n'a pas été distribué de façon égale. Il est vrai que même le talent brut doit être travaillé, alimenté et développé. J'aime donner l'exemple de Mozart, qui a commencé à composer alors qu'il était enfant, mais qui n'a rien composé que nous écoutions encore 250 ans plus tard avant l'âge de 21 ans. La valorisation du talent au fil des décennies est une fonction très importante dont la politique en matière de droit d'auteur peut s'acquitter. Pour ma part, je préfère de loin regarder les oeuvres de Denys Arcand, de James Cameron ou de Denis Villeneuve plutôt que de regarder une vidéo, aussi adorable soit-elle, sur YouTube.
    L'argument culturel à l'appui des créateurs est solide, mais l'argument économique est important également. Au sein de cette économie du savoir, la créativité remplace la production des biens matériels. Par conséquent, en vue du développement humain et économique, les politiques doivent veiller à ce que les personnes qui veulent repousser leurs limites créatives, notamment en créant de nouvelles oeuvres d'art et de nouvelles connaissances, puissent le faire.
    Cela m'amène à l'article 14. L'une des caractéristiques clés des droits d'auteur, c'est qu'ils sont transférables, à l'exception du droit moral, bien entendu. La transférabilité vise à permettre aux auteurs de travailler avec des intermédiaires commerciaux comme les sociétés de production cinématographique, les maisons de disques, les éditeurs de livres et de musique, et ainsi de suite. Ces sociétés commercialisent le travail des auteurs et leur permettent de monnayer leur talent et leur art; elles leur permettent donc d'en vivre et de continuer de créer. C'est souvent le mécanisme clé qui permet aux auteurs de faire le travail... d'avoir le temps de se consacrer à cette fonction unique qui est très importante pour le progrès culturel et intellectuel.
    La capacité de transfert et d'octroi de licences aux tiers est essentielle au régime de droit d'auteur du Canada et d'ailleurs. Je vais vous donner un exemple simple: les romanciers et les essayistes qui souhaitent voir leurs livres publiés par un éditeur doivent pouvoir lui donner une sorte de droit exclusif. La presque totalité des transferts de droit d'auteur se fonde sur une relation contractuelle ouverte et la négociation. Cela signifie que les parties négocient en fonction de leur position respective. Leur poids variera en fonction de divers facteurs. Par exemple, un auteur inconnu qui publie son premier roman et qui travaille pour un grand éditeur se considérera probablement comme très chanceux et signera tout ce qu'on lui demandera de signer.
    Il est aussi vrai que dans la plupart des cas, il est très difficile de prédire le succès commercial d'une nouvelle oeuvre. D'innombrables romans ont été rejetés par les éditeurs. Marcel Proust, Rudyard Kipling, Louisa May Alcott et de nombreux autres se sont fait dire qu'ils n'avaient aucune chance de réussir. Or, leurs oeuvres ont été lues par des millions de personnes et sont toujours lues aujourd'hui. Bon nombre d'excellentes chansons ont été rejetées par les éditeurs de musique et sont devenues de grands succès. Cela signifie qu'il y a un risque évident à investir dans le développement des nouveaux auteurs et dans la production des nouvelles oeuvres des artistes établis.
(1130)
    La question que nous soulevons, Bryan et moi, est la suivante: quelle est la période d'exploitation commerciale raisonnable nécessaire pour permettre à un éditeur ou à un producteur de récupérer son investissement et de faire un profit?
    Bon nombre des lois nationales d'autres pays reconnaissent qu'il est insensé de laisser le cessionnaire être titulaire des droits d'auteur pendant tout ce temps. Comme l'a fait valoir Bryan, même les États-Unis — qui ne sont pas réputés pour être les amis des auteurs — ont adopté une disposition de réversion dans la loi sur le droit d'auteur de 1976.
    Je vais vous lire une phrase du rapport du Congrès des États-Unis sur cette nouvelle loi. On y lit ce qui suit au sujet de la disposition de réversion:
Une telle disposition est nécessaire en raison de la position de négociation inégale des auteurs émanant notamment de l'impossibilité de déterminer la valeur d'une oeuvre avant qu'elle ne soit exploitée.
    De plus, selon le rapport, en vertu de la loi américaine, on ne peut renoncer à ce droit à l'avance ni l'échanger. Sans égard à la méthode choisie par le législateur, la loi doit reconnaître la position de négociation inégale des auteurs et son injustice. Le fait de permettre la réversion des droits après une période raisonnable représente un moyen très efficace d'atténuer cette inégalité.
    D'autres pays ont choisi de restreindre la capacité contractuelle de transférer les droits, surtout ceux associés à des oeuvres futures. C'est probablement parce qu'ils présument que les auteurs qui acceptent un tel transfert n'ont pas d'autre choix que de le faire en raison de leur position de négociation inégale. C'est le cas de la Belgique, de la France et de l'Espagne, pour ne nommer que trois pays. L'Allemagne va encore plus loin et donne aux auteurs le droit de révoquer l'autorisation donnée à un éditeur si une nouvelle forme d'exploitation apparaît. Au cours des décennies qui suivent le transfert des droits d'auteur, il est presque certain que la situation se produira.
    La loi canadienne, tout comme la loi du Royaume-Uni de 1911 sur laquelle elle est fondée, prévoit la réversion, mais dans la plupart des cas, la disposition est dépourvue de sens. Comme l'a expliqué Bryan, l'auteur doit se conformer à une condition difficile afin d'exercer ce droit: il doit d'abord mourir et ses héritiers doivent ensuite attendre 25 ans.
    De nombreux efforts pourraient être faits pour atteindre un meilleur équilibre en matière de droit d'auteur, mais je soutiens respectueusement qu'il est temps de rééquilibrer la relation entre les auteurs et les personnes qui exploitent leur travail par l'entremise d'un contrat. Les États-Unis exigent une période de 35 ans. Le Canada pourrait, à mon humble avis, faire encore mieux et prévoir un droit de réversibilité de 25 ans.
    Plusieurs exigences administratives de la loi américaine doivent être adoptées au Canada. Seulement trois conditions devraient être prises en compte en vue d'une réversion. Premièrement, que la réversion ne se fasse qu'à la demande de l'auteur. Deuxièmement, que le cessionnaire soit avisé suffisamment à l'avance de l'intention de l'auteur. Troisièmement, qu'un avis public soit publié. La Commission du droit d'auteur pourrait s'en charger, par exemple.
    Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je peux répondre à toutes les questions du Comité, notamment au sujet d'autres composantes de la rémunération des auteurs. Merci beaucoup.
(1135)
    Merci.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Nous en sommes à la dernière page de notre proposition.
    Comme l'a dit Daniel, le cessionnaire a amplement le temps d'exploiter une oeuvre en 25 ans. Aussi, l'auteur ou le compositeur peut voir les avantages financiers possibles associés à son oeuvre au cours de sa vie et réinvestir dans de nouvelles créations, par l'entremise de la réversion... il s'agit d'une mesure incitative. Il s'agit de la seule subvention — et probablement la plus efficace — pour les créateurs canadiens qui ne coûte pas un sou de plus aux contribuables.
    Je ne sais pas si nous devrions aborder ce sujet maintenant, mais l'industrie américaine présente des avantages par rapport à celle du Canada. Les auteurs et les compositeurs américains profitent du fait qu'ils regagnent leurs droits d'auteur plus tôt que leurs homologues canadiens.
    Cela conclut mon exposé, mesdames et messieurs. Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    C'est excellent.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer notre période de questions et réponses.
    Monsieur Breton, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
     C'est avec plaisir que nous réintégrons ce comité. Je remercie nos deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Adams, je vous remercie particulièrement de vous être joints à nous à cette table. Nous en sommes honorés. Je vous félicite pour vos 40 ans de carrière, vos 14 albums enregistrés en studio, vos 70 millions d'albums vendus dans le monde, vos 5 nominations aux Golden Globe Awards et vos 3 nominations aux Academy Awards. Ce sont des réalisations très impressionnantes, qui font la fierté du Canada.
(1140)

[Traduction]

    Je n'entends pas les interprètes dans mon écouteur, je suis désolé.
    Je propose de faire venir mon technicien pour vous aider avec votre équipement audio.
    Cela nous serait peut-être utile.
    C'est bon. Je vous entends.
    Merci.

[Français]

    Il est évident que l'industrie de la musique a beaucoup évolué au cours des dernières années.
    Pouvez-vous nous parler un peu de l'évolution de l'industrie de la musique que vous avez observée depuis les débuts de votre carrière, soit depuis 40 ans, particulièrement en ce qui concerne la rémunération des artistes?
    Avez-vous d'autres suggestions à faire à part celles que vous nous avez présentées tout à l'heure, plus précisément à l'égard du paragraphe 14(1) de la Loi sur le droit d'auteur?

[Traduction]

    Je pourrais vous donner de nombreuses suggestions en matière de rémunération, surtout en ce qui a trait à l'Internet, mais à cette étape-ci, on ferait un grand pas dans la bonne direction en aidant les compositeurs et les auteurs du Canada à protéger et à contrôler leurs oeuvres afin qu'ils prennent des décisions éclairées.
    Je veux dire une chose: pour les artistes d'expérience comme moi, les choses se passent bien. Je ne suis pas ici pour moi, mais plutôt pour les jeunes artistes et auteurs émergents du Canada. Ce changement me toucherait dans une certaine mesure, mais aiderait surtout la jeune génération à aller de l'avant.
    C'est une très grande question: que pouvons-nous faire pour aider? Il faudrait tenir une autre discussion à ce sujet, vraiment.

[Français]

    En tant qu'artiste international, avez-vous vu des modèles ailleurs dans le monde qui pourraient être envisagés chez nous?
    Pourriez-vous nous parler de ces modèles?

[Traduction]

    Oui.
    Le plus évident, c'est l'exemple des Américains que j'ai décrit. Je pense que c'est un bon point de départ. Même cette plateforme, comme Daniel l'a mentionné, n'est pas la plus conviviale pour les auteurs, mais c'est mieux que ce que nous avons à tout le moins.
    J'ai été quelque peu étonné quand j'ai découvert que c'était bel et bien réel. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi quiconque voudrait créer un système qui soit si difficile pour les auteurs-compositeurs, les compositeurs et les auteurs. Pourquoi voudrait-on limiter leur créativité? Il est important que tout le monde comprenne que parfois, certaines personnes veulent seulement créer une oeuvre ou deux dans leur vie. Une personne peut écrire « L'attrape-coeurs », et ce peut être le seul livre qu'elle écrit dans sa vie, mais c'est une oeuvre tellement importante, puissante et inspirante qui a une incidence sur tellement de gens et d'autres écrivains. Il est donc important que le créateur puisse en avoir le contrôle. Il serait inspirant de penser que l'oeuvre lui reviendra à tout le moins. Comprenez-vous ce que je dis?
    En tant que jeune artiste, lorsque vous signez un contrat, comme je l'ai moi-même fait... J'avais 15 ou 16 ans lorsque j'ai signé un contrat pour mes premières chansons avec un autre éditeur. J'étais seulement heureux de pouvoir payer mon loyer. C'est tout. Les gens me demandent quel a été le point le plus exaltant de ma carrière. Je peux vous dire que c'était le jour où j'ai pu payer mon loyer. J'étais reconnaissant. Je le suis toujours. Je pense avoir répondu à la question.

