La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …
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3. Les privilèges et immunités

Le privilège et l’outrage

Tout acte tenant du mépris ou constituant une attaque contre les droits, pouvoirs et immunités de la Chambre et de ses membres, soit par une personne ou un organisme de l’extérieur, soit par un de ses membres, est considéré comme une « atteinte au privilège » et est punissable par la Chambre [87] . Il existe toutefois d’autres affronts contre la dignité et l’autorité du Parlement qui peuvent ne pas constituer une atteinte au privilège comme telle. Ainsi, la Chambre revendique le droit de punir au même titre que l’outrage tout acte qui, sans porter atteinte à un privilège précis, nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions, ou transgresse l’autorité ou la dignité de la Chambre, par exemple la désobéissance à ses ordres légitimes ou des propos diffamatoires à son endroit ou à l’endroit de ses députés ou hauts fonctionnaires [88] . « Le fondement du pouvoir de punir les outrages, qu’il s’agisse d’un outrage au tribunal ou aux chambres, est que les tribunaux et les chambres doivent pouvoir se prémunir contre les actes qui entravent directement ou indirectement l’exercice de leurs fonctions [89] . » En ce sens, toutes les atteintes au privilège constituent des outrages à la Chambre, mais les outrages ne sont pas tous forcément des atteintes au privilège.

À la différence des « privilèges », les cas d’outrage ne peuvent être dénombrés ni classés. Comme le Président Sauvé l’expliquait dans une décision en 1980, « bien que nos privilèges soient définis, la violation de privilège n’est pas circonscrite. On aura beau inventer de nouvelles façons de s’immiscer dans nos délibérations, la Chambre pourra toujours conclure, dans les cas pertinents, qu’il y a eu violation de privilège [90]  ».

Tout comme il n’est pas possible de catégoriser ou délimiter les outrages, il n’est pas davantage possible d’en catégoriser la « gravité ». Ils peuvent varier grandement à cet égard, allant du manquement mineur au décorum à l’attaque grave contre l’autorité du Parlement [91] .

À la Chambre des communes canadienne, la plupart des atteintes au privilège ressortent à ce qui est perçu comme un outrage à l’autorité et à la dignité du Parlement et de ses membres [92] . Parmi les autres cas, mentionnons les accusations portées par un député contre un autre [93] , ou les allégations des médias concernant des députés [94] . La divulgation prématurée de rapports et de délibérations de comités a souvent fait l’objet de questions de privilège [95] . Toutefois, là où il n’était pas possible d’identifier le responsable, on n’a pas donné suite à l’affaire même s’il pouvait sembler s’agir d’un outrage [96] .

La réticence à user des pouvoirs de la Chambre pour réprimander, admonester ou emprisonner quiconque porte atteinte à sa dignité ou son autorité, ou à celle de ses membres, semble être devenue une constante dans la façon dont les privilèges parlementaires sont abordés. Bien que la Chambre ait toujours l’option d’ordonner l’incarcération, on voit mal quelles circonstances l’obligeraient à le faire [97] . Les députés semblent s’être blindés contre les critiques, même lorsqu’elles pouvaient paraître excessives ou injustifiées. Ils choisissent en général de rester stoïques devant les critiques des médias plutôt que de risquer un conflit entre l’autorité de la Chambre et la liberté de la presse [98] . Il ne fait cependant aucun doute que la Chambre des communes canadienne a toujours les moyens de se protéger contre la pure malveillance.

Au Canada, il est très rare que la Chambre ou un comité ait recommandé l’adoption de sanctions. Dans un rapport de 1976, des réprimandes furent effectivement adressées à un ancien député (Auguste Choquette) pour avoir déclaré que de nombreux parlementaires touchaient des avantages pécuniaires excessifs. Devant le refus de l’ancien député de s’amender, le comité conclut qu’il avait tenu des propos immodérés et irréfléchis, mais recommanda de ne pas donner suite à l’affaire [99] . Dans l’affaire Parry, en 1987, le Comité ne recommanda pas non plus de sanctions [100]  et le député mit fin à l’incident en présentant des excuses à la Chambre. Dans l’affaire Jacob, le Comité observa que les gestes du député étaient mal inspirés, mais qu’ils ne pouvaient être considérés comme un outrage ni comme une atteinte au privilège parlementaire [101] . La même décision fut rendue en 1998 relativement à l’intégrité de la Chambre et du Président, la décision de ce dernier sur le fait d’arborer le drapeau à la Chambre ayant fait l’objet de commentaires cités dans l’Ottawa Sun. Dans son rapport, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concluait que les déclarations attribuées aux députés ne mettaient pas en cause l’intégrité de la Chambre ou du Président [102] .


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