CAAM Rapport du Comité
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La canalisation 5 d’Enbridge : Rapport intérimaire
Introduction
Le 16 février 2021, la Chambre des communes a adopté une motion portant création du Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis (le Comité spécial). Aux termes de l’alinéa k de la motion, le Comité spécial est chargé de :
présenter, au plus tard le 15 avril 2021, un rapport provisoire concernant une analyse de l’importance du pipeline canalisation 5 d’Enbridge pour les économies des deux pays et des conséquences de son éventuelle fermeture, y compris les répercussions sur le marché du travail des licenciements de travailleurs syndiqués et d’autres travailleurs, et comportant des recommandations pour la protection des intérêts canadiens[.]
La canalisation 5 d’Enbridge Inc. (Enbridge), en service depuis 1953, transporte quotidiennement jusqu’à 540 000 barils de pétrole brut léger et de liquides de gaz naturel. Ces produits pétroliers sont raffinés en propane, essence, carburéacteur et autres produits dans des raffineries et des usines en Ontario et au Québec, ainsi qu’en Indiana, au Michigan, en Ohio et en Pennsylvanie. La canalisation 5, qui va vers l’est de Superior (Wisconsin) à Sarnia (Ontario), traverse le détroit de Mackinac (le détroit) – un passage de 50 kilomètres reliant le lac Michigan au lac Huron – au Michigan.
Le 13 novembre 2020, invoquant des préoccupations environnementales, la gouverneure du Michigan a publié un avis révoquant et résiliant le droit d’usage qui permet à Enbridge d’exploiter une double canalisation traversant le détroit, donnant à Enbridge 180 jours – jusqu’au 12 mai 2021 – pour fermer cette section de la canalisation 5. Enbridge et l’État du Michigan (le Michigan) ont tous les deux intenté des poursuites, et Enbridge a déclaré publiquement qu’elle entend poursuivre l’exploitation du pipeline après l’échéance du 12 mai 2021. Au même moment, le projet de tunnel des Grands Lacs, qui prévoit le remplacement de la canalisation qui traverse le détroit par une nouvelle canalisation passant dans un tunnel sous le détroit, est en voie d’obtenir les approbations réglementaires requises auprès de l’État et du gouvernement fédéral américain.
L’éventuelle fermeture de la canalisation 5 a soulevé des inquiétudes au Canada relativement à la sécurité de l’approvisionnement en énergie, à des pertes d’emplois et à d’autres répercussions négatives. La canalisation 5 contribue à la relation économique entre le Canada et les États‑Unis, crée des opportunités pour le commerce transfrontalier de produits énergétiques et contribue à assurer aux consommateurs dans les deux pays un approvisionnement fiable en ce qui concerne ces produits.
Entre le 2 et le 30 mars 2021, le Comité spécial a tenu cinq réunions au cours desquelles 18 témoins ont parlé de la canalisation 5. Le Comité spécial a entendu les témoins suivants : le ministre des Ressources naturelles du Canada, l’ambassadrice du Canada aux États‑Unis, des représentants fédéraux, provinciaux et municipaux, dont des ministres, Enbridge, des associations commerciales, des organisations syndicales et un universitaire. Le ministère de l’Environnement, des Grands Lacs et de l’Énergie, le ministère des Transports et la Commission des services publics du Michigan, ainsi que la Bad River Band of Lake Superior Chippewa ont été invités à témoigner devant le Comité spécial, mais ils ont décliné l’invitation ou étaient dans l’impossibilité de comparaître.
Le présent rapport intérimaire résume les propos des témoins au sujet de la canalisation 5 et formule sept recommandations à l’intention du gouvernement du Canada. Les points de vue exprimés par les témoins sur d’autres sujets seront pris en compte aux fins d’autres rapports que produira le Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États‑Unis. Ce rapport intérimaire examine plus particulièrement les perspectives pour le maintien des opérations de la canalisation 5, certaines des implications potentielles de sa fermeture, ainsi que les mesures passées, actuelles et futures du gouvernement du Canada à l’égard de la canalisation 5. Le rapport présente en outre les conclusions et les recommandations du Comité spécial.
