Adresse en réponse au discours du Trône
Désignation d’une journée d’étude
La tradition veut que, au début
d’une session, lorsque la Chambre revient du Sénat après le
discours du Trône, une journée soit désignée pour
discuter du discours. Le premier ministre présente une motion pour la
tenue d’un tel débat plus tard dans la journée ou à
la séance suivante de la
Chambre [1] .
Aucun
préavis n’est requis et, bien qu’elle soit en
général proposée et adoptée sans débat, la
motion peut faire l’objet d’un débat et
d’amendements [2] .
Lancement du débat
Le jour précisé dans la
motion concernant l’étude du discours du Trône, un
député d’arrière-ban du parti ministériel
propose qu’une adresse soit envoyée au gouverneur
général (ou, selon la personne qui aura prononcé le
discours, au souverain ou à l’administrateur du gouvernement du
Canada) pour « prier respectueusement Votre Excellence d’agréer
nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’ Elle a
adressé… ». En plus de permettre un débat de portée
générale sur les politiques annoncées par le gouvernement
dans le discours du Trône, cela donne aux députés
l’occasion, rarissime, d’aborder tout sujet qui leur tient à
cœur.
De 1867 à 1893, la motion sur
l’Adresse en réponse au discours du Trône comportait
habituellement plusieurs paragraphes, lesquels étaient examinés
séparément. Pris globalement, ces paragraphes formaient une
résolution qui était adoptée et renvoyée à un
comité spécial. Celui-ci faisait ensuite rapport de
l’Adresse à la Chambre qui, après adoption, se chargeait de
la faire grossoyer (c’est-à-dire de la faire transcrire sur
parchemin) et de la présenter au gouverneur général. Cette
lourde procédure a été modifiée en 1893, lorsque la
Chambre a adopté comme pratique d’étudier elle-même
l’Adresse, qui prend la forme d’une présentation au
gouverneur
général [3] .
Ce n’est qu’en 1903 que la motion sur l’Adresse en
réponse a été ramenée à un court paragraphe
de remerciements pour le discours du
Trône [4] .
Après le discours du motionnaire, un
deuxième député d’arrière-ban du parti
ministériel (habituellement parlant la langue officielle qui n’est
pas celle du motionnaire) obtient la parole pour traiter de la motion et
l’appuyer. D’habitude, le motionnaire et l’appuyeur sont
choisis parmi les députés élus le plus
récemment [5] .
Leurs interventions n’ont pas été suivies, dans le
passé, par la période usuelle de questions et observations de 10
minutes et, lorsque l’appuyeur a terminé, le chef de
l’Opposition ajourne normalement le
débat [6] .
D’habitude, le premier ministre ou un autre ministre — le leader
parlementaire du gouvernement ou le président du Conseil privé le
plus souvent — propose ensuite l’ajournement de la
Chambre [7] .
Reprise du débat sur l’adresse
Le Règlement prévoit six
jours additionnels de débat sur la motion et sur tout amendement qui y
est proposé [8] .
Ces journées sont désignées par un ministre, habituellement
le leader parlementaire du gouvernement, et ne sont pas nécessairement
consécutives. Depuis 1955, le Règlement stipule que lorsque la
reprise du débat sur la motion concernant l’Adresse figure à
l’ordre du jour, ce point a priorité sur tous les autres travaux de
la Chambre, sauf les affaires courantes ordinaires, les déclarations de
députés et les questions
orales [9] .
Les affaires
émanant des députés sont suspendues ces
jours-là [10] .
Règles du débat sur l’adresse
Journée des chefs
Le premier jour de la reprise du
débat est appelé la « journée des chefs ». Selon la
tradition, le chef de l’Opposition parle le premier et propose un
amendement à la motion principale. En temps normal, le premier ministre
prend ensuite la parole, suivi du chef du deuxième parti
d’opposition en importance, qui peut proposer un amendement à
l’amendement. La parole est ensuite donnée à tour de
rôle aux autres chefs des partis qui sont reconnus officiellement à
la Chambre [11] ,
mais
les chefs de partis qui détiennent moins de 12 sièges
n’obtiennent pas automatiquement la
parole [12] .