[Français]

    Merci. J'ai terminé.
    Parfait. Merci.
    Monsieur Blaney, vous avez la parole.
    Je remercie les membres du Comité de leur confiance.
    Monsieur Adams, quand j'avais 19 ans, je suis allé à Old Orchard Beach, dans le Maine, à moto. C'était en 1984 et on faisait tourner la chanson Summer of '69; c'était encore très bon. Merci d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Adams, vous avez affirmé qu'une façon pour nous, Canadiens, de réinvestir dans nos artistes, c'est de leur redonner, après 25 ans, la propriété de leur droit d'auteur.
(1145)

[Traduction]

    Qu'est-ce qui vous a poussé à venir témoigner ici? Vous avez mentionné la prochaine génération.

[Français]

    Qu'est-ce qui vous a fait réaliser que la situation n'a plus de bon sens au Canada et que nous devons évoluer? Pouvez-vous nous expliquer votre motivation à poser ce geste aujourd'hui?

[Traduction]

    Je pense que c'est l'équité. Le Canada est perçu dans le monde entier comme étant un endroit sécuritaire. Je pense que nous pouvons faire mieux. J'oeuvre dans cette industrie depuis longtemps. Je vois comment d'autres pays se comportent et comment ils traitent les gens, et je pense que l'avenir est... Il est très difficile pour les artistes et les auteurs-compositeurs d'être vraiment payés de nos jours. Toute mesure qui peut les aider à prendre le contrôle de leur travail à l'avenir — même si c'est conjointement avec d'autres personnes pour qu'il y ait une collaboration, pour que les éditeurs et les artistes travaillent ensemble plutôt qu'unilatéralement — serait équitable.
    Qui a pensé à l'idée que 25 ans après votre mort, vous aurez le droit de posséder votre maison? Je suis désolé, mais je ne pense pas que c'est juste.

[Français]

    Vous avez entrepris votre carrière il y a plusieurs années.
    Compte tenu de l'arrivée des médias sociaux, est-ce plus difficile aujourd'hui pour un artiste? Je sais que le sujet est vaste. À l'époque, vous pouviez retirer des revenus en tant qu'artiste de la vente de CD. Il y avait même des cassettes. Aujourd'hui, il y a la diffusion en continu et des plateformes.
    Monsieur Adams, pourriez-vous nous faire part de votre réflexion à ce sujet, puisque le Comité devra se pencher là-dessus?

[Traduction]

    C'est une question plus importante, comme votre collègue l'a évoqué.
    Je vais être honnête avec vous: cela n'a jamais été facile. Au début, c'était difficile de me faire connaître. Comme Daniel l'a mentionné, de nombreux auteurs se font montrer la sortie. Cela m'est arrivé aussi au Canada. Les gens ne sont tout simplement pas intéressés. C'est le sort des artistes. Vous devez y retourner.
    En fait, lorsque j'ai signé mon premier contrat, c'était pour 1 $, car légalement au Canada, pour qu'il y ait un contrat, il faut 1 $. Après quelques années, j'ai dit au président de la maison de disque, « Vous savez, j'ai signé ce contrat pour 1 $ et vous ne l'avez jamais envoyé ».
    Il a répondu: « Je vais vous l'envoyer. Il est accroché sur mon mur. C'est un chèque de 1 $. Je ne l'ai jamais encaissé. »
    C'est ce qui arrive. Vous signez un contrat pour une somme dérisoire au début. Si vous êtes chanceux et que vous avez la machine qui vous appuie, vous pouvez susciter beaucoup d'intérêt. Oui, les médias sociaux sont très importants pour les artistes de nos jours, mais il n'y aucune garantie et vous ne savez pas combien de temps votre carrière durera.
    Je suis choyé, et je remercie le public canadien, car j'ai pu continuer de produire des chansons et d'être reconnu au pays et dans le monde entier au cours de ma carrière, alors je suis reconnaissant. Je suis l'un des rares, alors je suis ici, mais je n'ai consulté aucun de mes collègues dans l'industrie pour connaître leurs opinions sur la question. Je suis venu ici à titre personnel pour dire que je pense que nous pouvons faire mieux au Canada.

[Français]

    J'aimerais poser une dernière question à M. Gervais.

[Traduction]

    Vous avez mentionné que nous savons maintenant qu'aux États-Unis, c'est 35 ans après l'entente. Avez-vous des exemples concernant le droit d'auteur dans d'autres pays, pour que nous sachions si nous accusons un retard? Quelle est la situation en Europe ou en Australie? Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui se passe ailleurs?

[Français]

    Si vous le permettez, je veux préciser que je suis intervenu en anglais au début parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent aux États-Unis et en Europe. Alors, j'ai cru que c'était bien de commencer ainsi. Je suis tout de même très content de montrer, d'après mon accent, que je suis Québécois.
     C'est très bien.
    Pour répondre à votre question et à celle de M. Breton — qui sont deux excellentes questions —, je dirais que le grand changement consiste dans le fait qu'il n'y a pratiquement plus de droit mécanique à présent pour les auteurs, c'est-à-dire le droit que les auteurs touchaient quand ils vendaient des CD. Ces droits étaient une très importante source de rémunération parce qu'ils étaient partagés 50-50 entre auteurs et éditeurs. De nos jours, le droit mécanique a pratiquement disparu si on le compare en pourcentage à ce qu'il était. À l'heure actuelle, nous devons composer avec la diffusion en ligne, en continu. Il y a deux problèmes du côté de la diffusion en continu: c'est la taille du gâteau et celle de la part de gâteau qui revient aux auteurs. Ce sont deux questions extrêmement importantes.
    Dans le cadre de la gestion collective, l'un des avantages est que le gouvernement, par l'entremise de la Commission du droit d'auteur du Canada, par exemple, peut intervenir quant à la part de gâteau qui revient à chaque collège d'ayants droit. Il y a effectivement plusieurs propositions dans le monde. Le Royaume-Uni avait une claude de réversion des droits, dont on parle aujourd'hui, dans sa loi de 1911. Malheureusement, il l'a retirée en 1956.
    En Europe, il y a des mécanismes différents, c'est à-dire qu'on limite le pouvoir d'un auteur de transférer ses droits. Il y a des gens qui considèrent que c'est une intervention trop forte. Cependant, les Européens ont adopté le point de vue selon lequel un auteur en début de carrière va signer pratiquement n'importe quoi, comme l'a dit M. Adams. Ils disent qu'en fait, il n'est pas permis à l'auteur de signer n'importe quel document qui transfère tous ses droits parce qu'au moment où il le fait, il est en position de faiblesse. Les pays européens, du continent en particulier, limitent donc le pouvoir de l'auteur de transférer ses droits. Comme je l'ai dit dans mon intervention initiale, l'Allemagne va beaucoup plus loin. Elle donne à l'auteur le droit de reprendre ses droits même si le contrat ne le permet pas, dans certaines situations. Il y a donc plusieurs façons de reconnaître qu'un auteur en début de carrière est dans une situation difficile.
(1150)
    Merci beaucoup.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Nantel pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Adams, d'être ici aujourd'hui.
    C'est fascinant pour tous les membres du Comité, comme pour toute la faune artistique qui observe nos travaux. Il est rare que nous recevions un véritable artiste ayant poursuivi une carrière dans une industrie qui valorisait le talent et veillait à le rétribuer. Cela a été certainement avantageux pour les artistes, et pour beaucoup de compagnies de disques comme celle où j'étais moi-même employé à l'époque — je faisais partie de Sony Music Entertainment. J'ai bien vu toutes les clauses de récupération des frais de marketing que l'on touchait à partir de la redevance à l'artiste, etc. C'était un système qui fonctionnait, somme toute, assez bien.
    Je remarque que, cette année, les droits de l'album Cuts Like a Knife, que tout le monde connaît ici, seraient en fait libérés selon la Loi actuelle. Vous pourriez récupérer les droits et les enregistrements originaux.
    C'est probablement la principale question qui se pose: Est-ce que ce sont les droits sur les enregistrements originaux qui sont libérés ou bien s'agit-il de l'entente d'édition musicale?
    Les deux.
    Les deux?
    Oui, les deux.
    En ce qui concerne l'enregistrement original, pouvez-vous le récupérer ou devez-vous le racheter? Comment cela se passe-t-il?

[Traduction]