Perspectives de maintien des opérations de la canalisation 5
Selon les témoins, le différend entre Enbridge et le Michigan au sujet de la canalisation 5 pourrait se résoudre de plusieurs façons : la négociation ou la médiation, les poursuites en cours, une intervention du gouvernement fédéral américain ou l’achèvement en temps opportun du projet de tunnel des Grands Lacs. La vaste majorité des témoins ont fait valoir que les opérations de la canalisation 5 devraient être maintenues.
Enbridge a exprimé sa préférence pour un règlement du différend avec le Michigan par négociation ou médiation avant l’échéance du 12 mai 2021 pour la fermeture de la canalisation 5. Exprimant une préférence semblable, le ministre des Ressources naturelles du Canada et l’ambassadrice du Canada aux États-Unis ont décrit la médiation récemment ordonnée par la cour comme un développement positif qui pourrait permettre de résoudre le différend avant l’échéance. Le maire de Sarnia et la Sarnia Construction Association ont aussi dit préférer un règlement négocié à une décision judiciaire.
La ministre de l’Énergie de l’Alberta a fait valoir que, si la médiation échoue, l’exploitation de la canalisation 5 pourrait se poursuivre par l’entremise du litige. À cet égard, Enbridge a affirmé que le Michigan aurait besoin d’une injonction judiciaire pour l’empêcher d’exploiter la canalisation 5 après l’échéance du 12 mai 2021, une éventualité qu’elle considère comme peu probable. Enbridge a fait observer que la première audience du litige en cour fédérale est prévue le 12 mai 2021. Selon Enbridge, ce litige sera sans doute examiné « à divers échelons de la cour fédérale américaine » et ne sera pas résolu avant « de nombreuses années ». Le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario, ainsi que la section locale 663 de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États‑Unis et du Canada se sont dits inquiets que ce soit un tribunal américain qui tranche une question d’une telle importance pour le Canada.
La ministre de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan, le maire de Sarnia et la Sarnia Construction Association, ainsi que la section locale 663 de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États‑Unis et du Canada ont dit considérer que le gouvernement fédéral américain pourrait avoir un rôle à jouer dans la résolution du différend concernant la canalisation 5. Enbridge a souligné que, tandis que l’administration Trump avait publiquement soutenu la canalisation 5, l’administration Biden n’a pas, à ce jour, énoncé sa position. Affaires mondiales Canada a souligné que le différend est un « différend entre États », à savoir entre le gouvernement du Canada et le gouvernement fédéral des États-Unis; Enbridge et les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont par ailleurs insisté sur le fait que la canalisation 5 est réglementée par la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration, qui relève du gouvernement fédéral américain.
Soulignant le soutien de la gouverneure du Michigan au projet de tunnel des Grands Lacs, Enbridge a dit du projet qu’il était « la réponse » qui, une fois le projet réalisé, éliminerait le risque environnemental motivant l’opposition du Michigan à la canalisation 5. Affaires mondiales Canada a formulé des commentaires similaires, disant du différend entre Enbridge et le Michigan qu’il consistait à déterminer si la canalisation 5 devrait être fermée jusqu’à ce que le tunnel soit terminé, ce qui est actuellement prévu pour 2024.
Le ministre des Ressources naturelles du Canada a formulé des commentaires sur l’incidence d’une éventuelle fermeture de la canalisation 5 et a qualifié la poursuite des opérations de la canalisation de « non négociable ». Le Canadian American Business Council a dit que la canalisation 5 est un « service essentiel » et a prédit que sa fermeture aurait des effets « assez dramatiques ». Selon la ministre de l’Énergie de l’Alberta, une fermeture serait dévastatrice pour l’Alberta.
Implications potentielles d’une fermeture de la canalisation 5
Dans leur analyse des effets potentiels d’une fermeture de la canalisation 5, les témoins ont mis l’accent sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique, les mesures d’adaptation et les limites en matière de transport, les pénuries de produits énergétiques, les changements de prix, les pertes d’emplois ainsi que les relations du Canada avec le Michigan et d’autres États américains.