Bien que ce soit l’ordre
traditionnel, aucune règle précise ne fixe l’ordre dans
lequel les chefs de parti prennent la parole lors du débat sur
l’Adresse. Au cours de ce débat en 1989, le chef du deuxième
parti d’opposition en importance a pris la parole après le chef de
l’Opposition, et le premier ministre a prononcé son discours le
lendemain [13] .
Lorsque, en 1991, le premier ministre ne s’est de nouveau pas levé
pour prendre la parole après le discours du chef de l’Opposition,
le leader parlementaire de l’opposition a porté plainte
auprès du Président. Celui-ci a décrété que,
à défaut de disposition en ce sens dans le Règlement, les
députés ne sont pas tenus de respecter un ordre
d’intervention
particulier [14] .
Le
lendemain, le premier ministre s’est adressé à la Chambre,
suivi immédiatement de la chef du deuxième parti
d’opposition en importance.
Durée du débat sur l’Adresse
Jusqu’en 1955, la durée du
débat sur l’Adresse en réponse n’était
limitée d’aucune façon; le débat a ainsi varié
d’un jour au nombre record de
28 [15] .
La Chambre
l’a alors limité pour la première fois en acceptant, selon
les recommandations d’un comité spécial sur la
procédure, de le restreindre à 10 jours et d’ajouter des
séances en matinée (qui ne faisaient pas alors partie des
séances normales) pour la durée du
débat [16] .
Cette durée a ensuite été ramenée à huit
jours en 1960 [17]
et
le Règlement a de nouveau été modifié en 1991 pour
le limiter à six
jours [18] .
À plusieurs reprises cependant la
Chambre s’est prononcée sur la motion sans que le débat ait
duré le nombre maximum de jours prévu par le
Règlement [19].
Il est aussi arrivé qu’une prorogation ou une dissolution vienne
interrompre le débat : en 1988, seuls le motionnaire et l’appuyeur
ont pris la parole avant que la session ne prenne fin par la prorogation
après seulement 11 séances, sans reprise du débat sur
l’Adresse; en 1997, lorsque la session a pris fin quand le Parlement fut
dissous pour des élections générales après 164
séances, la Chambre n’avait consacré que 5 des 6 jours
prévus au débat sur
l’Adresse [20].
Comme l’indique le Règlement,
toute journée inutilisée peut être ajoutée, si la
Chambre donne son aval, au nombre des jours désignés de la
période des subsides dont ils font partie, mais cette règle
n’a jamais été appliquée depuis son entrée en
vigueur en
1968 [21] .
Durée des interventions lors du débat sur l’Adresse
À l’exception du premier
ministre et du chef de l’Opposition (leur temps de parole est
illimité, mais leur intervention n’est pas suivie de questions et
d’observations), les députés peuvent parler pendant au plus
20 minutes, et une période de questions et d’observations de 10
minutes peut ensuite
s’engager [22] .
La Chambre a parfois donné l’occasion à d’autres chefs
de parti de parler pendant plus de 20 minutes sans période
subséquente de questions et
d’observations [23] .
Tout député peut intervenir dans ce débat, mais
l’ordre des intervenants suit l’ordre général de la
représentation des partis à la Chambre. Une tendance soit à
réduire la durée des interventions, y compris la période de
questions et d’observations, soit à supprimer complètement
celle-ci, s’est manifestée par moments au cours du débat
afin de permettre au plus grand nombre possible de députés
d’intervenir [24] .
Mise aux voix des amendements et conclusion du débat sur l’adresse
Aux premiers temps de la
Confédération, certains estimaient qu’on ne devrait pas
chercher à modifier la motion sur l’Adresse en réponse au
discours du
Trône [25] .
En
1873, les premiers amendements à la motion sur l’Adresse ont
été proposés lorsqu’on a formulé une motion de
blâme envers le gouvernement pour sa conduite dans le « scandale du
Pacifique ». Bien qu’un sous-amendement l’ait par la suite
transformée en vote de confiance à l’égard du
gouvernement [26] ,
le
Parlement a été prorogé à la suite d’un
changement de gouvernement avant que les amendements ne soient mis aux voix. Des
amendements ont de nouveau été proposés en 1893 et
1899 [27] .
Au cours des
40 années qui ont suivi, des amendements ont souvent été
proposés, mais pas de façon systématique. Ce n’est
qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale que la pratique de
proposer des amendements à la motion sur l’Adresse s’est
enracinée.