    Eh bien, si vous étiez aux États-Unis, par exemple, les chansons, publications et enregistrements originaux sont transférables à la demande de l'artiste ou du compositeur après 35 ans. À moins d'en faire la demande, l'oeuvre demeure avec le cessionnaire. C'est aussi simple que cela.
    Je pense que la majorité des membres étaient ici lorsque Damhnait Doyle, de Terre-Neuve, est venue.
    Excusez-moi un instant.
    Daniel, est-ce exact, d'après vous? Ai-je répondu correctement à la question?
    Les auteurs peuvent obtenir leurs droits d'auteur. Tous les droits d'auteur qui ont été transférés par l'auteur peuvent être récupérés après 35 ans aux États-Unis.
    D'accord. Les modalités sont-elles les mêmes pour les publications?
    Les modalités sont identiques.
    Ce n'est pas compatible. Il pourrait en être autrement. L'enregistrement original appartient à la maison de disque...
    Exact.
    ... car c'est pour payer la production. Nous avons vu les lettres de MAPL...
    Oui.
    ... concernant ces maisons de disque, et nous voyons les lettres « C » et « P », alors nous parlons des deux.
    C'est exact.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Depuis que j'ai parlé du système MAPL, et je fais encore référence à votre carrière, lorsque vous avez signé un contrat au tout début en 1988 ou à peu près, et vous étiez avec A&M...
    C'était en 1978.
    Oh, c'est vrai. Vous avez raison. Oui, car la chanson « Cuts Like a Knife » est sortie en 1983.
(1155)
    Très bon.
    Vous avez raison. C'était en 1978.
    Lorsque vous avez signé un contrat, aviez-vous l'impression que le système MAPL et les règles en place pour la radio vous ont aidé à décrocher un contrat avec une importante maison de disque?
    Je ne sais pas si cela m'a aidé pour la signature du contrat, mais il y avait une clause claire pour m'empêcher de faire affaire avec la majorité des studios et des maisons de disque à l'époque, mais je dirais que cela a probablement aidé.
    De la même façon qu'un certain pourcentage de la musique que l'on joue en France doit être française, je pense que la même chose a sans aucun doute aidé les artistes canadiens, ici au Canada. Sans système de réglementation ou de système obligatoire pour la musique canadienne, les radios ne feraient jouer que les succès américains. Nous n'aurions jamais reconnu le talent canadien, alors je pense que c'est utile.
    Je surveillais la radio. C'était mon travail d'appeler les directeurs musicaux et de leur dire, « Faites jouer ma chanson, faites jouer ma chanson », alors je comprends très bien ce que vous dites et décrivez. La réalité, cependant, c'est que le marché a énormément changé. Depuis que les gens téléchargent la musique, c'est tout ce dont on entend parler dans les journaux. En fait, Spotify est le plus important service de diffusion en continu.
    Pensez-vous que nous devrions faire quelque chose pour les artistes canadiens dans cet environnement?
    Je pense que oui, mais c'est une autre question.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Cette équation comporte plusieurs volets.
    Tout à fait.
    Je suis venu ici pour parler plus particulièrement du changement à apporter qui me semble le plus simple, pour le moment, pour aider les auteurs et les compositeurs. Il y a un problème beaucoup plus important si on veut aider davantage les artistes et les compositeurs. Vous venez de souligner quelques-uns de ces points.
    Je vais vous décrire l'un des moments les plus émouvants que nous avons eus ici, à mon avis. Dans un premier temps, il est très important que vous, les artistes, venez nous parler de votre réalité. Vous n'avez pas été exploité — vous avez eu une belle carrière dont vous êtes reconnaissant et dont nous nous réjouissons tous —, mais il y aussi des gens comme Damhnait Doyle de Terre-Neuve. Vous rappelez-vous de la violoniste?
    Oui.
    Elle est venue ici et nous a raconté qu'il est impossible de toucher un revenu de classe moyenne et de payer les taxes et autres frais dans une telle situation. Obtenir l'accès à son enregistrement original ou à l'enregistrement de ses albums à la fin du contrat — pas après la mort, comme vous dites — l'aiderait certainement à remettre ses chansons sur le marché et à conclure de nouvelles ententes.
    C'est exact.
    Merci beaucoup.
    Depuis que M. Gervais a dit que de nombreuses personnes écoutent encore cette musique aux États-Unis, je me demande si nous pouvons faire quelque chose pour aider nos artistes, notre diversité culturelle, étant donné que les maisons de disque et les maisons d'édition concluent des ententes bizarres avec ces services de diffusion en continu. Ils vous donnent à peu près trois millièmes d'un cent par diffusion de l'une de vos chansons.
    Oui.
    J'espère que votre présence ici attirera l'attention sur l'étude que nous menons. Je vous remercie de la perspective que vous avez apportée.
    Merci.
    J'espère que le prochain album... Quel est votre prochain album qui sera affranchi de cela?
    Eh bien, je ne suis pas ici pour me faire de la publicité...
    Des députés: Oh, oh!
    M. Bryan Adams: ... mais maintenant que vous le mentionnez, ce sera en janvier.
    Bonne chance. Espérons que ce sera 10 ans de moins la prochaine fois.
    Merci.
    Sur ce, nous allons maintenant entendre M. Long, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Gervais et monsieur Adams, d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Monsieur Adams, félicitations pour votre magnifique carrière musicale et la belle musique que vous créez pour nous.
    Merci.
    Je dirai — si vous me le permettez — que votre concert rock est le meilleur que j'aie jamais vu. Je suis de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et vous avez joué à Harbour Station en 2005. Vous êtes revenus avec votre tournée acoustique il y a quelques années.
    Oh, wow. Merci.
    Le concert que vous avez donné en 2005 me donne encore des frissons.
    J'ai travaillé dans le hockey junior majeur. J'étais copropriétaire des Sea Dogs, l'équipe de hockey junior majeur de Saint John. J'ai traité pendant des années avec des agents et des joueurs dans le cadre de négociations, notamment. La question que j'ai pour vous — vous y avez un peu répondu —, c'est qu'il y a toujours des moyens de pression de part et d'autre dans le cadre de bonnes négociations. Les deux parties doivent avoir des moyens de pression pour avoir de bonnes négociations. Ce que j'ai vu avec les artistes en musique... et vous devez m'excuser ici. Je suis nouveau au Comité, alors je n'ai pas entendu bon nombre des témoignages précédents.
    J'ai grandi en écoutant la musique des Stampeders, d'Edward Bear, de Lighthouse, de Chilliwack et d'artistes de ce genre. Ces artistes et les nouveaux artistes n'ont aucun moyen de pression. Comme vous l'avez mentionné dans votre témoignage, vous étiez heureux de signer un contrat pour payer votre loyer. C'est une question à deux volets, mais sur le plan structurel, nommez-moi quelques mesures que nous pouvons prendre au gouvernement pour aider à donner aux nouveaux artistes plus de moyens de pression. Que pouvons-nous faire?
(1200)
    Mon Dieu, je ne sais pas si je peux répondre à cette question, car c'est différent pour chacun. Chaque artiste et chaque situation sont tellement uniques. Je ne sais pas...
    C'est de bonne guerre, mais il y a sûrement quelques mesures que nous pourrions prendre pour aider les artistes, à un niveau plus élevé, pour avoir un peu plus d'influence lorsque nous négocions.
    De l'influence auprès de qui?
    Les gens avec qui vous signez l'entente relative au droit d'auteur. Vous avez dit vous-même que vous étiez heureux de signer un contrat pour payer votre loyer. Que peut-on...
    Oui, mais c'est le noeud de la question. Essentiellement, la majorité des gens... Si vous êtes un jeune artiste, vous avez probablement travaillé quelques années ou avez essayé d'arriver à quelque chose, et soudainement quelqu'un vous dit: « Vous savez quoi? Je pense que nous pouvons créer quelque chose. Signez ici et nous verrons ce que nous pouvons faire. »
    Parfois vous avez de la chance, mais ce n'est pas garanti. Il n'y a aucune garantie que vous aurez du succès parce que vous signez un contrat avec une maison de disque. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte.
    C'est exact.
    L'une des choses que les gens m'ont dites lorsque je suis entré dans la pièce était, « Avez-vous un groupe de musique », j'ai répondu non. Ils ont demandé, « Avez-vous un gérant? », j'ai répondu non. Ils m'ont dit, « Alors repartez avec votre vélo ». Il n'y avait pas... Il vous faut tous les éléments au début.
    J'ai eu beaucoup de chance. J'ai signé un contrat à l'âge de 18 ans. J'ai fait quelques albums qui ont fait un flop. Ma maison de disque m'a soutenu malgré les échecs, puis nous avons produit un album à succès. Les artistes d'aujourd'hui, s'ils ne réussissent pas dès le début, ils sont plus ou moins fichus.
    Exact.
    C'est la raison pour laquelle de nombreux artistes se tournent vers des machines à produire des succès. Ils s'adressent à différents auteurs-compositeurs, à différentes équipes et à différents producteurs pour s'assurer de créer le meilleur disque possible. Le produit ne reflète pas nécessairement la marque artistique de la personne. Il faut du temps pour créer des oeuvres.
    Au début, vous devez être reconnaissant de la chance de pouvoir payer votre loyer et de pouvoir vous rendre là où vous pouvez prendre vos propres décisions, mais à ce stade-là, vous devez prendre le relais et laisser libre cours à votre talent artistique.
    D'accord. C'est de bonne guerre.
    C'est ce qui m'est arrivé. À partir du moment où j'ai compris ce que je faisais, j'ai su ce que j'allais faire. J'ai fait l'université du rock. J'ai joué dans tous les clubs au pays.
    Soit dit en passant, bon nombre des clubs n'existent plus. Comment les jeunes artistes peuvent-ils jouer leur musique? Ils pensent que l'Internet fera une différence, mais il n'y a aucune garantie. Personne... Comment allons-nous trouver cette personne?
    Il y a de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte pour se rendre à ce stade-là, mais finalement, l'essentiel, c'est d'avoir du talent, d'avoir une chanson. C'est intangible. Ce n'est pas quelque chose qui arrive tous les jours et à tout le monde.
    C'est exact. Merci de cette observation.
    J'ai une autre question, par simple curiosité. Je répète que je suis nouveau au Comité.
    J'ai sous les yeux un document qui précise qu'une période de 25 ans est suffisante pour permettre à un cessionnaire de tirer parti d'un droit d'auteur. Je me demande donc, pourquoi pas 20 ans?
    Pourquoi pas 10 ans?
    Oui, quel est alors le juste milieu? Pourquoi retenez-vous 25 ans? Je suis juste curieux.
    Je ne retiens pas 25 ans. Je serais plutôt heureux que vous optiez pour 10.