Le ministre des Ressources naturelles du Canada, la Chambre de commerce du Canada et l’Association canadienne du propane ont soutenu que la canalisation 5 contribue à la sécurité de l’approvisionnement énergétique pour le Canada et/ou les États-Unis. Le ministre des Ressources naturelles du Canada a déclaré que la canalisation 5 approvisionne quatre raffineries de l’Ontario et deux du Québec. De plus, la Chambre de commerce du Canada a mentionné que le centre du Canada dépend de la canalisation 5 pour son approvisionnement en essence, mazout et carburéacteur, tandis que le ministre des Ressources naturelles du Canada et Enbridge ont fait observer que la canalisation 5 répond à 55 % des besoins du Michigan en propane. L’Association canadienne du propane a insisté sur le fait que la canalisation 5 est le seul oléoduc qui fournit du propane au Sud de l’Ontario. Selon la ministre de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan, la canalisation principale d’Enbridge – dont fait partie la canalisation 5 – est « la seule véritable sortie » de transport par oléoduc pour les producteurs d’énergie de cette province.
Le Canadian American Business Council, les Syndicats des métiers de la construction du Canada et l’Association canadienne du propane ont fait observer que la fermeture de la canalisation 5 ferait augmenter le nombre de camions, de wagons et/ou de barges qui transportent des produits énergétiques dans certaines parties du Canada et des États‑Unis. Ressources naturelles Canada a avancé que, dans l’éventualité d’une fermeture, il faudrait « quelque 2 100 camions-citernes par jour qui partiraient de Superior pour se diriger vers l’est en traversant le Michigan, et environ 800 wagons circulant sur les voies ferrées de cet État » pour transporter la même quantité de produits que la canalisation 5. De l’avis de la Chambre de commerce du Canada, « il faudrait avoir recours à un maximum de 2 000 camions-citernes ou de 800 wagons par jour pour absorber les produits déplacés ». Les Syndicats des métiers de la construction du Canada sont arrivés à une estimation de plus de « 2 000 camions par jour » ou « 800 wagons », tandis qu’Enbridge a évoqué « 15 000 camions spécialisés par jour » ou « 800 wagons supplémentaires par jour ».
La ministre de l’Énergie de l’Alberta a noté que, en cas de fermeture de la canalisation 5, les raffineries de Montréal auraient un certain nombre d’options pour obtenir leurs intrants énergétiques : le transport ferroviaire ou routier depuis l’Ouest du Canada, le transport maritime depuis divers pays, y compris les États de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, ou le transport par un oléoduc provenant de Portland, au Maine. Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, qui comparaissait devant le Comité à titre personnel, a prétendu que la fermeture de la canalisation 5 pourrait entraîner la remise en service d’oléoduc entre Portland et Montréal, lequel n’est « pratiquement plus utilisé ».
La Chambre de commerce du Canada a affirmé qu’une augmentation du transport ferroviaire et routier en raison de la fermeture de la canalisation 5 se traduirait par une augmentation des coûts de transport, des émissions de gaz à effet de serre et de la congestion pour les navetteurs canadiens et américains. En outre, l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord a soutenu qu’une augmentation de la congestion du transport routier découlant d’une telle fermeture aurait un effet « très nuisible » pour au moins certains secteurs qui comptent sur la livraison de pièces juste-à-temps, dont celui de l’automobile. Selon l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord, certains législateurs du Michigan craignent qu’une augmentation de la demande de transport de produits pétroliers par camion ou par train n’ait un effet négatif sur le secteur agricole. Le ministre des Ressources naturelles du Canada, Enbridge, la Chambre de commerce du Canada et la Sarnia Construction Association ont indiqué que les moyens de transport alternatifs ne seraient pas aussi sûrs que la canalisation 5.
Selon Enbridge et l’Association canadienne du propane, à court terme, il serait difficile, voire impossible, pour les moyens de transport alternatifs de transporter leurs produits actuels ainsi que le volume de pétrole brut et de liquides de gaz naturel qu’achemine actuellement la canalisation 5. La ministre de l’Énergie de l’Alberta a prédit que la fermeture éventuelle de la canalisation 5 créera des « embouteillages dans le Midwest » qui limiteront la circulation d’un maximum de 400 000 barils de pétrole brut albertain par jour.
