L’examen systématique des
décrets-lois par le Parlement est relativement récent. Au
début de la Confédération cet examen se résumait
à obtenir l’information nécessaire, au moyen
d’« adresses » portant dépôt de documents, à
laquelle le Parlement pouvait donner suite s’il le jugeait
bon [2] .
Ce manque de
surveillance suivie est peut-être compréhensible puisque, pour
reprendre l’expression d’un expert, « sauf pendant la
période de guerre allant de 1914 à 1919, on ne saurait dire
qu’avant 1939 le champ d’activité du gouvernement
fédéral était tel que le Parlement manquait de temps pour
tenir l’exécutif à
l’œil [3] ».
Il ne faut pas en conclure qu’il y avait peu de décrets-lois. En
réalité, le nombre de règlements et de décrets
était suffisant pour justifier en 1889 la publication d’un ouvrage
de 1126 pages, en deux volumes, The Consolidated Orders in Council of
Canada [4] .
En 1914, le Parlement adopte la Loi sur les mesures de guerre, un cas qui
fait figure d’extrême dans la délégation de pouvoirs
législatifs au Cabinet. Cette loi autorise le gouverneur en conseil
à proclamer l’état de guerre, d’invasion ou
d’insurrection réel ou appréhendé et « de faire
de temps à autre tels ordres et règlements qu’il peut,
à raison de l’existence réelle ou appréhendée
de la guerre, d’une invasion ou insurrection, juger nécessaires ou
à-propos pour la sécurité, la défense, la paix,
l’ordre et le bien-être du
Canada [5] ».
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, le nombre de décisions
à prendre rapidement est considérable et le pouvoir de prendre des
décisions réglementaires est donc donné de plus en plus aux
ministres, ministères, conseils et autres organismes de la
Couronne [6] .
C’est à cette période qu’a d’abord fait surface
l’idée de déposer périodiquement à la Chambre
les décrets du conseil ayant effet de loi et de les renvoyer à un
comité parlementaire pour examen puisque le Parlement a pour rôle
d’appuyer et de régir l’exécutif de manière
à ce qu’il demeure
responsable [7] .
L’après-guerre est
marqué par l’expansion de l’appareil gouvernemental et le
recours croissant aux décrets pour gérer les affaires publiques.
Bien que la pratique de déposer les règlements à la Chambre
soit maintenue après la guerre, le « gouvernement par
décrets » suscite beaucoup de critiques. La Loi sur les
règlements adoptée en 1950 exige que « tous les
décrets, ordonnances, règlements et proclamations, faits ou
émis en vertu de pouvoirs législatifs
délégués par le Parlement » soient publiés et
déposés à la Chambre de manière systématique
et uniforme [8] .
Même si les règlements et décrets sont alors examinés
par le Bureau du Conseil privé pour en assurer l’uniformité
et la clarté, aucune disposition de cette loi ne vise à tenir
l’exécutif responsable devant le Parlement des décrets-lois
qu’il prend.
En 1964, le Comité spécial de
la procédure et de l’organisation recommande de charger un
comité parlementaire d’examiner les règlements pris en vertu
d’une délégation de pouvoirs législatifs et de
signaler au Parlement tout règlement ou instrument qui, à son
avis, outrepasse le pouvoir délégué par la
loi [9] .
Sa
recommandation n’a cependant pas de suite. En 1968, le Comité
spécial sur les instruments statutaires reçoit comme mandat de
« faire rapport sur les procédures de révision, par la
Chambre, des actes établis en vertu d’une loi quelconque du
Parlement du
Canada [10] ».
Après un examen approfondi de la Loi sur les règlements et
des procédures d’examen d’autres parlements du Commonwealth,
le comité présente son troisième Rapport en octobre
1969 [11] .
En plus de
reprendre sa recommandation de charger un comité parlementaire
d’examiner les décrets-lois, il préconise plusieurs
modifications à la Loi sur les règlements et de nouvelles
procédures pour la rédaction et la publication des
règlements. En 1970, le gouvernement annonce les suites qu’il
entend donner au rapport, à savoir le remplacement de la Loi sur les
règlements par la Loi sur les textes réglementaires, la
publication de nouvelles directives du Cabinet sur la rédaction et la
publication des règlements et la modification du Règlement de la
Chambre en vue de créer un comité
d’examen [12] .