    Quand on regarde la façon dont les choses se sont faites dans le passé, si un délai de 35 ans était équitable jusqu'à maintenant, qu'est-ce qui le sera à l'avenir? Le système a beaucoup changé? Ne devrions-nous pas envisager quelque chose de plus équitable pour les artistes? Voilà pourquoi je comparais aujourd'hui. Je conviens comme vous qu'il n'est pas nécessaire que ce soit 25 ans. Cela pourrait être moins.
    Exerce-t-on des pressions pour que ce soit moins? Y a-t-il d'autres artistes qui disent que 25 ans n'est pas...
    Je n'en ai jamais parlé avec d'autres artistes. Mon collègue, Jim Vallance, et moi en avons discuté, mais je ne sais pas... C'est peut-être ici que Daniel pourrait intervenir et s'exprimer à ce sujet.
(1205)
    Eh bien, il y a très peu de pays qui...
    Je suis désolée. J'interviens juste pour vous dire que vous avez environ 30 secondes. Peut-être que quelqu'un d'autre va y revenir.
    Parlez rapidement.
    Des voix: Oh, oh!
    Allez-y.
    Très peu de pays ont des droits réversibles. Il y a vraiment peu de précédents, mais vous posez la bonne question: quel est le juste milieu? Si le nombre d'années n'est pas assez élevé, on s'y opposera alors en disant que c'est insuffisant. Il s'agit vraiment d'un compromis, et il n'y a donc pas de solution parfaite...
    C'est comme l'expiration d'un droit d'auteur. Il n'y a pas de solution parfaite. On choisit ce qui semble être le juste milieu, et je crois que 25 ans est un bon nombre. Cela pourrait être 30. Je dirais que c'est dans ces eaux-là,
    Parfait. Merci beaucoup.
    Là-dessus, nous allons passer à M. Yurdiga, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à notre comité. C'est une première pour moi aussi, et je suis donc ravi de vous voir ici.
    Nous avons parlé de modifier partiellement le libellé du document, en parlant plutôt des droits d'auteur — comment les appelez-vous? — à compter de la cession et non pas à compter de la mort. Les éditeurs s'y opposent-ils? De toute évidence, ils ont un média à vaste portée. De nombreux fournisseurs de services Internet offrent des chansons obtenues illégalement, ce qui signifie que les éditeurs doivent être protégés d'une certaine façon. Pensez-vous que les éditeurs vont opposer une forte résistance si nous proposons 20 ans? Quel est le nombre magique qui les satisfera, à votre avis?
    Je suis pas mal certain que si vous parliez à un éditeur, il serait très heureux de maintenir le statu quo. Pourquoi quelqu'un voudrait céder le contrôle à une autre personne? Dans le monde de l'édition, on veut profiter le plus possible aussi longtemps que possible pour pouvoir vendre l'entreprise le plus cher possible.
    Je suis ici pour demander à tout le monde si c'est équitable. Est-ce juste pour les gens qui sont... Les éditeurs ne créent pas les oeuvres. Ils ne composent pas de musique. Ils n'écrivent pas de livres. Ils sont littéralement l'intermédiaire qui aide à diffuser le contenu. Je doute qu'ils soient aussi efficaces qu'ils l'étaient il y a 20 ans; l'Internet a grandement changé les choses. Ils se heurtent probablement au même dilemme que tout le monde: comment pouvons-nous aller de l'avant?
    Je dirais qu'ils veulent que le délai soit aussi long que possible, d'après mon expérience auprès d'eux.
    Merci.
    Vous savez, dans le monde des affaires, même en agriculture, il faut habituellement attendre 20 ans avant de réaliser un rendement.
    Oui.
    Dans d'autres secteurs, selon le milieu, la seule fois qu'on voit un délai de 25 ans, c'est habituellement dans le cas des hypothèques, et je pense donc personnellement que le nombre est élevé. Il me semble que 25 années... et après cela...
    À vrai dire, l'idée d'une maison offre un bon parallèle, je crois, car c'est une chose à laquelle on se fie. Les droits d'auteur sont une chose à laquelle les artistes se fient dans le cadre de leur propre fond de catalogue. Je pense donc que votre analogie est très bonne.
    Ma prochaine question est pour M. Gervais.
    À vos yeux, la modification du passage « 25 ans à compter de la mort de l'auteur » changera-t-elle beaucoup les choses? Qu'est-ce que cela signifie vraiment pour les artistes? Qu'obtiendront-ils en retour? C'est déjà publié et diffusé. Que signifie alors l'obtention du droit d'auteur? En quoi est-ce avantageux?
    Merci, monsieur Yurdiga. C'est une excellente question, car lorsqu'un droit d'auteur est transféré pour une période extrêmement longue, comme dans le système actuel au Canada, l'éditeur le verra très souvent comme un fond de catalogue qui continue de rapporter un petit peu tous les ans, ce qui s'ajoute à ses autres revenus. Lorsqu'un artiste récupère les droits, cela l'incite énormément à remettre en marché le contenu et à en diffuser du nouveau à partir de ce qu'il a produit il y a 25 ou 20 ans.
    Ce que nous voyons, entre autres, aux États-Unis, c'est que même les auteurs étrangers peuvent y récupérer leurs droits. Ce sont toutefois surtout les auteurs américains qui ont recours au système, car ils le connaissent mieux. Je pense donc que ce que nous verrons au Canada, c'est un grand nombre d'artistes canadiens qui récupèrent leurs droits et qui proposent plus de contenu canadien, de la musique ou d'autres types d'oeuvres canadiennes protégées par le droit d'auteur.
    L'effet incitatif de la proposition est entièrement différent du point de vue d'un éditeur qui possède un vieux fond de catalogue, et qui n'est dans certains cas guère porté à s'en servir, tandis qu'un artiste qui récupère ses droits se dira qu'il a maintenant l'occasion de faire un bon coup à l'aide du bon contenu qu'il a produit il y a longtemps. Je pense que tout le monde y gagne.
    Comme l'a dit monsieur Adams, cela ne coûte rien aux contribuables, ce qui est également utile selon moi.
(1210)
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Mme Dhillon.
    Merci d'être venu témoigner devant le Comité, monsieur Adams. Il va sans dire que c'est un honneur de vous compter parmi nous. Vous être une icône canadienne.
    J'aimerais vous demander quels désavantages vos pairs et vous voyez dans la disposition de notre loi sur les droits d'auteur concernant la récupération des droits 25 ans après le décès. S'il était plutôt question de 25 ans à compter de la cession, quels avantages il y aurait pour vos pairs et vous...
    Eh bien, je ne suis pas encore mort, et je ne connais donc pas les avantages.
    Des voix: Oh, oh!
    ... ou pour ceux qui sont décédés si vous...
    Eh bien, pour ce qui est des défunts, s'ils récupèrent leurs droits, cela aiderait peut-être leurs familles, leurs enfants. C'est un côté de la médaille, je suppose. Pour ma part, je ne sais pas si j'ai... Je suis juste ici parce que je veux y parvenir avant ma mort. J'aimerais que cela se fasse avant. Je crois que cela répond à la question.
    Eh bien, M. Gervais a dit que l'une des raisons d'être d'une loi sur les droits d'auteur est également de favoriser la créativité chez ceux qui aspirent à devenir artistes et ceux qui le sont déjà. En quoi cela vous a-t-il empêché de devenir encore plus créatif? Qu'auriez-vous pu donner de plus à l'industrie de la musique si cela...
    Eh bien, seule une petite partie de mes oeuvres sont visées par cette disposition. Je possède la majorité de mon travail et de mes bandes magnétiques. Je possède aussi la plupart de mes matrices et ainsi de suite. Seule une petite fraction de mes oeuvres sont touchées.
    Disons que vous êtes un artiste qui écrit deux choses dans sa vie, ou qui écrit un livre, et que vous récupérez vos droits. À ce moment-là, vous seriez en mesure de décider de garder ou non le même éditeur. A-t-il fait ce qu'il fallait pour vous? Voulez-vous remettre votre livre en marché d'une autre façon? Voulez-vous le regrouper avec du nouveau contenu?
    Tout à coup, le livre vous appartient de nouveau. Voulez-vous le revendre à l'éditeur? Vous avez maintenant l'occasion de vendre votre musique, pas au montant de 1 $ indiqué dans le contrat que vous avez signé, mais pour 1 000 $, et vous possédez une autre partie de ce que vous avez créé quand vous étiez jeune. Voilà ce qui se produit.
    J'estime que c'est un énorme désavantage, car il n'est pas seulement question du montant d'argent; il s'agit aussi des limites imposées à votre propre créativité, votre propre création, car nous évoluons tous plus tard dans la vie, et nous pouvons en faire beaucoup plus. Je pense que c'est un net désavantage de ne pas pouvoir apporter plus à l'oeuvre et la polir comme on le souhaite. Il est regrettable de devoir attendre après le décès d'une personne plutôt qu'après la cession des droits.
    En effet.
    J'aimerais également demander comment les redevances seraient touchées. Y a-t-il aussi des répercussions majeures à cet égard?
    Eh bien, la façon dont cela fonctionnerait, c'est qu'en récupérant soudainement ses droits, on possède alors l'ensemble du pourcentage de la chanson ou du livre qu'on a écrit. Jusqu'à ce moment-là, c'est divisé entre les membres qui ont pris part au contrat au début.
    On passe donc d'une petite à une grosse partie des redevances. Plutôt que d'avoir la moitié du gâteau, on l'a en entier. Une fois de plus, on a alors l'occasion de prendre une décision: resigner un contrat avec la même boîte si elle a fait un excellent travail, ou s'adresser à une autre si on ne veut pas travailler avec la même ou qu'elle n'est plus intéressée. Dans sa forme actuelle, la loi ne permet pas de dire qu'on va rester collègues lors du renouvellement dans un an ou que la relation prendra fin. À l'heure actuelle, on ne fait que dire que nous sommes pris au piège. C'est inéquitable.
(1215)
    En effet. Cela étouffe votre créativité.
    Oui, et l'effet sur les gens peut être énorme. Je ne veux même pas commencer à nommer les gens dont les droits d'auteur leur ont glissé entre les doigts à cause de contrats signés lorsqu'ils étaient jeunes. Je ne vais pas dire que... Cela arrive dans tous les milieux, pas seulement dans l'industrie de la musique. Au cours de notre vie, nous avons tous conclu des ententes pour lesquelles nous aurions pu faire mieux avec le recul. Être assujetti à quelque chose aussi longtemps sans la moindre renégociation possible... Je pense que nous pouvons faire mieux.
    Je crois que c'est une bonne façon de conclure. Voilà qui termine l'heure consacrée à cette partie de la réunion.
    Je vous suis reconnaissante d'avoir patienté un peu. Je suis désolée que nous ayons commencé en retard.
    Merci, madame la présidente.
    Il a certainement été amusant d'entendre au passage des souvenirs de concert de tout le monde. Merci beaucoup.
    J'ai quelques souvenirs de concert que je voulais...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bryan Adams: Non, je plaisante.
    Je serai également heureuse d'en prendre connaissance plus tard, mais nous allons suspendre brièvement la séance en attendant le prochain groupe de témoins.
    Merci.
(1215)