Selon Enbridge, en cas de fermeture de la canalisation 5, les raffineries de l’Ontario et du Québec, ainsi que celles de l’Indiana, du Michigan, de l’Ohio et de la Pennsylvanie, seraient incapables d’obtenir les volumes de pétrole brut et de liquides de gaz naturel dont elles ont besoin. En conséquence, toujours selon Enbridge, une fermeture entraînerait des pénuries d’essence, de diésel, de carburéacteur, de propane et de butane dans ces provinces et ces États. Tant le ministre des Ressources naturelles du Canada que le Canadian American Business Council ont soutenu qu’une fermeture provoquerait une pénurie de propane de plus de 750 000 gallons par jour au Michigan.
L’Association canadienne du propane a insisté sur le fait qu’une interruption « prolongée » de la canalisation 5 aurait des « répercussions graves et durables » sur l’approvisionnement en propane de l’Ontario, du Québec et du Canada atlantique. L’Association canadienne du propane a ajouté que 25 % du propane « commercialisé » en Ontario est utilisé dans les hôpitaux, les écoles et les entreprises et que cette proportion s’élève à 45 % au Québec. L’Association canadienne du propane a conclu que, advenant une fermeture, les « établissements » dans les régions rurales de l’Est du Canada éprouveraient de « grandes difficultés ».
Les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont dit qu’une fermeture de la canalisation 5 ferait augmenter le prix du gaz, du propane et des produits pétrochimiques utilisés dans la fabrication; selon Enbridge, le prix du propane augmenterait de 38 cents le gallon au Michigan. De l’avis de la section locale 663 de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada, le coût du combustible pourrait tripler. La ministre de l’Énergie de l’Alberta a affirmé que, étant donné les « embouteillages » du pétrole anticipés dans le Midwest, la fermeture exercerait une pression à la baisse sur le prix qu’obtiendraient les producteurs de pétrole de l’Alberta pour leur produit.
De l’avis du ministre des Ressources naturelles du Canada, des milliers d’emplois des « deux côtés de la frontière » dépendent de la canalisation 5. Le ministre des Ressources naturelles du Canada, le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario, la Chambre de commerce du Canada et l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord ont souligné que plus de 20 000 emplois à Sarnia sont directement ou indirectement soutenus par à la canalisation 5.
Les Syndicats des métiers de la construction du Canada étaient d’avis que la fermeture de la canalisation 5 pourrait entraîner la perte de 25 000 emplois, et l’Association des explorateurs et producteurs du Canada a prédit des « répercussions négatives importantes » sur les emplois aux États-Unis. D’un point de vue sectoriel, l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord a déclaré qu’une telle fermeture pourrait avoir des répercussions sur les emplois dans des secteurs comme l’automobile, les cosmétiques et les fournitures médicales, et la section locale 663 de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada a parlé de pertes d’emplois et de d’arrêts des opérations dans des secteurs comme le pétrole et le gaz, l’électronique, la fabrication automobile, l’agriculture, les cosmétiques, les articles de sports, les produits pharmaceutiques et les fournitures médicales, y compris pour certaines petites entreprises.
Même si les témoins n’ont pas cité d’études sur le nombre d’emplois dans chaque province qui pourraient être touchés par la fermeture de la canalisation 5, l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord a indiqué que les pertes d’emplois se produiront en Alberta, en Ontario et au Québec, ainsi qu’au Michigan, en Ohio, en Pennsylvanie et au Wisconsin. Qui plus est, le ministre des Ressources naturelles du Canada a qualifié la canalisation 5 de « lien vital » pour le secteur pétrochimique du Québec, dont les deux raffineries dans cette province, ainsi que pour les raffineries de l’Ohio. Enbridge dit ne pas disposer d’une estimation des emplois qui seront perdus dans les secteurs québécois qui seront affectés par une fermeture.
Soulignant l’importance de l’intégration énergétique et des « relations commerciales essentielles » « pour les emplois et les économies des deux côtés de la frontière » entre le Canada et les États-Unis, la ministre de l’Énergie de l’Alberta a affirmé qu’une fermeture de la canalisation 5 menacerait la relation de la province avec le Michigan et peut-être d’autres États américains. Selon la ministre de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan, une fermeture retirerait « [u]ne ressource aussi essentielle permettant aux familles de travailler et de rester au chaud, aux entreprises et aux secteurs cruciaux d’être alimentés et aux relations transfrontalières de fonctionner ». Le maire de Sarnia a affirmé que la gouverneure du Michigan a fait du tort à la relation de l’État avec l’Ontario et les « villes frontalières ».
