L’origine du processus
législatif remonte à l’ère médiévale.
Dans les premiers temps de la formation du Parlement britannique, les
requêtes des Communes en matière de législation
étaient adressées au roi sous la forme de
pétitions [4] .
Lorsque le roi convoquait le Parlement pour obtenir des crédits, les
Communes lui transmettaient alors, par écrit ou de vive voix, les
pétitions pour lesquelles, en retour, elles souhaitaient obtenir son
assentiment. Les pétitions accueillies favorablement par le
roi [5]
étaient
ensuite rédigées par ses conseillers sous forme de
statuts [6]
consignés dans un registre (le Statute Roll). Ces statuts devaient
exprimer le libellé de la pétition et la réponse du roi,
mais il arrivait souvent que le roi et ses conseillers prennent
l’initiative de modifier le libellé de la pétition de
façon substantielle et, dans certains cas, ne respectent pas la
réponse
donnée [7] .
Une étape importante du processus
fut franchie en 1414 lorsque les Communes demandèrent à Henri V
(1413-1422) d’être considérées « autant comme
partie consentante que comme pétitionnaires » et demandèrent
également que leurs pétitions, lorsque formulées sous forme
de statut, ne soient plus modifiées sans leur
consentement [8] .
Quelques années plus tard, sous le règne d’Henri VI
(1422-1461; 1470-1471), les Communes réussirent à faire instaurer
la pratique voulant que leurs requêtes en matière de
législation soient présentées au roi sous la forme de
projets de loi et elles obtinrent du roi l’assurance que ceux-ci ne
seraient pas modifiés sans leur
consentement [9] .
L’évolution du rôle des
Communes dans le processus législatif a aussi été
marquée par les changements qui furent apportés à la
formule d’édiction des statuts. Depuis le début du
règne d’Edouard III (1327-1377), les mots « à la demande
des Communes » étaient utilisés comme formule
d’édiction. Sous le règne d’Henri VI, les mots
« par autorité du Parlement » firent leur apparation dans les
textes de loi, consacrant ainsi l’influence grandissante des Communes dans
le processus
législatif [10] .
À partir du moment où il fut
admis que les statuts devaient refléter fidèlement les
requêtes des Communes en matière de législation, il devint
nécessaire d’établir des règles de procédure
devant guider la présentation et l’adoption des projets de loi.
À la fin du règne d’Elizabeth I (1558-1603), la pratique des
trois lectures, sans débat à l’étape de la
première lecture, et du renvoi du projet de loi à un comité
après la deuxième lecture, était déjà bien
établie [11] .
Avant la Confédération
Dans les années
précédant la Confédération, les assemblées
des colonies canadiennes s’appuyaient sur les traditions parlementaires
britanniques pour la conduite de leurs délibérations. Les
assemblées législatives du Haut et du Bas-Canada qui furent
instituées par l’ Acte constitutionnel de 1791
s’inspirèrent de la procédure parlementaire
britannique [12] .
Le
processus législatif de l’Assemblée du Haut-Canada
n’était cependant pas aussi élaboré que celui de
l’Assemblée du Bas-Canada qui avait, dès 1792, adopté
un plus grand nombre de règles de procédure pour l’adoption
de ses projets de
loi [13] .
Le premier code de procédure
canadien, qui parut en mars 1793 sous le titre Règles et
règlements de la Chambre d’Assemblée du
Bas-Canada [14],
prévoyait des dispositions devant régir autant la
présentation que l’adoption des projets de loi de cette
assemblée. À cette époque, on confiait souvent à des
comités le soin d’élaborer un projet de
loi [15] .
Tout projet
de loi devait être présenté par voie de motion, recevoir
trois lectures dans les deux
langues [16]
et ne
pouvait faire l’objet d’amendements ni être renvoyé
à un comité avant d’avoir subi l’étape de la
deuxième
lecture [17].
Tout
projet de loi devait également avoir été imprimé
avant la deuxième lecture. Après avoir été
adoptés par l’Assemblée, les projets de loi étaient
transmis au Conseil législatif pour recevoir l’assentiment des
membres du Conseil et, éventuellement, la sanction
royale [18] .
Lors de l’union du Haut et du
Bas-Canada en 1840, les législateurs durent s’entendre sur une
même procédure. La plupart des règles adoptées
à ce moment-là furent celles qui étaient en vigueur
à l’Assemblée du
Bas-Canada [19] .
La
procédure relative à l’adoption des projets de loi
d’intérêt public demeura essentiellement la
même [20] .
On
adopta cependant plusieurs dispositions pour traiter des projets de loi
d’intérêt
privé [21] .
Depuis la Confédération
Lorsque la Chambre des communes du Canada
s’est réunie la première fois, le 6 novembre 1867, elle
entreprit ses travaux sous le régime des règlements de
l’Assemblée législative de la Province du Canada, lesquels
comprenaient déjà des dispositions relatives aux
délibérations sur les projets de loi. Le 20 décembre 1867,
elle entérinait le rapport d’un comité spécial qui
avait été chargé d’aider le Président à
établir des règles de procédure pour la Chambre. Le seul
changement important qui fut alors apporté aux règles de
l’ancienne Assemblée législative du Canada visait
principalement le processus d’examen des projets de loi
d’intérêt
privé [22] .
Conséquemment, les articles qui figuraient dans le Règlement de
l’ancienne Assemblée législative du Canada, sous la rubrique
« Délibérations sur les
Bills » [23] ,
furent reproduits intégralement dans la première édition du
Règlement de la Chambre des communes.