(1220)
    Reprenons.
    Pendant la deuxième heure de notre séance, nous allons examiner le projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones.
    Nous accueillons le député Bill Casey, qui a déposé le projet de loi; Heather Stevens, du Millbrook Cultural and Heritage Centre; et Joel Henderson. Il n'est pas sur la liste, mais il accompagne M. Casey.
(1225)
    Joel Henderson est mon adjoint administratif. Il a contribué à la rédaction du projet de loi; c'est le moins que l'on puisse dire.
    Parfait.
    Je suis heureuse de vous compter tous les trois parmi nous.
    Monsieur Casey, allons-nous commencer par vous?
    Oui. Merci beaucoup.
    Je pense que je vais commencer l'exposé en vous racontant brièvement comment tout s'est déroulé et que je suis intervenu.
    En 2017, j'ai visité le Millbrook Cultural and Heritage Centre. La nation Millbrook est une petite nation de ma circonscription, mais elle est très progressiste. Elle a un formidable centre culturel et patrimonial, dont Heather Stevens est gestionnaire et conservatrice. On y expose de nombreux artéfacts. Elle m'a expliqué en quoi ils consistent et m'a montré cette robe — j'ai distribué la photo pour que tout le monde la voie — dans son propre présentoir en verre.
    Je l'ai admirée, et Heather m'a dit que ce n'était pas le vrai artéfact, mais une réplique. Le vrai se trouve en Australie. Elle m'a dit qu'elle tente de le récupérer depuis les années 1990, mais compte tenu de différents obstacles, on n'a pas réussi à le rapatrier.
    Je me suis dit que c'était inacceptable. Par conséquent, quand je suis revenu, Joel et moi avons regardé pour voir si une loi, un programme ou une initiative du gouvernement pouvait aider une petite nation comme celle de Millbrook à récupérer ses artéfacts. Nous savions où ils se trouvaient — soit légalement en Australie et ainsi de suite —, mais en général, nous voulions savoir si le gouvernement pouvait aider d'une certaine façon. Il n'y en avait aucune.
    Nous avons donc décidé de rédiger ce projet de loi d'initiative parlementaire, surtout pour donner une voix aux peuples autochtones et pour qu'il y ait une stratégie de la part du gouvernement pour les aider à récupérer leurs artéfacts. Nous avons commencé ainsi, avec le tout petit objectif d'ajouter une voix — c'est ainsi que j'aime le dire — à celles des peuples autochtones.
    Ce qui est étonnant, c'est que lorsque j'ai déposé la motion à l'étape de la première lecture, j'ai parlé pendant 2 minutes et 37 secondes. J'ai parlé de la robe qui se trouve en Australie pour présenter le projet de loi. Trois semaines plus tard, l'ambassade d'Australie a appelé pour demander si l'ambassadrice pouvait venir me voir. J'ai répondu: « Bien sûr ». Je n'ai pas fait le lien. Je pensais tout simplement qu'elle faisait son travail et établissait de bonnes relations. Elle est venue, s'est assise et nous avons parlé quelques instants. Tout à coup, elle m'a dit qu'elle avait communiqué avec les gens du musée de Melbourne, où la robe se trouve, et qu'ils étaient prêts à commencer les négociations pour la rapatrier. J'étais estomaqué. Je n'y croyais pas. Deux minutes et 37 secondes à la Chambre étaient préférables à 30 ans d'efforts de la part du peuple autochtone.
    Le moment où elle me l'a dit fut pour moi très important. Je n'y croyais pas. Elle m'a donné le nom des personnes avec qui communiquer à Melbourne. Elle était très ouverte. Quand je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ces démarches, elle m'a répondu que la communauté indigène de l'Australie, qui est florissante et dotée d'un riche patrimoine et d'une riche culture, veut récupérer ses artéfacts. Comment alors les Australiens pourraient-ils demander au Canada ou à d'autres pays de bien vouloir les retourner s'ils n'en font pas autant? Le processus est donc entamé.
    Ce qu'il y a de magique pour moi, c'est qu'une jeune autochtone néo-écossaise, de la bande de Millbrook, négocie avec une jeune indigène australienne. Cela ne se fait pas entre l'Australie et le Canada ou l'inverse, mais plutôt entre Premières Nations séparées par 15 000 kilomètres. C'est très significatif pour moi. Je pense que cela indique la direction que nous prenons en tant que pays et que planète en ce qui a trait aux relations avec les autochtones et au respect que nous leur témoignons.
    Nous avons déjà eu une incidence grâce au projet de loi C-391, même s'il n'a pas été adopté. Nous n'avons pas récupéré la robe, mais les démarches à cette fin sont entamées. J'ai bon espoir que nous la récupérerons, ainsi que les autres artéfacts.
    J'ai fait circuler cet article. Il n'est pas rédigé dans une ou l'autre des langues officielles, mais plutôt en chinois. Ce projet de loi d'initiative parlementaire vient de Chine. Je sais en quoi il consiste, car ma photo se trouve dessus.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bill Casey: On a également bien épelé mon nom; c'est la chose importante.
    Cela témoigne de l'incidence de la mesure législative. Nous avons reçu des appels de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, des États-Unis et d'ailleurs concernant les détails du projet de loi. Nous avons reçu un appel de la secrétaire générale de la Commonwealth Association of Museums, qui représente 52 pays et des milliers de musées. Elle a laissé entendre qu'elle utiliserait ce projet de loi en tant que modèle pour d'autres pays qui tentent de récupérer leurs artéfacts — surtout des pays africains, dont une grande partie des artéfacts sont disséminés partout dans le monde.
    Nous avons donc déjà eu une incidence. Une famille nous a entre autres appelés pour nous dire qu'elle a des artéfacts autochtones et qu'elle ne sait pas quoi en faire. Grâce à ce projet de loi, il y aurait un endroit où les envoyer. La famille nous a dit qu'elle veut que les artéfacts soient remis aux bonnes personnes, à celles qui les possédaient auparavant. Elle ne sait pas quoi en faire.
(1230)
    Ce projet de loi ouvrira les portes à la restitution des biens culturels.
    Hier, j'ai reçu un courriel du chef Dean Nelson, dans lequel il disait :
[...] je suis le chef politique du peuple de Lil'wat.
    C'est celui de Mount Currie, en Colombie-Britannique.
    Il écrivait ensuite :
Je vous remercie de vos efforts pour le dépôt du projet de loi C-391. Je travaille au même projet de rapatriement. Si nous pouvons vous aider dans vos efforts, faites-nous signe.
    Nous avons entendu des peuples autochtones de tout le pays. Au début, notre consultation était locale, dans notre communauté autochtone, mais, depuis, nous avons consulté des dizaines de musées et de communautés autochtones pour être sûrs que nous nous y prenions de la bonne manière.
    Au début, nous n'avions aucune idée de la force que ça finirait par avoir. Nous ne faisions qu'ajouter une voix, la nôtre. Nous voulions nous entendre, mais des pays de partout dans le monde semblent vraiment tenir à rentrer en possession de leurs biens culturels.
    Par hasard, le printemps dernier, j'ai assisté à la réunion de l'Association touristique autochtone, où la principale question à l'ordre du jour était le rapatriement des biens culturels pour des motifs économiques. Pas tellement pour la préservation du patrimoine et de la culture. Pour des motifs économiques, parce que les éventuels visiteurs des Premières Nations veulent vraiment connaître leur histoire et leur patrimoine et voir aussi les objets qu'ils ont façonnés. Ils veulent voir l'histoire. Les jeunes s'intéressent à la confection des objets. Ils veulent voir s'exprimer le talent, connaître les méthodes en usage dans les années 1500 à 1700. Voilà toute la question des biens culturels.
    Aux États-Unis, dont la démarche a été peu différente, la loi sur la protection des lieux de sépulture et le rapatriement des biens culturels autochtones exige leur confiscation. Notre projet de loi ne va pas aussi loin. Ça signifierait que si les biens ont été offerts ou obtenus par des moyens infâmes, le gouvernement du Canada possède les structures et la politique pour aider les Premières Nations à les rapatrier.
    La nation de Millbrook compte de 1 500 à 2 000 âmes, selon la méthode de dénombrement. Malgré son imagination et son inventivité incroyables et son excellent travail, il n'en demeure pas moins que cette petite population ne possède pas les ressources pour s'occuper du rapatriement de ce vêtement traditionnel. Mais, si le projet de loi est adopté, ce que j'espère que vous nous aiderez à obtenir, elle aura un endroit à qui s'adresser pour obtenir des conseils sur son rapatriement, sa conservation, sa restauration et sa garde.
    Vous avez tous entendu parler du musée brésilien rasé par le feu, il y a une semaine ou deux. Beaucoup d'objets autochtones canadiens y ont été détruits, des objets inestimables, disparus à jamais, faute d'être convenablement conservés. Peut-être nous pourrons prévenir de telles destructions si nous pouvons faire adopter le projet de loi, puis nous faire restituer ces biens et les conserver convenablement.
    J'ai été ravi de m'occuper de ce dossier, ravi d'en discuter avec des Autochtones de tout le pays et du monde entier. Quelle tâche agréable! Une opinion d'abord exprimée par des moyens modestes a fini par faire boule de neige. J'apprécie l'attention que vous lui avez accordée.
    Je dois reconnaître l'excellent travail de Heather Stevens.
    Merci beaucoup, Heather.
    J'en dis autant sur vous, Joel.
    Sur ce, je m'arrête. J'accueillerai avec plaisir vos observations, vos questions et tout le reste.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Stevens, avez-vous un exposé à faire?
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je me nomme Heather Stevens. Je suis une Micmaque de la nation de Millbrook, en Nouvelle-Écosse, comme Bill l'a dit. Je suis venue parler du projet de loi C-391. Je parlerai un peu de son historique et de moi.
    Je suis la superviseuse des opérations du Centre culturel et patrimonial de Millbrook, dans la Première Nation de Millbrook. Nous y conservons des objets façonnés par notre peuple micmac il y a 7 500 ans. Songez-y. Ils sont très anciens.
    J'oublie mes notes un instant. À proximité du centre, il se trouve, à Mi'kmawey Debert, un chantier de fouilles archéologiques où nous avons mis au jour des objets façonnés par notre peuple qui remontent à il y a 13 600 ans. Remarquez que ces objets ne se trouvent pas non plus dans notre centre. Nous espérons les y accueillir.
    Nous sommes chanceux et honorés d'y conserver des objets vieux de 7 500 ans.
    Je suis venue parler de notre lutte pour essayer de rapatrier dans son pays d'origine un objet sans prix de notre histoire culturelle, un costume micmac, datant des années 1840, qui se trouve au musée de Melbourne, en Australie. Notre musée en possède une photo, comme Bill l'a dit, mais l'objet se trouve rangé quelque part au musée de Melbourne.
    À mon arrivée au Centre du patrimoine de Glooscap et au Musée Mi'kmaq, qui est maintenant le Centre culturel et patrimonial de Millbrook, j'étais adjointe aux programmes. À l'époque, la photo du costume se trouvait dans la même vitrine, et je me suis souvent demandé pourquoi nous n'avions qu'une photo. Pourquoi ne possédions-nous pas ce costume historique, pour le montrer à tous les Micmacs de la Mi'kma'ki, la terre des Micmacs dans notre langue, le faire toucher, leur apprendre directement cette partie de notre histoire?
    Ceux qui avaient essayé de l'acquérir avec le concours de la Confédération des Micmacs du continent et le Centre du patrimoine de Glooscap m'ont répondu que les tracasseries administratives excessives avaient eu raison de leur optimisme. Malgré mon irritation extrême, je ne pouvais rien faire dans le poste que j'occupais.
    À mon arrivée, finalement, dans mon poste actuel, je me suis fait un devoir, non seulement à moi, mais un devoir à tout le personnel, de parler du costume à tous les visiteurs de notre centre, dans l'espoir que, un jour, quelqu'un nous écouterait et nous aiderait. Ce jour est venu à la fin de l'année dernière, quand le député Bill Casey est venu au centre, pour une question tout à fait étrangère. J'avais pris sur moi de lui faire visiter le musée. Quand nous sommes arrivés devant la vitrine, je lui ai parlé de la valeur de la pièce et de l'inanité de mes efforts. C'est alors que m'est apparue dans ses yeux une lueur que je n'avais jamais encore vue, la lueur de l'espoir.
    À partir de là, Bill Casey a collaboré avec moi à l'acquisition de ce costume micmac historique et sans prix et à son retour à la place qui lui revenait de droit. Peu après, j'ai noué contact avec une employée worimi du musée de Melbourne à qui j'ai parlé du costume. Elle a pu comprendre ce que ce vêtement signifiait et le désir de le rapatrier à sa place légitime, et sa participation à ce retour l'emballe tellement.
    Actuellement, le dossier évolue lentement, mais je suis très optimiste: si le projet de loi est adopté, nous ouvrirons une porte qui permettra à d'autres Premières Nations d'obtenir la restitution d'objets qui leur appartiennent légitimement, et elles pourront faire connaître leur histoire. La diffusion de cette histoire parmi les Micmacs et d'autres pourrait favoriser la découverte d'objets directement inspirés par ce costume et d'autres faits historiques.
