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FAAE Rapport du Comité

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Opinion supplémentaire du Nouveau Parti démocratique

Les néo-démocrates ont entamé cette étude en portant un intérêt particulier à plusieurs parties de la motion, à commencer par la position du Canada concernant le « système fondé sur des règles », la manière dont il aborde « les incidences de cette turbulence géopolitique croissante, de l’incertitude et de l’imprévisibilité sur les Canadiens » et celle dont il peut « faire preuve de leadership au sein des principales organisations multilatérales ». Nous remercions les analystes de leur excellent travail et nous remercions également l’ensemble des témoins d’avoir accepté de faire profiter le Comité de leur expertise.

Cela dit, nous sommes extrêmement mécontents que ce rapport exclue une portion importante des témoignages entendus au fils des réunions, témoignages qui portaient directement sur l’approche du gouvernement libéral en matière de droit international, de droits de la personne et de services consulaires ainsi que sur sa position concernant la crise qui déchire actuellement Israël et la Palestine.

Depuis plusieurs années, et plus particulièrement depuis les attaques du 7 octobre, le monde assiste à l’érosion de l’ordre international fondé sur des règles. Alors que le Canada s’est montré à la hauteur dans le dossier de l’Ukraine, on ne peut pas en dire autant dans celui d’Israël et de la Palestine. Le refus du gouvernement libéral de défendre le droit international et les droits de la personne dans le contexte de la guerre qui secoue la bande de Gaza constitue au contraire un exemple patent de la politique des deux poids, deux mesures du gouvernement et pourrait ternir la réputation du Canada auprès de ses alliés, surtout dans l’hémisphère sud. Bien que ce soit dans le cas d’Israël et de la Palestine que cette attitude se manifeste de la manière la plus marquée, elle est aussi derrière le refus du Canada de prendre la défense des enfants canadiens piégés dans le Nord-Est de la Syrie et le fait qu’il continue de vendre des armes à l’Arabie saoudite.

Il devrait en être autrement. Le droit international, pour citer le professeur Mark Kersten, est « la devise même de la diplomatie ». Le professeur Ardi Imseis a dit au Comité que « l’engagement déclaré du Canada à l’égard de l’ordre juridique international fondé sur des règles est essentiel au maintien de sa réputation morale dans le monde. Il est essentiel de faire du droit international le seul critère normatif de l’ordre international si on veut que la diplomatie future du Canada porte fruit. » Il a poursuivi en affirmant que « pour que l’engagement déclaré du Canada à l’égard du droit international se traduise par des gains concrets sur le plan diplomatique et renforce sa réputation à l’échelle internationale, il doit être sincère et crédible aux yeux des autres ».

Malheureusement, la crédibilité du Canada relativement au respect du droit international est remise en question, précisément parce que le gouvernement applique deux poids, deux mesures lorsqu’il est question d’Israël et de la Palestine. De nombreux témoins ont signalé que le Canada est redevenu un chef de file dans le domaine de la justice internationale et qu’il est au cœur de la création de la Cour pénale internationale. Pourtant, alors qu’il a appuyé sans réserve la cause des Ukrainiens, des Rohingyas et des Syriens devant les tribunaux internationaux, il a refusé de faire de même dans le cas des Palestiniens et des Israéliens. Le Canada s’est opposé à toutes les démarches entreprises devant la Cour internationale de justice à propos d’Israël et de la Palestine et il refuse de soutenir les démarches entreprises devant la Cour pénale internationale, même s’il s’agit des deux seuls recours s’offrant aux Palestiniens et aux Israéliens qui souhaitent obtenir justice. Ces choix montrent bien qu’aux yeux du Canada, le droit international et la quête de paix entre Israël et la Palestine font deux. Qui plus est, la position du Canada compromet son engagement déclaré à l’égard de l’ordre juridique international fondé sur des règles. Pour les néo-démocrates, c’est complètement inacceptable.

En fait, cette politique des deux poids deux mesures a grandement nui à la réputation du Canada de par le monde.

M. Kersten a dit ceci : « Ceux qui se tournent vers le Canada — les victimes d’atrocités, les diplomates, le personnel des organisations internationales et d’autres intervenants avec lesquels je collabore presque quotidiennement — veulent du leadership, et pas seulement un système fondé sur des règles […] Ils s’attendent à ce que le Canada joue un rôle de chef de file, mais ils se demandent pourquoi il ne veut pas assurer ce rôle ou n’est pas capable de le faire. » Selon M. Imseis, « Il y a deux poids, deux mesures, et cela sape notre crédibilité. » Farida Deif, de Human Rights Watch, estime que « la norme des deux poids, deux mesures [est] de plus en plus flagrante, [elle] mine la crédibilité du Canada et [elle] a de profondes répercussions sur les Canadiens et les gens du monde entier ». Alex Neve a affirmé au Comité que la position du Canada au sujet de la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice « ne passe pas inaperçue aux yeux des autres gouvernements ou de la société civile à l’échelle mondiale, ni au sein des Nations Unies, et ce n’est pas à notre avantage. Ce ne sera pas un atout lorsque nous voudrons faire entendre notre voix sur la situation en Israël et à Gaza, et c’est clair qu’il va y avoir des répercussions à plus grande échelle. »

Deux anciens ambassadeurs du Canada auprès des Nations Unies ont aussi témoigné dans le cadre de cette étude. L’honorable Allan Rock a pressé le Canada de « faire figure d’autorité en matière de justice pénale internationale et auprès de la Cour internationale de justice ». En réponse à une question sur les votes du Canada à l’égard d’Israël et de la Palestine, Louise Blais a dit ceci au Comité : « Il y a eu un coût à cela. C’est l’une des raisons pour lesquelles notre candidature [au Conseil de sécurité de l’ONU] n’a pas été retenue la dernière fois. En effet, de nombreux pays qui appuient le sort des Palestiniens savaient que le Canada pourrait ne pas voter en leur faveur. C’était donc un facteur. Lorsque le Canada vote dans le même sens que les États-Unis, Israël et peut-être une poignée d’autres pays, je dirais que nous sommes isolés. »

Les néo-démocrates pressent instamment le gouvernement de mettre fin à son attitude hypocrite quant à l’application du droit international et des droits de la personne à la crise entre Israël et la Palestine et lui demandent au contraire les appliquer de manière universelle, quelles que soient les répercussions politiques pour le lui.

Nous recommandons en outre ce qui suit au gouvernement du Canada :

  • Reconnaître immédiatement l’État de la Palestine afin que le dialogue se fasse entre deux États tenus d’assumer les responsabilités et les obligations qui leur reviennent en vertu du droit international et faire la promotion d’un processus de paix qui puisse un jour assurer la sécurité des Israéliens et des Palestiniens;
  • Soutenir entièrement les démarches de justice internationale entreprises devant la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale;
  • Ratifier le Protocole facultatif de la Convention contre la torture, ce que tous les gouvernements depuis près d’une vingtaine d’années ont refusé de faire, qu’ils soient libéraux ou conservateurs;
  • Mettre un terme à l’offre discriminatoire de services consulaires, notamment aux Canadiens du Nord-Est-de la Syrie;
  • Cesser de vendre des armes aux États, dont l’Arabie saoudite et Israël, qui sont partie à un conflit dans le cadre duquel, selon les Nations Unies et les spécialistes des droits de la personne, les populations civiles sont bombardées sans discernement;
  • Faire le nécessaire, sur le plan juridique, pour que la ministre des Affaires étrangères soit conseillée adéquatement quant aux obligations internationales du Canada.

Le Nouveau Parti démocratique, avril 2024