Mesures du gouvernement du Canada relativement à la canalisation 5
Des témoins ont parlé des mesures passées, actuelles et futures du gouvernement du Canada à l’égard du différend entre Enbridge et le Michigan à propos de la canalisation 5. Leurs propos ont principalement porté sur les thèmes suivants : examiner les diverses mesures envisageables; nouer le dialogue avec les décideurs et les autres intervenants; aider à résoudre le différend par la voie juridique.
Le ministre des Ressources naturelles du Canada, l’ambassadrice du Canada aux États-Unis et Affaires mondiales Canada ont indiqué que le gouvernement du Canada étudie ses options quant aux mesures ultérieures à prendre à l’égard de la canalisation 5, le ministre des Ressources naturelles du Canada affirmant que le gouvernement se prépare à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le maintien des opérations de la canalisation 5. Le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario a exhorté le gouvernement « de n’exclure aucun recours possible », tandis que les Syndicats des métiers de la construction du Canada se sont dits d’avis que le gouvernement et tous les élus concernés devraient faire tout ce qu’ils peuvent pour empêcher une fermeture. De même, l’Association des explorateurs et producteurs du Canada a mentionné que le gouvernement devrait éviter « un arrêt des activités ».
Pour ce qui est de nouer le dialogue avec les décideurs et les autres intervenants, le ministre des Ressources naturelles du Canada a fait savoir qu’il avait discuté de la canalisation 5 lors d’une réunion avec la secrétaire à l’Énergie des États‑Unis, tandis que l’ambassadrice du Canada aux États-Unis a fait remarquer que le premier ministre du Canada a soulevé la question de la canalisation 5 auprès du président américain et du secrétaire d’État des États‑Unis, et elle a mentionné ses conversations avec l’actuelle gouverneure du Michigan et son prédécesseur.
La Chambre de commerce du Canada a appelé le gouvernement du Canada à poursuivre le dialogue avec l’administration Biden afin de trouver « rapidement une solution à l’amiable » au différend entre Enbridge et le Michigan. La section locale 663 de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada a suggéré que le premier ministre du Canada « doit traiter directement » avec le président des États-Unis sur la question de la canalisation 5 et la Sarnia Construction Association a souligné que le premier ministre devrait « souligner l’urgence » que constitue la fermeture potentielle de la canalisation 5 en discutant avec le président et la gouverneure du Michigan. Selon Enbridge, les gouvernements concernés au Canada devraient encourager les gouvernements fédéral et des États américains à reconnaître que la canalisation 5 constitue un enjeu binational « essentiel », que diverses provinces canadiennes et divers États américains comptent sur la canalisation pour leur approvisionnement en énergie et qu’une « solution diplomatique » est requise.
Affaires mondiales Canada a indiqué que le gouvernement du Canada travaille avec Enbridge pour nouer le dialogue avec le Michigan et d’autres États américains qui sont « directement concernés par la canalisation 5 ». L’ambassadrice du Canada aux États‑Unis, Affaires mondiales Canada et Ressources naturelles Canada ont formulé des commentaires sur leurs interactions avec les gouvernements provinciaux au sujet de la canalisation 5, Ressources naturelles Canada ajoutant qu’à sa connaissance, le Ministère n’avait pas eu de conversation directe avec les communautés autochtones.
Le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario, Enbridge et la Chambre de commerce du Canada ont plaidé pour le maintien de l’approche « équipe Canada » – un effort coordonné entre le gouvernement du Canada, les provinces concernées et d’autres intervenants – à l’égard des mesures qui sont prises pour appuyer la poursuite des opérations de la canalisation 5. Le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario a déclaré que des responsables du gouvernement de l’Ontario travaillent de concert avec Ressources naturelles Canada et les ministères responsables de l’énergie en Alberta, au Québec et en Saskatchewan.