    Il s'agit d'un sentiment de reconnaissance des torts et de la mise en branle d'un processus de réconciliation pour les Premières Nations. Comme beaucoup d'autres Autochtones, j'ai le sentiment que ce serait un pas dans la bonne direction, qui nous permettrait de renouer avec notre passé qui nous a été ravi si longtemps.
    Voilà. Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, du temps que vous m'avez accordé.
(1235)
    Merci pour vos exposés.
    Passons maintenant aux questions.
    La parole va d'abord à M. Randy Boissonnault.
    Merci, monsieur Casey. Vous nous rappelez l'importance des liens et des occasions que suscite la simple visite de nos propres circonscriptions. C'est la tâche fondamentale d'un député, et il en est de même pour notre gouvernement à l'égard de la réconciliation. En ma qualité de Cri adopté et non-inscrit et de membre du caucus autochtone de notre gouvernement, j'appuie entièrement votre initiative.
    Je pense que vous avez été très intelligent dans la rédaction du projet de loi. Pouvez-vous seulement nous dire pourquoi vous avez un plan d'action national puis nous dire si le Trésor a prévu pour vous des fonds qui pourront, le cas échéant, vous être fournis grâce à ce projet de loi? J'aurai d'autres questions, ensuite.
    J'ai senti que Millbrook avait épuisé tous ses moyens. J'ai parlé à des directeurs de musée et ils parlent de rapatriement, mais pas avec les communautés autochtones. J'ai le sentiment qu'ils ne leur donnent pas l'aide qu'elles méritent. L'objectif est d'amplifier la voix des petites communautés autochtones comme Millbrook pour qu'elles ne soient pas laissées à elles-mêmes pour la réalisation de cette tâche.
    Pour l'argent, ça fait partie de la stratégie. Ce costume, si j'ai bien compris, est estimé à 500 000 à 600 000 $. Pour le moment, cette valeur estimée a été ramenée à zéro. En effet, le projet de loi C-391 prévoit son rapatriement sans frais. C'est ainsi que la stratégie nationale que je réclame pourrait se révéler utile. C'était l'un des obstacles qui ont arrêté les premiers qui ont tenté de le rapatrier. En ajoutant notre voix... je dirai seulement qu'il a suffi de 2 minutes 37 secondes à la Chambre des communes. C'est significatif. Je ne dirai pas que de l'argent ne sera pas débloqué, mais il n'est pas nécessaire. Il est surtout question, dans mon esprit, d'aide aux communications et au transport, ce genre de choses. La garde est vraiment importante. C'est là toute la question.
    Voici un livre écrit par Ruth Philipps, que j'ai rencontrée. C'est presque la bible des biens culturels autochtones. On y trouve tout l'historique des déplacements de ce costume, ici, dans le chapitre intitulé « Les voyages d'un costume micmac dans le monde ». Tout est dit dans ce livre extraordinaire. L'auteure a fait des recherches stupéfiantes. Elle y cite Huyghue, l'acquéreur, en 1843:
[...] Huyghue était convaincu du sort inévitable et tragique qui guettait les traditions culturelles des Autochtones et leur mode de vie: “Hélas! Pauvres vestiges d'une nation autrefois puissante, vous ressemblez aux feuilles qui restent dans l'arbre après que toutes les autres se sont flétries [...]”
    Voilà pourquoi l'acquéreur de 1843, voulait le préserver. Il chérissait les traditions et la culture micmaques. On le lit dans ce livre stupéfiant, dont l'écriture a coûté cinq années à son auteure.
(1240)
    Je voudrais qu'on sauve aussi les trésors.
    Joel, merci pour la rédaction habile.
    Bill, vous avez réussi un exploit. Vous pensiez joindre votre voix à celle des peuples autochtones, mais, en réalité, vous leur avez donné, sans le savoir, un puissant mégaphone.
    Je l'ignorais.
    Une de mes collègues, Carolyn Campbell, qui a dirigé la faculté d'éducation permanente de l'Université de l'Alberta consacre son doctorat, qu'elle fait à Oxford, au rapatriement. Le sujet touche le nationalisme, le statut national, les efforts de réconciliation partout dans le monde. Pour beaucoup, c'est un thème très intéressant.
    Madame Stevens, à quoi ont ressemblé les discussions avec votre homologue de Melbourne?
    Elles ont été extraordinaires. Elle s'appelait Geneviève. Elle était aux nues. Elle a été tellement d'un grand secours.
    C'est une belle expérience pour elle.
    Effectivement. Elle est d'un tellement grand secours et elle est si compréhensive. Comme je l'ai dit, c'est aussi une Autochtone, et les Autochtones de là-bas veulent aussi rapatrier certains de leurs biens. C'est notamment ce qui l'a éclairée, et l'espoir est permis.
    Elle est en congé de maternité. Elle attend donc de revenir, mais son adhésion est complète.
    J'adresserai aussi mes remerciements à l'ambassadrice Smith.
    Le moment est propice, parce que, le 3 octobre, le Musée royal de l'Alberta, qui ouvre alors ses portes, sera le plus grand musée dans l'Ouest. Vous aurez mon appui absolu pour faire aboutir ce projet de loi, parce que je pense que nous voudrons rapatrier beaucoup d'objets culturels dans cette région.
    Merci à vous tous pour votre excellent travail.
    Merci.
    Monsieur Shields.
    Merci, madame la présidente. Je remercie aussi les témoins ici présents.
    Monsieur Casey, j'ai visité Truro, il y a longtemps, puis récemment. La première fois, c'était en 1959. C'est peut-être avant que...
    On en parle encore là-bas.
    Des voix: Oh, oh!
    Très bien. Merci. Si seulement...
    Il est réconfortant d'assister à la renaissance économique de la ville et au retour de sa prospérité. C'est intéressant.
    Comme vous le savez, je me suis prononcé à la Chambre pour ce projet de loi. Ma circonscription abrite un musée autochtone assez important à Blackfoot Crossing. Pour ce qui concerne certains des enjeux dont j'ai parlé, et vous avez peut-être entendu certains d'entre nous les aborder, et l'intérêt du rapatriement des biens culturels, je pense que vous nous rendez un fier service, mais comment renforcer les dispositions pour que, après le retour de ces biens, ils continuent de remplir leur vocation?
    C'est en partie le problème qu'éprouve le musée de Blackfoot Crossing. Il possède une abondance d'objets. Certains d'entre eux proviennent du musée Glenbow de Calgary, l'un des plus grands dépôts d'objets autochtones, mais, malgré le retour de ces objets dans ce musée, ils ne sont pas exposés. Je l'ai visité. Je sais qu'on y expose des objets, mais beaucoup ne le sont pas. Comment nouer ce rapport pour favoriser leur exposition après leur rapatriement?
    Ensuite, quand il est question de coûts, je pense qu'il faut... Ce n'est pas seulement le transport auquel on n'a pas songé, mais à l'expertise muséale, dans un certain sens, parce que le musée n'a pas été consulté à ce sujet. Nous devons trouver une façon de financer non seulement le retour mais aussi l'entreposage, l'exposition et la garde. Ça ne se borne pas au rapatriement. Nous avons besoin d'un mécanisme de soutien grâce à l'association de nos musées pour renforcer la fonction de dépôt à l'endroit où retournent les objets.
    Il faut renforcer le projet de loi en ce qui concerne le financement, parce qu'une organisation formidable représente les musées et possède énormément de talent, mais ça n'a pas de suite dans le projet de loi ou le projet de loi n'en tient pas compte. Il faut agir sur ce point.
    Enfin, une remarque, peut-être. Je possède une oeuvre d'art notable, don d'un Autochtone. Est-ce que je devrais me faire du souci à son sujet? Se pourrait-il que ce bien personnel...? Qu'en est-il de la possession d'une importante oeuvre d'art autochtone? Est-ce que je risque désormais qu'on me demande de la restituer? La prudence est de mise, parce qu'il se trouve d'importantes oeuvres d'art autochtone un peu partout, qui sont très précieuses.
    J'ai terminé. Si vous voulez répondre...
(1245)
    J'aimerais répondre à une partie de la question.
    Premièrement, aucun élément ne traite de la confiscation d'un artefact acquis légalement. La robe a été acquise légalement.
    M. Martin Shields: Oui.
    M. Bill Casey: L'homme l'a achetée en 1843 et l'a léguée au musée à son décès. C'était tout à fait légal. Cela ne fait aucun doute.
    Il n'est nullement question de confiscation ici. J'avais commencé à vous parler des États-Unis, et je ne crois pas avoir terminé ce que je disais. Des lois américaines précisent qu'une institution qui reçoit des fonds fédéraux doit restituer les artefacts autochtones. Ce n'est pas notre démarche; nous misons sur la collaboration. La stratégie faciliterait la restitution d'une œuvre d'art, qu'elle ait été acquise illégalement, qu'elle soit sur le marché ou qu'une personne souhaite la rendre, comme dans votre cas, par exemple.
    Je souscris aussi entièrement à ce que vous avez dit au sujet des conditions d'entreposage et d'exposition sécuritaires. Ce n'était pas le cas au Brésil et les Brésiliens ont perdu ces artefacts à jamais. Perdus à jamais. Imaginez!
    Cela fait partie de la stratégie. Nous commençons à peine à effleurer la question. Ces aspects de la stratégie pourront être mis au point au fil du temps, lorsque nécessaire.
    Vous avez soulevé d'excellentes questions et les propositions d'amendements sont les bienvenues.
    En effet, et nous en ferons. À mon avis, l'idée est de renforcer ce projet de loi, et c'est ce que nos amendements permettront de faire.
    Nous sommes ouverts à l'idée de le renforcer ou de le modifier. Je constate qu'il s'agit d'un enjeu beaucoup plus important que je le croyais lorsque j'ai commencé.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Comme je l'ai indiqué, nous avons un centre autochtone, un centre important, mais les gens qui s'y rendent ne peuvent pas voir les artefacts.
    Oui.
    C'est vrai.
    Nous voulons que les gens puissent voir ces objets et prendre connaissance des histoires et des traditions qui y sont associées. J'entends les récits oraux que racontent toujours les aînés, mais les artefacts n'en font pas partie. Ils sont là, mais ne sont pas... Nous voulons nous assurer que cela fait partie du processus.
    Celle-ci est en Australie. Nous espérons qu'elle sera... On pense qu'elle se trouve dans un placard, en Australie.
    En effet.
    Je suis entièrement d'accord avec vous. Les communautés des Premières Nations ont de la difficulté à entreposer adéquatement les oeuvres et à raconter des histoires correctement. Un appui est nécessaire; il faut les aider.
    La communauté de Millbrook a la chance d'avoir un centre. Nous avons le présentoir nécessaire et l'emplacement qui convient pour l'entreposage de cette robe, si elle nous est restituée. On y présente actuellement une photo, mais tout est prêt si nous récupérons la robe.
    Je souscris entièrement à vos propos sur la nécessité d'offrir aux communautés des Premières Nations une aide gouvernementale pour leur permettre d'entreposer leurs artefacts adéquatement et de les utiliser pour témoigner de l'histoire et transmettre ces récits d'une grande importance.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous et j'espère que ceci permettra d'y parvenir.
(1250)
    Sans ces récits, on perd une grande partie de la signification et de l'histoire culturelle...
    Tout à fait.
    Voilà ce que cela représente.
    Vous auriez une photographie ici...
    Mme Heather Stevens: Oui...
    M. Martin Shields: ... mais sans ces récits, leur signification et leur histoire, on parle...
    D'objets, simplement.
    Exact.
    Ce n'est qu'un objet; j'en conviens entièrement.
    Si les communautés des Premières Nations obtiennent l'aide dont elles ont besoin pour récupérer ces artefacts et ces objets historiques, il est à espérer que cela permettra aussi d'en retracer l'histoire, qui pourrait ensuite être racontée et partagée, peut-être avec l'apport de descendants. Qui sait? L'histoire pourrait se poursuivre.
    Voilà le défi avec l'association des musées...
    Je me dois d'intervenir. Votre temps est écoulé, malheureusement. Je vous remercie.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Nantel.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Casey, je voudrais commencer en disant que, pour moi comme député et pour n'importe qui à la Cité parlementaire, la joie dans votre regard est belle à voir: vous êtes content de votre succès, et avec raison. Il est vrai que c'est en s'attardant aux questions propres à nos circonscriptions que l'on peut parfois trouver des causes qui, comme celle-ci, méritent une attention particulière, voire nationale. On pourrait même dire internationale, parce que l'Australie voudrait ravoir l'artéfact en question.
    Dans cet ordre d'idées, je pense, un peu comme mon collègue M. Shields, que la communauté a effectivement la capacité d'accueillir l'oeuvre quand elle est de retour. Je ne peux pas m'empêcher de penser ici à cette étude sur les musées. On me dit que le rapport la concernant a été déposé ce matin: bravo! J'imagine par ailleurs que le rapport sur les centres culturels finira lui aussi par être déposé.
    Il y a eu beaucoup de discussions sur les questions et les risques liés à l'existence de centres d'interprétation ou de musées de ce genre dans des communautés situées hors des grands centres. Est-ce que cela ne serait pas justement une belle occasion d'offrir une visibilité nationale au rapatriement éventuel de ce type d'artéfacts dans ces musées et d'obtenir l'appui financier de partenaires de prestige? Est-ce que le fait d'exposer les artéfacts rapatriés dans des vitrines et des présentoirs installés grâce à l'aide du public ne représente pas une belle occasion de dynamiser les petits musées de nos communautés?

