TRAN Rapport du Comité
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Opinion dissidente du Bloc Québécois sur le rapport
Améliorer l’efficacité et la résilience des chaînes d’approvisionnement du Canada
Le 7 octobre 2022
Introduction
Tout d’abord, le Bloc Québécois salue les membres du Comité ainsi que le personnel de la Bibliothèque du Parlement pour le professionnalisme dont ils ont fait preuve et le travail qu’ils ont accompli au cours de cette étude et remercie tous les témoins et citoyens qui ont nourri le débat sur ce qui doit être fait afin de rendre les chaînes d’approvisionnement plus résilientes.
Cependant, il est de l’avis du Bloc Québécois que le présent rapport non seulement ne touche pas le cœur du problème, mais contient des intrusions dans les champs de compétence du Québec et des provinces.
Manque de vision
Le présent rapport est celui d’un comité incapable d’aborder la problématique des chaînes d’approvisionnement de façon plus large que la simple situation du transport des biens. Il s’agit pourtant de problèmes tellement graves qu’ils nécessitent une approche large afin de les régler. Simplement se concentrer sur ce segment est au mieux de courte vue, au pire de l’aveuglement volontaire.
La réalité est que le comité, en plus d’étudier les problèmes directement reliés au transport, aurait dû se pencher sur la nécessité de raccourcir nos chaînes d’approvisionnement. La logique est pourtant simple : plus la chaîne d’approvisionnement est longue, plus les risques sont élevés que celle-ci vive des ratés. La pandémie nous a largement démontré cela, mais nous pourrions également penser aux goulots d’étranglement qui se forme dans certains ports ou encore au blocage de certaines voies de transport.
Il n’est donc pas viable pour le Québec et le Canada de continuer à dépendre de chaînes d’approvisionnement aussi longues, surtout dans un univers où règne la méthode du juste à temps. Il fallait donc se pencher sur les mesures à mettre en place afin de les raccourcir ce qui ne figure malheureusement pas aux recommandations du rapport.
Intrusions dans les champs de compétence du Québec et des provinces
Alors que le comité manque la cible quant à l’amélioration de la résilience de la chaîne d’approvisionnement, plusieurs recommandations figurant au rapport sont une invitation directe au gouvernement fédéral à intervenir dans des juridictions qui ne sont pas les siennes.
Relevons notamment les recommandations concernant le Volet immigration et le programme de formation en matière de transport.
Dans le premier cas, l’immigration économique relève du gouvernement du Québec en vertu de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains de 1991. Il n’a donc pas à recevoir une telle intervention du gouvernement fédéral alors que celui-ci est habilité à prendre des décisions sur ses besoins dans le domaine.
Dans le deuxième cas, la formation de la main-d’œuvre est aussi un champ de compétence exclusif du Québec. Le comité n’a donc pas à inviter le gouvernement fédéral à se mêler de ce qui ne le concerne pas.
Nous ne pouvons cautionner ces recommandations ainsi que toutes celles contenant ce genre d’intervention indésirable dans les affaires du Québec.
Encore une fois, les partis canadiens ne se gênent pas pour inviter le gouvernement fédéral à interférer dans ce qui ne le concerne pas. Il s’agit d’un manque de considération flagrant pour le Québec et les provinces qui sont pourtant les mieux placés pour comprendre quels sont leurs besoins. Cette mentalité du « Ottawa knows best » est illégitime sachant qu’Ottawa ne gère même pas correctement ce qui est de sa responsabilité. Il ne saurait donc gérer convenablement ce qui ne relève pas lui.
S’attaquer au problème de fond
Afin de vraiment régler les problèmes des chaînes d’approvisionnement, le comité aurait donc dû se concentrer sur ce qui dépend de lui, du moins en partie : le développement économique et la politique commerciale. Il y a un vaste chantier à entreprendre comme le soulignait, lors de son passage au comité, Hubert Rioux, chercheur de l’Institut de Recherche en Économie Contemporaine (IRÉC) :
« Comparativement aux économies occidentales qui mettent en œuvre actuellement des politiques de relocalisation très vigoureuses, le Canada se révèle plutôt modeste. Depuis les années 1980, et même en dépit des prises de conscience imposées par la crise sanitaire, l’État fédéral canadien persiste à favoriser une approche plus libérale et peu interventionniste du développement économique. Il ne s’est doté d’aucune politique industrielle à proprement parler. Cela demeure vrai deux ans après le dépôt du rapport du Conseil sur la stratégie industrielle du Canada. »
Ainsi, le Canada en refusant d’adopter des politiques industrielles et en refusant de mettre en place les mesures nécessaires au développement de capacité de production locale, il s’est rendu dépendant aux importations et, par le fait même, à des chaînes d’approvisionnement longue et fragile.
Il faut, si le Canada est sérieux dans sa volonté de rendre ses chaînes d’approvisionnement plus résilientes, qu’il mette en place les politiques nécessaires à la relocalisation de certaines industries stratégiques et qui favorise la substitution des importations. Des joueurs importants des industries de l’avenir ont notamment souligné au comité l’importance de telles politiques comme Lion Électrique par la voix de Patrick Gervais, Vice-Président, Marketing et Communications :
« […] Le fait de mettre des législations en place qui vont favoriser le développement ou du moins de produire et de manufacturer des produits au Canada, pour nous cela va de soi. Nous avons toujours dit, comme message, “on construit là où on vend”. Pour nous, c’est vraiment important.
Ensuite, le fait d’avoir toutes sortes de mesures pour favoriser, autant sur le plan de l’impact environnemental que d’autres mesures, c’est sûr que nous allons soutenir ces politiques. »
Parmi les mesures nécessaires, nous en retenons quatre ne figurant pas au rapport : l’imposition d’une tarification carbone sur les importations, la mise en place de politiques industrielles axées sur le raccourcissement des chaînes d’approvisionnement, l’imposition de quotas de contenu local dans les contrats publics et le soutien de la recherche et développement dans les petites et moyennes entreprises.