Enfin, en ce qui concerne la résolution juridique du différend à propos de la canalisation 5, Enbridge et la Chambre de commerce du Canada ont exhorté le gouvernement du Canada à appuyer l’argument juridique d’Enbridge – question actuellement en litige aux États‑Unis – selon lequel la sécurité de la canalisation 5 est strictement de compétence fédérale aux États‑Unis. La ministre de l’Énergie de l’Alberta et le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario ont commenté la possibilité que le gouvernement participe aux procédures juridiques relatives à la canalisation 5 aux États‑Unis en présentant un mémoire d’amicus curiae, en plus de souligner la collaboration avec le gouvernement à cet égard, comme l’a fait la ministre de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan.
Affaires mondiales Canada a fait observer que le gouvernement du Canada a envisagé d’invoquer l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États‑Unis d’Amérique concernant les pipe-lines de transit de 1977 (Traité sur les pipe‑lines de transit de 1977) afin de tenter de résoudre le différend sur la canalisation 5. La ministre de l’Énergie de l’Alberta, le ministre adjoint de l’Énergie de l’Ontario, Enbridge, la Chambre de commerce du Canada et les Syndicats des métiers de la construction du Canada ainsi que la section locale 663 de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie des États-Unis et du Canada ont formulé des commentaires sur le recours éventuel à ce traité par le gouvernement, la Chambre de commerce du Canada soulignant que le traité pourrait être utilisé si le différend ne peut être réglé « à l’amiable » ou par « des voies diplomatiques autres que les tribunaux ». La ministre de l’Énergie de l’Alberta a aussi dit croire que le traité devrait être invoqué si « une solution diplomatique » ou « des résultats au moyen des litiges » ne règlent pas le différend.
Dans ses commentaires sur la politisation des questions touchant la canalisation 5, M. Pineau a soutenu que les décisions sur les pipelines et l’infrastructure énergétique devraient être prises de façon indépendante par les organismes de réglementation. De l’avis de M. Pineau, ces décisions devraient être fondées sur la planification à long terme à l’égard des besoins énergétiques des États‑Unis et du Canada, entre autres considérations.
Conclusion et Recommandations
La canalisation 5 est un élément important de la relation économique du Canada avec les États‑Unis qui contribue à la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans les deux pays. Sa fermeture pourrait avoir de nombreuses implications, y compris une sécurité affaiblie, des pénuries de produits énergétiques des deux côtés de la frontière, des embouteillages dans le transport du pétrole brut de l’Alberta, ainsi que des pertes d’emplois pour les travailleurs canadiens et américains. Dans ce contexte, le Comité spécial est d’avis que les efforts du gouvernement du Canada visant à assurer le maintien des opérations de la canalisation 5 sont essentiels.
Le différend entre Enbridge et le Michigan relativement à la canalisation 5 pourrait se régler par la négociation ou la médiation, les poursuites en cours, une intervention du gouvernement fédéral américain ou l’achèvement rapide du projet de tunnel des Grands Lacs. De l’avis du Comité spécial, tout règlement devrait être à la fois opportun et durable et, dans l’idéal, comprendre un accord conclu par négociation ou médiation entre Enbridge et le Michigan.
Pour favoriser le maintien de l’exploitation de la canalisation 5, le gouvernement du Canada a, à ce jour, tenu des discussions directes en haut lieu avec de nombreux décideurs américains, y compris le président des États‑Unis et certains membres de son cabinet, ainsi que la gouverneure du Michigan. D’autres discussions pourraient faciliter la résolution du différend entre Enbridge et le Michigan dans la mesure où elles donnent lieu à une compréhension commune de l’importance de la canalisation 5 et des effets potentiels de sa fermeture. De ce point de vue, le Comité spécial croit que le maintien du dialogue entre les gouvernements du Canada et des États‑Unis revêt une importance capitale pour la poursuite des opérations de la canalisation 5. Or, des discussions bilatérales efficaces ne doivent pas se limiter au pouvoir exécutif. Les législateurs canadiens peuvent montrer leur appui à l’égard de la canalisation 5 en amorçant des discussions avec leurs homologues américains.
De plus, afin d’appuyer la canalisation 5, le gouvernement du Canada a engagé le dialogue avec divers intervenants canadiens, dont Enbridge et les gouvernements provinciaux. Le Comité spécial appuie une telle approche « équipe Canada » et croit qu’elle devrait englober tous les points de vue pertinents – y compris ceux des Autochtones – lorsque les décisions sont prises et mises en œuvre. De même, il serait bon d’entamer des discussions avec les secteurs dépendants de la canalisation 5 pour l’établissement de plans de contingence dans l’éventualité d’une fermeture d’oléoduc.