[Traduction]

    Tout à fait. Nous pourrions établir un partenariat avec d'autres communautés autochtones. C'est certainement une possibilité. Cette connexion, ainsi que la possibilité de partager et d'appuyer cela seraient inestimables. Cet appui et ce lien permettraient, j'imagine, d'ouvrir une multitude de coeurs et d'avenues, c'est certain.
    Sans leur histoire sous-jacente, comme vous l'avez indiqué, tous ces articles ne sont que de simples objets.

[Français]

     Je pense à ce que nous avons vécu au cours des dix dernières années, à notre prise de conscience par rapport aux pensionnats autochtones, et je crois qu'il faut plus que jamais raconter votre histoire et que nous avons ici une belle occasion de le faire.
    Monsieur Casey, êtes-vous d'accord?

[Traduction]

    Tout à fait, mais nous voulons d'abord les rapatrier d'Australie et d'autres pays, si possible.
    J'habite en Nouvelle-Écosse, mais cette robe est connue des Autochtones de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. Ils en connaissent l'existence, et elle fait l'objet de discussions. Elle fait partie d'eux, de leur culture. Si nous réussissons à la rapatrier, elle se retrouvera à Millbrook, où elle sera exposée pour l'ensemble du Canada atlantique, puisqu'il s'agit d'un artefact micmac. Ils y accordent une grande importance, et je les comprends.
    Les gens en parlent. Samedi soir, j'ai participé à une activité du Conseil des Autochtones de la Nouvelle-Écosse. Il y avait des danseurs, des percussionnistes et des artistes interprètes, tous vêtus de répliques de tenues traditionnelles. Cet objet permettrait de fabriquer des répliques plus exactes. C'était un événement incroyable.
    J'ignore s'il y a des pow-wow dans votre région, mais il y en a chez nous. Ce sont événements absolument extraordinaires. On y fait renaître les cérémonies traditionnelles et la culture, comme les danses, les chants, les artefacts et les oeuvres d'art. C'est incroyable. Ce n'est qu'un début, mais ils gagnent en importance et sont de plus en plus fréquents. Millbrook accueille chaque été l'un des plus impressionnants pow-wow. C'est tout simplement formidable. Même l'événement de samedi, un souper, était fantastique. Il y avait des danseurs et des oeuvres culturelles, même si cela avait simplement lieu dans un hôtel. Cela aurait été beaucoup mieux s'ils avaient eu d'authentiques artefacts.
    Comme je l'ai dit, si cette robe revient à Millbrook, ce sera la fête dans tout l'est du pays.
(1255)
    Merci.
    Je dirais plutôt que ce sera la fête partout en Amérique du Nord. Les Micmacs n'habitent pas seulement dans l'est du Canada; ils sont répartis partout dans le monde, et rapatrier un tel objet établirait un précédent. Ce serait formidable de l'avoir.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous passons maintenant à Mme Dhillon.

[Traduction]