Jusqu’en 1955, le Règlement ne
régissait aucunement la présentation des motions
d’amendement ou leur mise aux voix. Comme pour tout amendement
proposé à une motion, la question n’était mise aux
voix que lorsque plus un seul député ne se levait pour demander la
parole. Un nouvel article fixant la façon de disposer des propositions
d’amendement a alors été
adopté [28] .
Sans indiquer quand les amendements doivent
être présentés ou même s’il en faut, le
Règlement renferme des dispositions sur la mise aux voix de tous les
amendements proposés avant que la Chambre ne se prononce sur la motion
principale : le deuxième jour de la reprise du débat, la Chambre se
prononce sur tout sous-amendement dont elle est saisie; elle fait de même,
le quatrième jour du débat, pour tout amendement et
sous-amendement qui subsistent. La présentation d’amendements
pendant les deux derniers jours du débat est interdite.
Selon la pratique récente, le chef
de l’Opposition propose un amendement le premier jour de la reprise du
débat. En temps normal, un sous-amendement est ensuite proposé par
le chef du deuxième parti en importance. Il n’est cependant pas
rare qu’un autre député de ce parti s’en
charge [29] .
La Chambre doit se prononcer sur le premier
sous-amendement le deuxième jour désigné; le
Président interrompt alors le débat 15 minutes avant l’heure
habituelle d’ajournement pour le mettre aux
voix [30] .
Il est
permis de proposer d’autres sous-amendements le troisième ou le
quatrième jour. Le Président interrompt le débat 30 minutes
avant l’heure habituelle d’ajournement le quatrième jour pour
mettre aux voix tout amendement ou sous-amendement à
l’étude [31] .
Aucun autre amendement à la motion principale n’est autorisé
les cinquième et sixième
jours [32] .
À
moins que le débat ne soit déjà terminé, le
Président interrompt enfin les délibérations 15 minutes
avant l’heure habituelle d’ajournement le sixième jour pour
mettre aux voix toutes les questions nécessaires afin de pouvoir statuer
sur la motion
principale [33] .
Depuis
qu’à la suite des modifications de 1991 le Règlement limite
le débat sur le discours du Trône à six jours, la Chambre
s’est prononcée à trois reprises sur un sous-amendement le
deuxième jour et sur un sous-amendement et un amendement le
quatrième
jour [34] .
Étant donné la nature
générale de la motion, la règle de la pertinence ne
s’applique pas rigoureusement à l’amendement proposé
(contrairement aux sous-amendements). La jurisprudence indique toutefois
qu’un amendement doit ajouter un élémen distinct, tandis
qu’un sous-amendement doit, pour être pertinent, viser
l’amendement sans rien soulever de
nouveau [35] .
Un
sous-amendement qui aurait pour résultat, en y ajoutant des mots, de
faire de l’amendement une motion de défiance envers
l’Opposition officielle a été jugé irrecevable parce
que « les votes de confiance ne sont dirigés que vers le gouvernement
du jour [36] ».
Le
Président a jugé irrecevables des amendements qui ne lui
semblaient pas contester directement les politiques
gouvernementales [37]
ou qui visaient à augmenter les dépenses, ce qui exige une
recommandation
royale [38] .
Un
amendement semblable à un autre sur lequel la Chambre
s’était déjà prononcée au cours du
débat a également été
rejeté [39] .
L’Adresse en réponse au
discours du Trône a été modifiée par un amendement en
deux occasions seulement. Dans chaque cas, l’amendement d’un
député de l’opposition avait été
modifié par un sous-amendement proposé par un député
du parti
ministériel [40] .
Grossoiement de l’adresse
Immédiatement après
l’adoption de la motion sur l’Adresse en réponse au discours
du Trône, la Chambre adopte, sans débat ni amendement, une motion
priant les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat, une
fois l’Adresse grossoyée (transcrite sur parchemin), de la
présenter en personne au gouverneur
général [41] .
Habituellement, les Présidents sont accompagnés de quelques
députés invités (dont le motionnaire et l’appuyeur de
l’Adresse, ainsi que les leaders parlementaires et les whips des
différents partis) et les Greffiers des deux chambres.