Le gouvernement pourrait utiliser la voie juridique pour tenter d’assurer la continuité des opérations de la canalisation 5. Si Enbridge et le Michigan n’arrivent pas à résoudre le différend entre eux, le Comité spécial croit qu’invoquer le Traité sur les pipe-lines de transit de 1977 pourrait aider à la résolution du différend. Le gouvernement pourrait aussi invoquer d’autres traités internationaux pertinents ou encore déposer un mémoire d’amicus curiae à un tribunal fédéral des États-Unis.
Dans l’idéal, la canalisation 5 et les autres volets des infrastructures énergétiques et des chaînes d’approvisionnement canado-américaines poursuivraient leurs activités sans aucune interruption. De l’avis du Comité spécial, l’importance de ces infrastructures et chaînes d’approvisionnement met en évidence que le gouvernement du Canada doit comprendre tous les risques qui pèsent sur leur viabilité. Cette compréhension pourra ainsi limiter les effets néfastes sur le pays et contribuer à des relations productives et fiables en matière d’énergie avec les États-Unis.
À la lumière de ce qui précède, le Comité spécial recommande :
Recommandation 1
Que le gouvernement du Canada encourage Enbridge Inc. et l’État du Michigan à résoudre entre eux le différend relatif à la canalisation 5 dans le cadre d’un accord conclu par négociation ou médiation. Le gouvernement devrait faire savoir aux parties concernées qu’un tel accord est dans leur intérêt particulier et dans l’intérêt général des Canadiens et des Américains.
Recommandation 2
Que le gouvernement poursuive le dialogue avec les intervenants tant canadiens qu’américains au sujet de la canalisation 5. Auprès des décideurs américains, le gouvernement devrait souligner l’importance de la poursuite des opérations de la canalisation 5 pour l’approvisionnement énergétique, les emplois et l’activité économique dans les deux pays. Au Canada, le gouvernement devrait miser sur une approche inclusive obtenant l’apport d’un vaste éventail d’organisations et de particuliers, dont les Autochtones.
Recommandation 3
Que, à la lumière des renseignements dont le Comité spécial dispose, le gouvernement du Canada dépose un mémoire d’amicus curiae si aucun accord n’est conclu par négociation ou médiation entre Enbridge Inc. et l’État du Michigan relativement à la poursuite des opérations de la canalisation 5 avant la date limite pour le dépôt. Le mémoire devrait faire état de la position juridique du Canada sur l’exploitation de pipelines transfrontaliers, incluant, mais sans s’y limiter, de manière à informer le tribunal de tous les droits énoncés dans les traités et accords bilatéraux et multilatéraux, dont l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique concernant les pipe-lines de transit conclu en 1977.
Recommandation 4
Que le premier ministre du Canada et ses ministres entament des discussions directes et fréquentes avec le président des États-Unis et son administration à propos de la canalisation 5 afin de régler ce différend aussitôt que possible par la voie diplomatique.
Recommandation 5
Que, compte tenu de la menace extérieure qui pèse sur l’exploitation de la canalisation 5, le gouvernement du Canada évalue d’autres failles potentielles de l’infrastructure énergétique et des chaînes d’approvisionnement essentielles du Canada et établisse des plans de contingence qui protégeront les intérêts des Canadiens en cas de bouleversements.
Recommandation 6
Que le gouvernement du Canada établisse avec les acteurs de l’industrie des plans de contingence qui sont conçus pour garantir le transport rapide des produits de pétrole et de gaz canadiens destinés aux raffineries et aux secteurs du pays dépendants de la canalisation 5, si jamais le service en était interrompu.
Recommandation 7
Que les députés du Parlement du Canada et d’autres élus du pays discutent avec les représentants du Congrès américain et d’autres élus américains pour leur faire connaître l’importance de la poursuite des opérations de la canalisation 5, tant pour le Canada que pour les États-Unis, et que le Groupe interparlementaire Canada–États-Unis participe aussi à de tels efforts.