    Je vous remercie d'être venue et d'avoir témoigné.
    J'ai combien de temps?
    Vous avez jusqu'à sept minutes. Si vous le permettez, je dirais que nous n'aurons pas le temps de nous rendre à M. Hogg. Vous voudrez peut-être inclure sa question, le cas échéant.
    Avez-vous une question?
    Parfait.
    Je vous remercie d'être venue et d'avoir témoigné au Comité. M. Casey a abordé cet enjeu lors de notre caucus national, il y a quelques mois, et on pouvait voir dans son regard qu'il était à la fois ému et enthousiaste. C'était un moment de grande fierté pour lui.
    Voilà le genre de choses que peuvent faire les députés. Quel effet cela a-t-il eu dans votre communauté?
    Honnêtement, la communauté a accueilli la nouvelle avec stupéfaction et incrédulité. Cela va-t-il vraiment se produire? Cela devrait être d'une grande importance si cela arrivait, car beaucoup de choses que nous avons tentées au fil des ans ne se sont pas concrétisées. Les gens ont toujours de bonnes intentions, encore et encore, puis l'occasion est perdue et les bonnes intentions s'évanouissent. Toutefois, si cela devait arriver, le fait qu'on nous ait appuyés pour une chose à laquelle nous accordons tant de signification nous serait extrêmement précieux.
    Ce n'est pas tant lié à la réconciliation. Ce l'est, certes, mais il s'agit aussi de reconnaître que ces éléments de notre histoire doivent revenir ici, comme il se doit. Ils sont évidemment disséminés partout dans le monde, mais ils ne sont pas partagés. Ils n'appartiennent pas à notre peuple. Ce n'est pas seulement pour les Micmacs, mais toutes les Premières Nations du Canada.
    Donc, à votre avis, le rapatriement d'un artefact dans son pays d'origine aurait une valeur symbolique pour l'ensemble des Premières Nations du monde.
    Absolument, et cela susciterait simplement, parmi toutes les autres Premières Nations, l'espoir de voir leurs efforts se concrétiser. Nous nous trouvons à jeter des bases; nous leur avons ouvert la porte, et ce serait formidable de réussir.
    Monsieur Casey, quelle signification cela aurait-il pour vous personnellement?
    Je devrai commencer à porter des verres fumés.
    Des voix: Ha, ha!
    M. Bill Casey: Je pensais simplement que je vais célébrer le 30e anniversaire de ma première élection dans deux mois.
    Félicitations.
    Remarquez que j'ai été élu, puis défait, et recyclé. J'ai changé de parti plusieurs fois et je me suis présenté comme candidat indépendant. J'ai participé à des choses extraordinaires. J'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur le registre des tumeurs cérébrales. C'était vraiment important, mais celui-ci revêt une importance encore plus grande pour moi.
    Si vous voulez savoir ce que cela signifie pour moi, sachez que c'est très important. Je chéris notre histoire, mais encore plus l'histoire des Autochtones. La région où j'habite est riche de cette histoire, et à cet égard, nous sommes privilégiés.
    Heather a abordé le sujet. Je ne peux prononcer le nom micmac, mais l'endroit s'appelle Debert. On y a découvert la plus vieille communauté au Canada; elle date de 13 500 ans. Le site est très près de Millbrook. J'espère que nous progresserons sur ce site avant votre départ.
    Cela revêt une grande signification, mais je n'avais même pas saisi l'ampleur jusqu'à ce que nous commencions à recevoir des appels de peuples autochtones, de musées, et de gens de partout dans le monde. J'ai fait une entrevue téléphonique à ce sujet avec un journaliste allemand. C'était une première pour moi. Je doute qu'il se publie, en Chine, beaucoup d'articles en chinois sur des projets de loi d'initiative parlementaire. Cela s'est révélé être très marquant et très significatif pour moi. Je suis extrêmement reconnaissant d'avoir l'occasion de présenter ce projet de loi et du fait que vous l'examiniez. J'espère qu'il sera adopté.
(1300)
    D'après ce que vous avez dit, cela aura aussi une incidence à l'échelle mondiale. C'est ce que je comprends de votre témoignage. C'est quelque chose d'extraordinaire pour les Canadiens et pour les communautés autochtones partout dans le monde.
    La question s'adresse à Mme Stevens ou à M. Casey. Que feriez-vous pour encourager les autres pays ou les communautés à redonner les artefacts et pour demander la restitution de ceux qui appartiennent à la communauté autochtone?
    Je pense que je ferais preuve d'empathie, simplement. Chacun a une histoire, quelque chose qui l'interpelle. Il s'agirait simplement d'avoir un lien, une relation, une compréhension. Tout le monde a de la compassion. À certains égards, tous comprennent qu'ils ont besoin d'un lien avec leur histoire, ou plutôt que c'est une bonne chose, pour pouvoir la partager avec d'autres afin qu'ils puissent apprendre et grandir. C'est ce que je ferais, essentiellement.
    M. Hogg a une question.
    J'aimerais simplement répondre à la question, si vous le permettez. J'imagine une situation où Genevieve, la femme autochtone d'Australie, viendrait à Millbrook pour présenter le costume à Heather. La photo de l'événement ferait le tour du monde. Ce serait une rencontre entre deux Autochtones, deux femmes, qui plus est. Si nous obtenons l'autorisation de le rapatrier, je ferai tout en mon pouvoir pour que cela se produise. J'aimerais que Genevieve apporte le costume ici. Je suis certain que cela ferait les manchettes partout dans le monde.
    C'est formidable.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Yurdiga.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Casey. C'est un excellent projet de loi. Je suis heureux qu'il ait été présenté et d'avoir l'occasion de participer au processus et de discuter de sa mise en oeuvre après son adoption à la Chambre. J'aimerais simplement avoir des précisions.
    Il va sans dire que de nombreuses Premières Nations aimeraient l'exposer dans leur communauté. Une des préoccupations qui revient constamment est que nous n'avons pas l'expertise nécessaire pour conserver ces objets. Nous n'avons pas l'infrastructure ou la capacité financière pour acquérir des présentoirs à humidité ou température contrôlée, par exemple. Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je suis certain que beaucoup pourraient avancer des chiffres. Les communautés voudront certainement l'aide financière du gouvernement, puisqu'ils n'ont pas les ressources nécessaires.
    Le retour de ces artefacts dans les communautés est très important. Le projet de loi suscite un grand enthousiasme. Selon vous, la stratégie comprend-elle du financement, que ce soit pour la formation, le coût des infrastructures et même les coûts de fonctionnement? De tels objets nécessitent des soins particuliers. Pourriez-vous en dire un peu plus pour me donner une meilleure idée des objectifs que vous visez par l'intermédiaire de ce projet de loi et de son incidence sur nos communautés?
    Je pense que vous voyez que j'espère que ce projet de loi ira loin. Il doit s'accompagner d'une stratégie de ce genre. Je réclame la même stratégie que vous, et elle devra comprendre tout ce que vous dites, en plus des ressources nécessaires. Il y a beaucoup de choses qui doivent être prises en compte.
    Nous venons d'accepter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous allons l'adopter. Cette déclaration prévoit que nous prenions des mesures spéciales pour aider les économies des Premières Nations. Voilà un exemple de mesure spéciale. Si nous pouvons les aider à établir ce que vous décrivez, soit les installations nécessaires pour exposer ces objets, ce sera déjà énorme.
    Tout le monde semble s'intéresser à l'histoire autochtone. Je m'y intéresse, en tout cas, et je sais que la plupart des gens s'y intéressent, mais ils manquent de ressources. On y revient toujours dans tout ce que nous faisons et dans tout ce que nous voulons faire. Tout revient toujours à cela. Nous l'avons adoptée. Nous avons accepté de prendre des mesures spéciales.
    Le principal enjeu pour l'Association touristique autochtone du Canada était celui des artefacts. Je n'en avais aucune idée, mais je venais tout juste de déposer mon projet de loi C-391. Je me suis rendu à une réunion à l'édifice du Centre, et c'était le principal sujet abordé. Ils n'étaient pas au courant de mon projet de loi, mais leur principale préoccupation était la restauration des artefacts pour qu'ils puissent les exposer et attirer les touristes. Cela contribuerait à payer pour cela. Ce pourrait être un plan d'affaires viable. Les communautés pourraient exposer leurs artefacts, et il leur en coûterait tant. Ce pourrait être un bon plan d'affaires à présenter pour financer tout cela.
    La stratégie est d'aider les Premières Nations comme celle de Millbrook à trouver une solution. Je ne demande pas qu'on y consacre une fortune, mais j'aimerais qu'on adopte une stratégie pour aider les Premières Nations. Il est certain qu'il arrivera que ce ne soit tout simplement pas viable. Si telle robe coûtait 500 000 $ ou 600 000 $ il y a 10 ou 15 ans, elle coûtera probablement beaucoup plus cher aujourd'hui. Ce sera alors impossible pour nous de la financer, mais si l'on en parle, comme la Chambre des communes le fait, nous pourrions peut-être la récupérer à coût nul.
    Heureusement, Millbrook a de bonnes installations, bien construites, dotées des protections environnementales et contre les incendies nécessaires, mais vous avez raison de dire que ce n'est souvent pas le cas. Ce pourrait être un volet de la stratégie. Si nous reconnaissons que ces artefacts constituent une ressource formidable — et c'en est une — peut-être trouverons-nous les moyens de les exposer. Que pensez-vous de cette réponse?
(1305)
    Merci.
    C'était tout le temps que vous aviez.
    Je vous remercie beaucoup de cette réponse.
    Passons maintenant à M. Hogg pour les dernières questions.
    Je pense que le principe sur lequel vous vous appuyez est celui de l'acceptation et de la compréhension dans la culture canadienne et même dans le monde. D'après ma lecture du projet de loi, vous voulez créer un espace où rassembler toute l'information, en vue de négociations pour rectifier le tir. Il n'est pas question d'imposer un changement de force.
    À la lumière du projet de loi que vous avez déposé et des conversations que vous avez eues à ce jour, y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi que vous souhaiteriez changer ou qui serait peut-être différent maintenant ou considérez-vous qu'il est conforme aux principes et aux valeurs que vous souhaitiez protéger?
    La seule crainte qui nous a été exprimée est que ce soit interprété comme une confiscation. Le but n'a jamais été de confisquer quoi que ce soit. C'est le seul commentaire négatif que nous avons reçu. Les communautés ne sont pas contre, mais elles se posent des questions à ce sujet. S'il faut clarifier cela, qu'on le fasse. Il n'a jamais été question de confisquer les artefacts de qui que ce soit s'ils ont été obtenus en toute légalité.
    Cette robe, par exemple, a été obtenue de façon tout à fait légitime. On trouve toute l'histoire dans ce livre. Il y a tout un chapitre sur cette robe. On peut y découvrir exactement d'où elle vient et comment elle est arrivée là. Il n'y a jamais eu de remise en question de la légalité de la propriété de cette robe, mais elle est maintenant accessible, peut-être. Les membres de la Première Nation de Millbrook ne peuvent pas tout faire seuls, donc si nous avions une stratégie nationale, ce serait tout à l'avantage de notre pays de contribuer à la récupérer.
    Aux États-Unis, il y a une loi qui permet au gouvernement de confisquer des biens, ce qui n'est pas le cas au Canada, et je ne réclame rien de tel.
    C'est la seule chose.
    Tout à fait, d'après l'information que nous avons, vous parlez de résolution de problèmes et non de confiscation de quoi que ce soit. Je ne sais pas trop ce qui pourrait porter un lecteur à le craindre, à part ses propres suppositions.
    Nous avons parlé avec des représentants de nombreuses associations de musées, des dizaines. Nous avons parlé avec des représentants de la principale d'entre elles, l'Association canadienne des musées, et cela leur semblait possible aussi, mais quand j'en parle avec les Autochtones eux-mêmes, ils craignent que les musées soient en concurrence avec eux pour les artefacts. Ces deux points de vue sont totalement à l'opposé.
    Les représentants des musées pensent pouvoir les aider, et je pense qu'ils sont sincères, mais quand je parle aux Autochtones eux-mêmes, ils affirment voir les musées comme des rivaux pour les artefacts. Le but est de rendre leurs artefacts aux Autochtones.
    Je ne sais pas... Où se trouve Mount Currie, en Colombie-Britannique?
    Un peu au nord de Whistler.
    Il se trouve que j'ai reçu un courriel d'un chef, là-bas...
    Vous avez mentionné cela. Je suis allé à Mount Currie à quelques reprises.
    Je ne sais pas comment il en a entendu parler, mais cela ressort partout.
(1310)
    Je pense à la Première Nation de Semiahmoo, près de chez moi, et au Musée d'anthropologie de l'UBC, qui a une formidable collection d'artefacts autochtones. Je serai porté à croire que par le processus de médiation, le peuple de Semiahmoo voudrait récupérer certaines pièces en la possession du musée provincial, par exemple. Je pense que c'est le principe dont vous parlez, selon lequel les communautés d'origine devraient récupérer leurs artefacts d'un endroit central. Je pense que cela pourrait susciter de l'intérêt.
    J'aime beaucoup l'idée que vous présentez, et je suis d'accord avec le principe, mais j'aime bien aussi l'idée de la médiation et de la recherche d'une formule pour négocier tout cela, en discuter, puis de la mettre en place avant d'aller plus loin. J'aime bien la façon dont vous présentez l'idée, j'aime la formule et j'aime le principe, donc je vous en remercie.
    Je dois vous dire que j'espère que cela va susciter une conversation avec les musées et les associations qui possèdent des artefacts autochtones, mais qui n'ont jamais même songé à leur rapatriement. Peut-être que certaines personnes y réfléchiront. Ce n'est pas une forme de confiscation, mais cela se veut clairement une incitation à en parler.
    Il y a beaucoup d'artefacts du peuple haïda à New York.
    J'imagine.
    Il se bat pour les récupérer depuis quelque temps. Il a réussi à en rapatrier quelques-uns, mais j'espère que cette mesure l'encouragera et lui donnera les moyens d'aller encore plus loin.
    Je pense qu'il y avait aussi des artefacts haïdas dans l'incendie survenu au Brésil, n'est-ce pas?
    C'est ce que j'ai entendu.
    Merci.
    Merci, monsieur Casey, monsieur Henderson et madame Stevens, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour amorcer notre étude sur ce projet de loi. On dirait bien qu'il y a beaucoup de discussions intéressantes en vue et que nous aurons peut-être aussi un livre à lire. Je vous remercie infiniment. Cela vient clore la réunion.
    La séance est levée.
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