Tout acte tenant du mépris ou constituant une attaque contre les droits, pouvoirs et immunités de la
Chambre et de ses membres, soit par une personne ou un organisme de l’extérieur, soit par un de ses
membres, est considéré comme une « atteinte au privilège » et est
punissable par la Chambre [87] .
Il existe toutefois d’autres affronts contre la dignité et l’autorité du Parlement qui
peuvent ne pas constituer une atteinte au privilège comme telle. Ainsi, la Chambre revendique le droit de
punir au même titre que l’outrage tout acte qui, sans porter atteinte à un privilège
précis, nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut
fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions, ou transgresse l’autorité ou la
dignité de la Chambre, par exemple la désobéissance à ses ordres légitimes ou
des propos diffamatoires à son endroit ou à l’endroit de ses députés ou hauts
fonctionnaires [88] .
« Le fondement du pouvoir de punir les outrages, qu’il s’agisse d’un outrage au
tribunal ou aux chambres, est que les tribunaux et les chambres doivent pouvoir se prémunir contre les actes
qui entravent directement ou indirectement l’exercice de leurs fonctions [89] . »
En ce sens, toutes les atteintes au privilège constituent des outrages à la Chambre, mais les outrages
ne sont pas tous forcément des atteintes au privilège.
À la différence des « privilèges », les cas d’outrage ne peuvent
être dénombrés ni classés. Comme le Président Sauvé l’expliquait dans
une décision en 1980, « bien que nos privilèges soient définis, la violation de
privilège n’est pas circonscrite. On aura beau inventer de nouvelles façons de s’immiscer
dans nos délibérations, la Chambre pourra toujours conclure, dans les cas pertinents, qu’il y a
eu violation de privilège [90] ».
Tout comme il n’est pas possible de catégoriser ou délimiter les outrages, il n’est pas
davantage possible d’en catégoriser la « gravité ». Ils peuvent varier
grandement à cet égard, allant du manquement mineur au décorum à l’attaque grave
contre l’autorité du Parlement [91] .
À la Chambre des communes canadienne, la plupart des atteintes au privilège ressortent à
ce qui est perçu comme un outrage à l’autorité et à la dignité du Parlement
et de ses membres [92] .
Parmi les autres cas, mentionnons les accusations portées par un député contre un autre [93] ,
ou les allégations des médias concernant des députés [94] .
La divulgation prématurée de rapports et de délibérations de comités a souvent
fait l’objet de questions de privilège [95] .
Toutefois, là où il n’était pas possible d’identifier le responsable, on n’a
pas donné suite à l’affaire même s’il pouvait sembler s’agir d’un outrage [96] .
La réticence à user des pouvoirs de la Chambre pour réprimander, admonester ou emprisonner
quiconque porte atteinte à sa dignité ou son autorité, ou à celle de ses membres, semble
être devenue une constante dans la façon dont les privilèges parlementaires sont abordés.
Bien que la Chambre ait toujours l’option d’ordonner l’incarcération, on voit mal quelles
circonstances l’obligeraient à le faire [97] .
Les députés semblent s’être blindés contre les critiques, même lorsqu’elles
pouvaient paraître excessives ou injustifiées. Ils choisissent en général de rester stoïques
devant les critiques des médias plutôt que de risquer un conflit entre l’autorité de la
Chambre et la liberté de la presse [98] .
Il ne fait cependant aucun doute que la Chambre des communes canadienne a toujours les moyens de se protéger
contre la pure malveillance.
Au Canada, il est très rare que la Chambre ou un comité ait recommandé l’adoption de
sanctions. Dans un rapport de 1976, des réprimandes furent effectivement adressées à un ancien
député (Auguste Choquette) pour avoir déclaré que de nombreux parlementaires touchaient
des avantages pécuniaires excessifs. Devant le refus de l’ancien député de s’amender,
le comité conclut qu’il avait tenu des propos immodérés et irréfléchis, mais
recommanda de ne pas donner suite à l’affaire [99] .
Dans l’affaire Parry, en 1987, le Comité ne recommanda pas non plus de sanctions [100]
et le député mit fin à l’incident en présentant des excuses à la Chambre. Dans
l’affaire Jacob, le Comité observa que les gestes du député étaient mal inspirés,
mais qu’ils ne pouvaient être considérés comme un outrage ni comme une atteinte au privilège
parlementaire [101] .
La même décision fut rendue en 1998 relativement à l’intégrité de la Chambre et
du Président, la décision de ce dernier sur le fait d’arborer le drapeau à la Chambre ayant
fait l’objet de commentaires cités dans l’Ottawa Sun. Dans son rapport, le Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concluait que les déclarations attribuées
aux députés ne mettaient pas en cause l’intégrité de la Chambre ou du Président [102] .