Lorsque surgit une situation que le gouvernement estime
urgente, un ministre peut proposer que la Chambre suspende l’application de
certains articles du Règlement relatifs aux préavis et aux heures et jours de
séance pour étudier la question [146] .
Ainsi, cette
disposition peut être invoquée pour annuler le préavis de présentation d’un
projet de loi ou de toute autre étape pour laquelle un préavis est normalement
exigé [147] .
En proposant
la motion, le ministre expose les raisons qui rendent la situation urgente et,
une fois que la motion a été appuyée, le Président saisit immédiatement la
Chambre de la question [148] .
Le Président
peut permettre un débat ininterrompu d’au plus une heure [149] .
Les
interventions sont limitées à 10 minutes chacune, et la motion ne peut faire
l’objet d’un amendement, à moins qu’il ne soit proposé par un autre ministre.
Pour mettre la question aux voix, le Président est tenu de demander aux députés
qui s’y opposent de se lever. Si moins de 10 députés le font, la motion est
automatiquement adoptée [150] ;
si 10 ou plus
le font, elle est considérée comme retirée [151] .
L’ordre
découlant de la motion adoptée s’applique uniquement aux délibérations qui y
sont précisées.
Cet
article du Règlement est relativement récent, et il a rarement été invoqué
depuis son adoption en 1968. Les motifs de son adoption remontent à 1964, année
où le premier ministre Pearson a proposé une motion sans préavis en vue de
dépêcher des forces canadiennes de maintien de la paix à Chypre. Même si la
motion semblait recueillir l’assentiment de toute la Chambre, certains députés
ont élevé des objections contre l’absence de préavis, soutenant qu’un préavis de
48 heures s’imposait avant qu’on ne puisse discuter d’une affaire aussi
importante. Faisant observer que le premier ministre avait obtenu la permission
de la Chambre, le vice-président a rejeté ces objections et permis à la Chambre
de passer à l’étude de la motion [152] .
Puis,
en 1966, lorsqu’il a été demandé à la Chambre de se saisir d’urgence de la grève
des contrôleurs de la circulation aérienne, le ministre des Travaux publics a
proposé une procédure permettant au gouvernement de s’attaquer à des affaires
urgentes. Il a donné l’explication suivante : « […] un simple député a le droit
de proposer l’ajournement de la Chambre pour permettre l’étude d’une question
urgente et d’importance publique pressante. […] Mais, anomalie curieuse, le
gouvernement n’est pas habilité par une disposition correspondante à saisir la
Chambre de mesures analogues sans préavis [153] . »
Même si des
députés de l’opposition estimaient qu’il fallait agir, la proposition du
ministre a été retirée [154] .
Lorsque la règle actuelle a été adoptée, deux ans plus
tard, en 1968, il était évident, d’après son libellé, que les événements de 1966
avaient été pris en considération. Le nouveau texte était semblable à celui
proposé en 1966. En proposant l’ajout de cette règle, le Comité spécial de la
procédure a écrit : « […] il semble raisonnable de surseoir à l’obligation
ordinaire de présenter un avis de motion pour mettre une affaire en délibération
[…] lorsque presque tous les députés en reconnaissent la nécessité. Le Comité
estime intolérable qu’une seule voix dissidente puisse frustrer l’espoir de tous
les autres députés [155]
[…] » La règle
est restée inchangée depuis, abstraction faite de modifications mineures
apportées en 1982 concernant la désignation des deux sexes.
Cet
article, conçu pour surseoir aux exigences de préavis et établir les heures et
les jours de séance, a été utilisé pour encadrer le débat d’une manière qui
s’apparente à l’attribution de temps [156] .