Celles-ci auront toutes pour effet d’une façon ou d’une autre de soutenir l’émergence d’une production locale forte qui nous permettra de substituer des parts importantes de nos importations.
Prenons seulement le cas de la tarification carbone des importations. Celle-ci aura le double avantage de rééquilibrer le marché entre les productions locales du Québec et du Canada qui ont une faible teneur carbone et les importations beaucoup plus polluantes, mais beaucoup moins chères et de mettre en place un incitatif important à la diminution de la production de gaz à effet de serre. Cette mesure a reçu l’appui de plusieurs intervenants au comité, dont celle de Dennis Darby, président-directeur général des Manufacturiers et exportateurs du Canada :
« Permettez-moi de vous dire que les taxes d’ajustement du carbone à la frontière sur les importations permettraient d’uniformiser les règles du jeu. C’est un domaine complexe, mais je suis d’accord, c’est un domaine qui pourrait aider le Canada à se rappeler qu’un tiers de notre économie est constitué d’exportations. Nous devons donc être en mesure d’exporter nos biens, nos matériaux et nos produits alimentaires de façon compétitive. Si nous sommes en mesure de le faire avec une empreinte carbone plus faible que celle d’un substitut provenant d’un autre marché, il y a certainement lieu d’envisager ces taxes d’ajustement du carbone dans l’ensemble des mesures destinées à réduire les gaz à effet de serre et à augmenter notre compétitivité. Je suis d’accord, cela permettrait d’uniformiser les règles du jeu et, dans certains cas, comme vous l’avez dit, cela procurerait un avantage aux fabricants canadiens, alors je suis pour. »
En mettant en place des mesures environnementales sévères sans tenir compte que le reste du monde n’est pas assujetti à ces mêmes normes, nous mettons nos entreprises en situation de désavantage par rapport aux entreprises étrangères. Il est donc essentiel de mettre en place cette mesure pour corriger les iniquités.
En appliquant une telle mesure comme le fera l’Union européenne en 2026, le gouvernement fédéral mettrait en place les conditions gagnantes à la relocalisation de production parties à l’étranger dans des secteurs d’importance. Cela serait un pas important vers une substitution importante de nos importations. Il est assez incompréhensible que le Canada veuille taxer le carbone chez nous, mais pas celui qui vient d’ailleurs. Se pourrait-il que le dogme de l’ouverture aveugle des marchés ait imprégné l’idéologie dominante canadienne au point qu’il en vienne à surpasser la lutte aux changements climatiques en termes de priorité ? Si c’est le cas, ce serait particulièrement inquiétant.
Les autres mesures que nous proposons vont également dans la même direction et parlent sensiblement d’elles-mêmes. Pourtant, nous ne comprenons pas pourquoi celles-ci ne sont pas déjà en place ici. La majorité des pays dans le monde ont de telles mesures et pourtant le Canada s’entête à ne pas les utiliser. Il ne s’agit de rien de révolutionnaire, seulement de bonnes mesures pour soutenir nos producteurs locaux.
En ce qui concerne les politiques commerciales et industrielles, la logique canadienne de non-soutien de la production locale nous échappe toujours. Le Canada ne se rend manifestement pas compte qu’ils sont les grands naïfs du commerce international en s’attachant à une politique libérale alors que la vaste majorité de nos partenaires et compétiteurs optent depuis plusieurs années pour la favorisation des produits locaux. Il s’agit malheureusement d’un énième exemple où le Canada par son action ou son inaction nuit à l’économie du Québec.
Conclusion
Nous nous inscrivons donc en dissidence du présent rapport, car celui-ci manque cruellement de vision et s’ingère dans les compétences du Québec. Si nous croyons qu’il est essentiel d’encourager nos échanges économiques avec l’étranger, nous sommes cependant d’avis que le libre-échange ne doit pas pour autant se faire au détriment de l’intérêt national et de la planète.
Le Canada ne semble donc pas avoir tiré de leçons des bris d’approvisionnement lors de la crise de la COVID-19 où l’on a vu nombre de pays prioriser leur intérêt avant celui des autres nations. Un phénomène tout à fait naturel en temps de crise. Le Canada a subi de plein fouet les conséquences de sa désindustrialisation où il a laissé aller passivement certains secteurs pourtant névralgiques. Il nous apparaît surprenant que l’on ne veuille pas remédier à la situation pour l’avenir.
Nous avions espoir que le comité comprendrait la nécessité d’actions fortes pour rendre nos chaînes d’approvisionnement plus résilientes tout en respectant les compétences constitutionnelles. Malheureusement, on nous prouve encore une fois qu’un autre jour passé dans le Canada n’amène qu’une nouvelle déception pour le Bloc Québécois et le Québec
Recommandations du Bloc Québécois
Que le gouvernement du Canada s’engage à mettre en place une tarification carbone sur les importations d’ici la fin 2026 à l’instar de l’Union européenne.
Que le gouvernement du Canada mette en place des politiques industrielles pour soutenir notamment financièrement les secteurs économiques stratégiques. Que ces politiques industrielles favorisent entre autres le maillage entre les producteurs et fournisseurs locaux. Que ces politiques industrielles soient orientées en vue de favoriser le raccourcissement des chaînes d’approvisionnement.
Que le gouvernement du Canada révise sa position en matière d’approvisionnement public afin notamment d’imposer des quotas de contenu local dans les contrats publics.
Que le gouvernement du Canada mette en place des mesures pour encourager et soutenir la recherche et le développement dans les petites et moyennes entreprises.