Quelques-unes des règles relatives
au processus législatif en vigueur à la
Confédération le sont encore de nos jours. On peut citer notamment
les articles du Règlement visant à interdire la
présentation de projets de loi en blanc ou dans une forme
incomplète, et ceux qui stipulent que tout projet de loi doit être
soumis à trois lectures en des jours différents, être
imprimé dans les deux langues officielles et être certifié
par le Greffier de la Chambre à chacune des
lectures [24] .
Depuis 1867, les règles de
procédure qui régissent le processus législatif ont fait
l’objet de nombreuses modifications visant à faciliter
l’examen des projets de loi d’intérêt public, à
élargir le rôle des comités et à permettre une plus
grande participation des députés. Par exemple, jusqu’en
1913, un député devait solliciter l’autorisation de la
Chambre s’il souhaitait présenter un projet de loi. Cette motion
pouvait faire l’objet d’un débat et
d’amendements [25] .
En avril 1913, la Chambre décida que les motions d’autorisation
n’étaient plus sujettes à débat ni à
amendements [26] .
De
plus, en 1955, elle ajouta à son Règlement une autre disposition
afin de préciser la pratique voulant que le député qui
proposait une telle motion soit autorisé à donner une brève
description du projet de
loi [27] .
En 1991, la
Chambre modifia à nouveau le Règlement pour faire en sorte que les
motions d’autorisation soient réputées adoptées sans
débat ni amendement ni mise aux
voix [28] .
Certaines règles de procédure
furent également modifiées afin de permettre à la Chambre
d’expédier ses affaires. De la Confédération
jusqu’en 1927, il n’y avait pratiquement aucune limite de temps pour
la durée des discours des députés. Les débats sur
les projets de loi pouvaient parfois s’étendre sur plusieurs
jours [29] .
En 1927, la
Chambre adopta une règle qui imposait une limite aux discours de la
majorité des
députés [30] .
Cette règle fondamentale fut maintenue sans modification jusqu’en
1982, année où la Chambre incorpora au processus législatif
des dispositions spécifiques devant régir la durée des
discours et la période des questions et
observations [31] .
Au fil des ans, divers comités
spéciaux se sont penchés sur les règles de procédure
devant régir le processus
législatif [32] .
En 1968, la Chambre confiait au Comité spécial de la
procédure et de l’organisation de la Chambre le soin de
réviser en profondeur le processus
législatif [33] .
Dans son troisième rapport, le Comité recommanda des changements
tendant à supprimer les pratiques
désuètes [34] ,
à donner davantage aux députés l’occasion de prendre
part de façon significative à l’étude et à la
mise en forme des projets de loi, et à définir les étapes
décisives de l’adoption d’un projet de
loi [35] .
Parmi les
principales dispositions qui furent alors adoptées, on compte notamment
le renvoi aux comités permanents ou spéciaux des projets de loi
autres que ceux fondés sur des motions de subsides et de voies et moyens,
le rétablissement de l’étape du rapport comme stade de
délibérations dans le processus législatif et, lors de
l’étude menée à cette étape, la
réduction de la durée maximale de la majorité des discours
ainsi que l’autorisation accordée au Président de choisir et
de regrouper les
amendements [36] .
Au début des années 1980, des
comités spéciaux ayant comme mandat d’examiner la
procédure de la Chambre se sont de nouveau penchés sur le double
enjeu de l’accélération et de l’approfondissement de
l’examen des projets de loi et de l’élargissement du mandat
des comités. En mars 1983, une étude recommandait la
création de comiés législatifs qui seraient chargés
d’examiner à fond les projets de
loi [37] .
Bien que les
recommandations émanant de cette étude n’aient pas
été adoptées, le Comité spécial sur la
réforme de la Chambre proposa, en 1984, une recommandation visant la
création de comités législatifs et recommanda de plus que
les projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens soient
également renvoyés à des comités législatifs.
Ce comité fit valoir que l’étude de projets de loi
complexes, en petits comités constitués d’un groupe de
députés spécialisés, était
préférable à leur examen en comité
plénier [38] .
Ces deux recommandations furent intégrées aux modifications que
l’on apporta au Règlement le 27 juin
1985 [39] .
Quelques années plus tard, en avril
1991, la Chambre apporta des changements substantiels à son
Règlement dans le but notamment de permettre l’adoption automatique
des motions de dépôt et de première lecture des projets de
loi, de renvoyer, sur proposition d’un ministre après consultation,
un projet de loi à un comité permanent ou spécial
plutôt qu’à un comité législatif,
d’exiger un délai de deux jours de séance plutôt que
de 48 heures entre le moment où il a été fait rapport
d’un projet de loi et celui du début de l’étude
à l’étape du rapport, et d’exiger un préavis
écrit de 24 heures pour toute motion relative à des amendements
apportés à un projet de loi par le
Sénat [40] .
Au début de la 35e
législature en 1994, le Règlement fut à nouveau
modifié pour apporter une plus grande souplesse au processus
législatif [41] .
On y ajouta de nouvelles dispositions relatives à
l’élaboration et au dépôt de projets de loi par des
comités et on offrit l’option de déférer les projets
de loi à des comités permanents, spéciaux, ou
législatifs. L’obligation de déférer à un
comité plénier tout projet de loi fondé sur une motion de
subsides était cependant maintenue. Par ailleurs, il devenait possible
pour un ministre de proposer le renvoi d’un projet de loi
d’initiative ministérielle à un comité avant la
deuxième lecture.
Bien que la Chambre soit revenue depuis
à la pratique antérieure qui consistait à renvoyer
l’examen de projets de loi uniquement à des comités
permanents ou spéciaux, les dispositions relatives au renvoi des projets
de loi à des comités législatifs n’ont pas
été modifiées. Elles sont toujours en vigueur, mais
n’ont jamais été utilisées depuis les changements au
Règlement en 1994.